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Date : 20111214

Dossier : IMM-2311-11

Référence : 2011 CF 1428

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 14 décembre 2011

En présence de monsieur le juge Rennie

 

 

ENTRE :

 

REN ZHAO JIN, REN JIA HUI

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

Introduction

[1]               Les demandeurs sollicitent une ordonnance annulant la décision par laquelle un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) a, en vertu de l’article 48 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, 2001, ch. 27 (LIPR), refusé de reporter l’exécution de la mesure de renvoi vers le Chili les visant dans l’attente d’une décision du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration relativement à leur demande fondée sur des considérations humanitaires (demande CH) présentée en vertu du paragraphe 25 de la LIPR.

 

[2]               Les demandeurs, qui sont époux, vivent sans statut juridique au Canada depuis un certain nombre d’années. Ils font l’objet d’une mesure de renvoi, dont l’exécution était prévue pour le 14 avril 2011, mais un juge de la Cour a accordé un sursis jusqu’à ce qu’une décision soit rendue relativement à la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[3]               L’historique des efforts des demandeurs pour entrer et rester au Canada est très long. En mai 2001, les demandeurs sont entrés au Canada à l’Aéroport international Lester B. Pearson de Toronto et ont obtenu une autorisation de séjour de six mois. En janvier 2002, après l’expiration de leur visa, ils ont présenté une demande d’asile. Le même mois, un rapport a été établi en vertu de l’article 27 de la LIPR parce que les demandeurs avaient immigré sans le visa requis. Des mesures d’interdiction de séjour conditionnelles ont été prises. En octobre 2002, leurs demandes d’asile ont été rejetées. En novembre 2004, les demandeurs ont présenté des demandes d’examen des risques avant renvoi (ERAR). En mars 2005, des décisions négatives ont été rendues relativement à ces demandes. Les décisions sur les demandes d’ERAR ont été rendues en présence des intéressés et il leur a été conseillé de se présenter au consulat du Chili pour obtenir des documents de voyage d’urgence.

 

[4]               Des dispositions ont été prises pour que le renvoi ait lieu en juin 2005, mais les demandeurs ne se sont pas présentés au consulat du Chili. Les demandeurs ont été avisés qu’une entrevue devait avoir lieu le 15 juin 2005. Ils ne se sont pas non plus présentés à cette entrevue. Un mandat d’arrêt national a été lancé à leur endroit.

 

[5]               En octobre 2005, le Centre de traitement des demandes de Vegreville, en Alberta, a reçu la demande de résidence permanente de Mme Ren, qui était fondée sur des considérations d’ordre humanitaire et dans laquelle son époux était nommé en tant que personne à charge. La demande a été placée dans la file de traitement et déférée au bureau de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) à London, en Ontario. Plus tard le même mois, les demandeurs ont été arrêtés par l’ASFC à London, en Ontario. Ils ont été relâchés en contrepartie d’un cautionnement en espèces de 10 000 $, d’un cautionnement de 10 000 $ et de diverses conditions, dont celle de se présenter tous les mois. En juillet 2007, la demande CH de Mme Ren a été rejetée.

 

[6]               Quelque 30 mois plus tard, en novembre 2009, M. Ren a déposé une demande de résidence permanente fondée sur des considérations humanitaires, dans laquelle son épouse était nommée comme personne à charge. En février 2010, cette seconde demande CH a été placée dans la file de traitement et, en mai 2010, elle a été déférée au bureau de CIC à Scarborough, en Ontario. En mars 2011, les demandeurs se sont présentés au Centre d’exécution de la loi du Grand Toronto (le CELGT) et on les a avisés qu’ils se trouvaient illégalement au Canada. On leur a donné la possibilité d’acheter leurs propres billets pour procéder eux‑mêmes à leur renvoi, et les demandeurs ont fait savoir qu’ils désiraient s’en charger.

 

La question en litige

[7]               La question en litige dans la présente instance est celle de savoir si la décision de l’agent d’exécution de l’ASFC (l’agent) de rejeter la demande du demandeur visant à faire reporter leur renvoi est raisonnable suivant Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190.

 

Analyse

[8]               Deux arguments ont été présentés à l’appui de l’annulation de la décision de l’agent de renvoi. Le premier est que la décision était déraisonnable du fait qu’elle ne tenait pas compte des circonstances personnelles et commerciales des demandeurs. La seconde est que le décideur n’avait pas équitablement tenu compte de leur deuxième demande CH, qui était alors en attente de traitement depuis quelque vingt mois.

 

[9]               La première question est théorique. Les demandeurs ont sollicité un report de 90 jours afin de pouvoir liquider leurs intérêts d’affaires d’une manière ordonnée. Ils ont maintenant eu, en vertu d’une ordonnance de la Cour, plus de deux fois la période sollicitée. Les faits sous‑jacents à leur argument n’existent plus.

 

[10]           Les critères énoncés dans Borowski c Canada (Procureur général), [1989] 1 RCS 342, régissent l’exercice du pouvoir discrétionnaire d’instruire ou non une autre question qui serait sinon théorique. Comme je l’ai indiqué, une décision serait sans effet pratique puisque le fondement factuel n’existe plus. La mesure de renvoi est caduque et les demandeurs ont eu plus que le temps qu’ils ont sollicité pour liquider leurs biens. L’examen de l’affaire ne serait pas non plus conforme à une saine économie des ressources judiciaires, puisque la question ne soulève aucun point ayant une valeur jurisprudentielle et qu’elle ne résoudrait pas une controverse entre les parties.

 

La demande CH pendante

[11]           Le second motif invoqué à l’appui de l’annulation de la décision de l’agent de renvoi, soit la demande CH pendante, est sans fondement. L’agent a fait remarquer que les facteurs invoqués dans la demande CH pendante étaient semblables à ceux invoqués dans la première demande. Les demandeurs soutiennent que la première demande CH était inadéquate, car elle avait été rédigée sans le concours d’un avocat et, en outre, elle ne mentionnait pas la présence au Canada du cousin et de la tante des demandeurs. Je suis d’accord avec le juge Leonard Mandamin qui a fait observer que de tels arguments n’équivalent pas à une question sérieuse, et encore moins à un motif justifiant l’annulation d’une décision pleinement motivée d’un agent de renvoi, bien que ces observations aient été faites dans le contexte d’une demande de sursis.

 

[12]           Le défendeur soutient également que la seconde demande CH n’a pas été présentée en temps opportun, puisqu’elle a été déposée quelque deux ans après la décision négative sur la première demande CH. À cet égard, les remarques du juge Russel Zinn dans Jonas c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 273, sont directement pertinentes :

En l’espèce, l’agent a considéré l’existence de la demande CH pendante et il lui était loisible de tenir compte de l’imminence d’une décision relative à cette demande. Il y a souvent lieu de considérer l’imminence d’une décision comme témoignant de la présentation d’une demande CH en temps opportun. En l’espèce, l’agent ne précise pas s’il considère que la demande CH a été présentée en temps opportun. Il convient toutefois de souligner que le demandeur a attendu presque cinq ans après le rejet de sa demande d’asile par la SPR pour soumettre sa demande. L’agent a conclu que la décision à l’égard de la demande CH n’était pas imminente, même si celle-ci avait été acheminée au bureau local de CIC. La conclusion de l’agent voulant que la demande CH pendante ne nécessite pas l’exercice de son pouvoir discrétionnaire était raisonnable.

 

 

[13]           Il est clairement établi dans la jurisprudence qu’une demande CH pendante ne justifie pas un report, sauf circonstances spéciales. Lorsqu’il appert que l’agent d’exécution est au courant de la demande CH, le poids qu’il convient de donner à cette circonstance relève de son pouvoir discrétionnaire : Khamis c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 437, au paragraphe 29. De plus, la Cour d’appel fédérale a expliqué clairement dans Baron c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81, [2010] 2 RCF 311, que le pouvoir discrétionnaire d’un agent d’exécution est peu étendu et limité. La Cour d’appel note que, lorsque le demandeur a gain de cause dans sa demande CH, il peut obtenir réparation par sa réadmission au pays. À moins qu’il n’existe des considérations spéciales, une demande CH pendante ne saurait justifier qu’il soit sursis à la mesure de renvoi que s’il y a preuve d’une menace à la sécurité d’une personne.

 

[14]           En l’espèce, étant donné le dossier d’immigration volumineux des demandeurs et le délai entre le rejet de la première demande CH (juillet 2007) et l’introduction de la deuxième demande CH (novembre 2009), la décision de l’agent de ne pas reporter la mesure de renvoi en raison de la demande CH pendante est justifiable.

 

[15]           La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[16]           Aucune question à certifier n’a été proposée et aucune n’est soulevée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question à certifier n’a été proposée et aucune n’est soulevée.

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                   IMM-2311-11

 

INTITULÉ :                                                  REN ZHAO JIN, REN JIA HUI c. MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                            Toronto

 

DATE DE L’AUDIENCE :                          Le 19 octobre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                         LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 14 décembre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Joel Etienne

POUR LE DEMANDEUR

 

Christopher Ezrin

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gertler, Etienne LLP
Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan,

Sous-procureur général du Canada

Toronto(Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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