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Date : 20111212

Dossier : IMM-2426-11

Référence : 2011 CF 1460

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 12 décembre 2011

En présence de monsieur le juge Zinn

 

ENTRE :

 

 

AWARD NARINE SAMAROO

 

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le ministre a présenté une requête visant à faire rejeter la demande de contrôle judiciaire du demandeur sans tenir d’audience sur le fond; subsidiairement, il demande à la Cour de refuser d’accorder toute réparation au demandeur. Le fondement de cette requête était que le demandeur n’a pas eu une conduite irréprochable avant de s’adresser à la Cour étant donné qu’il avait omis de se conformer à une mesure de renvoi.

 

[2]               Le demandeur s’oppose à la requête. Son avocate reconnaît qu’il ne s’est pas présenté en vue de son renvoi et prend acte du mandat d’arrêt en vigueur émis contre lui; cependant, elle fait valoir que la Cour ne devrait pas exercer son pouvoir discrétionnaire de la façon dont le demande le défendeur. Les parties conviennent que les facteurs pertinents à considérer sont ceux énoncés par la Cour d’appel dans Thanabalasingham c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 14.

 

[3]               Dans sa demande de contrôle judiciaire, le demandeur prie la Cour d’examiner et d’annuler la décision par laquelle un agent d’immigration a rejeté sa demande de résidence permanente au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada.

 

[4]               Pour les motifs qui suivent, la requête du ministre est accueillie et la demande de contrôle judiciaire est rejetée parce que, même s’il sollicite une réparation équitable, le demandeur qui s’adresse maintenant à la Cour n’a pas eu une conduite irréprochable.

 

Le contexte

[5]               Le demandeur est un citoyen de la Guyana. Un visa lui permettant d’entrer au Canada lui a été accordé après qu’il eut faussement déclaré à l’agent des visas à Port of Spain qu’il était marié et avait deux enfants en Guyana. Il est entré au Canada le 7 mai 2003 et a déposé une demande d’asile environ six mois plus tard. La Commission du statut de réfugié a rejeté sa demande d’asile et la Cour, sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire. Le demandeur a alors présenté une demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire (la demande CH) et une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR), qui ont été respectivement rejetées en juin et octobre 2009.

 

[6]               Le demandeur devait être renvoyé du Canada le 9 novembre 2010; la Cour a toutefois accordé un sursis à la mesure de renvoi dans l’attente d’une décision définitive sur sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision sur sa demande CH. Cependant, cette demande a par la suite fait l’objet d’un désistement, probablement à cause de la demande qui a donné lieu à la décision qui fait l’objet du présent contrôle.

 

[7]               Environ deux mois après le rejet de sa demande CH, le demandeur s’est marié avec une citoyenne canadienne, Veronica Singh. Le 17 septembre 2009, il a déposé une demande de résidence permanente au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait : alinéa 124a) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (la demande de parrainage par le conjoint).

 

[8]               Le 23 février 2011, un agent d’immigration a rejeté la demande de parrainage entre époux. Cette décision, communiquée au demandeur le 4 avril 2011, est la décision dont le demandeur sollicite le contrôle judiciaire dans la présente instance. Une demande a été déposée le 12 avril 2011 pour obtenir l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire.

 

[9]               Le 16 mai 2011, la juge Snider a rejeté la requête du demandeur visant à faire surseoir à son renvoi vers la Guyana, qui devait avoir lieu le 25 mai 2011, dans l’attente d’une décision définitive sur sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire visant la décision sur la demande de parrainage entre époux.

 

[10]           Le demandeur ne s’est pas présenté pour l’exécution de sa mesure de renvoi comme il lui avait été ordonné et, le 26 mai 2011, un mandat d’arrêt a été lancé à son endroit. Ce mandat n’a pas encore été exécuté.

 

[11]           Il n’est pas contesté que le demandeur s’est livré à la conduite suivante :

1.      Le demandeur a menti aux autorités de l’immigration afin d’obtenir un visa d’immigration en déclarant qu’il avait une épouse et deux enfants en Guyana.

2.      Le demandeur a présenté une demande d’asile et pris des mesures pour obtenir le contrôle judiciaire par la Cour de la décision négative alors que, selon ce qu’il reconnaît maintenant, il savait qu’il n’était pas un réfugié et qu’il voulait simplement rester au Canada.

3.      Le demandeur ne s’est pas présenté en vue de son renvoi après que sa demande de sursis à la mesure de renvoi a été rejetée et il fait par conséquent l’objet d’un mandat d’arrêt.

Rien de cela ne constitue une inconduite mineure. Jusqu’à maintenant, le demandeur a usé et abusé à ses propres fins du processus canadien en matière d’immigration et d’asile.

 

[12]           Sans contester son inconduite, le demandeur fait remarquer que le ministre était au courant de son défaut de se présenter en vue de son renvoi avant de déposer son mémoire en réponse à la demande d’autorisation, et bien avant de déposer son mémoire supplémentaire relatif à la demande; or, le ministre n’a jamais mentionné que sa conduite était en jeu jusqu’à récemment, soit quelques jours avant l’audition de la demande de contrôle judiciaire.

 

[13]           La Cour a le pouvoir discrétionnaire de rejeter une demande de contrôle judiciaire sans examiner son bien‑fondé lorsque le demandeur a menti ou est coupable d’une autre inconduite : Thanabalasingham, au paragraphe 9. Un tel pouvoir discrétionnaire doit être exercé selon des principes établis. La Cour d’appel a indiqué que la Cour doit s’efforcer de mettre en balance « l’impératif de préserver l’intégrité de la procédure judiciaire et administrative et d’empêcher les abus de procédure » et « l’intérêt public dans la légalité des actes de l’administration et dans la protection des droits fondamentaux de la personne ».

 

[14]           En l’espèce, le demandeur a abusé du processus d’immigration plus d’une fois; son défaut récent de se présenter en vue de son renvoi n’est que le dernier de ces abus. Par ailleurs, le gouvernement a continuellement agi conformément à la loi, même s’il a soulevé cette préoccupation à la dernière minute. Quoique l’unification des familles soit importante, cela ne constitue pas un [traduction] « droit fondamental de la personne » au Canada.

 

[15]           Mettant en balance ces considérations et la nécessité de faire savoir à d’autres qu’on ne peut simplement pas se livrer à une telle inconduite en toute impunité, je conclus que l’ensemble des facteurs milite fortement à l’encontre du demandeur en l’espèce. L’exercice de mise en balance aurait pu être différent s’il y avait eu lieu de penser que le demandeur n’avait pas eu droit à l’équité procédurale en l’espèce, mais ce n’est pas le cas.

 

[16]           Par contre, le ministre ne devrait pas s’attendre à pouvoir toujours attendre tout juste avant l’audience pour soulever des préoccupations comme celles qu’il a fait valoir en l’espèce. À mon avis, le ministre devrait invoquer immédiatement l’absence de conduite irréprochable du demandeur, lorsque cela est justifié, et particulièrement lorsque le demandeur ne s’est pas présenté en vue de son renvoi et qu’il fait l’objet d’un mandat d’arrêt. Si cette question avait été soulevée au stade de la demande d’autorisation, je doute que l’autorisation aurait été accordée dans la présente affaire. Quoi qu’il en soit, si l’autorisation avait été accordée, la requête visant à faire rejeter la demande pour les motifs soulevés en l’espèce aurait pu être présentée et faire l’objet d’une décision bien avant la date prévue pour l’audience, ce qui aurait permis d’épargner le temps et les ressources de la Cour.

 

[17]           Enfin, je ferais observer que, même si j’avais rejeté la requête de la Couronne et accueilli la demande sur le fond, je n’aurais renvoyé l’affaire pour la tenue d’un nouvel examen qu’à la seule condition que le demandeur se livre d’abord aux autorités de l’immigration. À mon avis, un demandeur n’a droit à une réparation équitable comme celle qu’il sollicite en l’espèce que s’il ne viole pas au même moment une mesure de renvoi.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la requête du défendeur est accueillie et que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-2426-11

 

INTITULÉ :                                                   AWARD NARINE SAMAROO c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 28 novembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 12 décembre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Krassina Kostadinov

 

POUR LE DEMANDEUR

Tamrat Gebeyehu

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

WALDMAN AND ASSOCIATES

Avocats

Toronto (Ontario)    

 

POUR LE DEMANDEUR

MYLES J. KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)    

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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