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Date : 20111107


Dossier : IMM-7853-11

Référence : 2011 CF 1273

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 7 novembre 2011

En présence de monsieur le juge Shore

 

 

ENTRE :

MYUNGAH ROH

 

demanderesse

 

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE
ET DE
LA PROTECTION CIVILE

 

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I. Aperçu

[1]               Mme Roh est une citoyenne de la Corée du Sud qui est arrivée au Canada il y a deux ans et demi; la demande d’asile qu’elle a ensuite présentée a été rejetée. En prenant les dispositions nécessaires au renvoi de Mme Roh du Canada, l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) a agi en tout temps avec prudence et respect à l’égard de la sécurité et de la dignité de Mme Roh. L’ASFC tente de renvoyer cette dernière depuis le 30 juin 2011.

 

[2]               La situation de Mme Roh au Canada est triste et complexe. Ici, elle n’a pas de famille ou de biens, elle n’a jamais travaillé et elle est bénéficiaire de l’aide sociale. Son renvoi suscite chez elle une telle crainte qu’elle a des idées suicidaires. Toutefois, elle n’a pas réussi à établir pour sa crainte un fondement objectif. Si elle reste au Canada, elle continuera de vivre sous la menace d’un renvoi dans le cadre de la mesure d’expulsion qui a été prononcée à son endroit.

 

[3]               Les demandes de protection de Mme Roh ont été rejetées à trois reprises : d’abord par la Section de la protection des réfugiés (la SPR) et ensuite dans deux décisions d’examen des risques avant renvoi (ERAR) défavorables. Sa demande d’asile et sa première demande d’ERAR faisaient toutes deux état d’un risque de préjudice de la part d’un usurier auquel Mme Roh et sa mère avaient emprunté de l’argent. Les demandes qu’elle a présentées en vue de soumettre à un contrôle judiciaire la décision de la SPR ainsi que la première décision d’ERAR ont été rejetées.

 

[4]               L’ASFC a consulté le médecin de Mme Roh - et a obtenu l’accord de ce dernier - au sujet de la prise de dispositions appropriées en vue de son renvoi du Canada. Ce médecin a consulté un psychiatre qui l’a traitée, et l’ASFC est en voie d’obtenir une évaluation d’un psychiatre à propos de l’aptitude à voyager de Mme Roh.

 

[5]               L’ASFC a pris des dispositions pour que Mme Roh soit escortée lors de son voyage de retour par une infirmière psychiatrique et un agent et que, à son arrivée, elle soit accueillie par une escorte médicale en vue de l’admettre et de la soigner dans un hôpital spécialisé, ainsi que par un agent canadien d’intégrité des mouvements migratoires et un représentant du gouvernement sud-coréen, qui assureront sa protection physique. Ces mesures ont pour but de s’acquitter de l’engagement précis qu’a pris le gouvernement sud-coréen envers le gouvernement canadien pour ce qui est d’assurer le bien-être et la sécurité de sa citoyenne, après avoir reconnu que, en Corée du Sud, la lutte contre la criminalité et la victimisation est aujourd’hui devenue une priorité.

 

[6]               La seconde demande d’ERAR de Mme Roh a ajouté à sa crainte que la Corée du Sud ne serait pas en mesure de lui procurer des soins de santé mentale appropriés. Mme Roh souhaite obtenir un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi la concernant en attendant l’issue du contrôle judiciaire de la seconde décision défavorable.

 

[7]               Dans de longs motifs de décision, le premier agent d’ERAR a examiné avec soin les éléments de preuve que Mme Roh avait présentés et il a rendu une décision raisonnable. Cet agent a également rejeté la demande de Mme Roh en vue d’obtenir une exemption à l’application de la loi pour des considérations d’ordre humanitaire (CH).

 

[8]               Selon le ministre défendeur, il y a lieu de rejeter la requête de Mme Roh, car cette dernière n’a pas établi les éléments nécessaires pour obtenir un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi : elle n’a pas soulevé une question sérieuse à trancher, elle n’a pas montré qu’elle subirait un préjudice irréparable, et la prépondérance des inconvénients favorise le ministre.

 

[9]               Le renvoi de Mme Roh est prévu pour le ou vers le mardi 8 novembre 2011. En attendant d’être renvoyée du Canada, elle fait l’objet d’une surveillance étroite en cas de risque de suicide, et ce, 24 heures sur 24, au sein d’une unité distincte du Centre de détention provisoire de Surrey, où il est possible d’obtenir des soins médicaux.

 

[10]           Mme Roh a déjà tenté de se suicider à l’époque où elle vivait en Corée du Sud, et elle a été hospitalisée dans ce pays. Elle n’a fourni aucune preuve que, lors de ce séjour à l’hôpital, son traitement avait posé des problèmes quelconques. Elle est renvoyée au même hôpital en Corée du Sud.

 

II. La procédure judiciaire

[11]           La demanderesse souhaite obtenir un sursis à son renvoi vers la Corée du Sud le 8 novembre 2011, en attendant l’issue de sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire.

 

III. Le contexte

[12]           La demanderesse, Mme Myungah Roh (alias Stella Roh), est une ressortissante sud‑coréenne née le 10 décembre 1973. Il s’agit d’une femme très vulnérable, qui souffre de problèmes physiques et médicaux documentés, imputables au sort qu’elle a connu en Corée du Sud. La demanderesse s’est enfuie au Canada le 11 mars 2009 et a demandé l’asile à son arrivée.

 

[13]           La demanderesse craint d’être persécutée et de subir un traitement cruel et inusité de la part d’usuriers criminels sud-coréens, qui, dans le passé, l’ont agressée violemment et ont tenté de l’enlever. Ces agressions lui ont causé des problèmes physiques et psychologiques de longue durée. Ces criminels ont continué de harceler les membres de sa famille en Corée du Sud et ont réitéré les menaces qu’ils avaient faites de l’obliger à se prostituer (trafic sexuel) pour rembourser l’emprunt que sa famille avait contracté (Formulaire de renseignements personnels [FRP]; premier examen des risques avant renvoi [ERAR], daté du 10 décembre 2010; affidavit de Myungah Roh, daté du 16 juillet 2011; version traduite du certificat de personne handicapée, daté du 13 janvier 2004; lettre médicolégale datée du 25 mars 2010).

 

[14]           La demande d’asile et la première demande d’ERAR de la demanderesse ont décrit le harcèlement et la persécution que celle-ci avait subis en Corée du Sud depuis 2000, date à laquelle elle a endossé un emprunt familial. L’entreprise qu’exploitait sa mère a fait faillite et des usuriers criminels ont commencé à envoyer des hommes pour harceler Mme Roh afin qu’elle rembourse l’emprunt. Lorsque le harcèlement a débuté, Mme Roh et les membres de sa famille ont tenté à plusieurs reprises de signaler les incidents à la police sud-coréenne, mais celle-ci ne les a pas aidés. Au lieu d’aider à mettre fin au harcèlement et aux menaces qui allaient en s’aggravant, la police a conseillé seulement aux membres de la famille de négocier eux-mêmes avec les agresseurs criminels. Vers le mois de décembre 2000, les individus ont tenté d’enlever Mme Roh, et elle a dû quitter son domicile. Elle a également été congédiée de son emploi, parce que les agresseurs la harcelaient au travail. Elle a tenté de déménager et a vécu continuellement cachée par crainte des usuriers criminels qui la harcelaient, mais, chaque fois, ces derniers sont parvenus à la trouver.

 

[15]           Les membres du gang criminel se sont présentés à son domicile et ont exigé le paiement d’une somme de 100 000 $US (un montant d’intérêt illégalement élevé). Après le départ de ces individus, Mme Roh a tenté de signaler l’incident à la police, mais celle-ci, une fois de plus, ne l’a pas aidée. Les individus l’ont harcelée et menacée à maintes reprises par téléphone. Ils lui ont dit qu’ils l’obligeraient à se prostituer dans des bordels ou qu’ils la tueraient et ne laisseraient aucune preuve derrière eux. Vers l’automne de 2006, les membres du gang criminel ont endommagé le domicile de Mme Roh en frappant contre un mur jusqu’à ce que celui-ci se fissure.

 

[16]           Vers le mois de mars 2007, les membres du gang criminel se sont présentés au domicile de Mme Roh et ont détruit à coups de bâton ses meubles, son téléviseur et son ordinateur. Elle se trouvait à la maison à ce moment-là et a tenté de les arrêter. Elle a été jetée à terre et a eu la respiration coupée. Lors de cette agression, Mme Roh s’est gravement blessée au dos. Pendant une semaine, elle n’a pas pu bouger et a dû rester immobile. À cause de cette agression, Mme Roh souffre d’une lésion dorsale permanente (bombement et dégénérescence d’un disque vertébral) et d’une douleur dorsale invalidante. Elle a tenté de porter plainte à la police au sujet de cet incident. La police sud-coréenne a refusé de consigner la plainte, sauf si Mme Roh pouvait obtenir un rapport médical. À l’époque, soit en 2007, cette dernière ne pouvait pas obtenir un tel rapport, parce qu’elle n’avait pas les moyens de payer les honoraires exorbitants d’un médecin privé. Sans rapport médical, la police sud-coréenne a refusé de consigner sa plainte concernant l’agression subie en mars 2007. La demanderesse a continué de vivre cachée et dans la peur des individus qui la persécutaient en Corée du Sud, jusqu’à ce qu’elle prenne la fuite pour le Canada en mars 2009.

 

[17]           Dans la demande CH déposée le 18 juillet 2011, la demanderesse a fourni une preuve par affidavit au sujet de récentes menaces de prostitution forcée ou de mort des usuriers criminels. La mère de la demanderesse a reçu des appels téléphoniques visant la sœur de cette dernière à une date aussi récente que le 12 juin 2011. Quand la mère a signalé les menaces téléphoniques à la police, celle-ci a refusé d’aider en disant que sa sœur se trouvait au Canada et qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter.

 

[18]           À cause des expériences persécutrices et traumatisantes qu’elle a vécues en Corée du Sud, la demanderesse continue de souffrir au Canada d’un risque élevé de suicide, d’un syndrome de stress post-traumatique et d’une grave dépression, ainsi que de douleurs au dos invalidantes. Elle a été hospitalisée pour tentative de suicide en juillet 2011. Après que l’ASFC eut rejeté la demande de sursis de Mme Roh, celle-ci a tenté de s’enlever la vie le 24 octobre 2011. Mme Roh a été découverte inconsciente dans son appartement, et elle avait laissé des notes de suicide. Elle était hospitalisée à l’unité des soins intensifs du St. Paul’s Hospital quand, le 26 octobre 2011, des agents de l’ASFC ont tenté de procéder à son arrestation pendant qu’elle était inconsciente (ordonnance d’incarcération involontaire (dossier de requête [DR], page 489); éléments de preuve additionnels sur la tentative de suicide – ERAR/CH (DR, pages 490 à 492); seconde demande de report – ASFC (DR, pages 493 à 498); lettre – Détention ASFC (DR, page 525); seconde décision d’ERAR et motifs connexes (onglet 2); décision CH et motifs connexes (DR, pages 501 à 516)).

 

IV. Les questions en litige

[19]           Pour obtenir un sursis provisoire à l’exécution d’une mesure de renvoi, il faut qu’un demandeur établisse les trois éléments qui composent le critère énoncé dans l’arrêt Toth :

1. il existe une question sérieuse à trancher;

2. le demandeur subirait un préjudice irréparable si le sursis était refusé;

3. la prépondérance des inconvénients favorise le demandeur.

(Toth c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 NR 302, 11 ACWS (3d) 440 (CAF)).

 

V. L’analyse

[20]           Compte tenu des circonstances particulières de l’affaire ainsi que des dispositions extraordinaires prises par les autorités canadiennes et sud-coréennes, la Cour souscrit à la position du défendeur selon laquelle la demanderesse n’a établi aucun des trois éléments essentiels du critère énoncé dans l’arrêt Toth.

 

A. La question sérieuse à trancher

[21]           Mme Roh soutient qu’elle a fait état des questions sérieuses qui suivent dans la demande sous-jacente d’autorisation et de contrôle judiciaire concernant la décision d’ERAR :

a)   la seconde agente d’ERAR a commis une erreur dans l’application du droit relatif à la protection de l’État;

b)   la seconde agente d’ERAR a commis une erreur en n’appliquant pas les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié;

c)   la seconde agente d’ERAR a fait abstraction de certains éléments de preuve.

 

[22]           La demanderesse n’est pas parvenue à établir l’existence d’une question sérieuse à trancher dans sa demande sous-jacente d’autorisation et de contrôle judiciaire concernant la seconde décision d’ERAR.

 

1) Généralités

[23]           Au stade du contrôle judiciaire, la nature de la décision que rend un agent d’ERAR justifie un degré de retenue élevé, et, à moins qu’elle soit déraisonnable, il ne convient pas de l’infirmer (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, aux paragraphes 44 à 64).

 

[24]           De plus, il n’incombe pas à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve ainsi que les observations relatives à la protection de l’État et de substituer son pouvoir discrétionnaire à celui d’un second agent d’ERAR. Quand la décision de cet agent n’a rien de déraisonnable, il n’y a pas de question sérieuse à trancher aux fins d’une demande de sursis (Tharumarasah c Canada (MCI), 2004 CF 211, au paragraphe 6; Ramos c Canada (MCI), 2008 CF 179).

 

2) La seconde demande d’ERAR

[25]           Dans sa demande d’ERAR, Mme Roh a fait état des mêmes risques que ceux qu’elle avait allégués lors de son audience infructueuse concernant sa demande d’asile ainsi que dans sa première demande d’ERAR, à savoir que si elle était obligée de retourner en Corée du Sud, l’usurier lui ferait du mal ou l’obligerait à se prostituer. Il a été conclu, par la SPR et dans la première demande d’ERAR, qu’elle ne courrait pas de risques pour ce motif.

 

[26]           De plus, dans sa seconde demande d’ERAR, elle a soutenu que l’État de la Corée du Sud n’était pas en mesure de lui prodiguer des soins de santé mentale appropriés.

 

[27]           La seconde agente d’ERAR a estimé que Mme Roh ne risquait rien pour ces motifs. Elle a conclu, comme l’avaient fait la SPR le 9 juin 2010 et le premier agent d’ERAR le 20 décembre suivant, qu’en Corée du Sud Mme Roh bénéficiait d’une protection de l’État contre l’usurier. Pour arriver à cette conclusion, la seconde agente d’ERAR a tenu compte de la situation générale des femmes au sein de la société sud-coréenne.

 

[28]           De plus, la seconde agente d’ERAR a analysé en détail les éléments de preuve relatifs aux soins médicaux et de santé mentale fournis en Corée du Sud, y compris les améliorations actuellement apportées au système des soins de santé mentale dans ce pays. Comme l’a conclu cette agente :

[traduction]

 

Bien qu’il ne soit pas parfait, le système universel des soins de santé de la Corée du Sud s’efforce de manière vigoureuse et constante, en collaboration avec l’OMS, d’améliorer les soins de santé offerts aux personnes qui souffrent d’une maladie mentale dans ce pays. Le gouvernement a manifestement mis en application un grand nombre des recommandations de la CNDPCS [Commission nationale des droits de la personne de la Corée du Sud] et il entretient une bonne relation avec ce groupe de défense des malades. Certes, le système a encore des lacunes, à l’instar de tous les systèmes progressistes de soins de santé, mais il ressort de la preuve indépendante plus convaincante que le gouvernement est résolu à améliorer le système des soins de santé mentale et a adopté des mesures qui font aujourd’hui de ce dernier un système médical très progressiste, qui, notamment, s’attaque, tant dans le secteur médical qu’au sein des familles, à la stigmatisation sociale dont, reconnaît-on, sont victimes les personnes souffrant de troubles mentaux.

 

(Seconde décision d’ERAR, affidavit de Wunderlich, dossier de requête du défendeur (DRD), volume 2, onglet 2).

 

3) Les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe

[29]           Mme Roh soutient également que la seconde agente d’ERAR a commis une erreur en ne procédant pas à une analyse fondée sur le sexe, ainsi que l’exigent les Directives intitulées Revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe (les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR).

 

[30]           Mme Roh invoque la jurisprudence concernant l’obligation qu’a la CISR de prendre en considération les Directives que sa présidente a établies, même si ces dernières ne sont pas reconnues pour s’appliquer aux agents du ministre défendeur. Quoi qu’il en soit, la seconde agente d’ERAR a été sensible à la situation particulière de Mme Roh, comme l’exigent les Directives.

 

[31]           La Commission est un tribunal administratif indépendant créé sous le régime de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR). La LIPR confère au président de la CISR [la présidente, en l’occurrence] le pouvoir suivant : « […] en vue d’aider les commissaires dans l’exécution de leurs fonctions, [donner] des directives écrites aux commissaires […] (la LIPR, alinéa 159(1)h)).

 

[32]           L’agent d’ERAR n’est pas un commissaire de la SPR mais plutôt un fonctionnaire fédéral au service du ministre défendeur, lequel a le droit de prendre part à la procédure suivie devant la SPR, de présenter des observations et d’intervenir. Les Directives de la CISR ne s’appliquent pas aux agents d’ERAR (la LIPR, au paragraphe 4(1) et aux alinéas 170d) et e)).

 

[33]           Comme l’a mentionné la Cour : « le but des Lignes directrices est de “s’assurer que les revendications fondées sur le sexe soient entendues avec sensibilité” ». Il n’est pas obligatoire, même pour les commissaires de la SPR, de se reporter aux Directives (Martinez c Canada (MCI), 2010 CF 31, au paragraphe 22).

 

[34]           Quoi qu’il en soit, les motifs de décision de la seconde agente d’ERAR montrent que cette dernière a été sensible à l’aspect « persécution fondée sur le sexe » de la demande de Mme Roh. L’agente a consacré une partie distincte de ses motifs aux éléments de preuve portant sur la situation des femmes dans la société sud-coréenne. De plus, Mme Roh n’a pas précisé de quelle façon l’agente a censément omis d’appliquer les Directives, ou en quoi cela aurait pu avoir une incidence sur sa décision. Mme Roh n’a pas réussi à soulever une question sérieuse à trancher (Martinez, précitée, au paragraphe 23).

 

4) La seconde agente d’ERAR a interprété correctement le droit relatif à la protection de l’État

[35]           Mme Roh soutient que la seconde agente d’ERAR n’a pas examiné si la protection de l’État dont elle disposait en Corée du Sud était appropriée. Les prétentions de Mme Roh, fondées sur la crainte que lui inspire l’usurier, ont été rejetées à plusieurs reprises, parce que celle-ci bénéficie d’une protection de l’État. De plus, l’agente a bel et bien tenu compte du caractère approprié de la protection de l’État, car elle a examiné des éléments de preuve relatifs à la façon dont les lois établies contre les usuriers étaient concrètement appliquées, et les mesures mises en place ont eu pour résultat de mettre fin aux activités d’un millier d’usuriers.

 

[36]           De plus, l’agente a également analysé le caractère adéquat des mesures de protection ainsi que l’accès des femmes à ces dernières, et elle a conclu qu’il ne serait pas objectivement déraisonnable que Mme Roh sollicite une protection contre les usuriers.

 

[37]           La seconde agente d’ERAR a également tenu compte du caractère adéquat des mesures de protection dont bénéficierait Mme Roh en rapport avec ses problèmes médicaux et mentaux. L’agente a tenu compte des changements mis en œuvre, des mesures de protection disponibles et du soutien offert aux personnes souffrant d’une invalidité en Corée du Sud. Elle a conclu que, sur ce fondement, Mme Roh ne courrait pas de risques.

 

[38]           Par ailleurs, Mme Roh n’a pas relevé d’éléments de preuve dénotant que la protection n’est pas appropriée ou qu’on n’applique pas les lois dans sa situation particulière.

 

[39]           Dans l’arrêt Canada (PG) c Ward, [1993] 2 RCS 689, la Cour suprême du Canada a conclu qu’il est présumé que les demandeurs d’asile bénéficient d’une protection de l’État et qu’ils ont le fardeau de fournir une preuve claire et convaincante que cette protection ne peut être raisonnablement assurée.

 

[40]           De plus, il est bien établi en droit que, pour réfuter la présomption d’une protection de l’État dans les démocraties développées telles que la Corée du Sud, Mme Roh a le fardeau plus lourd d’établir que les recours permettant d’obtenir la protection de l’État ont bel et bien été épuisés (Kadenko c Canada (SG), (1996), 124 FTR 160, 143 DLR (4th) 532; Hinzman c Canada (MCI), 2007 CAF 171, au paragraphe 57).

 

[41]           La seconde agente d’ERAR a conclu que l’incarcération de l’usurier (pendant une période d’environ trois ans) témoignait de la capacité et de la disposition de l’État sud-coréen à protéger ses citoyens contre les éléments criminels (seconde décision d’ERAR, DRD, volume 2, onglet 2, pièce « YY » de l’affidavit de Wunderlich).

 

[42]           Il est évident que la seconde agente d’ERAR a interprété et appliqué le bon critère juridique concernant la protection de l’État et qu’elle a raisonnablement conclu que Mme Roh n’avait pas réfuté la présomption de disponibilité d’une protection de l’État.

 

5) La seconde agente d’ERAR a pris en considération les éléments de preuve

[43]           Mme Roh soutient que la seconde agente d’ERAR n’a pas tenu compte du lien de causalité entre ses problèmes physiques et médicaux et les incidents de persécution qu’elle a vécus en Corée du Sud et que, de ce fait, elle n’a pas pris en considération tous les éléments de preuve. Au contraire, les motifs de l’agente révèlent explicitement que celle‑ci a pris en compte la totalité des observations de Mme Roh au sujet de ses problèmes et des incidents de persécution qu’elle avait censément vécus.

 

[44]           Aucune question sérieuse n’a été soulevée au sujet de la demande de contrôle judiciaire sous-jacente concernant la décision de la seconde agente d’ERAR.

 

B. Le préjudice irréparable

1) Généralités

[45]           Pour satisfaire au deuxième volet du critère énoncé dans l’arrêt Toth, il incombe aux demandeurs d’établir l’existence d’un risque de préjudice qui n’est ni conjectural ni fondé sur une série de possibilités. Ils doivent persuader la Cour que le préjudice surviendra si la réparation demandée n’est pas accordée (Molnar c Canada (MCI), 2001 CFPI 325, au paragraphe 15; Akyol c Canada (MCI), 2003 CF 931, au paragraphe 7; Selliah c Canada (MCI), 2004 CAF 261, aux paragraphes 13 à 15; Atwal c Canada (MCI), 2004 CAF 427, aux paragraphes 16 et 17).

 

[46]           En l’espèce, Mme Roh soutient qu’elle subira un préjudice irréparable parce que :

a)      elle s’expose à un risque en Corée du Sud à cause de l’usurier et de ses acolytes qui l’obligeront à se prostituer, et elle souffre d’une maladie mentale qui l’oblige à suivre un traitement psychiatrique;

b)      elle se fera du mal à cause de la perspective de son renvoi, et le processus de renvoi déclenche ses idées suicidaires;

c)      sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire concernant la seconde demande d’ERAR deviendra théorique.

 

[47]           Aucune de ces allégations ne correspond au seuil du « préjudice irréparable » qui est requis pour pouvoir surseoir à l’exécution de la mesure d’expulsion valide prononcée contre Mme Roh.

 

2) Les allégations de risque en Corée du Sud de Mme Roh ne correspondent pas au critère du préjudice irréparable

[48]           Selon la Cour, lorsque les allégations de risque d’un demandeur ont déjà été évaluées et que les juges des faits, dont la SPR et des agents d’ERAR antérieurs, ont conclu que ces allégations ne sont pas fondées, ces mêmes allégations ne peuvent pas servir de fondement à un argument étayant l’existence d’un préjudice irréparable dans le cadre d’une demande de sursis (Akyol, précitée, au paragraphe 8; Iwekaogwo c Canada (MCI), 2006 CF 782, au paragraphe 17; Saibu c Canada (MCI), 2002 CFPI 103, au paragraphe 11).

 

[49]           La SPR, le premier agent d’ERAR et la seconde agente d’ERAR ont tous trois apprécié la preuve de Mme Roh, examiné ses allégations et conclu qu’elle ne courrait pas de risques. La Cour n’a pas à contrôler maintenant des allégations que plusieurs juges des faits ont appréciées en détail.

 

[50]           Par ailleurs, dans la mesure où Mme Roh soutient que, si elle est obligée de retourner en Corée du Sud, l’usurier et ses acolytes continueront de la harceler et l’obligeront peut-être à se prostituer, il s’agit exactement de la même prétention que celle qu’elle a soumise à la SPR et dont elle a fait état dans sa première demande d’ERAR. Tant la SPR que le premier agent d’ERAR ont analysé en détail ces allégations de risque de retour et, dans les deux cas, elles ont été rejetées (décision de la SPR et motifs connexes, affidavit de Wunderlich, pièce « E »; décision d’ERAR no 1 et motifs connexes, affidavit de Wunderlich, pièce « I »).

 

[51]           En outre, la Cour a rejeté les demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire visant à la fois la décision de la SPR et la première décision d’ERAR (ordonnances de la Cour fédérale refusant l’autorisation de contrôle judiciaire, affidavit de Wunderlich, pièces « M » et « P »).

 

[52]           De plus, Mme Roh soutient que les nouvelles de son éventuelle expulsion ont aggravé son état mental et que l’on causerait manifestement un préjudice irréparable s’il fallait qu’elle mette à exécution ses idées suicidaires en cas de confirmation de son expulsion du Canada; cependant, la Cour d’appel fédérale a conclu que le stress, la dépression ou l’anxiété causés uniquement par le renvoi ne constituent pas un préjudice irréparable (Palka c Canada (MSPPC), 2008 CAF 165, au paragraphe 17).

 

[53]           Par ailleurs, l’ASFC a fait des efforts extraordinaires pour veiller à ce que l’on mette tout en œuvre pour assurer la sécurité de Mme Roh jusqu’au moment de son renvoi, durant le processus de renvoi, de même qu’à son arrivée en Corée du Sud.

 

[54]           Mme Roh fait actuellement l’objet d’une surveillance étroite en cas de risque de suicide, 24 heures sur 24, et on la surveille aux quinze minutes, dans une unité distincte de l’installation de détention. Elle sera accompagnée en tout temps par un agent d’escorte de l’ASFC et une infirmière psychiatrique durant son déplacement jusqu’à l’aéroport, à bord de l’avion, de même qu’à son arrivée en Corée du Sud.

 

[55]           Après avoir été mis au courant des dispositions prises en vue du renvoi de Mme Roh, son médecin a aidé à répondre aux besoins médicaux connexes. Le médecin de Mme Roh a collaboré afin de veiller à ce que celle‑ci soit renvoyée de la manière la plus sûre possible et il a fait part de toutes les informations médicales nécessaires à l’infirmière psychiatrique qui l’accompagnerait. Un représentant du consulat de la Corée du Sud a rencontré Mme Roh afin de savoir à quel hôpital elle avait été admise antérieurement dans son pays de façon à ce qu’elle puisse y retourner, car elle n’a jamais exprimé de préoccupations quelconques au sujet de cet établissement. Le gouvernement de la Corée du Sud s’est engagé à ce que la demanderesse reçoive des soins médicaux appropriés et qu’elle soit protégée contre les usuriers. La parole et l’honneur du gouvernement sud-coréen sont en cause, car c’est ce gouvernement qui s’est engagé à veiller à ce que l’on respecte l’engagement pris. La sécurité de la personne de la demanderesse est liée au geste destiné à sauver la face qu’a posé le gouvernement sud-coréen pour contrôler la criminalité contre laquelle, dit-il, il lutte, geste que ce gouvernement a posé, dit-il, pour garder le contrôle. À cette fin, un agent canadien d’intégrité des mouvements migratoires, présent en Corée du Sud, a été affecté au dossier de Mme Roh, tout comme un fonctionnaire sud-coréen.

 

[56]           Quand Mme Roh arrivera en Corée du Sud, elle sera accueillie par une escorte médicale sud-coréenne et un agent d’intégrité des mouvements migratoires d’Immigration Canada, qui veilleront à ce qu’elle soit conduite en toute sécurité à l’hôpital, où elle pourra obtenir une évaluation psychiatrique appropriée et les soins requis. L’ASFC a appris que des membres de la famille de Mme Roh, en Corée du Sud, viendront l’accueillir à l’aéroport et qu’ils sont impatients de la voir.

 

[57]           Compte tenu du ferme engagement pris par le gouvernement sud-coréen envers le bien‑être de la demanderesse, Mme Roh n’a pas établi l’existence d’un préjudice irréparable fondé sur l’un des motifs cités dans son argumentation.

 

3) Le fait que le contrôle judiciaire devienne théorique ou inutile ne cause pas un préjudice irréparable.

[58]           Mme Roh soutient qu’elle subira un préjudice irréparable si l’on n’accorde pas le sursis demandé, parce que sa demande de contrôle judiciaire deviendra théorique ou inutile.

 

[59]           Pour ce qui est du caractère théorique, la Cour d’appel fédérale a conclu que le fait de se prononcer sur une demande sous-jacente d’autorisation et de contrôle judiciaire visant une décision d’ERAR ne constitue pas un « préjudice irréparable ». En effet, si ce caractère théorique constituait un « préjudice irréparable » aux fins d’une requête en sursis, cela s’appliquerait à la quasi-totalité des affaires de renvoi dans lesquelles un sursis était demandé et cela priverait les tribunaux de la possibilité d’examiner au cas par cas la question du préjudice irréparable (Sittampalam c Canada (MCI), 2010 CF 562, 370 FTR 23, au paragraphe 44; Palka, précité, aux paragraphes 18 à 20).

 

[60]           En l’espèce, trois décideurs différents ont conclu que Mme Roh ne courrait pas de risques si elle était renvoyée en Corée du Sud, et, de ce fait, il n’y a pas d’autres aspects qui seraient utiles à son argument fondé sur l’aspect théorique de sa demande.

 

[61]           De plus, comme l’a signalé la Cour d’appel, même si la demande de contrôle judiciaire d’un demandeur devenait effectivement théorique, la Cour peut de toute façon exercer son pouvoir discrétionnaire pour l’entendre. Ce pouvoir autorise à entendre un appel après le rejet d’une demande de sursis (Perez c Canada (MCI), 2009 CAF 171; Sittampalam, précitée, au paragraphe 45).

 

[62]           Par ailleurs, Mme Roh peut poursuivre son litige en donnant des directives à un avocat depuis l’étranger. Le fait de la renvoyer pendant que sa demande est en instance ne constitue pas un préjudice irréparable, à cause de l’engagement pris par le gouvernement sud-coréen (Selliah, précitée, au paragraphe 20; Sittampalam, précitée, au paragraphe 46).

 

[63]           En bref, l’argument de Mme Roh sur ce point est tout simplement incorrect en droit. En fait, dans un récent arrêt : Canada (MSPPC) c Shpati, 2011 CAF 286, la Cour d’appel fédérale a renforcé de nouveau le principe selon lequel le caractère théorique d’une demande d’ERAR ne constitue pas un préjudice irréparable pour les besoins d’un sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi :

[34]      […] il convient d’aborder le problème soulevé dans la question certifiée, en l’occurrence celle de savoir si le caractère théorique potentiel du litige relatif à une décision d’ERAR justifie le report d’un renvoi.

 

[35]      À mon avis, il faut répondre à cette question par la négative. S’il en était autrement, le report serait pratiquement automatique chaque fois qu’une personne qui risque d’être renvoyée introduit une instance en contrôle judiciaire relativement à une décision d’ERAR défavorable, ce qui, contrairement à l’économie de la loi, reviendrait à conclure à l’existence d’un sursis légal en plus de ceux qui sont expressément prévus par la LIPR.

 

[36]      D’ailleurs, les avocats de M. Shpati n’étaient pas prêts à aller aussi loin. Leur position – qui correspond peut-être à celle du juge de première instance (au paragraphe 42) – était que le caractère théorique potentiel du litige relatif à une décision d’ERAR n’est pas déterminant dans chaque cas, mais que l’agent d’exécution commet une erreur de droit en ne tenant pas compte de ce facteur lorsqu’il examine une demande de report du renvoi en attendant qu’une décision soit rendue au sujet d’une demande de contrôle judiciaire contestant une décision d’ERAR.

 

[37]      Je ne suis pas d’accord avec cet argument. En premier lieu, le caractère théorique potentiel du litige relatif à une décision d’ERAR serait un facteur dont il y a lieu de tenir compte chaque fois qu’un agent d’exécution est appelé à différer un renvoi en attendant qu’une décision soit rendue au sujet d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision d’ERAR défavorable. En conséquence, on ferait preuve d’un formalisme excessif en insistant pour que les agents en fassent chaque fois mention dans leurs motifs comme condition préalable à la validité de leur décision.

 

[38]      En second lieu, le caractère potentiellement théorique de la demande de contrôle judiciaire sous-jacente découlant du renvoi du demandeur ne cause pas nécessairement un préjudice irréparable au demandeur au sens du critère à trois volets justifiant l’octroi d’un sursis judiciaire (El Ouardi c. Canada (Solliciteur général), 2005 CAF 42, au paragraphe 8; Palka c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) 2008 CAF 165, au paragraphe 20). Toutefois, la décision par laquelle le juge de première instance a fait droit à la requête en sursis de M. Shpati semble avoir donné lieu à des opinions divergentes en Cour fédérale (voir paragraphes 37 à 40 des motifs de décision faisant l’objet du présent appel).

 

[39]      Si donc le caractère théorique ne constitue pas en soi un préjudice irréparable au sens du critère à trois volets régissant l’octroi d’un sursis au renvoi, je ne vois aucune raison pour laquelle les agents d’exécution devraient toujours être légalement obligés d’en tenir compte lorsqu’ils se prononcent sur une demande de report en attendant qu’une décision soit rendue au sujet d’un litige relatif à une décision d’ERAR.

 

 

[64]           Mme Roh n’est pas parvenue à prouver que son renvoi du Canada lui causera un préjudice irréparable.

 

C. La prépondérance des inconvénients

[65]           En l’espèce, la prépondérance des inconvénients milite fortement en faveur du ministre. Mme Roh a eu pleinement accès aux processus d’immigration canadiens au cours des deux années et demie où elle a vécu au Canada. Elle a pu bénéficier d’une demande d’asile, de deux demandes d’ERAR et d’une demande CH, et toutes ses demandes se sont soldées par une décision défavorable. Ses demandes visant à soumettre à un contrôle judiciaire la décision relative à sa demande d’asile et la première décision d’ERAR ont été rejetées par la Cour fédérale (Selliah, précitée, aux paragraphes 21 et 22).

 

[66]           Mme Roh est malade. Elle a besoin de soins et d’un soutien constants et appropriés, de même que d’un milieu stable. Sa situation au Canada est fragile. Elle a épuisé les recours en matière d’immigration dont elle disposait, et elle demeure sous le coup de la menace d’expulsion. Elle est sans travail, dans un état transitoire et bénéficiaire de l’aide sociale. Elle n’a aucun soutien familial au Canada, et, bien qu’elle ait continué de suivre ses séances de counselling, elle semble avoir évité parfois les soins médicaux dont elle a besoin.

 

[67]           De plus, l’avenir de Mme Roh au Canada est sombre : le régime d’aide sociale de la Colombie-Britannique est en voie de couper l’aide qu’il lui verse, parce qu’elle est maintenant une demanderesse d’asile déboutée. Si elle reste au Canada, elle continuera d’être menacée de renvoi du fait de la mesure de renvoi exécutoire qui plane au-dessus de sa tête.

 

[68]           La situation de Mme Roh en Corée du Sud est nettement moins sombre, car sa famille a hâte de l’accueillir et de l’aider à prendre soin d’elle-même. La famille serait en mesure de lui fournir un logement, une supervision, un soutien et une aide pour ses problèmes médicaux et mentaux. La prépondérance des inconvénients ne milite pas en faveur du report de son renvoi.

 

[69]           Pour apprécier la prépondérance des inconvénients, la Cour doit prendre en considération l’intérêt que porte le public à l’application des lois qui ont été adoptées pour le bien public par des assemblées législatives démocratiquement élues. Lorsqu’une loi confère à une instance publique le pouvoir de prendre une mesure particulière, la Cour se doit, dans la plupart des cas de présumer que le fait de s’abstenir de prendre la mesure en question causera un préjudice irréparable à l’intérêt du public (RJR- MacDonald Inc c Canada (PG), [1994] 1 RCS 311).

 

[70]           Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile est mandaté par la loi pour exécuter, dès qu’il est raisonnablement possible de le faire, la mesure d’expulsion concernant Mme Roh. Selon la Cour, l’intérêt du public milite en faveur de l’application efficiente, expéditive et équitable des lois du Canada en matière d’immigration. Cet intérêt milite donc en faveur du renvoi rapide de Mme Roh du Canada (la LIPR, au paragraphe 48(2); Membreno-Garcia c Canada (MEI), [1992] 3 CF 306, 93 DLR (4th) 620 (1re inst.)).

 

[71]           Comme l’a déclaré la Cour d’appel fédérale : « [s]i l’on veut que l’administration du droit de l’immigration soit crédible, il faut que le renvoi des personnes visées par une mesure d’expulsion soit la règle, et l’octroi d’un sursis en attendant l’issue d’une instance judiciaire, l’exception » (Tesoro c Canada (MCI), 2005 CAF 148, au paragraphe 47).

 

VI. Conclusion

[72]           Dans la présente affaire, vu les engagements qu’a pris le gouvernement sud-coréen envers les autorités gouvernementales canadiennes, la demanderesse n’est pas parvenue à établir l’existence d’aucun des trois éléments dont la Cour avait besoin pour accorder une ordonnance de sursis à l’exécution de la mesure de renvoi. De ce fait, la requête de la demanderesse en vue d’obtenir ce sursis sera rejetée.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la requête de la demanderesse en vue d’obtenir un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi est rejetée.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-7853-11

 

INTITULÉ :                                       MYUNGAH ROH c MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 7 NOVEMBRE 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 7 NOVEMBRE 2011

 

 

 

COMPARUTIONS : 

 

Peggy Lee

POUR LA DEMANDERESSE

 

Caroline Christiaens

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Peggy Lee

Avocate

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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