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Date : 20111219

Dossier : IMM‑7575‑10

Référence : 2011 CF 1488

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 19 décembre 2011

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

 

JASBIR GRABOWSKI

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Aperçu

 

[1]               M. Jasbir Grabowski est un citoyen de l’Inde et était un résident permanent de l’Allemagne. Il a obtenu un permis pour travailler dans un restaurant Subway à Burnaby (Colombie‑Britannique). Depuis qu’il y a travaillé pendant quatre jours en janvier 2009, il est sans emploi.

 

[2]               Peu après avoir perdu son emploi, M. Grabowski a rencontré son épouse actuelle, qui est une résidente permanente du Canada. Ils se sont mariés en juin 2009. M. Grabowski a ensuite présenté une demande visa de résidence permanente.

 

[3]               Une agente d’immigration a eu une entrevue avec le couple en novembre 2010. Après l’entrevue et après avoir examiné des documents supplémentaires fournis par le couple, l’agente a rejeté la demande de M. Grabowski parce qu’elle n’était pas convaincue que le mariage ne visait pas principalement l’acquisition d’un statut en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].

 

[4]               M. Grabowski soutient que l’agente l’a traité injustement en ne lui permettant pas de recourir aux services d’un interprète lors de l’entrevue. Il soutient que la décision de l’agente était déraisonnable. Il me demande d’annuler la décision et d’ordonner un réexamen par un autre agent.

 

[5]               Je ne vois aucune raison d’annuler la décision de l’agente. M. Grabowski a été avisé qu’il pouvait se faire accompagner d’un interprète à l’entrevue, ce qu’il n’a pas fait. De plus, la preuve appuyait la conclusion de l’agente et, par conséquent, cette conclusion n’était pas déraisonnable.

 

[6]               Les deux questions à trancher sont les suivantes :

 

            1.         L’agente a‑t‑elle injustement traité M. Grabowski?

            2.         La décision de l’agente était‑elle déraisonnable?

 

II.         Le contexte factuel

 

[7]               M. Grabowski est arrivé au Canada en janvier 2009 muni d’un permis de travail temporaire l’autorisant à travailler dans un établissement de restauration rapide. Il n’a été employé que pendant quatre jours. Il allègue qu’il a été renvoyé, mais son employeur a avisé Citoyenneté et Immigration Canada [CIC] qu’il ne s’était pas présenté au travail.

 

[8]               Le 15 janvier 2009, M. Grabowski a rencontré Mlle Sukhwinder Kaur Judge Grabowski, une résidente permanente du Canada. Ils se sont mariés en juin 2009. M. Grabowski a alors présenté une demande de visa de résidence permanente en qualité de membre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada.

 

[9]               En octobre 2010, l’agente a informé M. Grabowski et son épouse qu’une entrevue était fixée pour le 9 novembre 2010. Ils ont été avisés qu’ils devaient se faire accompagner d’un interprète, si nécessaire, et fournir certains documents.

 

[10]           Le jour de l’entrevue, M. Grabowski et Mme Judge Grabowski se sont tous deux présentés, mais sans interprète. L’agente a mené l’entrevue en anglais et à la fin de celle‑ci, elle a avisé le couple qu’il pouvait fournir des observations écrites supplémentaires avant qu’une décision ne soit prise. Des observations supplémentaires ont été fournies le 11 novembre 2010.

 

[11]           Le 9 décembre 2010, l’agente a informé M. Grabowski par lettre que sa demande avait été refusée parce qu’elle n’était pas convaincue que le mariage ne visait pas principalement l’acquisition d’un statut en vertu de la LIPR, au sens de l’alinéa 4(1)a) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le Règlement].

 

III.       Décision de l’agente

 

[12]           L’agente a résumé les brefs antécédents professionnels de M. Grabowski au Canada et les versions contradictoires des événements présentées par M. Grabowski et son employeur. L’agente a également mentionné l’explication de M. Grabowski concernant la raison pour laquelle il n’avait pas occupé d’autres emplois depuis son arrivée au Canada. Il a expliqué qu’il ne pouvait pas travailler pour un autre employeur puisqu’il n’était pas titulaire d’un permis de travail ouvert. En réponse à la question concernant la raison pour laquelle il n’a pas présenté de demande en vue de modifier les modalités de son permis, il a répondu qu’il avait présenté des demandes d’emploi à d’autres restaurants.

 

[13]           L’agente a fait remarquer qu’il y avait beaucoup d’opportunités d’emploi pour M. Grabowski en Allemagne en qualité de cuisinier, mais qu’il n’était pas retourné en Allemagne après avoir perdu son emploi au Canada. L’agente a interrogé M. Grabowski sur ce qui l’avait motivé à venir au Canada. Il a déclaré qu’il voulait acquérir une [traduction] « expérience à l’échelle internationale ». L’agente a cependant conclu qu’il était raisonnable de s’attendre à ce qu’une personne qui souhaitait faire progresser sa carrière fasse preuve de plus de détermination pour trouver un emploi. En conséquence, l’agente a conclu que les raisons invoquées par M. Grabowski pour justifier sa venue au Canada n’étaient pas crédibles.

 

[14]           L’agente a également mentionné des divergences entre le témoignage de Mme Judge Grabowski et les documents au dossier. Mme Judge Grabowski a déclaré qu’elle s’était liée d’amitié avec la sœur de M. Grabowski au collège (entre 1996 et 1999) alors qu’elle était en Inde et qu’elles se parlaient à l’occasion par téléphone. Lorsque la sœur de M. Grabowski lui a indiqué que ce dernier avait l’intention de venir au Canada, elle lui a dit qu’il pouvait communiquer avec elle à son arrivée. Elle a déclaré qu’elle n’avait jamais parlé à M. Grabowski avant janvier 2009. L’agente a toutefois souligné que plus tard au cours de l’entrevue, Mme Judge Grabowski a dit l’avoir rencontré à des fêtes de famille [traduction] « il y a de nombreuses années ».

 

[15]           L’agente a par la suite indiqué que dans un questionnaire écrit, M. Grabowski a déclaré qu’il avait rencontré Mme Judge Grabowski pour la première fois en janvier 1994, soit avant qu’elle ne rencontre la sœur du demandeur. Plus tard, dans un addendum au questionnaire, il a déclaré qu’il l’avait rencontrée en janvier 1994 lorsque sa sœur la lui a présentée. L’agente a conclu que la preuve concernant les circonstances de leur rencontre n’était pas crédible.

 

[16]           Pour ces motifs, l’agente ne pouvait pas être convaincue que le mariage ne visait pas principalement l’acquisition d’un statut au Canada au sens de l’alinéa 4(1)a) du Règlement, et a rejeté la demande.

 

IV.       Première question – L’agente a‑t‑elle injustement traité M. Grabowski?

 

[17]           M. Grabowski soutient que l’agente l’a traité injustement en ne lui fournissant pas les services d’un interprète à l’entrevue ou en ne lui donnant pas l’occasion de prendre lui‑même des mesures à cette fin. Il dit avoir indiqué à l’agente qu’il avait de la difficulté à la comprendre.

 

[18]           Il n’appartient pas à CIC de fournir aux demandeurs les services d’un interprète. Le demandeur doit se voir donner l’occasion de prendre les mesures pour retenir les services d’un interprète et l’agent doit veiller à ce que le demandeur soit en mesure de comprendre la langue dans laquelle se déroule l’entrevue (Kazi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 733, au paragraphe 17).

 

[19]           En l’espèce, M. Grabowski a été avisé que s’il ne parlait pas l’anglais, il pouvait se faire accompagner d’un interprète à l’entrevue. Il disposait de suffisamment de temps, soit trois semaines, à compter de la date de l’avis pour trouver un interprète. De plus, l’agente n’a relevé aucune difficulté à communiquer en anglais au cours de l’entrevue.

 

[20]           Dans les circonstances, je ne peux voir aucun manquement à l’obligation d’équité procédurale.

 

V.        Deuxième question – La décision de l’agente était‑elle déraisonnable?

 

[21]           M. Grabowski fait aussi valoir que la conclusion de l’agente n’est pas intelligible ou transparente. Il souligne certains faits que l’agente a ignorés :

 

  • le mariage a été consommé la nuit du 8 juin 2009, comme le prouve un reçu d’hôtel;

 

  • le couple cohabitait comme mari et femme depuis le mariage, comme le corroborent des lettres d’amis;

 

  • le couple louait un appartement dans un sous‑sol à Squamish;

 

  • les époux assistaient ensemble à des services dans un temple sikh.

 

 

[22]           M. Grabowski soutient que ces éléments de preuve prouvent que le mariage était authentique.

 

[23]           Il prétend également que l’agente a omis d’expliquer la façon dont elle a tiré la conclusion selon laquelle le mariage visait principalement l’acquisition d’un statut sous le régime de la LIPR. Plus particulièrement, il conteste l’importance qui a été accordée à ses antécédents professionnels. Les éléments de preuve concernant l’authenticité du mariage importaient davantage (Sharma c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1131).

 

[24]           Le critère que l’agente était tenue d’appliquer est un critère disjonctif, c’est‑à‑dire qu’il est possible de conclure qu’un mariage est de mauvaise foi s’il n’est pas authentique ou s’il vise principalement l’acquisition d’un statut sous le régime de la LIPR. Les deux volets du critère sont reliés. La preuve d’un mariage authentique pourrait indiquer qu’il ne visait pas l’acquisition d’un statut au Canada. Il « existe un lien étroit entre les deux volets du critère » (Sharma, précitée, au paragraphe 17). Cependant, la preuve de l’« authenticité » n’est pas nécessairement déterminante à l’égard de la question de savoir si le mariage visait des fins d’immigration.

 

[25]           En l’espèce, l’agente s’est nettement concentrée sur la question de savoir si le mariage visait principalement des fins d’immigration. Selon elle, M. Grabowski est venu au Canada dans un autre but que son objectif déclaré d’acquérir de l’expérience professionnelle. Elle a aussi conclu que le récit des parties concernant leur rencontre n’était pas crédible. La preuve que l’agente aurait ignorée n’aurait pas dissipé ses préoccupations.

 

[26]           À mon avis, tel que je l’ai décrit ci‑dessus, les deux conclusions susmentionnées étaient étayées par la preuve dont disposait l’agente. De plus, elle a de façon claire et intelligible expliqué ses conclusions dans ses motifs. Par conséquent, la conclusion de l’agente était raisonnable et suffisamment expliquée.

 

VI.       Conclusion et dispositif

 

[27]           Je ne peux pas conclure que M. Grabowski a été traité injustement. L’accès à un interprète ne lui a pas été refusé et rien ne permet de penser que la langue dans laquelle s’est déroulée l’entrevue a posé problème. En outre, la preuve étayait la conclusion de l’agente selon laquelle le mariage visait des fins d’immigration, expliquée dans ses motifs. Je ne vois aucune raison d’annuler la décision et je dois, par conséquent, rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune des parties n’a soumis de question de portée générale pour certification et aucune question ne sera énoncée.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question de portée générale n’est énoncée.

 

                                                 « James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 


Annexe

 

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227

 

Mauvaise foi

 

  4. (1) Pour l’application du présent règlement, l’étranger n’est pas considéré comme étant l’époux, le conjoint de fait ou le partenaire conjugal d’une personne si le mariage ou la relation des conjoints de fait ou des partenaires conjugaux, selon le cas :

 

a) visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la Loi;

 

b) n’est pas authentique.

Immigration and Refugee Protection Regulations, SOR/2002‑227

 

Bad faith

 

  4. (1) For the purposes of these Regulations, a foreign national shall not be considered a spouse, a common‑law partner or a conjugal partner of a person if the marriage, common‑law partnership or conjugal partnership

 

(a) was entered into primarily for the purpose of acquiring any status or privilege under the Act; or

 

(b) is not genuine.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑7575‑10

 

INTITULÉ :                                                   JASBIR GRABOWSKI c MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 19 juillet 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 19 décembre 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Baldev S. Sandhu

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Edward Burnet

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Sandhu Law Office

Surrey (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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