Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20111107


Dossier : IMM-567-11

Référence : 2011 CF 1264

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 7 novembre 2011

En présence de monsieur le juge Martineau

 

ENTRE :

 

STERIE CRACIUN

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire concernant une décision datée du 23 décembre 2010 (la décision contestée) par laquelle la Section d’appel de l’immigration (la SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a réexaminé sa décision antérieure de surseoir à la mesure de renvoi prise contre le demandeur et rejeté l’appel de ce dernier en application du paragraphe 68(3) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR) au motif qu’il a enfreint les conditions de son sursis.

CONTEXTE

[2]               Le demandeur, un citoyen de la Roumanie âgé de 41 ans, est arrivé au Canada en juin 1995 et a acquis le statut de résident permanent le 17 avril 1997.

 

[3]               Le demandeur a été reconnu coupable d’un crime lié à de la fraude le 28 janvier 2002. Il a plus tard été déclaré interdit de territoire pour grande criminalité en ce sens qu’il était un résident permanent du Canada qui avait été déclaré coupable d’une infraction punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins 10 ans conformément à l’alinéa 36(1)a) de la LIPR; une mesure de renvoi a donc été prononcée contre lui le 15 mai 2003.

 

[4]               Le demandeur a interjeté appel de cette mesure de renvoi en vertu du paragraphe 63(3) de la LIPR. Le 9 mars 2004, la SAI lui a accordé un sursis pour une période de cinq ans, sous réserve d’un certain nombre de conditions, pour cause de motifs d’ordre humanitaire et d’intérêt supérieur d’un enfant directement touché par la mesure de renvoi. Le sursis a été réexaminé et maintenu le 23 janvier 2006. Les conditions du sursis ont été prorogées en février 2010.

 

[5]               Le demandeur a été arrêté en mai 2009 pour possession de cartes de crédit volées à Toronto. Même si les accusations portées contre lui ont par la suite été retirées, la SAI a, le 23 décembre 2010, réexaminé l’ordonnance de sursis en vigueur et rejeté l’appel du demandeur parce qu’il avait enfreint certaines conditions du sursis, soit la condition no 11, ne pas fréquenter sciemment des personnes qui ont un casier judiciaire ou qui sont impliquées dans des activités criminelles, et la condition no 5, signaler toute accusation criminelle aux autorités de l’immigration.

 

[6]               Le sergent Pierre Filion, de la Sûreté du Québec (SQ), affecté à la surveillance au Service des projets de renseignement criminel (le SPRC) et au Crime organisé de souche est-européenne (COSEE), a témoigné à l’audience. Le sergent Filion avait participé à un projet de la SQ destiné à brosser un tableau de la criminalité est-européenne au Canada, dans le but de valider et de corroborer les renseignements obtenus par la GRC sur certains individus, dont le demandeur.

 

[7]               Devant la SAI, le sergent Filion a déclaré avoir surveillé le demandeur du 25 novembre 2005 au mois de février 2007. Il a ajouté que la SQ avait mis fin à l’opération de surveillance en février 2007 car les informations recueillies étaient suffisantes pour établir la criminalité du demandeur, notamment qu’il était un chef de cellule en matière de clonage de cartes bancaires. Selon lui, le dossier du demandeur avait dû [traduction] « passer entre les mailles du filet » car aucune accusation n’avait jamais été portée contre lui à la suite des enquêtes.

 

[8]               Fait important, le sergent Filion a déclaré dans son témoignage, en se fondant sur un rapport qu’il avait établi à l’occasion des enquêtes, que l’on avait observé le demandeur pendant qu’il se réunissait avec un certain nombre d’individus ayant de longs casiers judiciaires. La SAI a noté les circonstances entourant les réunions prétendues et les dates auxquelles celles‑ci avaient eu lieu, et elle a décidé, après avoir interrogé le demandeur au sujet des allégations portées contre lui, qu’il convenait d’accorder « beaucoup de poids à la conclusion du profil criminel établi par le sergent Filion, en particulier à la lumière du fait que ledit rapport [n’était] contredit par aucun élément de preuve, sauf les dénégations de l’appelant [le demandeur], qui n’a pas été un témoin crédible » (décision contestée, au paragraphe 21).

 

[9]               La SAI a indiqué que le demandeur avait témoigné de manière vague à l’audience et qu’il n’avait pu se remémorer certains incidents. Elle a également noté qu’il avait omis de fournir la preuve d’emploi exigée et n’avait produit qu’une preuve de revenu.

 

[10]           L’épouse du demandeur, Mme Elena Cristina Abrudan, a elle aussi témoigné à l’audience; elle a soutenu que le profil criminel de son époux n’était pas véridique car ce dernier n’avait jamais été arrêté à cause de ce profil. La SAI a mentionné que l’épouse du demandeur était l’unique propriétaire du salon de coiffure où elle travaillait même si elle n’avait pas le statut de résidente permanente au Canada; elle n’était pas légalement autorisée à travailler depuis le 13 mars 2006, date à laquelle son autorisation de travail avait expiré. La SAI a ensuite fait remarquer hâtivement que Mme Abrudan ne respectait pas la loi car elle travaillait sans avoir l’autorisation de travail requise.

 

[11]           Au vu de ces éléments, et notant l’implication de longue date du demandeur dans des activités criminelles liées à la fraude ainsi que le fait que ce dernier avait fréquenté des individus ayant un casier judiciaire, et ce, même après qu’on lui eut accordé un sursis sous réserve de conditions exigeant qu’il s’abstienne de se livrer à des activités criminelles, la SAI a dit préférer le témoignage du sergent Filion, plutôt que celui du demandeur et de son épouse, dont les témoignages, selon elle, manquaient de sincérité et n’étaient pas dignes de foi.

 

QUESTIONS EN LITIGE

[12]           Le demandeur conteste la décision qu’a prise la SAI de rejeter sa demande de maintien du sursis, soutenant que la SAI, en rejetant sa demande, a commis une erreur de droit et de fait. Il soulève les questions suivantes au sujet de la décision contestée :

1.      La SAI a‑t‑elle commis une erreur de droit en interprétant erronément ses pouvoirs au moment du réexamen?

2.      La décision est-elle déraisonnable?

3.      La SAI a‑t‑elle commis une erreur en ne prenant pas en considération l’intérêt supérieur des enfants du demandeur?

4.      Était‑il raisonnable de juger que l’épouse du demandeur n’était pas digne de foi?

 

ANALYSE

[13]           Les principes qui régissent les appels soumis à la SAI au sujet d’une ordonnance de renvoi sont énoncés par la Cour dans la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Awaleh, 2009 CF 1154, aux paragraphes 20 à 22 :

Un large pouvoir discrétionnaire est conféré à la SAI pour instruire les appels interjetés à l’encontre de mesures de renvoi. En vertu de l’alinéa 67(1)c) et du paragraphe 68(1) de la Loi, la SAI peut faire droit à un appel ou surseoir à une mesure de renvoi sur preuve qu’il « y a – compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché – des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales ».

 

Tel que l’a souligné la Cour suprême dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 57 (Khosa), il revient à la SAI de déterminer non seulement en quoi consistent les « motifs d’ordre humanitaire », mais aussi s’ils « justifient » la prise de mesures.

 

Bien que la décision faisant l’objet du présent contrôle n’ait pas été l’octroi initial du sursis, la SAI doit néanmoins, lorsqu’elle procède au réexamen du sursis, prendre en compte les mêmes facteurs que ceux considérés lors de son octroi. Selon la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Stephenson, 2008 CF 82, au paragraphe 25 (Stephenson), « les facteurs énoncés dans Ribic demeurent les facteurs dont la Section doit tenir compte lorsqu’elle réexamine une décision en vertu du paragraphe 68(3) de la Loi ».

 

[14]           Je suis arrivé à la conclusion que les arguments invoqués par le demandeur contre la décision contestée sont sans fondement. Pour ce faire, j’ai pris en considération les observations orales et écrites qui ont été présentées pour le compte des parties, de même que la jurisprudence que les avocats ont citée. Cela inclut l’exposé des arguments additionnel du défendeur, lequel a été signifié et déposé conformément au paragraphe 9 de l’ordonnance accordant l’autorisation, qui a été rendue le 4 août 2011. J’ai rejeté l’objection formulée par l’avocat du demandeur, à savoir que la Cour ne peut pas prendre en considération l’exposé des arguments additionnel du défendeur parce qu’il n’y a pas eu d’autres affidavits en contre-interrogatoire ou que le demandeur n’a pas lui-même signifié et déposé un exposé additionnel.

 

            La SAI n’a pas commis d’erreur dans l’interprétation de ses pouvoirs au moment du réexamen

[15]           Le demandeur soutient que la SAI a commis une erreur en qualifiant ce réexamen de « final », faisant valoir que la LIPR ne limite pas la disponibilité des réexamens ou ne traite d’aucune sorte de réexamen final d’un sursis. Il soutient qu’en qualifiant ce réexamen de « final », la SAI a conclu que la seule issue possible était soit d’accueillir, soit de rejeter l’appel, et que la poursuite du sursis n’a pas été considérée comme une issue possible, contrairement à ce qui est prévu à l’article 66 de la LIPR. Au dire du demandeur, la SAI a donc commis une erreur de droit.

 

[16]           Le défendeur soutient que la SAI n’a pas limité son pouvoir discrétionnaire car l’avis de comparution daté du 13 septembre 2010, lequel a été envoyé avant l’audience, prévoyait la possibilité que le sursis puisse être maintenu, et que le demandeur ne peut pas se plaindre que le sursis a été annulé car il a manifestement omis de se conformer aux conditions imposées.

 

[17]           De l’avis de la Cour, on ne peut pas retenir l’argument du demandeur. L’emploi du mot « final », qui signifie, selon moi, que la SAI fait référence au réexamen le plus récent, car il y en a eu quelques-uns, ne dénote aucunement qu’elle n’était pas ouverte à l’idée de poursuivre le sursis ou qu’elle a par ailleurs limité son pouvoir discrétionnaire, comme le soutient le demandeur.

 

            La décision est raisonnable

[18]           Il n’était pas déraisonnable pour le tribunal de conclure que le demandeur avait enfreint certaines conditions de son sursis (les conditions nos 5 et 11). Le demandeur soutient que la SAI a commis une erreur en signalant qu’il avait été accusé d’agression armée en 2002, ce qui n’est pas vrai et constitue une erreur susceptible de contrôle. De l’avis de la Cour, cette erreur de fait n’est pas importante et ne justifie pas qu’elle intervienne. L’objet de l’accusation du demandeur importe peu, dans la mesure où il est prouvé que ce dernier a omis de signaler comme il se devait les accusations.

 

[19]           Le demandeur soutient qu’il a signalé les accusations portées en 2009 aux autorités de l’immigration et que la SAI a omis de prendre cette preuve en considération. Il ajoute que la décision reposait donc exclusivement sur le fait qu’il fréquentait des individus ayant un casier judiciaire et il prétend qu’il ignorait ce fait. En revanche, il soutient que le ministre défendeur ne s’est pas acquitté du fardeau de prouver qu’il savait qu’il fréquentait des criminels et que le fait que la SAI a conclu, selon la prépondérance de la preuve, qu’il fréquentait des criminels n’est pas suffisant pour conclure qu’il le faisait sciemment.

 

[20]           Le défendeur signale que l’une des conditions du sursis accordé au demandeur était qu’il signale par écrit toute accusation portée contre lui aux autorités de l’immigration, ce qu’il a omis de faire, et qu’il n’y avait aucune preuve qu’il n’avait jamais signalé les accusations. Je note que la preuve que le défendeur a déposée (affidavit de Dominique Toilon, déclaration solennelle de Natalie Bélange, de l’Agence des services frontaliers du Canada) dénote qu’après examen du dossier papier du demandeur et des données informatiques concernant ce dernier, il n’y a aucune preuve que celui‑ci les a prévenus par écrit ou par tout autre moyen de communication que des accusations étaient portées contre lui. Le demandeur n’a pas contredit cette preuve.

 

[21]           Le défendeur signale aussi qu’il existe amplement de preuves que le demandeur fréquentait des criminels et qu’il était donc raisonnable que la SAI fasse abstraction de l’affirmation de ce dernier selon laquelle il ignorait que les individus qu’il fréquentait avaient un casier judiciaire. Le défendeur soutient qu’il incombait au demandeur de prouver qu’il se conformait aux conditions imposées et qu’il était donc raisonnable que la SAI conclue qu’il avait enfreint deux de ces conditions.

 

[22]           De l’avis de la Cour, les conclusions de la SAI quant au fait de fréquenter sciemment des criminels sont raisonnables. Il convient de rappeler que le caractère raisonnable tient « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47). On doit aussi le même degré de retenue à l’égard de la façon dont la SAI évalue la preuve, et la Cour ne doit intervenir que si les conclusions et les inférences de la SAI sont déraisonnables.

 

[23]           Le demandeur soutient que le mot [traduction] « sciemment » que comporte la condition no 11 sous‑entend qu’il est obligatoire de savoir précisément qu’un individu a un casier judiciaire ou qu’il se livrera à une activité criminelle; la charge de prouver l’existence d’une connaissance précise est donc plus rigoureuse que celle qui s’applique à une connaissance générale et cela ne peut pas être prouvé selon la prépondérance de la preuve, comme la SAI l’a fait. Le demandeur soutient que l’utilisation que fait la SAI du critère de la prépondérance de la preuve contre les individus ayant un casier judiciaire ou s’étant livrés à une activité criminelle pourrait satisfaire à une condition générale de ne pas fréquenter d’individus ayant un casier judiciaire ou se livrant à une activité criminelle, mais pas à une condition précise exigeant que le demandeur ne fréquente [traduction] « pas […] sciemment » des individus ayant un casier judiciaire ou se livrant à une activité criminelle. Selon le demandeur, la SAI a commis une erreur de droit en appliquant la mauvaise charge de preuve.

 

[24]           Subsidiairement, le demandeur soutient qu’étant donné que la SAI n’a pas conclu à une connaissance réelle de la part du demandeur, sa conclusion relative à la prise de conscience (ou à la connaissance précise) du demandeur est déraisonnable car le critère de la prépondérance de la preuve a été appliqué à une preuve de soupçon, qui ne peut pas être le fondement d’une connaissance par interprétation.

 

[25]           À mon avis, le demandeur confond deux concepts distincts : celui de la charge de présentation et celui de la charge ultime de la preuve. La charge de la preuve (ou la charge de présentation) s’entend de l’étendue des éléments de preuve qui sont requis quant aux faits, aux questions ou aux critères à l’égard desquels une preuve doit être avancée. La charge ultime ou de persuasion, par contraste, désigne l’obligation qu’a une partie de prouver chaque point soulevé soit selon la prépondérance de la preuve dans une affaire de nature civile, soit hors de tout doute raisonnable dans une affaire de nature criminelle. Il n’existe pas de troisième charge ultime de preuve, comme le demandeur le laisse entendre. Voir Sopinka Lederman et Bryant : The Law of Evidence in Canada, 3e éd. (Markham, Ontario : LexisNexis, 2009), à la page 90, au paragraphe 3.11.

 

[26]           La SAI a donc appliqué la charge ultime de preuve correcte, soit celle de la prépondérance de la preuve, et elle n’avait pas à faire une distinction entre la connaissance précise ou générale qu’avait le demandeur des individus qu’il fréquentait au moment de soupeser la prépondérance de la preuve. La SAI n’a pas commis d’erreur dans son évaluation de la valeur probante de la preuve, ainsi que le demandeur le laisse entendre. La conclusion selon laquelle ce dernier a enfreint la condition no 11 de son sursis n’oblige pas à prouver de manière positive qu’il était en fait au courant du casier judiciaire ou des activités criminelles des individus qu’il fréquentait. Il pouvait toutefois soumettre à la SAI la preuve qu’il ne possédait pas cette connaissance, ce qu’il semble ne pas avoir fait. Plus précisément, il n’est pas déraisonnable que la SAI se soit fondée sur le rapport et le témoignage du sergent Filion car, comme celle-ci l’a signalé, le demandeur n’a rien fourni pour réfuter cette preuve déterminante.

 

            La SAI n’a pas omis de prendre en considération l’intérêt supérieur des enfants du demandeur

[27]           Le demandeur affirme simplement que son renvoi portera préjudice à ses enfants et il prétend que la SAI n’a pas du tout examiné cette question. Le défendeur soutient que la SAI a pris en considération ce préjudice, mais a conclu que le fait d’avoir enfreint les conditions du sursis avait plus de poids. Le défendeur signale également que le demandeur était tenu de fournir une preuve de l’intérêt de ses enfants et qu’il n’a pas fourni à cet égard d’autres éléments de preuve qui justifieraient qu’on analyse cet aspect de plus près.

 

[28]           Dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 57, la Cour suprême confirme que l’évaluation que fait la SAI des motifs d’ordre humanitaire cités à l’appui d’un appel relatif à une ordonnance de renvoi est susceptible de contrôle selon la norme de la raisonnabilité.

[29]           Dans la décision contestée, la SAI a bel et bien pris en considération l’intérêt des enfants, quoique brièvement. Cependant, il est vrai qu’il n’y a pas eu de preuve qui aurait obligé à considérer de manière plus complète l’intérêt des enfants. Toutefois, comme l’intérêt supérieur des enfants n’est pas un facteur déterminant qui serait suffisant pour l’emporter sur tout autre élément (Dela Rea Manalang c Canada, 2007 CF 1368, au paragraphe 110), la Cour considère que la décision contestée est raisonnable.

 

            La conclusion relative à la crédibilité de l’épouse du demandeur n’était pas importante

[30]           Le demandeur soutient en dernier lieu que la SAI a commis une erreur en ne tenant pas compte de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire de son épouse qui est en instance depuis 2001 (cette demande a été approuvée en principe en 2003, mais, depuis lors, il n’y a eu aucune confirmation), car la conclusion relative à sa crédibilité reposait sur le fait qu’elle avait travaillé sans l’autorisation de travail requise. Le défendeur réitère le mépris de l’épouse du demandeur à l’égard du système d’immigration, comme en fait foi le fait d’avoir travaillé illégalement, et il soutient que le demandeur exprime simplement son désaccord à l’égard du poids que la SAI a accordé à des facteurs différents dans son évaluation de la preuve.

 

[31]           À l’audience devant la Cour, l’avocat a mis en doute la déclaration de la SAI selon laquelle « [e]n ce qui concerne l’épouse de l’appelant [le demandeur], son manque de respect pour les lois canadiennes suscite peu de sympathie de la part du tribunal ». Cependant, selon l’avocat, cela n’était pas important dans l’évaluation que la SAI devait faire au sujet de la crédibilité.

 

[32]           Cela dit, je signale que la SAI a expressément traité de la crédibilité de Mme Abrudan, mais qu’elle a conclu qu’elle « privilégie le témoignage du sergent Filion à ceux de l’appelant [le demandeur] et de son épouse, qui ne sont pas des témoins crédibles et dont les témoignages manquaient de sincérité et n’étaient pas convaincants ».

 

[33]           Même si le commentaire que la SAI a formulé au sujet du fait que Mme Abrudan ne respectait pas la loi peut être illogique ou difficile à saisir, il faut le resituer dans son juste contexte – la SAI examinait le préjudice que le non-maintien ou l’annulation du sursis aurait sur la famille du demandeur, laquelle comprend son épouse et ses enfants. De plus, il est clair dans les motifs de la décision contestée, et raisonnable, que l’évaluation de cette question n’était pas importante pour l’issue de la décision. Il faut se souvenir à cet égard que les facteurs énoncés dans Ribic sont considérés comme une liste « indicative et non pas exhaustive » et que « [le] poids à accorder à un facteur donné dépend des circonstances particulières de chaque cas » (Chieu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 4, au paragraphe 40).

 

[34]           Pour les motifs qui précèdent, il convient de rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. À l’audience, le demandeur a laissé à la Cour le pouvoir discrétionnaire de décider si le fait que le tribunal ait qualifié le réexamen de « final » soulevait une question de portée générale. À mon avis, le droit est clair et la réponse que la Cour a déjà donnée à l’argument invoqué par le demandeur ne donne pas lieu à une question de portée générale. Il s’ensuit qu’aucune question ne sera certifiée dans les circonstances.

 


JUGEMENT

            LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question ne sera certifiée dans les circonstances.

 

« Luc Martineau »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-567-11

 

INTITULÉ :                                       STERIE CRACIUN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 2 novembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            Le juge Martineau

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 7 novembre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mark J. Gruszczynski

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Michel Pepin

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gruszczynksi, Romoff

Westmount (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.