Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20111031


Dossier : IMM-1432-11

Référence : 2011 CF 1234

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 31 octobre 2011

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

 

DALAL EL KAISSI

(alias DALAL FAHED EL KAISSI),

KHEIREDDINE KADDOURA ET

CHAYMAA RIM KADOOURA. NASSIMA KADDOURA, FAHED KADOOURA, (alias FAHED KHEIREDDI KADDOURA.),

KHALED KADDOURA (alias KHALED KHEIREDD KADOOURA) ET KAMEL KADDOURA (alias KAMEL KHEIREDDDI KADDOURA), REPRÉSENTÉS PAR LEUR TUTRICE À L’INSTANCE, DALAL EL KAISSI

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), datée du 11 février 2011. La Commission leur a refusé la qualité de réfugiés au sens de la Convention et celle de personnes à protéger, aux termes des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR).

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, la présente demande sera accueillie.

 

I.          Les faits

 

[3]               Les demandeurs (Dalal El Kaissi et Kheireddine Kaddoura ainsi que leurs cinq enfants, Chaymaa Rim Kadooura, Nassima Kaddoura, Fahed Kadooura, Khaled Kaddoura et Kamel Kaddoura), sollicitent l’asile en alléguant des menaces proférées contre le père, Kheireddine Kaddoura (le demandeur principal). Au Liban, le Hezbollah soupçonne le demandeur principal d’être un collaborateur d’Israël. Les demandeurs sont des citoyens du Liban, à l’exception de Fahed Kadooura et de Khaled Kaddoura, qui sont citoyens des États-Unis d’Amérique.

 

[4]               Le demandeur principal était propriétaire d’une résidence d’été à Al Hibaria, un village sous occupation militaire israélienne. En 1999, deux hommes masqués se sont présentés à la résidence d’été en prétendant qu’ils fuyaient les Israéliens et qu’ils cherchaient un endroit où se cacher. Craignant que sa maison ne soit confisquée par les Israéliens, le demandeur principal a refusé et leur a dit qu’il informerait l’officier qui patrouillait dans la région. Les hommes lui ont répondu qu’ils tueraient sa famille s’il ne les aidait pas, et ils l’ont accusé de collaborer avec les Israéliens. Au moment de partir, ils ont dit au demandeur principal de ne pas rapporter ce qui était arrivé.

 

[5]               En 2000, le Hezbollah a pris le contrôle de la zone entourant la résidence d’été et s’est mis à chercher des collaborateurs. La famille a quitté la résidence d’été, mais a continué d’être visitée et menacée par le Hezbollah. La famille est alors partie pour le Bénin.

 

[6]               Le demandeur principal s’est également rendu aux États-Unis en 2005, pour visiter ses enfants issus d’un mariage précédent. C’est alors qu’il a appris que, lors d’un récent retour au Liban, son frère avait été détenu et interrogé sur l’endroit où il se trouvait. Le demandeur principal affirme aussi qu’un mandat d’arrêt a été délivré contre lui en 2007.

 

[7]               Par la suite, la famille a décidé de rester aux États-Unis. Elle est arrivée dans le pays en 2005, mais aucune demande d’asile n’a été faite avant 2007 ou 2008. Le demandeur principal affirme qu’il a d’abord rencontré des conseillers ou des techniciens juridiques, qui lui ont dit que le dépôt d’une demande d’asile ne serait pas une bonne chose. Il s’est d’abord adressé à un avocat américain, spécialisé dans le droit d’asile, juste avant de déposer sa demande d’asile. Sa demande d’asile a cependant été rejetée par les autorités américaines, et il n’a pas fait appel.

 

[8]               En 2009, le demandeur principal et sa famille sont venus au Canada et ont déposé des demandes d’asile au point d’entrée.

 

II.         La décision faisant l’objet du contrôle

 

[9]               La Commission a estimé qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve crédibles pour conclure à une possibilité sérieuse que les demandeurs connaissent la persécution ou soient exposés à une menace pour leur vie ou au risque de subir des peines cruelles et inusitées à leur retour au Liban. La Commission s’est surtout interrogée sur l’absence de documents corroborants faisant état de menaces récentes envers le demandeur principal. La demande d’asile n’était pas accompagnée d’une copie du mandat d’arrêt prétendu, lequel aurait été délivré en 2007.

 

[10]           La Commission a estimé aussi que le comportement du demandeur principal n’était pas compatible avec une véritable crainte de retourner au Liban. Le visa américain du demandeur principal a expiré six mois après son arrivée en 2005 aux États-Unis, et il a attendu jusqu’en 2007 ou 2008 pour présenter une demande d’asile. Le demandeur principal a soutenu qu’on lui avait d’abord déconseillé de présenter une demande d’asile et qu’il pensait que son fils le parrainerait, mais la Commission a estimé qu’il avait été lent à déposer sa demande d’asile aux États-Unis, ou qu’il avait hésité à le faire. Elle a aussi relevé que le demandeur principal avait quitté les États-Unis sans faire appel du rejet de sa demande d’asile.

 

[11]           La Commission a considéré que le demandeur principal s’était réclamé à nouveau de la protection du Liban. Il avait visité les États-Unis en 2000 et en 2004. Après la première visite, il était retourné dans le pays dont il avait la nationalité, affirmant qu’il ne voulait pas être séparé de sa famille. La Commission a jugé que la décision du demandeur principal de retourner dans le pays où il serait exposé à un risque montrait qu’il n’avait pas une crainte subjective.

 

III.       Les questions en litige

 

[12]           Cette demande soulève les questions suivantes :

a)         Y a-t-il eu manquement à la justice naturelle ou à l’équité procédurale en raison de l’incompétence du conseil, qui n’a pas produit de lettre confirmant la délivrance d’un mandat d’arrêt contre le demandeur principal?

 

b)         La manière dont la Commission a apprécié la crainte subjective du demandeur principal de retourner au Liban était-elle raisonnable?

 

c)         Était-il raisonnable pour la Commission de conclure que le demandeur principal s’était réclamé à nouveau de la protection du Liban?

 

IV.       La norme de contrôle

 

[13]           Les questions d’équité procédurale sont contrôlées d’après la norme de la décision correcte (voir l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, 2009 CarswellNat 434, au paragraphe 43).

 

[14]           En revanche, les questions touchant aux faits, au pouvoir discrétionnaire ou à la politique, de même que les questions dans lesquelles le droit et les faits ne peuvent être aisément dissociés, commandent généralement la norme de la décision raisonnable (arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 51). Comme on peut le lire au paragraphe 47 de l’arrêt Dunsmuir, le caractère raisonnable d’une décision « tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

V.        Analyse

 

Question A : l’équité procédurale

 

[15]           Il est bien reconnu que l’incompétence d’un conseil peut constituer un manquement à l’équité procédurale justifiant l’annulation d’une décision. La Cour suprême du Canada écrivait, dans l’arrêt R c. G.D.B., 2000 CSC 22, 2000 Carswell Alta 348, au paragraphe 26, qu’« il faut démontrer, dans un premier temps, que les actes ou les omissions de l’avocat relevaient de l’incompétence, et, dans un deuxième temps, qu’une erreur judiciaire en a résulté ».

 

[16]           Dans le contexte du statut de réfugié, la jurisprudence de la Cour fédérale donne les mêmes directives. Une récente décision du juge Paul Crampton, Memari c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1196, 2010 CarswellNat 4557, résume les facteurs à prendre en compte, au paragraphe 36 :

[36]      Cependant, dans les poursuites intentées en vertu de la LIPR, l’incompétence de l’avocat ne constituera un manquement aux principes de justice naturelle que dans des [traduction] « circonstances extraordinaires » (Huynh c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, (1993), 65 F.T.R. 11, à la page 15 (C.F. 1ère inst.). En ce qui concerne le volet « examen du travail », « l’incompétence ou la négligence du représentant [doit ressortir] de la preuve de façon suffisamment claire et précise » (Shirwa, ci‑dessus, à la page 60). Quant au volet « appréciation du préjudice », la Cour doit être convaincue qu’une erreur judiciaire en a résulté. Compte tenu de la nature extraordinaire de ce motif de contestation, le « travail » doit être exceptionnel et « l’erreur judiciaire » doit prendre la forme d’un manquement à l’équité procédurale – la fiabilité de l’issue du procès ayant été compromise – ou toute autre forme évidente.

 

[17]           Le juge Crampton concluait ensuite que, considérée d’une manière cumulative, l’incompétence de l’avocat par suite de maladie avait entraîné un manquement à l’équité. Plus précisément, l’avocat avait négligé de produire un Formulaire de renseignements personnels modifié, et la Commission avait de ce fait constaté des incohérences dans le récit du demandeur d’asile.

 

[18]           Eu égard aux « circonstances extraordinaires » survenues dans la présente affaire, je suis également d’avis que l’incompétence du conseil a entraîné un manquement à l’équité procédurale. Il est établi que les services fournis par le conseil du demandeur principal ont été déficients. Il n’a pas aidé le demandeur principal à remplir son FRP, laissant cette tâche à son adjoint. Il n’y a eu de rencontre avec le demandeur principal que deux jours avant l’audience, et l’on a alors appris que les pièces de la demande d’asile du demandeur principal aux États-Unis seraient communiquées. L’élément sans doute le plus révélateur toutefois, c’est la non-production de la lettre faisant état du mandat d’arrêt délivré contre le demandeur principal, une omission qui finalement s’est révélée essentielle dans la manière dont la Commission a apprécié la demande d’asile. La seule explication que le conseil a pu donner au cours de l’audience pour ces contretemps était qu’à l’époque, il déménageait dans un autre bureau et que ses dossiers étaient désorganisés.

 

[19]           Il ressort clairement aussi d’un examen de la décision de la Commission que le demandeur principal a subi un préjudice et qu’il en a résulté un déni de justice. La Commission a tiré une conclusion déterminante quant à la crédibilité, relativement à l’absence de crainte objective, en se fondant sur le fait que le demandeur principal n’avait pas produit de lettre confirmant le mandat d’arrêt de 2007. Cette conclusion a servi de fondement au reste de la décision. Le demandeur principal a déclaré durant son témoignage, et son conseil l’a confirmé, qu’il croyait que cette information avait été versée dans son dossier.

 

[20]           Selon le défendeur, bien qu’il semble que l’ancien conseil du demandeur principal était en partie responsable de la situation, le demandeur principal avait aussi un rôle dans cela, en particulier pour avoir négligé d’annexer le document à son FRP. Il est constant en droit qu’un demandeur qui a agi avec diligence ne devrait pas avoir à pâtir de la négligence de son conseil (voir, par exemple, la décision Jane Unetelle c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 285, 2010 CarswellNat 1220, au paragraphe 28). Je ne vois aucune raison toutefois de conclure que les demandeurs n’avaient pas agi ici avec diligence. Du propre aveu du conseil, le demandeur principal croyait que la lettre figurerait dans l’ensemble des documents se rapportant à sa demande d’asile présentée aux États-Unis.

 

[21]           Il y a inévitablement manquement à l’équité procédurale lorsque l’incompétence de son conseil empêche un demandeur d’asile de produire une preuve importante, apte à convaincre la Commission, celle-ci tirant de ce fait des conclusions défavorables quant à la crédibilité, lesquelles imprègnent la décision tout entière.

 

Question B : la crainte subjective

 

[22]           Selon le demandeur principal, il était déraisonnable pour la Commission d’invoquer sa lenteur à présenter une demande d’asile aux États-Unis et, subsidiairement, d’invoquer le fait qu’il n’avait pas fait appel du rejet de sa demande d’asile dans ce pays avant son arrivée au Canada, pour finalement conclure que son comportement n’était pas celui d’une personne qui a une crainte subjective de persécution.

 

[23]           Il soutient qu’il a suffisamment expliqué sa lenteur à présenter une demande d’asile. Il croyait que son fils pourrait le parrainer. Invoquant la décision Papsouev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 168 F.T.R. 99, [1999] A.C.F. n° 769, au paragraphe 14, où la Cour avait conclu que le dépôt tardif d’une demande d’asile pouvait s’expliquer par une tentative d’obtenir d’abord des visas de résidents permanents, le demandeur principal affirme que la conclusion de la Commission dans son cas était pareillement déraisonnable. Il déclare aussi qu’il s’était fondé au départ sur l’avis d’un technicien juridique pour qui il ne vaudrait pas la peine de déposer une demande d’asile.

 

[24]           Relativement à sa décision de ne pas interjeter appel aux États-Unis avant d’arriver au Canada, il explique qu’il se trouvait dans une situation difficile, car il devait s’occuper de jeunes enfants alors qu’il lui était impossible de conduire ou d’obtenir des services de base, parce qu’il n’avait pas de numéro d’assurance sociale. Il dit aussi que, s’il avait tardé davantage, cela aurait compromis toute possibilité de présenter une demande d’asile au Canada.

 

[25]           Cependant, le défendeur affirme qu’il était raisonnable pour la Commission de conclure que son comportement n’était pas celui d’une personne qui craignait véritablement pour sa vie ou pour sa sécurité. Il relève que « [l]’absence de preuve quant à l’élément subjectif de la revendication constitue une lacune fatale qui justifie à elle seule le rejet de la revendication puisque les deux éléments de la définition de réfugié, subjectif et objectif, doivent être rencontrés » (Kamana c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. n° 1695, 94 A.C.W.S. (3d) 338, au paragraphe 10).

 

[26]           Le défendeur soutient que la Commission a pris en compte les explications fournies par le demandeur principal, mais que, néanmoins, elle a estimé son attitude incompatible avec une crainte véritable. Le demandeur principal n’avait pas présenté de demande d’asile à la première occasion, ce que la Cour avait déjà considéré comme une erreur fatale (voir la décision Riadinskaia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] A.C.F. n° 30, 102 A.C.W.S. (3d) 967, au paragraphe 7).

 

[27]           Je dois conclure qu’il était raisonnable pour la Commission de considérer comme elle l’a fait la lenteur du demandeur principal à déposer une demande d’asile aux États-Unis et sa décision de ne pas interjeter appel du rejet de sa demande d’asile. C’est à la Commission qu’il appartient « de juger, en fonction de la preuve présentée et de l’évaluation globale du revendicateur, de la signification du retard dans l’affaire qui lui est soumise » (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Sivalingam-Yogarajah, 2001 CFPI 1018, [2001] A.C.F. n° 1414, au paragraphe 18). La Commission n’a pas donné aux explications du demandeur principal le poids qu’il aurait souhaité qu’elle leur donne, mais cette preuve a été validement considérée et mise en balance avec le fait qu’il n’avait présenté sa demande d’asile que lorsque des questions avaient été soulevées par les autorités des États-Unis. Il était loisible à la Commission de mettre en doute sa crainte subjective étant donné l’inconséquence de son comportement.

 

Question C : le demandeur principal s’est réclamé à nouveau de la protection de son pays d’origine

 

[28]           La Cour a confirmé que le fait pour une personne de retourner dans le pays où elle craint d’être persécutée rend improbable l’existence de cette crainte (Kabengele c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 197 F.T.R. 73, 2000 CarswellNat 4335, au paragraphe 41). Quoi qu’il en soit, il est également admis que le fait pour une personne de se réclamer à nouveau de la protection de son pays requiert plus qu’un séjour temporaire, mais plutôt une intention du demandeur d’asile de résider en permanence dans ce pays, avant que sa présence physique dans ce pays n’ait pour effet de lui nier ici la qualité de réfugié (Camargo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1434, [2003] A.C.F. n° 1830, au paragraphe 35).

 

[29]           Une personne peut être contrainte de retourner dans son pays pour des raisons qui apparemment ne dépendent pas de sa volonté (par exemple la naissance d’un enfant, voir Kanji c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] A.C.F. n° 374, 70 A.C.W.S. (3d) 525; ou la nécessité de prendre soin d’une mère malade, voir Shanmugarajah c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] A.C.F. n° 583, 34 A.C.W.S. (3d) 828 (C.A.F.)). Cependant, hormis une explication valable ou un besoin pressant, on est présumé s’être volontairement réclamé à nouveau de la protection de son pays, et la crainte subjective du demandeur d’asile peut alors être mise en doute. Par exemple, la Cour a jugé que le retour au pays pour y passer des vacances ou y explorer des occasions d’affaires ne constituerait pas un retour forcé (voir Shaikh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 74, [2005] A.C.F. n° 87; Ali c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 112 F.T.R. 9, [1996] A.C.F. n° 558).

 

[30]           En conséquence, le point principal que je dois examiner est celui de savoir s’il était déraisonnable pour la Commission de conclure que le demandeur principal s’était réclamé à nouveau de la protection du Liban, au sens où il avait été véritablement contraint de retourner au Liban en 2000 sans avoir présenté une demande d’asile aux États-Unis. Il soutient que la raison de son retour au Liban était directement rattachée au risque qu’il courait, parce qu’il voulait que sa famille quitte le Liban pour le Bénin.

 

[31]           Comme le souligne le défendeur cependant, le demandeur principal a déclaré, dans son témoignage, craindre qu’une demande d’asile ne prenne beaucoup de temps, et il ne voulait pas être éloigné de sa famille. C’était là un choix volontaire qu’il a fait pour éviter une séparation de sa famille.

 

[32]           J’incline à partager l’avis du défendeur. Hormis une autre raison impérieuse qui ferait que son éloignement temporaire de la famille le mettrait dans l’impossibilité de présenter une demande d’asile, il était loisible à la Commission de tirer une inférence défavorable du fait qu’il s’était réclamé à nouveau de la protection du Liban. Si le demandeur principal craignait véritablement et dans l’immédiat pour sa vie, sans avoir l’intention de rester au Liban, il est raisonnable de penser qu’il aurait présenté une demande d’asile à la première occasion, sans retourner dans le pays où il craignait d’être persécuté ou d’être exposé à un risque. Une telle attitude disposerait plus efficacement des menaces à lui-même, et donc à sa famille.

 

VI.       Conclusion

 

[33]           L’incompétence du conseil du demandeur principal a entraîné un manquement à l’équité procédurale. Bien que le reste de la décision soit raisonnable, c’est-à-dire la conclusion touchant la crainte subjective et la conclusion touchant le fait que le demandeur principal s’était réclamé à nouveau de la protection du Liban, la demande d’asile du demandeur principal a pâti de la conclusion défavorable de la Commission touchant sa crédibilité, une conclusion entraînée dès le départ par la non-production d’un document et l’absence de preuve d’une crainte objective. À mon avis, il est loin d’être sûr qu’un tribunal différemment constitué de la Commission arriverait nécessairement aux mêmes conclusions générales. C’est pourquoi l’affaire est renvoyée à un autre tribunal de la Commission, pour nouvel examen.

 

[34]           La demande de contrôle judiciaire sera donc accueillie.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1432-11

 

INTITULÉ :                                       DALAL EL KAISSI (alias DALAL FAHED EL KAISSI) ET AUTRES c. MCI

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 5 OCTOBRE 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 31 OCTOBRE 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Daniel Kingwell

 

POUR LES DEMANDEURS

Gordon Lee

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Daniel Kingwell

Mamann Sandaluk

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.