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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20111101


Dossier : T-455-11

Référence : 2011 CF 1248

 

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 1er novembre 2011

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

 

BINDU SINGH DESHWAL

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’un appel de la décision d’un juge de la citoyenneté fondé sur le paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C‑29 (la Loi). La demanderesse conteste la décision par laquelle le juge de la citoyenneté a refusé de lui attribuer la citoyenneté au motif qu’elle ne satisfaisait pas à l’obligation de résidence prescrite à l’alinéa 5(1)c) de la Loi.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, le présent appel est rejeté.

 

I.          Faits

 

[3]               La demanderesse, Bindu Singh Deshwal, est une citoyenne de l’Inde. Elle est arrivée au Canada et est devenue résidente permanente le 9 juin 2002.

 

[4]               La demanderesse a présenté sa demande de citoyenneté le 24 novembre 2008. La période pertinente pour l’établissement de la résidence est donc du 24 novembre 2004 au 24 novembre 2008. Durant cette période, cependant, la demanderesse est retournée en Inde du 16 juillet 2002 au 13 juillet 2005. Elle s’est également absentée du Canada du 26 décembre 2007 au 20 janvier 2008 et du 14 février 2009 au 24 septembre 2010.

 

II.         Décision sur la citoyenneté

 

[5]               Après avoir appliqué les six facteurs établis dans la décision Re Koo (1992), 59 F.T.R. 27, [1993] 1 C.F. 286, le juge de la citoyenneté n’était pas convaincu que la demanderesse avait satisfait à l’obligation de résidence prévue à l’alinéa 5(1)c) de la Loi.

 

[6]               La demanderesse a quitté le Canada seulement 37 jours après son arrivée et s’est absentée pendant une période de 1 092 jours. Par la suite, elle s’est absentée pour des périodes de 25 jours et de 586 jours. Elle n’a pas pu fournir d’éléments de preuve confirmant que son mari vivait au Canada ou que son fils fréquentait l’école pendant la période pertinente. En outre, elle n’a pas pu confirmer ses adresses domiciliaires au pays. La demanderesse a prétendu qu’elle avait été présente au Canada pendant 1 204 jours, mais le juge de la citoyenneté n’a pas pu établir la durée de ses absences effectives en raison d’une documentation insuffisante.

 

[7]               De même, rien ne prouve que ses absences du Canada découlaient d’une situation clairement temporaire. Il a été souligné que la demanderesse était depuis peu revenue au Canada avec son fils, mais que son mari était resté en Inde. Elle soutient que son mari est resté en Inde pour s’occuper de son père malade, mais aucune preuve n’indique que son père est malade.

 

[8]               Malgré son retour récent au Canada et ses tentatives de se réétablir avec son fils, elle avait passé plus de temps en Inde qu’au Canada. Les documents produits ne permettaient pas d’établir que ses liens avec les Canada étaient plus importants que ceux qu’elle avait avec tout autre pays durant la période pertinente. Le juge de la citoyenneté ne pouvait pas faire droit à sa demande.

 

III.       Questions en litige

 

[9]               La présente demande soulève les questions suivantes :

 

(a)        La demanderesse peut‑elle produire de nouveaux éléments de preuve à la Cour dans le cadre de son appel en matière de citoyenneté?

 

(b)        Le juge de la citoyenneté a‑t‑il commis une erreur en concluant que la demanderesse ne satisfaisait pas à l’obligation de résidence prévue à l’alinéa 5(1)c) de la Loi?

 

III.       Norme de contrôle

 

[10]           Dans Pourzand c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 395, 2008 CarswellNat 831, au paragraphe 19, il a été conclu que la norme de contrôle applicable à la décision rendue par un juge de la citoyenneté sur la question de savoir si le demandeur satisfait à l’obligation de résidence est la décision raisonnable puisqu’il s’agit d’une question mixte de fait et de droit.

 

[11]           Comme il a été établi dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47, le caractère raisonnable « tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

IV.       Analyse

 

Question A : Nouveaux éléments de preuve

 

[12]           La demanderesse a essayé de produire de nouveaux éléments de preuve dans le cadre de son appel pour répondre à certaines réserves exprimées par le juge de la citoyenneté. Ceux‑ci comprennent des titres de propriété et des éléments de preuve sur l’emploi de son conjoint.

 

[13]           La Cour a, toutefois, précisé que les appels en matière de citoyenneté ne sont plus des appels de novo. Ils sont interjetés au moyen d’une demande en application de l’alinéa 300c) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, et se fondent sur le dossier dont disposait le juge de la citoyenneté (voir par exemple Lama c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 461, [2005] A.C.F. no 577, au paragraphe 21).

 

[14]           En conséquence, je ne peux examiner les nouveaux éléments de preuve présentés par la demanderesse dans le présent appel.

 

Question B :  Obligation de résidence

 

[15]           Selon l’alinéa 5(1)c), la citoyenneté est attribuée au demandeur qui a, « dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout » conformément à la formule prescrite.

 

[16]           La Cour a interprété le terme « résidence » de différentes façons. Dans la décision Re Pourghasemi (1993), 62 F.T.R. 122, 19 Imm. L.R. (2d) 259, le juge Francis Muldoon a préféré un critère strict fondé sur la présence physique, alors que, dans la décision Koo, précitée, la juge Barbara Reed a décrit la résidence comme étant le lieu où le demandeur « vit régulièrement, normalement ou habituellement » et a énuméré une série de six facteurs qualitatifs pertinents. Il est loisible au juge de la citoyenneté de choisir l’un ou l’autre de ces critères (voir Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 164 F.T.R. 177, 87 A.C.W.S. (3d) 432).

 

[17]           Il y a eu récemment un certain désaccord dans la jurisprudence quant à savoir si un critère était plus approprié (comparer l’approche du juge Robert Barnes dans El Ocla c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 533, [2011] A.C.F. no 667, avec l’accent qu’a mis le juge Donald Rennie sur la présence effective dans la décision Martinez-Caro c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 640, [2011] A.C.F. no 881), mais la question n’est pas pertinente dans le présent appel. On a appliqué à la demanderesse le critère qualitatif de la décision Koo, mais il a quand même été conclu qu’elle ne satisfaisait pas à l’obligation de résidence. La Cour doit se demander si le juge de la citoyenneté a appliqué raisonnablement le critère à la preuve produite par la demanderesse en l’espèce.

 

[18]           La demanderesse fait valoir qu’elle satisfait à l’obligation de résidence prévue à l’alinéa 5(1)c) compte tenu des facteurs énoncés dans la décision Koo. Malgré ses deux voyages en Inde, elle soutient avoir eu une présence effective de 1 204 jours pendant la période pertinente. Elle prétend aussi que son mari, son fils et elle ont centralisé leur mode d’existence à une adresse au Canada.

 

[19]           Cependant, comme l’affirme le défendeur, compte tenu des absences fréquentes de la demanderesse, il était raisonnable pour le juge de la citoyenneté d’exiger des documents corroborants. La demanderesse ne pouvait pas fournir de preuve de ses adresses ou du fait que son mari vivait avec elle durant la période pertinente. La preuve ne permettait tout simplement pas d’établir qu’elle satisfaisait à l’obligation de résidence.

 

[20]           Je dois convenir avec le défendeur qu’il incombait à la demanderesse de fournir suffisamment d’éléments de preuve pour établir qu’elle avait satisfait à l’obligation de résidence durant la période pertinente (voir Rizvi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1641, 2005 CarswellNat 4153, au paragraphe 21). La Cour ne saurait justifier l’annulation de la décision du juge de la citoyenneté. Je souligne également que rien n’empêche la  demanderesse, vu qu’elle s’est réétablie au Canada, de présenter une nouvelle demande plus tard.

 

V.        Conclusion

 

[21]           Vu le manque d’éléments de preuve à l’appui, il était raisonnable pour le juge de la citoyenneté de conclure que la demanderesse n’avait pas satisfait à l’obligation de résidence prescrite à l’alinéa 5(1)c) de la Loi.

 

[22]           En conséquence, le présent appel est rejeté.

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que le présent appel est rejeté.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-455-11

 

INTITULÉ :                                       BINDU SINGH DESHWAL c. MCI

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Calgary

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 17 octobre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Near

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 1er novembre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Bindu Singh Deshwal

 

POUR ELLE‑MÊME

Jamie Freitag

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bindu Singh Deshwal

Calgary (Alberta)

 

POUR ELLE‑MÊME

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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