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Cour fédérale

Federal Court

 Date : 20111215


Dossier : IMM-3811-11

Référence : 2011 CF 1479

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 15 décembre 2011

En présence de M. le juge Rennie

 

 

ENTRE :

 

NIZAMETTIN KARAGOZ

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La présente décision fait suite à une demande de contrôle judiciaire de la décision, en date du 11 mai 2011, par laquelle la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a refusé de rouvrir la demande d’asile présentée par le demandeur. Pour les motifs qui suivent, la demande est accueillie.

 

[2]               M. Karagoz, le demandeur, est originaire de la Turquie. Sa demande d’asile, qui a été présentée le 7 janvier 2009, était fondée sur ses activités politiques et sur son statut de Kurde alévi en Turquie. Le 8 décembre 2010, la Commission a estimé que le demandeur s’était désisté de sa demande, car il ne s’était pas présenté aux audiences portant sur sa demande d’asile. Le 26 avril 2011, le demandeur a saisi la Commission d’une requête visant à faire rouvrir sa demande d’asile. La Commission l’a débouté de sa requête le 11 mai 2011.

 

[3]               Le demandeur affirme qu’il n’avait pas l’intention de se désister de sa demande d’asile, mais qu’il a commis une erreur en faisant parvenir son formulaire de changement d’adresse à l’Agence des services frontaliers du Canada plutôt qu’à la Commission. Les avis des audiences à venir envoyés au demandeur ne sont pas parvenus à sa nouvelle adresse. Comme il n’a pas reçu les avis concernant les audiences en question, il n’a pas comparu à ces dernières et, comme il ne s’est pas présenté aux audiences, la Commission a estimé qu’il s’était désisté de sa demande d’asile. Le demandeur affirme que la Commission a agi de façon arbitraire en refusant de rouvrir sa demande.

 

[4]               L’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales confère à notre Cour le pouvoir d’accorder une réparation si elle est convaincue que l’office fédéral :

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose…

(d) based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it…

 

[5]               L’article 55 des Règles de la Section de la protection des réfugiés (DORS/2002‑228) (les Règles) prévoit les conditions auxquelles une demande d’asile peut être rouverte :

 

55. (1) Le demandeur d’asile ou le ministre peut demander à la Section de rouvrir toute demande d’asile qui a fait l’objet d’une décision ou d’un désistement.

 

Forme de la demande

 

(2) La demande est faite selon la règle 44.

 

Contenu de la demande faite par le demandeur d’asile

 

(3) Si la demande est faite par le demandeur d’asile, celui-ci y indique ses coordonnées et en transmet une copie au ministre.

 

 

 

Élément à considérer

 

(4) La Section accueille la demande sur preuve du manquement à un principe de justice naturelle.

 

 

[Non souligné dans l’original]

55. (1) A claimant or the Minister may make an application to the Division to reopen a claim for refugee protection that has been decided or abandoned.

 

 

Form of application

 

(2) The application must be made under rule 44.

 

Claimant’s application

 

 

(3) A claimant who makes an application must include the claimant’s contact information in the application and provide a copy of the application to the Minister.

 

Factor

 

(4) The Division must allow the application if it is established that there was a failure to observe a principle of natural justice.

 

[Emphasis added]

 

[6]               Le pouvoir de la Commission de rouvrir une demande d’asile est étroitement circonscrit. Dans l’arrêt Nazifpour c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 35 au paragraphe 82, la Cour d’appel a fait observer ce qui suit :

 

La Cour fédérale a rejeté l’argument selon lequel, bien que la règle 55 oblige expressément la Section à rouvrir sa décision pour manquement à un principe de justice naturelle, il n’empêche pas la Section de rouvrir ses décisions pour d’autres motifs, y compris l’existence de nouveaux éléments de preuve, étant donné qu’il ne dit pas que le manquement à un principe de justice naturelle est le seul motif possible de réouverture. La Cour a déclaré que la règle 55 n’élargit pas la compétence de la Section de rouvrir ses décisions portant sur la qualité de réfugié et la qualité de personne à protéger. La Section peut rouvrir ses décisions uniquement pour manquement à un principe de justice naturelle […]  

 

 

[7]               Aucun des faits cruciaux n’est en litige. Le dossier soumis à la Commission démontre que le demandeur d’asile a constamment eu véritablement l’intention de faire appel. Le demandeur a avisé ce qu’il croyait être la Commission de son changement d’adresse, ainsi qu’il devait le faire, et il a assuré un suivi quatre mois plus tard en communiquant de nouveau son changement d’adresse parce qu’il n’avait pas encore été avisé de la date d’audience. Rien ne permet de penser qu’il a cherché à se soustraire au processus de détermination du statut de réfugié ou de retarder celui‑ci. Il a communiqué son changement d’adresse ouvertement à Revenu Canada, au ministère des Transports de l’Ontario, à sa banque et aux services sociaux de Toronto. Sa seule erreur a été d’envoyer par télécopieur son changement d’adresse à l’ASFC plutôt qu’à la Commission. Il a présenté sans délai une requête en réouverture de sa demande d’asile lorsque l’ASFC a communiqué avec lui en vue de son renvoi.

 

[8]               Dans la décision Matondo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 416, le juge Sean Harrington a déclaré qu’ « [e]st arbitrairece qui est irrégulier au point de sembler ne pas être conforme au droit ». J’estime, compte tenu du dossier non contesté dont elle disposait, que la Commission a rendu une décision qui tombe sous le coup de l’alinéa 18.1(4)d), d’autant plus qu’elle n’a pas expliqué pourquoi elle était arrivée à la conclusion que le demandeur d’asile s’était désisté de sa demande.


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie. L’affaire est renvoyée à la Commission pour qu’elle la réexamine conformément aux présents motifs. Il n’y a aucune question à certifier.

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3811-11

 

 

INTITULÉ :                                      NIZAMETTIN KARAGOZ c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 14 décembre 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :           LE JUGE RENNIE

 

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 15 décembre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lani Gozlan

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Leanne Briscoe

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

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