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Date : 20111103

Dossier : IMM‑676‑11

Référence : 2011 CF 1258

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 3 novembre 2011

En présence de monsieur le juge Scott

 

 

ENTRE :

 

MATTHEW L.L. ENRIGHT

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visant une décision rendue le 19 janvier 2011 par la Section d’appel de l’immigration (SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission). La Commission a rejeté l’appel interjeté du rejet de la demande de résidence permanente parrainée présentée par la conjointe de M. Matthew L.L. Enright (le demandeur), Mme Natalia Kuryashkina (la conjointe du demandeur), au motif que cette dernière n’appartenait pas, aux termes de l’article 4 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/ 2002‑27 (RIPR), à la catégorie du regroupement familial définie au paragraphe 12(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LC 2001, c 27) (LIPR).

 

[2]               Pour les motifs exposés ci‑après, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie.

 

I.          Faits

 

[3]               Le demandeur est un homme d’affaires canadien. Il a un fils majeur issu d’un mariage antérieur.

 

[4]               Mme Kuryashkina est une citoyenne de la Russie titulaire de diplômes universitaires en biologie et en chimie. Elle souhaitait vivre au Canada parce qu’il s’agissait à ses yeux du meilleur pays au monde.

 

[5]               En 1998, un citoyen canadien rencontré grâce à une annonce placée dans un journal international, sous la rubrique des rencontres, l’a invitée à venir au Canada. Ce correspondant canadien lui avait dit de demander un visa de touriste à l’ambassade canadienne; elle l’a fait, mais sa demande de visa a été refusée.

 

[6]               Deux ans plus tard, elle a réussi à obtenir un visa pour les États‑Unis. Elle s’est rendue à New York, puis a décidé de venir au Canada. À la frontière canadienne, les agents d’immigration lui ont refusé l’admission, mais l’ont avisée qu’elle pouvait présenter une demande d’asile; elle a en présentée une. Au bout du compte, la demande d’asile a été rejetée.

 

[7]               Entre‑temps, Mme Kuryashkina a épousé, en décembre 2000, un résident permanent du Canada que lui avait présenté un membre de la communauté russe.

 

[8]               L’époux de Mme Kuryashkina a présenté une demande de parrainage en vue de lui permettre d’obtenir la résidence permanente au Canada. Il est toutefois devenu violent et elle a décidé de mettre fin à cette relation. L’époux a retiré sa demande de parrainage vers le mois de mai 2002 et ils ont divorcé en 2003.

 

[9]               En août 2002, Mme Kuryashkina a présenté une demande de résidence permanente au Canada fondée sur des considérations d’ordre humanitaire (demande CH) et a obtenu un permis de travail temporaire en attendant le traitement de cette demande. Sa demande CH a été rejetée. Les autorités de l’immigration lui ont ordonné de quitter le Canada au plus tard le 30 octobre 2003.

 

[10]           Suivant le conseil d’un avocat qui lui avait dit qu’il pourrait obtenir une autorisation du ministre afin qu’elle puisse rester au pays, elle ne s’est pas conformée à cette ordonnance de quitter le Canada. Cet avocat lui réclamait constamment des honoraires, mais il ne s’est pas occupé de son dossier et n’a pas obtenu de sursis ministériel. Mme Kuryashkina a déposé une plainte contre l’avocat auprès du Barreau du Québec. Cette plainte est encore en cours.

 

[11]           Sur les conseils d’une autre avocate et de son adjointe, elle n’a pas communiqué de changement d’adresse aux autorités de l’immigration canadienne et a inscrit un faux nom sur sa boîte aux lettres. Mme Kuryashkina a déposé une plainte contre cette deuxième avocate auprès du Barreau du Québec. Cette plainte est encore en cours.

 

[12]           Le 31 octobre 2003, les autorités de l’immigration ont décerné un mandat d’arrestation contre Mme Kuryashkina.

 

[13]           En août 2004, Mme Kuryashkina a rencontré le demandeur dans une épicerie. Quelques semaines plus tard, ils ont commencé à se fréquenter. À la mi‑septembre, ils ont décidé que Mme Kuryashkina emménagerait chez le demandeur.

 

[14]           Aux alentours de Noël 2004, le demandeur a appris que Mme Kuryashkina n’avait pas de statut au Canada.

 

[15]           Mme Kuryashkina demeurait chez le demandeur, mais elle se rendait toutes les semaines à son appartement pour s’assurer que tout allait bien.

 

[16]           Le 9 février 2005, durant une de ses visites régulières, les autorités de l’immigration canadienne l’ont arrêtée et détenue en attendant son renvoi aux États‑Unis.

 

[17]           Mme Kuryashkina a vécu aux États‑Unis de février à septembre 2005. Le demandeur venait lui rendre visite les fins de semaine et parfois durant la semaine. Il a assumé toutes les dépenses de Mme Kuryashkina pendant son séjour aux États‑Unis.

 

[18]           Lors d’un voyage à New York, Mme Kuryashkina a présenté une demande de renouvellement de son passeport russe, qui avait expiré.

 

[19]           En septembre 2005, le demandeur et Mme Kuryashkina sont revenus au Canada. Le demandeur ne savait pas que cette dernière devait obtenir une autorisation avant de revenir au Canada. Après leur retour au Canada, Mme Kuryashkina a vécu avec le demandeur jusqu’à son départ le 28 août 2006.

 

[20]           Pendant cette période, Mme Kuryashkina a déposé une demande de résidence permanente au Canada, qui a été rejetée en juin 2006. Le 9 novembre 2006, elle a soumis, de la Russie, une nouvelle demande de résidence permanente au Canada. Elle a essuyé encore une fois un refus. Ce dernier refus a fait l’objet d’un appel devant la Commission.

 

[21]           La Commission a estimé que le demandeur n’avait pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que Mme Kuryashkina était sa conjointe de fait ou sa partenaire conjugale et que leur relation était authentique. La Commission a également conclu que la principale intention de Mme Kuryashkina en établissant une relation avec le demandeur était d’obtenir la résidence permanente au Canada. Par conséquent, la Commission a conclu que Mme Kuryashkina n’appartenait pas à la catégorie du regroupement familial aux fins d’application de la LIPR et du RIPR.

 

II.        Mesures législatives pertinentes

 

[22]           Le paragraphe 12(1) de la LIPR et le paragraphe 4(1) du RIPR sont rédigés comme suit :

Regroupement familial

 (1) La sélection des étrangers de la catégorie « regroupement familial » se fait en fonction de la relation qu’ils ont avec un citoyen canadien ou un résident permanent, à titre d’époux, de conjoint de fait, d’enfant ou de père ou mère ou à titre d’autre membre de la famille prévu par règlement.

 

Mauvaise foi

 (1) Pour l’application du présent règlement, l’étranger n’est pas considéré comme étant l’époux, le conjoint de fait ou le partenaire conjugal d’une personne si le mariage ou la relation des conjoints de fait ou des partenaires conjugaux, selon le cas : 

 

a) visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la Loi;

 

b) n’est pas authentique.

 

III.      Question en litige et norme de contrôle applicable

 

A.        La question en litige

 

·                    La Commission a‑t‑elle commis une erreur en concluant que Mme Kuryashkina n’appartenait pas, aux termes de l’article 4 du RIPR, à la catégorie du regroupement familial définie au paragraphe 12(1) de la LIPR?

 

B.                La norme de contrôle applicable

 

[23]           Une décision sur l’authenticité et la nature d’une relation aux fins de l’article 4 du RIPR repose essentiellement sur les faits, si bien qu’une telle décision est assujettie à la norme de la raisonnabilité (Kaur c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2010 CF 417, [2010] ACF no 482, au paragraphe 14; Zheng c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 432, [2011] ACF no 544, au paragraphe 18, [Zheng]).

 

IV.       Observations des parties

 

A.        Les observations du demandeur

 

[24]           Le demandeur soutient que, pour rendre une partie de sa décision, la Commission s’est davantage attardée aux antécédents de Mme Kuryashkina en matière d’immigration pendant son séjour au Canada qu’au bien‑fondé de la demande.

 

[25]           Le demandeur fait également valoir que différents avocats ont mal conseillé Mme Kuryashkina, mais que depuis qu’il est intervenu, une démarche pertinente et conforme à la loi est en cours pour régler le problème d’immigration.

 

[26]           Lorsque les autorités ont renvoyé Mme Kuryashkina aux États‑Unis, le demandeur a assumé toutes ses dépenses; il s’agit d’un des faits incontestés qui atteste de l’authenticité de leur relation.

 

[27]           Le demandeur soutient que, lorsqu’ils sont revenus au Canada, il ignorait que Mme Kuryashkina devait avoir une autorisation ministérielle pour entrer à nouveau dans ce pays.

 

[28]           Le demandeur fait valoir qu’il a vécu sans interruption avec Mme Kuryashkina au Canada de septembre 2004 à février 2005, puis de septembre 2005 à août 2006. De plus, il lui a rendu visite toutes les semaines aux États‑Unis, de février 2005 à septembre 2005. D’après le demandeur, leur relation dure depuis près de deux ans. Il soutient que cela démontre l’existence d’une relation conjugale.

 

[29]           En ce qui a trait aux photos versées au dossier, le demandeur affirme qu’il aurait pu en fournir d’autres à la Commission. Toutefois, cette dernière n’a pas fait part au demandeur de ses préoccupations à cet égard ni ne l’a interrogé à ce sujet.

 

[30]           Normalement, la Commission examine des critères bien établis afin d’évaluer l’authenticité d’une relation. Le demandeur soutient qu’il répond à ces critères. Il soutient que la Commission a à bon droit renvoyé à la décision Chavez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] DSAI no 353, mais n’a jamais appliqué les critères énoncés dans Chavez à la présente affaire.

 

[31]           Le demandeur soutient que les intentions de Mme Kuryashkina étaient honnêtes et qu’elle ne souhaitait pas rester au Canada à tout prix.

 

[32]           Il soutient également que la Commission a fondé sa décision sur des faits et des avis qui ne faisaient pas partie du dossier.

 

[33]           Selon le demandeur, la Commission a commis plusieurs erreurs et, si elle avait examiné la demande de manière appropriée, elle aurait, selon la prépondérance des probabilités, donné gain de cause au demandeur (Glen c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 479, [2009] ACF no 565, aux paragraphes 3, 4, 9, 10 et 11).

 

B.        Les observations du défendeur

 

[34]           Le défendeur fait valoir que le critère prévu à l’article 4 du RIPR comporte deux volets. Pour que la SAI fasse droit à un appel, l’appelant doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa relation ne visait pas principalement l’acquisition d’un statut sous le régime de la LIPR et qu’elle est authentique.

 

[35]           Le défendeur fait également valoir que la Commission était en droit d’examiner certains facteurs contextuels, y compris les tentatives antérieures d’obtenir un statut au Canada.

 

[36]           De plus, selon le défendeur, il faut présumer que la Commission a pris en considération tous les éléments de preuve dont elle disposait en vue de rendre sa décision. Sa décision doit être interprétée dans son ensemble (Khera c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 632, [2007] ACF no 886, au paragraphe 7 [Khera]). La Commission avait le droit d’examiner la preuve dans son ensemble et d’attribuer plus de poids à certains faits qui laissaient croire que Mme Kuryashkina était plus susceptible de s’engager dans une relation conjugale principalement en vue d’obtenir un statut au Canada.

 

[37]           Le défendeur soutient que, après avoir apprécié la preuve, la Commission a conclu que la preuve présentée ne démontrait pas, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur et Mme Kuryashkina étaient engagés dans une relation conjugale. Très peu d’éléments de preuve ont été présentés à la Commission et cela explique sa conclusion sur cette question.

 

[38]           Comme la Commission a estimé qu’il existait de problèmes graves en matière de crédibilité et a conclu que la relation n’était pas authentique, ces conclusions suffisent, selon le défendeur, pour trancher la demande de contrôle judiciaire.

 

V.        Analyse

 

[39]           Au paragraphe 20 de la décision Zheng, le juge Near écrit :

Le paragraphe 12(1) de la Loi indique que la sélection des étrangers de la catégorie du « regroupement familial » se fait en fonction de la relation à titre de conjoint qu’ils ont avec un citoyen canadien ou un résident permanent. Toutefois, l’article 4 du Règlement décrit les conditions dans lesquelles un étranger ne sera pas considéré comme un conjoint.

 

Au paragraphe 21, il ajoute :

[…] il incombait au demandeur de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que sa relation avec Mme Huang était authentique et ne visait pas principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi. C’est‑à‑dire que, pour que son mariage avec Mme Huang ne soit pas visé par l’exclusion prévue à l’article 4, il devait établir que l’une des deux conditions prévues dans cette disposition n’était pas remplie.

 

[40]           Il n’y a pas de critère particulier que la Commission est tenue d’appliquer pour décider si une relation est authentique ou non. Il ne peut être reproché à la Commission d’avoir pris en considération un ensemble de critères différent (Ouk c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 891, [2007] ACF no 1157, au paragraphe 13; Khera, précitée).

 

[41]           La Commission a reconnu qu’il y avait des éléments de preuve tendant à démontrer l’existence d’une relation plus d’un an avant la présentation de la demande. Toutefois, elle a conclu que la relation n’était pas authentique.

 

[42]           La Commission s’est également fondée sur l’arrêt M c H, [1999] 2 RCS 3, au paragraphe 59, qui énumère un certain nombre de facteurs qui sont les indices d’une relation conjugale, soit « […] le partage d’un toit, les rapports personnels et sexuels, les services, les activités sociales, le soutien financier, les enfants et aussi l’image sociétale du couple ». En l’espèce, la preuve indiquait que le demandeur et Mme Kuryashkina avaient habité ensemble sans interruption de la fin de septembre 2004 à février 2005 et ensuite de septembre 2005 à août 2006.

 

[43]           Il y a également des éléments de preuve attestant que le demandeur soutenait financièrement Mme Kuryashkina. Le demandeur a dépensé un total de 33 438,67 $ pour Mme Kuryashkina et lui a envoyé de l’argent à plusieurs reprises quand elle en avait besoin, même après son départ pour la Russie en août 2006. Il y a également des éléments de preuve attestant de l’existence d’un compte bancaire conjoint et des photos de Mme Kuryashkina avec la mère du demandeur.

 

[44]           Le dossier du demandeur renferme des lettres d’amis et de parents déclarant l’avoir rencontré en compagnie de Mme Kuryashkina. Il y a plusieurs factures téléphoniques faisant état de plus de 5 950 minutes de conversations tenues pendant que Mme Kuryashkina se trouvait aux États‑Unis, soit de février à septembre 2005, ainsi que des factures d’hôtel datées de la même période.

 

[45]           La Commission a conclu que les antécédents de Mme Kuryashkina en matière d’immigration constituaient un facteur important pour l’évaluation de l’authenticité de sa relation avec le demandeur. La Cour convient que les antécédents de Mme Kuryashkina en matière d’immigration sont pertinents. La Cour a certaines inquiétudes au sujet de la façon dont a été traitée une partie de la preuve présentée par le demandeur pour expliquer l’inobservation de la loi par Mme Kuryashkina. Le demandeur a clairement établi que Mme Kuryashkina avait reçu et suivi de mauvais conseils de différents avocats, et il a déposé des documents attestant que le Barreau faisait enquête sur les plaintes portées contre deux avocats qui l’avaient représentée. La majeure partie des antécédents négatifs de Mme Kuryashkina en matière d’immigration sont attribuables à ces mauvais conseils. La Commission a néanmoins conclu que Mme Kuryashkina est une femme instruite et qu’elle n’avait pas quitté le Canada en octobre 2003 en dépit de la mesure de renvoi prise à son endroit. Elle avait omis de signaler son changement d’adresse aux autorités de l’immigration canadienne et avait inscrit un faux nom sur sa boîte aux lettres. De plus, elle avait loué son appartement sur la rue Walkley sous un faux nom et était revenue au Canada sans avoir obtenu l’autorisation ministérielle requise. La Commission a conclu, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle avait suivi les mauvais conseils de ses avocats tout en sachant qu’elle ne se conformait pas à la loi parce qu’elle souhaitait rester au Canada à tout prix. Cette conclusion va à l’encontre d’une partie de la preuve présentée par Mme Kuryashkina et laisse entendre que cette dernière connaissait les rouages internes du droit de l’immigration canadien et aurait dû rejeter les conseils des conseillers juridiques spécialisés qu’elle avait embauchés. La Cour ne peut admettre un tel raisonnement.

 

[46]           La Commission a conclu qu’il y avait très peu d’éléments de preuve se rapportant aux activités sociales du couple, très peu d’éléments de preuve touchant leur image sociétale et très peu de photos (paragraphes 19 à 22 de la décision de la Commission). La Cour a aussi des réserves concernant ces conclusions compte tenu des témoignages du demandeur et de Mme Kuryashkina. L’importance des activités sociales communes dépend dans une large mesure des intérêts que partage le couple. D’après le dossier, il ressort clairement des questions posées à ce sujet que le demandeur et Mme Kuryashkina menaient une vie de couple tranquille.

 

[47]           Le demandeur et Mme Kuryashkina ont fait quelques voyages à Buffalo et à New York, et ont entretenu pendant longtemps une relation à distance. Pourtant, la Commission ne tient pas compte du fait que le demandeur soutient avoir effectué 1 031 appels en Russie totalisant 3 634 minutes entre août 2006 et le 30 septembre 2010, au motif qu’il n’a déposé aucun élément de preuve clair attestant le numéro de téléphone de Mme Kuryashkina en Russie. Surtout, la Commission souligne que le demandeur n’est pas allé voir Mme Kuryashkina une seule fois depuis son renvoi en 2006 et conclut, vu cette préoccupation et toutes les autres préoccupations soulevées, que cet agissement n’est pas révélateur d’une relation authentique. Pourtant, le demandeur a présenté un certificat médical attestant sa phobie des transports aériens. Il a suivi un traitement pour surmonter cette phobie depuis qu’il a rencontré Mme Kuryashkina. Faire le voyage par d’autres moyens de transport prendrait au moins six semaines et il ne dispose pas d’une telle période de congé en tant qu’homme d’affaires travaillant à son compte.

 

[48]           La Commission a fait une interprétation erronée de la preuve se rapportant au bail de l’appartement sur la rue Walkley qui commençait le 1er septembre et au fait que Mme Kuryashkina a emménagé avec le demandeur plus tard en septembre.

 

[49]           La Cour conclut que la Commission a soit ignoré, soit interprété erronément d’autres éléments de preuve. Une preuve touchant l’existence d’un compte bancaire conjoint a été présentée. La preuve selon laquelle Mme Kuryashkina avait été brutalisée par son premier époux a été ignorée ou rejetée sans explication. Ces éléments de preuve étaient importants puisqu’ils établissaient l’authenticité de la relation et visaient à démontrer que Mme Kuryashkina ne souhaitait pas demeurer au Canada à tout prix. « [P]lus la preuve qui n’a pas été mentionnée expressément ni analysée dans les motifs de l’organisme est importante, et plus une cour de justice sera disposée à inférer de ce silence que l’organisme a tiré une conclusion de fait erronée sans tenir compte des éléments dont il [disposait] » (Cepeda‑Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF no 1425, 157 FTR 35, au paragraphe 17).

 

[50]           C’est le cumul de ces lacunes – omission de tenir compte de certains éléments de preuve présentés ou d’expliquer pourquoi le tribunal les rejetait – qui amène la Cour à conclure que la présente demande de contrôle judiciaire devrait être accueillie.

 

[51]           La Cour serait peut‑être arrivée à la même conclusion que le tribunal, mais il ne lui appartient pas d’apprécier à nouveau la preuve; sa fonction est de s’assurer que le tribunal a pris en considération l’ensemble de la preuve pour parvenir à sa décision. La décision de la Commission devait être transparente et complète. Par conséquent, elle ne répond pas au critère établi par notre Cour suprême (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47).

 

VI.       Conclusion

 

[52]           La décision de la Commission est déraisonnable. Par conséquent, la Cour accueille la présente demande de contrôle judiciaire et ordonne la tenue d’une nouvelle audience.

 

 


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE :

1.      la demande de contrôle judiciaire est accueillie et une nouvelle audience doit être tenue;

2.      il n’y a pas de question de portée générale à certifier.

 

 

« André F.J. Scott »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑676‑11

 

INTITULÉ :                                                   MATTHEW L.L. ENRIGHT

                                                                        c

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                        ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 11 octobre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE SCOTT

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 3 novembre 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Harry Blank

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Patricia G. Nobl

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Harry Blank, c.r.

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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