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Date : 20111122


Dossier : IMM-3065-11

Référence : 2011 CF 1346

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 22 novembre 2011

En présence de monsieur le juge Barnes

 

 

ENTRE :

 

JOSE FERNANDO ORTIZ GARCIA

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur, Jose Fernando Ortiz Garcia, est un citoyen de la Colombie dont la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande d’asile, aux termes d’une décision datée du 25 mars 2011. Dans la présente demande, M. Ortiz cherche à faire annuler cette décision de la Commission.

 

[2]                La décision de M. Ortiz de renoncer à sa résidence autorisée aux États-Unis pour retourner en Colombie en 2005 et le fait que M. Ortiz se soit temporairement réclamé à nouveau de la protection de la Colombie en 2003 ont fortement influé sur la conclusion de la Commission selon laquelle M. Ortiz manquait de crédibilité.

 

[3]               M. Ortiz soutient que la Commission a commis une erreur lorsqu’elle a conclu, sur le fondement de contradictions dans son témoignage ou de faiblesses de son témoignage en marge de son exposé circonstancié relatif au risque, que M. Ortiz manquait de crédibilité. Celui-ci soutient également que la conclusion de la Commission selon laquelle il s’était réclamé à nouveau de la protection de la Colombie était inique, parce que l’incident qui a déterminé son départ de ce pays en 2009 est survenu longtemps après sa dernière réclamation de la protection de cet État. Enfin, M. Ortiz soutient que la Commission a procédé à une analyse au regard de l’article 97 qui était expéditive et insuffisante sur le plan juridique. Ce sont toutes là des questions mixtes de faits et de droit assujetties à la norme de contrôle de la décision raisonnable.

 

[4]               M. Ortiz n’a pas limité sa demande d’asile initiale à un incident unique survenu en janvier 2009 et mettant en cause les FARC. Dans l’exposé circonstancié de son Formulaire de renseignements personnels (FRP), M. Ortiz a fondé sa demande d’asile sur une série de faits qui mettaient en cause sa propre personne et d’autres membres de sa famille, et qui remontaient aux années 1980. Il a affirmé qu’en 2001, sa famille était [TRADUCTION] « dans la mire de la guérilla et nous savions que ça n’arrêterait jamais ». M. Ortiz a également décrit l’enlèvement de son frère et son neveu en octobre 2001, la perte de sa maison à Bogotà et le fait que les FARC pouvaient se présenter inopinément et formuler des demandes qui ne souffraient aucun refus. Cette longue histoire de persécution alléguée a amené plusieurs membres de la famille de M. Ortiz, dont lui‑même, à partir aux États-Unis et au Canada, M. Ortiz étant, quant à lui, parti aux États-Unis en 1999. Lorsque la Commission lui a demandé pourquoi il avait quitté la Colombie en 1999, il a répondu : [TRADUCTION] « parce que j’étais en danger, ma vie était menacée ». C’était là une réponse spontanée à une question dépourvue de toute ambiguïté, et je n’admets pas la qualification plus bienfaisante que propose Me Brodzky de cet élément de preuve.

 

[5]               Malgré l’affirmation d’une profonde crainte subjective, M. Ortiz s’est réclamé à nouveau de la protection de la Colombie en 2005, ostensiblement parce qu’il trouvait trop difficile de vivre aux États-Unis. La Commission a trouvé particulièrement préoccupant le fait qu’en retournant en Colombie en 2005, M. Ortiz avait délibérément renoncé à son statut protégé de résident permanent des États-Unis. La conclusion de la Commission selon laquelle cet élément de preuve indiquait « une absence de crainte subjective » est devenue le fondement de sa conclusion défavorable quant à la crédibilité.

 

[6]               Me Brodzky a soutenu pour le compte de M. Ortiz que la Commission n’avait pas compris que M. Ortiz fondait sa présente demande d’asile sur un incident ultérieur survenu en 2009 lorsque les FARC étaient réapparues dans le décor et avaient demandé des soins médicaux pour un camarade blessé. Je ne suis pas d’accord pour dire que la Commission a mal interprété cet élément de preuve. Il est clair qu’elle avait les faits de 2009 à l’esprit lorsqu’elle a formulé la conclusion suivante :

[34]      Le demandeur d’asile fonde sa demande d’asile sur l’incident survenu à Lerida; sa demande d’asile renferme des incohérences quant à son comportement, et il existe des contradictions entre son exposé circonstancié et son témoignage. Par conséquent, le tribunal n’a pas confiance en la crédibilité du demandeur d’asile. En outre, le comportement de celui-ci témoigne de l’absence de crainte subjective, compte tenu du motif qui l’a amené à se réclamer de la protection de la Colombie une seconde fois et à renoncer à la sécurité que lui a procuré son statut de résident permanent pendant six ans.

 

 

[7]               M. Ortiz a cherché à isoler sa demande d’asile de 2009 des faits antérieurs à son retour en Colombie en 2005, parce que cette nouvelle réclamation de la protection de la Colombie était incompatible avec la crainte qu’il alléguait avoir éprouvée à cette époque. Cependant, ces faits antérieurs étaient pertinents au regard de la demande d’asile de M. Ortiz même s’ils n’étaient plus utiles ou commodes. La Commission n’a guère été impressionnée par la tentative de M. Ortiz d’embellir les risques qui avaient justifié son départ de la Colombie en 1999. Ces éléments de preuve et sa nouvelle réclamation de la protection de la Colombie en 2005 étaient pertinents au regard de son allégation de l’existence d’un risque en 2009, et il était raisonnablement loisible à la Commission de tenir compte de l’ensemble des faits pour conclure que M. Ortiz manquait de crédibilité de manière générale. La Commission a essentiellement fondé sa conclusion sur son avis que M. Ortiz n’était pas crédible et que son allégation de crainte subjective de persécution aux mains des FARC n’était pas vraisemblable. De fait, la renonciation de M. Ortiz à sa résidence aux États-Unis est inexplicable s’il craignait les FARC autant qu’il l’a soutenu.

 

[8]               Me Brodzky a soutenu qu’une conclusion de nouvelle réclamation de la protection de l’État supposait l’existence d’un certain risque au retour. Je ne suis pas d’accord. Une nouvelle réclamation de la protection de l’État tend habituellement à indiquer une absence de risque ou une absence de crainte subjective de persécution. En l’absence de motifs impérieux, les gens n’abandonnent pas des refuges pour retourner dans des endroits où leur sécurité personnelle est menacée.

 

[9]               J’admets que les éléments de preuve présentés par M. Ortiz au sujet de son second mariage secret n’étaient pas très pertinents au regard de son exposé circonstancié relatif au risque, mais les réserves de la Commission quant à la crédibilité en ce qui a trait à ces éléments de preuve étaient néanmoins raisonnables. Par exemple, il n’était pas déraisonnable que la Commission relève des contradictions entre, d’une part, l’affirmation de M. Ortiz dans son FRP selon laquelle, en 2005, [TRADUCTION] « [m]on épouse et moi sommes allés vivre à Lareda », et d’autre part, son témoignage selon lequel lui et son épouse avaient vécu ensemble pendant seulement trois ou quatre mois chaque année. L’absence de son épouse de la maison a fourni une explication à M. Ortiz lorsque la Commission lui a demandé si son épouse était présente lorsque les FARC étaient supposément apparues en 2009. Le témoignage de M. Ortiz comportait également certaines contradictions quant à la question de savoir si son second mariage avait véritablement été caché à d’autres membres de la famille.

 

[10]           La Commission a exprimé des réserves additionnelles au sujet de l’absence de preuve corroborante et de l’absence de certificat de mariage. Je conviens avec Me Brodzky qu’il n’aurait pas été évident pour la plupart des gens qu’il faudrait nécessairement produire un certificat de mariage pour corroborer les faits que M. Ortiz a relatés, mais le scepticisme de la Commission quant à l’absence de corroboration et quant à la question de savoir pourquoi M. Ortiz n’avait pas cherché à se prévaloir de la protection évidente qu’offrait la résidence de son épouse en 2009 était bien fondé et raisonnable.

 

[11]           En fin de compte, la Commission n’a pas cru le récit de M. Ortiz et a conclu expressément que celui-ci n’éprouvait pas de crainte subjective de persécution. Ces conclusions étaient suffisantes pour justifier le rejet de la demande d’asile que M. Ortiz avait faite en vertu de l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27.

 

[12]           En l’absence de preuve admise de risque personnel ou d’un profile de risque personnel, il n’y avait aucun motif pouvant justifier une décision favorable au regard de l’article 97, et la Commission n’était pas tenue de procéder à une analyse distincte quant à cette disposition. Sur ce point, je souscrirais au point de vue suivant exprimé par madame le juge Danièle Tremblay‑Lamer dans la décision Seevaratnam c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 694 (QL), 167 FTR 130 (C.F. 1ère inst.) :

[8]        Il est clair que lorsque la seule preuve qui relie le demandeur à la persécution émane de son témoignage, le fait de rejeter ce témoignage signifie que le lien avec la persécution n’existe plus. Il devient donc impossible d’établir un lien entre la revendication de la personne et la preuve documentaire.

.

 

[13]           Pour les motifs qui précèdent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

[14]           Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé de question à certifier, et le présent dossier ne soulève aucune question de portée générale.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« R.L. Barnes »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3065-11

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :            GARCIA c. MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 8 novembre 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE BARNES

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 22 novembre 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Michael Brodzky

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Christopher Ezrin

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Michael Brodzky

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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