Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20111129

Dossier : T‑1197‑10

Référence : 2011 CF 1373

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 29 novembre 2011

En présence de monsieur le juge Rennie

 

ENTRE :

 

SANDEEP KAPIL

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

AGENCE DU REVENU DU CANADA ET PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeurs

 

 

 

 

 

            MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

Introduction

[1]               Selon le paragraphe 204.1(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, (LRC, 1985, c 1 (5e suppl.)) (la LIR), un impôt spécial frappe les cotisations versées à des régimes enregistrés d’épargne‑retraite (REER) qui dépassent le maximum déductible permis par la Loi. Pour chaque mois où il reste dans un REER (jusqu’à concurrence de 60 mois) l’excédent est imposé de 1 %. Le contribuable est aussi tenu de produire des déclarations de revenu annuelles relativement aux cotisations excédentaires (T1‑OVP) et il est redevable des intérêts et des pénalités pour le défaut de le faire ou pour présentation tardive.

 

[2]               La LIR prévoit également une exemption de l’impôt. Le paragraphe 204.1(4) prévoit que, lorsque l’excédent fait suite « à une erreur acceptable » et que « les mesures indiquées pour éliminer l’excédent ont été prises », « [l]e ministre peut renoncer à l’impôt ». C’est dans le contexte de ce régime juridique que la présente décision a été prise.

 

[3]               Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision en date du 21 juin 2010, par laquelle un fonctionnaire de l’Agence du revenu du Canada (ARC), qui exerçait un pouvoir délégué par le ministre défendeur, a refusé de renoncer aux taxes applicables aux cotisations excédentaires cumulatives versées par le demandeur à son REER pour les années d’imposition 2008 et 2009. Le demandeur sollicite également le contrôle judiciaire de la décision en date du 11 juin 2010, par laquelle on a refusé de renoncer aux pénalités et aux intérêts débiteurs à l’égard des cotisations excédentaires pour l’année d’imposition 2008. Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

 

Faits

[4]               En 2008, le demandeur a quitté les États‑Unis (É.‑U.) et s’est établi au Canada, à Montréal, pour occuper un emploi auprès de SAP Labs Canada.

 

[5]               Avant de verser les cotisations ayant donné lieu à la présente demande, le demandeur a demandé conseil à l’ARC ainsi qu’aux conseillers financiers de la société responsables de la gestion des placements de retraite dans le cadre du régime de son employeur. Dans son affidavit, il déclare que les deux entités lui ont donné des conseils contradictoires. Lorsque le demandeur s’est adressé la première fois à un représentant de l’ARC, il a été informé qu’il ne pouvait pas verser une cotisation à un REER pour l’année d’imposition 2008, mais, lors d’un deuxième appel à un spécialiste de l’ARC, il a été informé qu’il pouvait verser une cotisation à un REER pour l’année d’imposition 2008, soit sa première année d’imposition au Canada. Dans le même ordre d’idées, il soutient qu’un conseiller/représentant financier de la société responsable de la gestion du régime de retraite de son employé a confirmé l’avis reçu initialement de l’ARC selon lequel il ne pouvait pas verser une cotisation à un REER. Il ajoute que, lors d’une autre communication, il a été conseillé par un autre conseiller/représentant financier qui lui a dit qu’il pouvait verser une cotisation à un REER pour l’année d’imposition 2008.

 

[6]               Sous le régime de la LIR, il n’avait pas le droit de verser des cotisations à un REER pendant sa première année d’emploi au Canada.

 

[7]               Malgré les avis contradictoires, le demandeur a versé, en mars 2008, une cotisation de 18 000 $ à son REER par l’intermédiaire de Fidelity Investment Services, l’administrateur du REER de son employeur. En janvier 2009, le demandeur a versé une cotisation de 4 500 $ à son REER.

 

[8]               Le 30 juillet 2009, le demandeur a signé le formulaire T30121‑A (Renonciation à l’impôt retenu sur le remboursement de vos cotisations inutilisées versées à un REER) pour demander la permission de retirer de son REER les cotisations excédentaires pour l’année 2008. Il a précisé qu’il voulait retirer de son compte la somme de 2 425 $ pour l’année d’imposition 2008.

 

[9]               Par lettre datée du 29 septembre 2009, l’ARC informait le demandeur qu’il pouvait retirer 4 425 $ de son REER; toutefois, le demandeur avait le droit de retirer seulement 2 425 $ de son REER, ce qu’il a fait.

 

[10]           Dans la même lettre, l’ARC a avisé le demandeur qu’il devait produire une déclaration d’impôt T1‑OVP pour l’année 2008 et que le défaut de produire ce document dans les 90 jours suivant la fin de l’année 2008 donnerait lieu à des pénalités pour présentation tardive ainsi qu’à des intérêts débiteurs. Le demandeur a été également avisé dans cette lettre que les cotisations excédentaires au REER seraient frappées d’impôt pour chaque mois où l’excédent restait dans un REER.

 

[11]           Le 5 novembre 2009, l’ARC a reçu du demandeur un formulaire T3012‑A, par lequel il demandait la permission de retirer de son REER les cotisations excédentaires pour l’année 2009. Trois semaines plus tard, le 24 novembre 2009, l’ARC a reçu une déclaration d’impôt T1‑OVP pour l’année d’imposition 2009.

 

[12]           Par lettre datée du 31 décembre 2009, l’ARC a informé le demandeur qu’il pouvait retirer 7 875 $ de son REER pour l’année 2008. Dans cette lettre, le demandeur a été de nouveau informé qu’il devait produire une déclaration d’impôt T1‑OVP dans les 90 jours suivant la fin de l’année et que le défaut de le faire entraînerait des pénalités pour présentation tardive et des intérêts débiteurs. Il a été également avisé que les cotisations excédentaires continuaient d’être frappées d’un impôt.

 

[13]           Le 19 janvier 2010, le demandeur a produit une déclaration d’impôt T1‑OVP pour l’année d’imposition 2008.

 

[14]           Le 9 février 2010, le ministre a établi un avis de cotisation pour l’année 2009. Dans cet avis, le demandeur faisait l’objet d’une cotisation de 831 $, suivant la partie 10.1 de la LIR, relativement à l’impôt spécial sur les cotisations excédentaires. À cette époque, aucune pénalité ni intérêts débiteurs n’avaient été imposés au demandeur. Celui‑ci a répondu en demandant une renonciation à l’impôt de 831 $ (à l’égard des cotisations excédentaires pour 2009).

 

[15]           Le 24 mars 2010, l’ARC a envoyé un avis de cotisation pour l’année d’imposition 2008. Le demandeur faisait l’objet d’une cotisation de 1 600 $, suivant la partie 10.1 de la LIR, d’une pénalité de 224 $ pour présentation tardive de la déclaration T1‑OVP et des intérêts débiteurs de 91,68 $.

 

[16]           Le 7 avril 2010, l’ARC a répondu à la demande de renonciation à l’impôt du demandeur présentée en février. L’agence l’informait que sa demande de renonciation à l’impôt pour les années 2008 et 2009 avait été rejetée parce que les cotisations excédentaires ne faisaient pas suite à une erreur acceptable.

 

[17]           Le 21 avril 2010, le demandeur a interjeté appel des décisions refusant la renonciation à l’impôt spécial ainsi qu’aux pénalités et taxes à l’égard des cotisations excédentaires.

 

[18]           Son appel a été rejeté. Le 11 juin 2010, l’ARC a informé le demandeur que sa demande de renonciation à l’impôt sur les cotisations excédentaires de 2008 et de 2009 avait été rejetée. Par lettre datée du 21 juin 2010, le demandeur a été informé que sa demande de renonciation aux pénalités et aux intérêts débiteurs à l’égard de ses déclarations d’impôt T1‑OVP et à l’impôt établi suivant la partie 10.1 de la LIR pour les années d’imposition 2008 et 2009 avait été également rejetée. L’ARC estimait que la contribution excédentaire ne faisait pas suite à une erreur acceptable, à un délai ou à d’autres facteurs indépendants de sa volonté et, que le demandeur n’avait donc pas droit à un allègement fiscal.

 

La question en litige

[19]           La question en litige en l’espèce est de savoir si les décisions de refuser d’accorder des renonciations aux taxes, aux pénalités et aux intérêts débiteurs, respectivement, sont raisonnables selon l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190. Il s’agit de décisions discrétionnaires qui doivent donc appeler une certaine retenue : Gagné c Canada (Procureur général), 2010 CF 778, et Lepiarczyk c Canada (Agence du revenu), 2008 CF 1022.

 

Analyse

[20]           En droit, la Cour n’a pas compétence pour ordonner au ministre de renoncer aux taxes, aux pénalités et aux intérêts débiteurs. La compétence de la Cour se limite à ordonner au ministre de réexaminer en détail ses décisions de renoncer aux taxes et aux pénalités et intérêts afférents.  Le demandeur doit donc comprendre que, même si la Cour se prononçait en sa faveur, il n’aurait pas automatiquement droit à une renonciation et à un remboursement. La Cour doit s’en tenir à la question de savoir si l’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre lorsqu’il a rejeté les demandes de renonciation était légitime, et non substituer sa décision à celle du ministre : Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339.

 

[21]           Pour avoir gain de cause dans la présente demande de contrôle judiciaire, le demandeur doit démontrer qu’en exerçant son pouvoir discrétionnaire, le ministre a commis une erreur susceptible de contrôle lorsqu’il a rejeté la demande de renonciation a) à l’impôt et b) aux pénalités pour présentation tardive et intérêts débiteurs. Le demandeur invoque trois arguments en faveur de l’annulation des décisions : premièrement, il a commis des erreurs acceptables; deuxièmement, il a fait preuve de diligence raisonnable et a pris les mesures indiquées pour éliminer les cotisations excédentaires; et troisièmement, il s’est fié aux conseils de l’ARC.

 

Premier motif

[22]           Le demandeur soutient qu’il ignorait qu’à titre de travailleur temporaire il ne pouvait pas verser des cotisations à un REER pour la première année d’imposition de son emploi au Canada. Cet argument n’appuie cependant pas la thèse du demandeur. Dans Dimovski c Canada Agence du revenu, 2011 CF 721, au par. 17, la Cour a fait remarquer ce qui suit :

Le régime fiscal canadien est fondé sur le principe de l’auto‑cotisation, ce qui signifie qu’il appartient à tous les contribuables de mener leurs affaires financières d’une manière conforme à la Loi de l’impôt sur le revenu : R. c. McKinlay Transport Ltd., [1990] 1 R.C.S. 627. Il appartenait à la demanderesse de s’assurer qu’elle ne faisait pas de cotisations excédentaires à son REER et son incompréhension de la loi ne constitue pas une erreur raisonnable. Le système d’imposition est certes complexe et pour s’y retrouver, les contribuables doivent s’attendre à demander conseil.

 

 

[23]           De plus, le juge Luc Martineau, dans Gagné, s’est laissé guider quant à la portée et au contenu de la notion d’erreur acceptable par le Manuel d’opération interne 19(23)0 « Traitement, validation et observation des régimes enregistrés d’épargne‑retraite et régimes d’épargne‑études » 8‑2008 (le Manuel), préparé par l’ARC, et a fait remarquer ce qui suit :

[…] les faits suivants ne constituent pas habituellement une « erreur acceptable ». a) L’ignorance de la loi, et notamment l’ignorance du fait qu’un particulier ne sache pas qu’il ne peut pas cotiser à ses REER un montant excédentaire au maximum déductible; b) L’erreur du représentant du contribuable (par exemple : un comptable) dans la préparation de la déclaration de revenu de ce dernier.

 

 

[24]           Dimovski et Gagné ne constituent que deux applications d’un principe reconnu depuis longtemps qui a été énoncé dans de nombreuses décisions de la Cour, selon lequel il incombe au contribuable de connaître la loi. Par conséquent, l’argument du demandeur portant qu’il ignorait la loi canadienne est rejeté.

 

[25]           Rien dans la preuve ne permet d’expliquer pourquoi le demandeur a versé des cotisations substantielles dans un REER alors que l’ARC et Fidelity lui avaient donné des réponses contradictoires à cet égard. Le demandeur avait été avisé qu’il n’avait pas le droit de verser ces cotisations. Il a également été avisé qu’il en avait le droit. Autrement dit, le dossier ne fait état d’aucune explication raisonnable quant à savoir pourquoi il a choisi de suivre le conseil favorable sur le plan de l’impôt plutôt que celui défavorable. Les conseils contradictoires n’équivalent pas à des conseils erronés ou à des conseils trompeurs. Si l’on tient pour véridique l’ensemble du témoignage du demandeur, de tels conseils constituent, lors d’une évaluation objective, un problème potentiel plutôt qu’une échappatoire ou une lacune qu’une personne raisonnable chercherait à exploiter à son avantage.

 

[26]           L’erreur raisonnable présente deux caractéristiques : le demandeur doit établir qu’il a commis une erreur quant à la situation de fait (caractéristique subjective) et que son erreur était acceptable dans les circonstances (caractéristique objective). Là encore, si l’on accepte le témoignage par affidavit du demandeur, celui‑ci a certes satisfait au volet subjectif du critère, mais il n’a pas satisfait au deuxième volet du critère. Comme l’a déclaré le juge James O’Keefe dans Lepiarczyk, au par. 19 :

Je souligne que, dans ses arguments, le demandeur a affirmé catégoriquement qu’il s’agissait d’une erreur de bonne foi et que ce n’est pas délibérément qu’il avait fait une cotisation excédentaire à son REER. Même si c’est peut‑être le cas, le critère auquel il faut satisfaire en vertu du paragraphe 204.1(4) de la Loi n’est pas l’innocence du demandeur, mais le caractère raisonnable de l’erreur commise. L’innocence est peut‑être un facteur à prendre à compte, mais elle n’est pas déterminante en l’espèce. Le demandeur exhorte la Cour à changer d’avis et à rendre une décision différente. Ce n’est pas le rôle que joue la Cour en contrôle judiciaire.

 

 

Mesures indiquées pour éliminer l’excédent

[27]           En ce qui concerne l’impôt établi à l’égard du demandeur et sa demande d’allègement, le paragraphe 204.1(4) de la LIR prévoit ce qui suit :

(4) Le ministre peut renoncer à l’impôt dont un particulier serait, compte non tenu du présent paragraphe, redevable pour un mois selon le paragraphe (1) ou (2.1), si celui‑ci établit à la satisfaction du ministre que l’excédent ou l’excédent cumulatif qui est frappé de l’impôt fait suite à une erreur acceptable et que les mesures indiquées pour éliminer l’excédent ont été prises.

(4) Where an individual would, but for this subsection, be required to pay a tax under subsection 204.1(1) or 204.1(2.1) in respect of a month and the individual establishes to the satisfaction of the Minister that

 

(a) the excess amount or cumulative excess amount on which the tax is based arose as a consequence of reasonable error, and

 

(b) reasonable steps are being taken to eliminate the excess,

 

the Minister may waive the tax.

 

 

[28]           Le critère énoncé au paragraphe 204.1(4) est conjonctif, ce qui signifie que le contribuable doit établir les deux volets à la satisfaction du ministre pour qu’un allègement soit envisagé à son égard. Même s’il est satisfait aux deux volets, le pouvoir discrétionnaire quant à la renonciation appartient toujours au ministre. En d’autres termes, le fait de satisfaire les deux volets ne signifie pas que la renonciation est automatique. Il s’agit de savoir si la conclusion du ministre relative aux mesures indiquées prises par le demandeur pour éliminer l’excédent de cotisations était raisonnable ou déraisonnable. Le demandeur soutient qu’il a agi de bonne foi et qu’il a pris les mesures indiquées pour éliminer les cotisations excédentaires. Le ministre estimait que ce n’était pas le cas, et cette conclusion comporte clairement les caractéristiques d’une décision raisonnable.

 

[29]           Le 29 septembre 2009 et le 31 décembre 2009, le demandeur a été informé qu’il devait produire une déclaration d’impôt T1‑OVP pour l’année d’imposition 2008 et que le défaut de le faire dans les 90 jours suivant la fin de l’année d’imposition (soit au plus tard le 31 mars 2009) donnerait lieu à des pénalités et des intérêts débiteurs. Le demandeur n’a produit une déclaration d’impôt T1‑OVP pour l’année 2008 que le 19 janvier 2010, soit environ neuf mois après l’écoulement de la période prescrite de 90 jours.

 

[30]           Je ne vois aucune raison de modifier les conclusions du ministre concernant l’allégation du demandeur portant qu’il a pris les mesures indiquées pour éliminer les cotisations excédentaires.

 

Pénalité et intérêts

[31]           En ce qui concerne les pénalités pour présentation tardive et intérêts débiteurs établis à l’égard du demandeur ainsi que sa demande d’allègement, le paragraphe 220(3.1) de la LIR prévoit ce qui suit :

(3.1) Le ministre peut, au plus tard le jour qui suit de dix années civiles la fin de l’année d’imposition d’un contribuable ou de l’exercice d’une société de personnes ou sur demande du contribuable ou de la société de personnes faite au plus tard ce jour‑là, renoncer à tout ou partie d’un montant de pénalité ou d’intérêts payable par ailleurs par le contribuable ou la société de personnes en application de la présente loi pour cette année d’imposition ou cet exercice, ou l’annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

 

(3.1) The Minister may, on or before the day that is ten calendar years after the end of a taxation year of a taxpayer (or in the case of a partnership, a fiscal period of the partnership) or on application by the taxpayer or partnership on or before that day, waive or cancel all or any portion of any penalty or interest otherwise payable under this Act by the taxpayer or partnership in respect of that taxation year or fiscal period, and notwithstanding subsections 152(4) to (5), any assessment of the interest and penalties payable by the taxpayer or partnership shall be made that is necessary to take into account the cancellation of the penalty or interest.

 

 

 

 

[32]           La portée du pouvoir discrétionnaire conféré au ministre a été examinée dans Jenkins c Canada, 2007 FC 295, où le juge Pierre Blais a déclaré ce qui suit, au par. 13 :

Il importe […] de ne pas perdre de vue que le pouvoir conféré au ministre par le paragraphe 220(3.1) de la Loi est un pouvoir discrétionnaire et qu’en conséquence le ministre n’est aucunement tenu de parvenir à une conclusion particulière. En outre, l’obligation incombant au contribuable de payer des pénalités et des intérêts en cas de production tardive de ses déclarations de revenus découle de l’application de la Loi et non pas d’une décision discrétionnaire du ministre qui aurait choisi d’imposer des pénalités et des intérêts. Le pouvoir discrétionnaire du ministre se limite donc à l’octroi d’une dispense de l’application de la Loi à titre exceptionnel lorsqu’il estime qu’une telle dispense est justifiée.

 

 

[33]           Les pénalités et les intérêts débiteurs ont été imposés conformément au droit, en application de la LIR. De plus, la nature de l’allègement même est limitée à des situations exceptionnelles lorsque le ministre estime qu’un tel allègement est justifié. Par conséquent, même si le Manuel établit qu’une erreur raisonnable puisse découler d’une information erronée fournie au contribuable (voir Gagné), le ministre n’est pas tenu de tirer une telle conclusion. Quoi qu’il en soit, je n’ai pas trouvé d’erreur raisonnable.

 

[34]           De plus, l’article 23 de la Circulaire d’information IC07‑1 « Dispositions d’allégement pour les contribuables » (la Circulaire) énonce les modalités selon lesquelles le ministre exerce le pouvoir discrétionnaire conféré par le législateur en vertu du paragraphe 220 (3.1) :

23. Le ministre peut accorder un allègement de l’application des pénalités et des intérêts lorsque les situations suivantes sont présentes et qu’elles justifient l’incapacité du contribuable à s’acquitter de l’obligation ou de l’exigence fiscale en cause :

 

  1. circonstances exceptionnelles;
  2. actions de l’ARC;
  3. incapacité de payer ou difficultés financières.

 

23. The Minister may grant relief from the application of penalty and interest where the following types of situations exist and justify a taxpayer’s inability to satisfy a tax obligation or requirement at issue:

 

(a) extraordinary circumstances

(b) actions of the ARC

(c) inability to pay or financial hardship

 

 

[35]           L’article 25 de la Circulaire définit ce qu’il faut entendre par « circonstances exceptionnelles » :

25. Les pénalités et les intérêts peuvent faire l’objet d’une renonciation ou d’une annulation, en tout ou en partie, lorsqu’ils découlent de circonstances indépendantes de la volonté du contribuable. Les circonstances exceptionnelles qui peuvent avoir empêché un contribuable d’effectuer un paiement lorsqu’il était dû, de produire une déclaration à temps ou de s’acquitter de toute autre obligation que lui impose la Loi sont les suivantes, sans être exhaustives :

  1. une catastrophe naturelle ou causée par l’homme, telle qu’une inondation ou un incendie;
  2. des troubles publics ou l’interruption de services, tels qu’une grève des postes;
  3. une maladie grave ou un accident grave;
  4. des troubles émotifs sévères ou une souffrance morale grave, tels qu’un décès dans la famille immédiate.

 

25. Penalties and interest may be waived or cancelled in whole or in part where they result from circumstances beyond a taxpayer’s control. Extraordinary circumstances that may have prevented a taxpayer from making a payment when due, filing a return on time, or otherwise complying with an obligation under the Act include, but are not limited to, the following examples:

 

(a)      natural or man‑made disasters such as, flood or fire;

(b)      civil disturbances or disruptions in services, such as a postal strike;

(c)      a serious illness or accident; or

 

serious emotional or mental distress, such as death in the immediate family.

 

 

[36]           Aucune de ces circonstances ne s’applique dans le cas du demandeur et aucune autre circonstance n’a été invoquée. Par conséquent, l’article 25 de la Circulaire n’est pas pertinent et ne s’applique pas en l’espèce. Le demandeur n’a pas expliqué pourquoi il n’avait pu produire sa déclaration T1‑OVP dès qu’il avait reçu l’avis de l’ARC, en septembre 2009, l’informant qu’il devait le faire dans les 90 jours suivant la fin de l’année d’imposition.

 

[37]           En bref, le 30 juillet 2009, date à laquelle il avait signé la demande de retirer ses cotisations excédentaires, le demandeur savait qu’il avait un problème. Il n’a pas produit la déclaration d’impôt T1‑OVP pour l’année 2008 demandée dans les deux lettres qui lui ont été envoyées en 2009. En fait, la déclaration T1‑OVP n’a été produite qu’en janvier 2010. Le demandeur n’a pas démontré que la conclusion du ministre portant que les cotisations excédentaires à son REER ne faisaient pas suite à une erreur acceptable était déraisonnable, et qu’il a pris les mesures indiquées pour éliminer l’excédent.

 

[38]           La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[39]           Il n’est pas adjugé de dépens.

 

 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’est pas adjugé de dépens.

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑1197‑10

 

INTITULÉ :                                                   SANDEEP KAPIL c
AGENCE DU REVENU DU CANADA et PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Winnipeg

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 8 novembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                                   Le 29 novembre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Sandeep Kapil

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Julien Bédard

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Aucun.

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan,

Sous‑procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.