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Date : 20111122


Dossier : T-649-11

Référence : 2011 CF 1335

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 22 novembre 2011

En présence de monsieur le juge Mosley

 

 

ENTRE :

 

 

LA SUCCESSION DE CORINNE KELLEY

(LES EXÉCUTEURS TESTAMENTAIRES RONALD ET DEBORAH HAYDEN)

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les exécuteurs testamentaires de la succession de Corinne Kelley sollicitent, en application de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7, le contrôle judiciaire de la décision, datée du 11 mars 2011, rejetant leur demande d’allégement présentée en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985 (5e suppl.), c 1 (la Loi).

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, la demande sera accueillie, et l’affaire sera renvoyée pour nouvel examen.

 

LE CONTEXTE

 

[3]               Deborah et Ronald Hayden (qui sont frère et sœur; ci-après appelés « les Hayden », ou « les exécuteurs testamentaires »), sont les exécuteurs testamentaires de la succession de leur mère, Corinne Kelley, décédée le 30 octobre 2003. Leur beau-père, mari de Mme Kelley, George Kelley, a prédécédé son épouse le 5 avril 2003. Il semble que Mme Kelley était l’unique bénéficiaire de la succession de George Kelley, qui comprenait le produit de plusieurs comptes d’un régime enregistré d’épargne-retraite (REER).

 

[4]               Les demi-sœurs des Hayden, Barbara Page et Lynn Kelley-Cooper, étaient à l’origine les exécutrices testamentaires de la succession de George Kelley. Elles ont engagé une procédure contre les deux successions en 2004. M. Clifford Kelley, frère de George, fut donc nommé administrateur de la succession de George jusqu’à l’issue du litige. La procédure engagée contre les successions a finalement été abandonnée à la suite d’une transaction intervenue en 2007 et enregistrée auprès du tribunal de la Nouvelle-Écosse en 2010.

 

[5]               La dernière déclaration de revenus de Corinne Kelley, en tant que contribuable décédée, devait être produite le 30 avril 2004. Elle n’a été produite que le 1er septembre 2005. Les Hayden affirment qu’ils ont payé le reliquat de la dette fiscale en se fondant sur l’information dont ils disposaient à cette date-là.

 

[6]               Un feuillet T4RSP établi au nom de George Kelley et indiquant une somme de 39 719 $ a été émis le 17 mars 2004. Deborah Hayden affirme que toute la correspondance se rapportant à la succession de George Kelley a été transmise à l’exécuteur testamentaire de la succession de George.

 

[7]               Dans son témoignage, Mme Hayden déclare en outre que, en 2006, elle a reçu un [traduction] « double exemplaire » du feuillet T4RSP établi au nom de Corinne Kelley et indiquant la somme de 39 719 $. Les Hayden reconnaissent aussi avoir reçu un feuillet T4RSP indiquant la somme de 5 502 $, établi au nom de George Kelley (mais portant le numéro d’assurance sociale de Corinne Kelley).

 

[8]               En octobre 2006, les Hayden ont présenté à l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) une demande de redressement d’une T1, fondée sur un revenu additionnel de 34 734,18 $ qui n’avait pas jusque‑là été déclaré. Cette demande se rapportait à un feuillet T4RSP établi au nom de Corinne Kelley par CIBC Marchés mondiaux et reçu en 2006. L’ARC leur a envoyé une lettre le 30 novembre 2006 pour leur dire qu’elle ne pouvait pas traiter cette demande, parce qu’il manquait à l’envoi une copie du testament prouvant l’autorisation.

 

[9]               Mme Hayden atteste qu’elle a plusieurs fois envoyé à l’ARC les documents nécessaires établissant qu’elle et son frère étaient autorisés à s’occuper de la succession de leur mère, et elle ajoute que le personnel de l’ARC lui avait dit au téléphone que le compte d’impôt de la succession ne montrait aucun solde impayé. Son affidavit en la matière n’a pas été contesté.

 

[10]           L’ultime déclaration de revenus de Corinne Kelley pour l’année 2003 a été l’objet d’une nouvelle cotisation le 16 octobre 2008, par inclusion d’un autre revenu de 45 361 $, ce qui entraînait un solde d’impôt impayé de 31 340,26 $ (y compris une pénalité de 3 896,28 $ et des intérêts à cette date se chiffrant à 9 147,97 $).

 

[11]           Le 18 mars 2010, la succession a payé le principal de l’impôt dû par suite de la nouvelle cotisation. À la même date, les Hayden ont présenté, au nom de la succession, une demande d’allégement afin d’obtenir l’annulation des pénalités et des intérêts. Ils alléguaient, dans leur demande, le trouble émotionnel et la souffrance morale causés par le décès de leurs deux parents au cours d’une brève période, de même que le temps considérable écoulé avant qu’ils n’obtiennent les renseignements requis.

 

[12]           Le 8 septembre 2010, un [traduction] « Dossier de demande d’allégement pour premier examen » a été constitué. L’agent C. Mott a recommandé le rejet de la demande, parce qu’il n’y avait pas de circonstances atténuantes et qu’il n’y avait pas eu empressement à déclarer le revenu omis. K. Markotich a souscrit à la recommandation le 9 septembre 2010. Un directeur adjoint de la Direction générale des services aux contribuables et de la gestion des créances a rejeté la demande d’allégement par lettre datée du 30 septembre 2010.

 

[13]           Le 30 novembre 2010, les Hayden ont sollicité un examen impartial de la décision de non‑renonciation aux pénalités et intérêts. Leur demande évoquait les difficultés que, en tant qu’exécuteurs testamentaires, ils avaient rencontrées dans le litige concernant la succession, sans compter la confusion entraînée par les deux feuillets T4RSP reçus en 2006.

 

[14]           Cette demande de deuxième examen a été examinée par un agent affecté aux allégements pour les contribuables, un directeur adjoint et un comité de l’équité. Tous trois ont recommandé le rejet de la demande. Dans le [traduction] « Dossier de demande d’allégement pour deuxième examen », l’agent affecté aux allégements pour les contribuables, B. Walsh, écrit ce qui suit (Dossier certifié du tribunal, page 59) :

[TRADUCTION]

 

Au décès de M. George Kelley, ses REER étaient réputés avoir été liquidés et auraient dû figurer sur la déclaration de sa bénéficiaire (Mme Corinne Kelley). L’ARC a reçu, le 17 mars 2004, un feuillet T4RSP indiquant la somme de 39 719 $. Ce revenu aurait dû figurer sur la déclaration de Mme Corinne Kelley pour l’année 2003. Un feuillet additionnel T4RSP indiquant la somme de 5 502 $ a été émis le 3 mai 2006, pour l’année d’imposition 2005, au nom de M. George Kelley, mais portant le NAS de Mme Corinne Kelley, parce qu’elle était la bénéficiaire, et le revenu aurait dû figurer sur un feuillet T3 pour Mme Corinne Kelley (reçu après le décès). La nouvelle cotisation datée du 16 octobre 2008 incluait plutôt le revenu dans la déclaration de revenus de Mme Corinne Kelley pour l’année 2003.

 

[…]

 

Les intérêts et pénalités figurant sur la nouvelle cotisation ont été validement calculés à compter du 1er mai 2003 et jusqu’à la date de la nouvelle cotisation (16 octobre 2008).

 

 

[15]           La demande et les recommandations ont été examinées par J.E. Poirier, directrice du Bureau des services fiscaux de la Nouvelle-Écosse (la directrice).

 

LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

 

[16]           Dans sa décision datée du 11 mars 2011, la directrice a rejeté la demande des exécuteurs testamentaires sollicitant une renonciation aux intérêts et aux pénalités. Elle a examiné les observations des exécuteurs testamentaires, qui affirmaient ne pas avoir pu produire à temps la déclaration de 2003, en raison du litige concernant la succession. La directrice a relevé aussi que, selon ce qu’affirmaient les exécuteurs testamentaires, ils avaient à maintes reprises tenté de se renseigner auprès de l’ARC à propos du compte et qu’on leur avait refusé l’accès au compte, de même qu’une ventilation du solde du compte.

 

[17]           La directrice a noté que, pour savoir s’il convient ou non d’accorder un allégement à un contribuable, l’ARC doit se demander si le contribuable :

a)      a respecté, par le passé, ses obligations fiscales;

b)      a, en connaissance de cause, laissé subsister un solde en souffrance;

c)      a fait des efforts raisonnables et n’a pas été négligent;

d)      a agi avec diligence pour remédier à tout retard ou à toute omission.

 

 

[18]           La directrice faisait aussi observer que la déclaration de 2003 avait été produite le 1er septembre 2005, alors qu’elle aurait dû l’être le 30 avril 2004. Elle écrivait ce qui suit (Dossier certifié du tribunal, page 45) :

[TRADUCTION]

 

L’examen du compte [de Corinne Kelley] confirme que les feuillets d’impôt 2003, y compris le feuillet T4RSP établi au nom de George Kelley et indiquant la somme de 39 719 $, ont été envoyés à la bonne adresse apparaissant au dossier, avant la date limite de production, à savoir le 30 avril 2004.

 

 

[19]           La directrice a estimé que le litige impliquant la succession n’empêchait pas les exécuteurs de produire la déclaration de 2003 ou d’acquitter le solde du compte. Elle a aussi relevé que, le 30 novembre 2006 , l’ARC avait envoyé aux exécuteurs une lettre les informant qu’il fallait une copie du testament pour traiter une demande de redressement. Elle écrivait que, puisque le testament faisait état d’une autorisation conjointe de Deborah et Ronald Hayden, toute la correspondance adressée à l’ARC devait être signée par les deux parties.

 

[20]           La succession devait donc payer des pénalités et intérêts totalisant environ 15 000 $.

 

 

LA QUESTION EN LITIGE

 

[21]           La seule question à décider dans la présente affaire est de savoir si la décision de la directrice de refuser l’allégement demandé était raisonnable.

 

LES DISPOSITIONS APPLICABLES

 

[22]           Le paragraphe 220(3.1) de la Loi dispose ainsi :

220. (3.1) Le ministre peut, au plus tard le jour qui suit de dix années civiles la fin de l’année d’imposition d’un contribuable ou de l’exercice d’une société de personnes ou sur demande du contribuable ou de la société de personnes faite au plus tard ce jour-là, renoncer à tout ou partie d’un montant de pénalité ou d’intérêts payable par ailleurs par le contribuable ou la société de personnes en application de la présente loi pour cette année d’imposition ou cet exercice, ou l’annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

220. (3.1) The Minister may, on or before the day that is ten calendar years after the end of a taxation year of a taxpayer (or in the case of a partnership, a fiscal period of the partnership) or on application by the taxpayer or partnership on or before that day, waive or cancel all or any portion of any penalty or interest otherwise payable under this Act by the taxpayer or partnership in respect of that taxation year or fiscal period, and notwithstanding subsections 152(4) to (5), any assessment of the interest and penalties payable by the taxpayer or partnership shall be made that is necessary to take into account the cancellation of the penalty or interest.

 

 

ANALYSE

            La norme de contrôle

 

[23]           Il n’est pas nécessaire de procéder à une analyse relative à la norme de contrôle si la jurisprudence a déjà fixé d’une manière satisfaisante la norme à appliquer : arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 62. La Cour a jugé que toute question touchant l’exercice du pouvoir discrétionnaire d’accorder un allégement à un contribuable, en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi, doit être contrôlée d’après la norme de la décision raisonnable : Agence du revenu du Canada c Telfer, 2009 CAF 23, [2009] 4 CTC 123, au paragraphe 2.

 

L’objection préliminaire à la recevabilité

 

[24]           Au cours de l’audition de la présente demande de contrôle judiciaire, les Hayden ont déposé plusieurs documents additionnels qui ne faisaient pas partie du dossier de la demande. L’avocate du défendeur s’est opposée à l’admission de ces documents, parce qu’ils n’avaient pas été produits en tant que pièces annexes d’un affidavit et que, à première vue, ils ne semblaient pas avoir été soumis à la directrice. J’ai pris note de l’objection et indiqué que je statuerais sur la question de la recevabilité en même temps que sur le fond de la demande.

 

[25]           Les nouveaux documents sont les suivants : 1) trois pages de la copie des exécuteurs testamentaires reproduisant l’ultime déclaration de revenus de Corinne Kelley pour l’année 2003; 2) leur copie de la demande de redressement d’une T1 pour l’année 2006; 3) la copie d’un feuillet T4RSP non daté indiquant la somme de 34 734,18 $ et établi au nom de Corinne Kelley (la défunte) par CIBC Marchés mondiaux pour l’année 2003; 4) un autre feuillet T4RSP, lui aussi établi au nom de Corinne Kelley pour l’année 2003 et indiquant un solde nul. Le troisième document est le feuillet T4RSP indiquant le montant déclaré à l’ARC en 2006 en tant que revenu non déclaré auparavant.

 

[26]           La règle générale est que seule la preuve qui a été soumise au décideur administratif peut être considérée dans une procédure de contrôle judiciaire, sauf une exception, à savoir lorsque l’équité procédurale est en jeu, ou bien lorsque le document soumis est considéré comme une information générale susceptible de faciliter la tâche de la Cour : McFadyen c Canada (Procureur général), 2005 CAF 360; Chopra c Canada (Conseil du Trésor), (1999), 168 FTR 273, au paragraphe 9). Le nouveau document doit généralement être annexé à un affidavit : Canada (Procureur général) c Lacey, 2008 CAF 242.

 

[27]           Vu les circonstances particulières de la présente affaire, j’ai considéré que les documents pourraient aider la Cour à comprendre le contexte de la demande. Puisqu’il s’agissait de documents qui devraient être en la possession du défendeur, j’ai estimé aussi que leur admission ne causerait aucun préjudice au défendeur. J’ai donc conclu qu’ils étaient recevables. Hormis le feuillet T4RSP indiquant la somme de 34 734,18 $ (le 3e document susmentionné), les documents n’étaient guère utiles.

 

La décision de refuser l’allégement demandé était-elle raisonnable?

 

[28]           Les exécuteurs testamentaires affirment que le feuillet T4RSP reçu pour Corinne Kelley indiquait la somme de 34 734,18 $, et non celle de 39 719 $. Selon eux, cet écart n’a jamais été expliqué par l’ARC, et les raisons du solde impayé sont encore mal comprises. Ils affirment qu’ils ont communiqué avec l’ARC pour tenter de savoir ce qu’ils devaient faire du feuillet T4RSP établi au nom de George Kelley, mais on leur a répondu qu’ils ne pouvaient pas joindre ce feuillet pour Corinne Kelley. Ils avaient donc envoyé le feuillet de George Kelley à l’exécuteur testamentaire de celui-ci, et les feuillets reçus au nom de Corinne Kelley avaient été transmis à l’ARC dès leur réception.

 

[29]           Au cours de l’audience, l’avocate du défendeur a reconnu avec franchise qu’il y avait de la confusion dans les documents soumis à la Cour, mais a fait valoir que la directrice avait rendu une décision raisonnable, compte tenu des renseignements qui lui avaient été soumis.

 

[30]           Selon le défendeur, la Cour ne peut intervenir que si elle juge que la directrice a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait : arrêt Rohm & Haas c Tribunal antidumping (1978), 22 NR 175 (CAF). Ici, de dire le défendeur, la directrice n’a pas manqué de considérer l’ensemble des faits pertinents. Elle a pris note de l’écart entre le montant du feuillet T4RSP allégué par les exécuteurs (environ 35 000 $) et celui allégué par l’ARC (39 719 $), mais elle a estimé que les exécuteurs n’avaient pas produit de copie du feuillet T4RSP indiquant ce montant, et, selon les dossiers de l’ARC, le feuillet indiquait un montant de 39 719 $. Le défendeur relève aussi que les Hayden reconnaissent avoir reçu en 2006 un [traduction] « double exemplaire » du feuillet T4RSP établi au nom de Corinne Kelley et indiquant le montant de 39 719 $.

 

[31]           À mon avis, la directrice a commis une erreur en concluant que les renseignements qui étaient requis pour que l’ultime déclaration de l’année 2003 soit validement produite avaient été envoyés à la bonne adresse avant la date limite de production. Manifestement, la directrice a en partie fondé son refus d’accorder un allégement sur sa conclusion selon laquelle les exécuteurs testamentaires disposaient de tous les renseignements nécessaires pour produire à temps l’ultime déclaration de 2003; toutefois, cette conclusion n’est pas étayée par le dossier soumis à la Cour.

 

[32]           Le revenu en cause est attribuable à un REER réputé avoir été liquidé au décès de George Kelley, en 2003. Selon le Guide de l’ARC, REER et autres régimes enregistrés pour la retraite (Dossier certifié du tribunal, à la page 38), la manière dont ce revenu est déclaré dépend de la question de savoir si les fonds du REER sont transférés au conjoint survivant désigné comme bénéficiaire. Si tous les fonds sont transférés au conjoint survivant avant la fin de l’année suivant l’année du décès, alors un feuillet T4RSP sera émis au nom du conjoint survivant, lequel devra déclarer le revenu. Autrement, le feuillet sera émis au nom du rentier décédé, et le revenu devra figurer dans la déclaration ultime de celui-ci.

 

[33]           L’argument du défendeur est que les fonds du REER ont été transférés à Corinne Kelley au décès de George Kelley et qu’ils auraient donc dû figurer dans la déclaration ultime de Corinne Kelley pour l’année 2003. Cependant, selon le dossier, Corinne Kelley n’a pas reçu de feuillet T4RSP indiquant la somme de 39 719 $ avant la date limite de production, à savoir le 30 avril 2004.

 

[34]           Le feuillet T4RSP envoyé en 2004 et indiquant la somme de 39 719 $ était établi au nom de George Kelley, et ce montant n’aurait donc pas pu figurer dans la déclaration ultime de Corinne Kelley pour 2003. Dans sa décision, la directrice reconnaît que ce feuillet T4RSP avait été établi au nom de George Kelley, mais elle n’explique pas comment les exécuteurs testamentaires de la succession de Corinne auraient pu déclarer ce revenu dans la déclaration de celle-ci pour 2003. Au moment d’examiner le dossier fiscal, les fonctionnaires de l’ARC semblent avoir présumé que les Hayden avaient accès aux renseignements détenus par la succession de George Kelley. Outre que les Hayden n’avaient pas l’autorisation d’accéder à tels renseignements, l’actif successoral était l’objet d’un litige engagé par les autres exécutrices testamentaires, et les membres de la famille s’étaient brouillés. Ces facteurs n’ont pas été suffisamment pris en compte par la directrice.

 

[35]           Le dossier certifié du tribunal soumis à la Cour ne fait pas état d’un feuillet T4RSP qui indiquerait le montant de 39 719 $ et qui aurait été envoyé au nom de Corinne Kelley. Mme Hayden écrit dans son affidavit qu’elle a reçu en 2006 une copie de ce feuillet. Ainsi, bien qu’il semble que les fonds du REER ont été transférés à Corinne Kelley à un certain moment, il ressort de la preuve que les exécuteurs testamentaires n’en ont été informés qu’en 2006. Le dossier soumis à la Cour ne contredit pas Mme Hayden quand elle affirme que c’est en 2006 qu’elle a eu connaissance de ce revenu. Il était donc déraisonnable pour la directrice de ne pas tenir compte de ce fait et de ne pas se demander s’il justifiait pour la succession un allégement partiel des pénalités et des intérêts.

 

[36]           De même, il n’est pas établi dans le dossier qu’un feuillet T4RSP indiquant un montant de 5 502 $ et établi au nom de Corinne Kelley a jamais été envoyé. Le feuillet T4RSP indiquant le montant de 5 502 $ et établi au nom de George Kelley a été envoyé en 2006. Dans sa décision, la directrice aurait dû prendre cela en considération et tenir compte de la date à laquelle les exécuteurs testamentaires auraient pu, au départ, avoir connaissance de ce revenu et le déclarer pour la succession de Corinne Kelley.

 

[37]           Comme l’écrivait le juge Hansen dans la décision Johnston c Canada, 2003 CFPI 713, au paragraphe 29, l’intervention de la Cour est justifiée si le décideur a erronément apprécié les faits qui étaient essentiels pour sa décision. Ici, la directrice a erronément conclu que les renseignements figurant dans ces deux feuillets T4RSP étaient accessibles aux exécuteurs testamentaires avant la date limite de production, et cette conclusion était essentielle pour sa décision.

 

[38]           J’arrive à la conclusion que la décision de la directrice n’était pas raisonnable et que l’affaire doit être renvoyée à l’ARC pour nouvel examen par un autre décideur, conformément aux présents motifs. C’est là une affaire qui devrait être résolue avec discernement par l’Agence, et sans que les fonds publics soient davantage mis à contribution.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie et que l’affaire est renvoyée à l’Agence du revenu du Canada pour nouvel examen par un autre décideur, conformément aux présents motifs.

 

 

« Richard G. Mosley »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-649-11

 

INTITULÉ :                                       SUCCESSION DE CORRINE KELLEY

                                                            (PAR SES EXÉCUTEURS TESTAMENTAIRES, RONALD ET DEBORAH HAYDEN)

 

                                                            et

 

                                                            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 15 novembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE MOSLEY

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 22 novembre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Deborah Hayden

 

POUR LA DEMANDERESSE

(EN SON PROPRE NOM)

 

Melanie T. Petrunia

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Deborah Hayden

Digby (Nouvelle-Écosse)

 

POUR LA DEMANDERESSE

(EN SON PROPRE NOM)

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Halifax (Nouvelle-Écosse)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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