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 Date : 20111214

Dossier : IMM-3399-11

Référence : 2011 CF 1430

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 14 décembre 2011

En présence de M. le juge Rennie

 

 

ENTRE :

 

SHAKELA BABOOLALL

 

 

 

demanderesse

e

 

 

 

MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

Introduction

[1]               La demanderesse cherche à faire annuler la décision par laquelle une agente chargée des renvois (l’agente) de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) a refusé de différer son renvoi du Canada en attendant qu’une décision soit rendue au sujet d’une demande en instance visant à obtenir, en vertu de l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, 2001, ch. 27 (la LIPR), une dispense fondée sur des considérations d’ordre humanitaire (la demande CH). Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

 

Les faits

[2]               La demanderesse, Mme Shakela Baboolall, est arrivée au Canada en 1974 alors qu’elle était âgée de six ans. Elle n’a jamais régularisé sa situation au Canada. Maintenant âgée de 43 ans, elle est la mère de trois enfants nés au Canada qui ont respectivement 22, 15 et 13 ans. L’histoire de la demanderesse au Canada est malheureuse et compliquée. Elle a été reconnue coupable de nombreuses infractions criminelles, notamment de négligence criminelle causant des lésions corporelles, de délit de fuite et du fait de se trouver illégalement en liberté. Elle a eu de nombreux démêlés avec l’ASFC et Citoyenneté et Immigration Canada (CIC). Elle fait l’objet d’une mesure de renvoi depuis 2006, mais a réussi, à deux reprises, à obtenir le report de son renvoi. Elle a été déboutée des diverses demandes de contrôle judiciaire qu’elle a présentées. Elle a déposé des demandes CH et des demandes de parrainage qui étaient incomplètes ou qui ont été refusées par le gouvernement ou dont elle s’est désistée. Elle est mariée depuis 16 ans à un Canadien qui a tenté de la parrainer du Canada. Après avoir essuyé un refus, son conjoint a tenté de parrainer la demanderesse de l’étranger. La demanderesse ne s’est pas présentée à l’entrevue à laquelle elle avait été convoquée à l’ambassade canadienne de Trinité-et-Tobago, invoquant le fait qu’elle devait s’occuper de ses enfants.

 

[3]               En raison d’une longue histoire que nous ne répéterons pas ici, la demanderesse a fait l’objet d’une mesure de renvoi qui devait être exécutée le 31 mai 2011. Le 30 mai 2011, le juge Sean Harrington a fait droit à une requête en sursis du renvoi en attendant que soit jugée la demande de contrôle judiciaire principale qui fait l’objet de la présente décision.

 

Question en litige

[4]               La question en litige dans la présente affaire est celle de savoir si la décision de l’agente de refuser la demande de report du renvoi de la demanderesse résiste à un examen approfondi selon la norme de la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190). La demanderesse soutient que la décision discrétionnaire de l’agente était déraisonnable étant donné que l’agente a entravé son pouvoir discrétionnaire, a ignoré des éléments de preuve, a commis de graves erreurs de fait et est arrivée à une décision déraisonnable en décidant de refuser de reporter son renvoi du Canada.

 

Analyse

[5]               Sur le premier moyen, la demanderesse affirme que [traduction] « [...] l’agente d’exécution n’a pas tenu compte du fait que la demanderesse attend de connaître le sort de sa demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire ainsi que de sa demande de permis de résident temporaire ». Cet argument n’est pas appuyé par la décision qui a été rendue.

                        [traduction]

L’avocate réclame le report du renvoi de Mme Shakela Baboolall pour permettre l’examen de sa demande CH en instance qui a été reçue le 23 novembre 2010. Je relève que, le 16 janvier 2011, la demande CH de Mme Shakela Baboolall a été déférée au bureau de CIC à Scarborough pour un examen plus approfondi. Suivant le site Internet de CIC, l’examen approfondi des demandes CH déférées à un bureau local de CIC nécessite environ 15 mois de traitement après leur réception.

 

Je relève par ailleurs que Mme Shakela Baboolall est au courant depuis un certain temps de la mesure de renvoi prise contre elle étant donné que la mesure d’expulsion la concernant a été prise le 16 décembre 2004 et qu’elle a été informée à deux reprises de la date de son renvoi. Je constate que la demande CH de Mme Shakela Baboolall n’a été soumise qu’après qu’elle eut, pour une seconde fois, signé l’ordre de se présenter qui lui avait été adressé et qui l’informait de la date prévue de son départ, et qu’elle a attendu environ six ans après avoir fait l’objet d’une mesure d’expulsion du Canada. Compte tenu de ces faits, ainsi que des délais et des facteurs susmentionnés, j’estime que la présente demande n’a pas été présentée en temps opportun. Je signale par ailleurs que son avocate n’a soumis aucun élément de preuve tendant à démontrer qu’une décision serait sur le point d’être rendue au sujet de la demande en question. Je signale aussi que le fait de présenter une demande CH ne fait pas en soi obstacle au renvoi, pas plus qu’il ne retarde le renvoi de l’intéressé du Canada. Je relève que ces principes sont clairement énoncés dans le guide d’instruction et de présentation de la demande (IMM 5291).

 

Je tiens par ailleurs à signaler que le législateur fédéral n’a pas prévu, dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR), de dispositions permettant de surseoir à l’exécution d’une mesure de renvoi en raison de l’existence d’une demande CH en instance. Suivant les politiques publiques établies en vertu du paragraphe 25(1) de la LIPR, l’existence d’une demande CH en instance ne justifie pas le report d’un renvoi, pas plus qu’elle n’emporte un sursis par application de l’article 50. Par ailleurs, aux termes de l’article 233 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, il n’y a pas de sursis à une mesure de renvoi lorsqu’il existe une demande CH en instance qui n’a pas été approuvée en principe par le ministre.

 

Cela étant dit, et bien que je tienne à signaler que procéder à une évaluation parallèle des raisons d’ordre humanitaire déborderait le cadre de ma compétence, j’ai examiné attentivement les moyens invoqués au soutien de la demande de report [...]

 

 

[6]               Il est évident que l’agente a examiné la demande CH et qu’elle l’a examinée à fond. Le premier volet du premier moyen invoqué par l’avocate de la demanderesse ne saurait donc être retenu.

 

[7]               En ce qui concerne le second volet du premier moyen invoqué par la demanderesse, soit le défaut de l’agente de tenir compte de la demande en instance de permis de résidente temporaire (PRT), voici ce que l’agente a conclu :

                        [traduction] 

Dans les observations qu’elle a présentées au soutien de la demande de report, l’avocate déclare que, le 22 septembre 2010, Mme Shakela Baboolall a également soumis une demande de permis de résident temporaire (PRT). Je signale que l’avocate n’a présenté aucun élément de preuve tendant à démontrer qu’une demande de PRT avait été soumise ou reçue au CTD de Vegreville. Je suis disposée à admettre qu’un certain délai peut s’écouler avant que la réception d’une demande figure dans le SSOBL. Je relève toutefois que l’avocate affirme qu’une demande de PRT a été envoyée au CTD de Vegreville le 22 septembre 2010, le même jour que sa demande CH. Je constate que la demande CH présentée par Mme Shakela Baboolall figure bel et bien dans le SSOBL, ce qui me permet de conclure qu’aucune demande de PRT n’a été soumise au CTD de Vegreville avec la demande CH ou n’a été reçue en même temps que cette dernière par le CTD de Vegreville. Comme je l’ai déjà signalé, Mme Shakela Baboolall avait soumis une demande de PRT au bureau canadien des visas; on l’a toutefois informée que sa demande ne pouvait être examinée tant qu’elle ne confirmerait pas son départ du Canada, à la suite de quoi son interdiction de territoire pourrait être examinée.

 

Je conclus néanmoins que, si Mme Shakela Baboolall a effectivement soumis une demande de PRT au CTD de Vegreville le 22 septembre 2010, cette demande a été présentée environ six ans après qu’elle eut fait l’objet d’une mesure d’expulsion du Canada. Je relève que la demande a également été soumise après que Mme Shakela Baboolall eut été informée de la date prévue de son renvoi pour la troisième fois, après qu’elle eut fait l’objet d’une décision d’ERAR négative et après que sa demande de parrainage dans la catégorie du regroupement familial présentée depuis l’étranger eut été refusée et que l’appel interjeté à la SAI eut été rejeté. J’estime donc que la demande de PRT n’a pas été soumise en temps opportun et je ne suis pas convaincue qu’elle justifie le report du renvoi de Mme Shakela Baboolall.

 

 

[8]               Il est clair, là encore, que l’agente a examiné la demande de permis de résident temporaire présentée par la demanderesse et qu’elle a fourni des motifs adéquats pour justifier ses conclusions à cet égard. J’estime par conséquent mal fondé l’argument de l’avocate de la demanderesse suivant lequel l’agente [traduction] « [...] n’a pas tenu compte du fait que la demanderesse attend de connaître le sort de sa demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire ainsi que de sa demande de permis de résident temporaire ». Ni une demande CH en instance ni une demande de PRT en instance ne font obstacle au renvoi.

 

[9]               Deuxièmement, la demanderesse soutient que l’agente a commis une erreur parce qu’elle n’a pas [traduction] « [...] évalué les difficultés extrêmes auxquelles la demanderesse serait confrontée si elle était contrainte de retourner en Guyana pour y attendre le traitement de sa demande dans un pays qui lui est étranger ». Le critère des difficultés est celui qui s’applique dans le cas des demandes CH; il est de jurisprudence constante qu’il exige que l’on évalue les probabilités que le demandeur subisse des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives s’il est forcé de présenter sa demande de résidence permanente à l’extérieur du Canada. Dans ces conditions, je ne puis proposer une meilleure analyse que celle qu’a faite le juge Yves de Montigny dans Munar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1180, [2006] 2 RCF 664 :

[…] je suis d’avis que le fait de déposer une demande CH ne constitue pas un empêchement automatique à l’exécution d’une ordonnance de renvoi, même si le résultat est la séparation d’un enfant de ses parents. De la même façon, on ne peut pas exiger des agents de renvoi qu’ils se livrent à un examen approfondi des motifs humanitaires que l’on doit examiner dans le cadre d’une évaluation CH. Ceci constituerait non seulement une « demande préalable » CH, comme le dit le juge Nadon dans l’affaire Simoes, mais il y aurait double emploi jusqu’à un certain point avec la vraie évaluation CH. Ce qui est plus important encore, c’est que les agents de renvoi n’ont aucune compétence ou autorité déléguée pour décider d’une demande de résidence permanente présentée en vertu de l’article 25 de la LIPR. Ils sont employés par l’Agence des services frontaliers du Canada, qui est sous la responsabilité du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, et non par le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration. Ils n’ont pas la formation requise pour faire une évaluation CH.

 

 

[10]           Il n’appartenait pas à l’agente d’analyser les difficultés auxquelles la demanderesse serait exposée en cas de refus de différer son renvoi et l’agente n’avait pas non plus la compétence requise pour procéder à une telle analyse. L’agente l’a d’ailleurs clairement reconnu en déclarant, dans sa décision : [traduction] « [...] je [tiens] à signaler que procéder à une évaluation parallèle des raisons d’ordre humanitaire déborderait le cadre de ma compétence ». L’agente a toutefois examiné les conséquences directes qu’un renvoi aurait sur la demanderesse : 

                        [traduction] 

[…] J’ai également examiné attentivement les difficultés auxquelles Mme Shakela Baboolall pourrait être confrontée par suite de son expulsion du Canada vers la Guyana. Je constate que son avocate a soumis une page complémentaire le 9 mai 2011 pour réclamer de nouveau le report du renvoi de Mme Shakela Baboolall en attendant l’issue de ses demandes CH et de PRT en instance, invoquant la solide intégration de sa cliente au Canada. Je prends également acte de l’affirmation de l’avocate de Mme Shakela Baboolall suivant laquelle cette dernière n’a absolument aucun lien avec la Guyana puisqu’elle n’y est pas retournée depuis sa petite enfance. Je tiens par ailleurs à signaler que, bien que Mme Shakela Baboolall réside au Canada depuis de nombreuses années avec son mari et leurs trois fils, cette situation ne lui confère aucun statut de résidente temporaire.

 

[11]           Troisièmement, la demanderesse soutient que [traduction] [...] l’agente d’exécution n’a pas évalué convenablement l’intérêt supérieur des enfants [...] ». Pour les mêmes motifs que ceux qui ont déjà été exposés au sujet des difficultés, j’estime que cet argument est mal fondé. Dans Varga c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 394, [2007] 4 RCF 3, la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit :

[…] il n’y a aucune ressemblance entre les fonctions définies par la loi de l’agent d’ERAR et le rôle de l’agent de renvoi. L’article 48 confère à ce dernier un pouvoir discrétionnaire limité, mais non défini pour ce qui est des modalités de voyage concernant le renvoi, y compris le moment où la mesure sera appliquée (« dès que les circonstances le permettent »). Compte tenu du peu de latitude dont jouit l’agent de renvoi pour l’accomplissement de ses tâches, son obligation, le cas échéant, de prendre en considération l’intérêt des enfants touchés est minime, contrairement à l’examen complet qui doit être mené dans le cadre d’une demande CH présentée en vertu du paragraphe 25(1).

 

[12]           Compte tenu de l’arrêt Varga de la Cour d’appel et de la portée restreinte de l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant à laquelle l’agent chargé d’exécuter les renvois est censé se livrer, j’estime que l’analyse à laquelle l’agente a procédé en l’espèce était suffisante et raisonnable :

                        [traduction] 

Pour arriver à la présente décision, j’ai également tenu dûment compte de l’intérêt supérieur des trois enfants de Mme Shakela Baboolall à savoir, Arial, Anthony et Christon, âgés respectivement de 22, 15 et 13 ans. J’ai également tenu dûment compte des difficultés auxquelles Mme Shakela Baboolall pourrait être exposée par suite de son renvoi en Guyana, son pays d’origine, qu’elle a quitté à l’âge de quatre ans.

 

[…]

 

De plus, j’estime important de signaler que Mme Shakela Baboolall  a déclaré dans son entrevue du 24 mai 2011 que M. Johnson s’occuperait de leurs fils après son renvoi du Canada. Elle a expliqué que M. Johnson travaillait depuis un an comme ingénieur en informatique à Mississauga. Compte tenu de ce fait, je suis convaincue que quelqu’un s’occupera comme il se doit des enfants pendant cette période de transition et qu’avec l’appui éventuel de la famille élargie et des amis de la famille, les enfants auront amplement l’occasion de grandir et de devenir des personnes confiantes, capables et bienveillantes.

 

[…]

 

Je constate que Mme Shakela Baboolall et sa famille se sont vu accorder un délai plus que suffisant pour se préparer en vue d’un éventuel renvoi. Je relève que le renvoi de Mme Shakela Baboolall prévu pour le 31 mai 2011 est sa troisième date de renvoi fixée et que, chaque fois, elle a affirmé avoir pris des dispositions pour que ses enfants demeurent au Canada. Qui plus est, même si M. Johnson devra probablement adapter en conséquence son horaire de travail, la famille en a été informée et devrait avoir commencé à prendre les mesures qui s’imposent. Il est par ailleurs important de signaler qu’en tant que citoyens canadiens, le mari et les trois fils de Mme Shakela Baboolall ont la possibilité de se rendre en Guyana pour rendre visite à cette dernière pendant cette période de séparation, si tel est leur désir.

 

Je suis consciente du fait qu’il est très difficile pour Mme Shakela Baboolall de se séparer de sa famille et je compatis avec elle. Je relève toutefois l’affirmation de son avocate suivant laquelle il est « impossible pour Mme Baboolall de quitter le Canada ». J’estime qu’il est important de signaler que le renvoi du Canada de Mme Shakela Baboolall n’implique pas nécessairement que la famille sera séparée définitivement. M. Johnson peut présenter une nouvelle demande de parrainage de sa femme dans la catégorie du regroupement familial.

 

[13]           Il est évident que, dans la mesure où elle était tenue de le faire, l’agente a tenu compte de l’intérêt supérieur des enfants de la demanderesse et que la conclusion à laquelle elle est arrivée était raisonnable, étant donné l’âge des enfants, le fait que leur père demeurerait avec eux et que c’était lui qui était le principal pourvoyeur.

 

[14]           Quatrièmement, la demanderesse affirme que son renvoi vers la Guyana l’exposerait à un traitement inhumain au sens de l’arrêt Baron c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81, [2010] 2 RCF 311. Elle a vécu au Canada presque toute sa vie. Elle ne connaît rien de la Guyana, de sa culture ou de sa langue. Elle a des oncles et des tantes qui y vivent encore, mais sa mère et ses frères et sœurs se trouvent au Canada. Elle ne dispose d’aucun moyen de subsistance en Guyana. Sa capacité de revenir au Canada est problématique compte tenu de ses antécédents judiciaires. Il s’agit donc de savoir si la demanderesse tombe sous le coup de l’exception limitée énoncée dans l’arrêt Baron, dans lequel le juge Nadon déclare ceci : « Dans des motifs que je ne puis améliorer, [le juge Pelletier] a expliqué ce qui suit […]. Je souscris entièrement à son exposé du droit […] » :

Pour respecter l’économie de la Loi, qui impose une obligation positive au ministre tout en lui accordant une certaine latitude en ce qui concerne le choix du moment du renvoi, l’exercice du pouvoir discrétionnaire de différer le renvoi devrait être réservé aux affaires où le défaut de le faire exposerait le demandeur à un risque de mort, de sanctions excessives ou de traitement inhumain. Pour ce qui est des demandes CH, à moins qu’il n’existe des considérations spéciales, ces demandes ne justifient un report que si elles sont fondées sur une menace à la sécurité personnelle.

 

 

[15]           À mon avis, on irait à l’encontre des objectifs poursuivis par le législateur dans la LIPR en permettant à une personne de se prévaloir des avantages de la résidence au Canada par simple écoulement du temps. Autrement dit, sous réserve de certaines exceptions – et il existe effectivement des exceptions –, l’accumulation progressive des facteurs relatifs à l’établissement ne saurait conférer au bout du compte un droit reconnu par la loi de demeurer au Canada. Permettre au simple écoulement du temps de devenir en soi un facteur déterminant lorsque l’agent chargé des renvois exerce son pouvoir discrétionnaire reviendrait en fait à récompenser ceux qui se rendent coupables d’atermoiements, de tergiversations et de faux-fuyants. À cet égard, j’estime qu’il est important de tracer une ligne de démarcation nette entre ce que le législateur a prévu comme mécanismes permettant à des ressortissants étrangers d’être admis au Canada et la conduite du pouvoir exécutif en ce qui concerne l’application de la Loi. Autrement dit, un demandeur ne peut invoquer les retards que des ministères gouvernementaux ont laissé s’accumuler en permettant à une affaire de traîner pendant des décennies pour créer une autre voie de recours que celle prévue par le législateur en vue d’être admis au Canada. Ainsi que le juge Yves de Montigny l’a fait observer dans Serda c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 356, au paragraphe 21 :

Il serait clairement à l’encontre de l’objet de la Loi de prétendre que plus un demandeur reste longtemps au Canada en situation illégale, meilleures sont ses chances d’être autorisé à s’établir de manière permanente, et ce, même si ce demandeur ne satisfait pas aux critères lui permettant d’obtenir le statut de réfugié ou de résident permanent. Cet argument circulaire a effectivement été examiné par l’agente d’immigration, mais il n’a pas été retenu. Cette conclusion ne m’apparaît pas déraisonnable.

 

[16]           En tirant cette conclusion, je suis bien conscient que la demanderesse sera confrontée à des difficultés à son retour en Guyana. Il n’en demeure pas moins qu’à chacune des étapes du processus d’immigration, la demanderesse a décidé si son intérêt supérieur commandait qu’elle conteste la décision, qu’elle présente une autre demande de dispense fondée sur des raisons d’ordre humanitaire ou qu’elle retourne dans son pays d’origine. Chacune de ces options comportait des risques et, dans le cas qui nous occupe, la demanderesse a choisi de demeurer au Canada par tous les moyens possibles. Le fait que ce choix rende son retour en Guyana plus problématique ne saurait être invoqué comme motif justifiant le report de son renvoi.

 

[17]           La demande est rejetée.

 

[18]           Il n’y a aucune question à certifier.


 

 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est par les présentes rejetée. Aucune question à certifier n’a été proposée et la présente affaire n’en soulève aucune.

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                   IMM-3399-11

 

INTITULÉ :                                                  SHAKELA BABOOLALL c. MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                            Toronto

 

DATE DE L’AUDIENCE :                          Le 16 novembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                         LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 14 décembre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mary Keyork

POUR LA DEMANDERESSE

 

Margherita Braccio

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Mary Keyork
Avocate
Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan,

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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