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 Date : 20120104

Dossier : IMM-3498-11

Référence : 2012 CF 10

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 4 janvier 2012

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE RUSSELL

 

 

ENTRE :­

 

FRANCISCO GONZALEZ VENTURA,

ROSA MARIA FLORES CASTRO,

FABIOLA GONZALEZ FLORES

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi) et visant la décision datée du 1er mai 2011 de la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la décision), par laquelle la demande présentée par les demandeurs en vertu des articles 96 et 97 de la Loi et visant à obtenir le statut de réfugié au sens de la Convention ou de personnes à protéger a été rejetée.

LE CONTEXTE

[2]               Le demandeur principal, Francisco Gonzalez Ventura, est un citoyen du Mexique, de même que les demanderesses secondaires, son épouse, Rosa Maria Flores Castro (Rosa Maria), et leur fille, Fabiola Gonzalez Flores (Fabiola). Le demandeur principal et Rosa Maria ont également trois fils au Mexique. Les demandeurs sont arrivés au Canada le 24 décembre 2008 et ont présenté leur demande d’asile le 17 avril 2009.

[3]               Le demandeur principal a travaillé pour la Banque Scotia comme gestionnaire de valeurs mobilières à Puebla (Mexique) de 1984 à 2005. Il affirme avoir reçu, le 17 février 2005, un appel téléphonique de Roman Martinez (Martinez), à l’époque commandant de la Police judiciaire, qui voulait avoir un entretien avec lui. Martinez lui a demandé de le rencontrer hors du bureau. Le demandeur principal dit avoir refusé. Lorsqu’il a quitté le travail ce soir-là, Martinez l’a abordé en insistant pour lui parler d’un service personnel. Le demandeur principal lui a répondu qu’il ne pouvait traiter d’aucune affaire en dehors de ses heures de travail. Martinez n’a pas insisté davantage et le demandeur principal est rentré chez lui et n’a plus pensé à la conversation.

[4]               Le demandeur principal déclare avoir été prévenu par son employeur en mars 2005 qu’il serait mis à pied le 1er avril 2005 dans le cadre d’une rationalisation. Après sa mise à pied, le demandeur principal a, selon sa déclaration, fondé sa propre entreprise d’experts-conseils et l’a exploitée jusqu’en octobre 2008.

[5]               En mai 2008, le demandeur principal a été abordé par un homme nommé Jose Juan, qui lui a dit être l’émissaire de Martinez. Jose Juan voulait que le demandeur principal lui donne des renseignements sur les valeurs mobilières de la Banque Scotia pour l’aider à voler la banque. Le demandeur principal prétend qu’il a refusé et que Jose Juan lui a dit d’y penser.

[6]               Le demandeur principal dit que Jose Juan a communiqué avec lui trois fois en juin 2008. Au troisième appel, Jose Juan lui a fait savoir qu’il détenait des renseignements à son sujet, dont l’adresse de sa famille, et que le demandeur principal devait donc les aider. Jose Juan a dit au demandeur principal qu’il n’avait besoin que de la copie des clés de la porte arrière de la fourgonnette blindée. Il a précisé que le demandeur principal n’avait rien à craindre et qu’il recevrait une récompense d’un million de pesos pour sa participation au cambriolage. Devant le refus du demandeur principal, Jose Juan a menacé de lui faire du mal ainsi qu’à sa famille s’il ne collaborait pas. Il a dit que Fabiola était surveillée et que le demandeur principal paierait les conséquences de son défaut de collaborer.

[7]               Le demandeur principal a déclaré dans son FRP modifié qu’après cet appel téléphonique, il s’était rendu au bureau du ministère public en vue de porter plainte. On lui a dit qu’il serait difficile de déposer une plainte contre Martinez et qu’il lui faudrait corrompre la police pour qu’elle intervienne. Le demandeur principal dit qu’il n’a pas prévenu la police et qu’il n’est pas non plus retourné au ministère, parce qu’il redoutait que Martinez soit averti de sa tentative de déposer une plainte.

[8]               Le demandeur principal et sa famille ont déménagé de Puebla dans le district fédéral en juillet 2008. Après le déménagement, le demandeur principal s’est aperçu, à une occasion, qu’il était suivi par des hommes dans une voiture de marque Cavalier, soit la marque d’automobile utilisée par les agents de police. Selon ses dires, il serait retourné avec sa famille à Puebla pendant une semaine, en août 2008, pour prendre des dispositions afin de quitter le pays. Les demandeurs se sont enfuis du Mexique vers le Canada, le 24 décembre 2008.

[9]               Le demandeur principal prétend avoir été mis au courant d’un cambriolage qui serait survenu à la succursale de Puebla de la Banque Scotia le 26 février 2009, et au cours duquel six millions de pesos auraient été volés. Il dit que cet événement a renforcé ses craintes sur les risques que Martinez représentait.

[10]           Les demandes des demandeurs ont été jointes en vertu du paragraphe 49(1) des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228 et elles ont été instruites le 9 mars 2011. Les demanderesses secondaires ont fondé leurs demandes sur la déposition et l’histoire du demandeur principal, de sorte qu’elles ont été tranchées sur ce fondement. Leur avocat et un traducteur étaient présents à l’audience. La SPR a rendu sa décision le 1er mai 2011 et en a donné avis aux demandeurs le 6 mai 2011.

LA DÉCISION CONTRÔLÉE

[11]           La SPR a conclu que les demandeurs avaient établi leur identité grâce aux documents officiels présentés et à leur témoignage. Elle a conclu qu’ils n’étaient ni des réfugiés au sens de la Convention, ni des personnes à protéger. Les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention en vertu de l’article 96 de la Loi parce que les risques qu’ils allèguent sont des risques de criminalité; leur crainte est sans aucun lien avec un motif fondé sur la Convention. La SPR a également conclu que l’histoire des défendeurs n’était pas crédible, qu’ils n’avaient pas réfuté la présomption de la protection de l’État et qu’ils n’étaient donc pas des personnes à protéger en vertu de l’article 97 de la Loi.

La crédibilité et le défaut d’établir le bien-fondé de la demande présentée en vertu du paragraphe 97(1)

[12]           La SPR a rappelé la présomption voulant que les faits allégués dans le témoignage d’un demandeur soient véridiques à moins qu’il y ait des raisons valables de douter de leur véracité. Elle a ensuite déclaré que les éléments de preuve présentés par le demandeur principal étaient incohérents et portaient à confusion et qu’elle ne croyait pas que les événements s’étaient produits comme le demandeur principal les avait décrits. Elle a en conséquence conclu que les demandeurs n’avaient pas établi le bien-fondé de leur demande au moyen d’éléments de preuve crédibles et dignes de foi.

Éléments de preuve concernant les menaces et les endroits où ont eu lieu les événements

[13]           La SPR a jugé contradictoire le témoignage du demandeur principal selon lequel il avait été suivi après le déménagement de la famille dans le district fédéral. Ayant d’abord affirmé avoir déménagé avec sa famille dans le district fédéral en juillet 2008, le demandeur principal a ensuite prétendu avoir été suivi par des gens en voiture entre les mois de juin et août 2008. La SPR a jugé qu’il avait répondu de façon vague et évasive lorsqu’il avait été mis devant cette contradiction. Selon elle, il était raisonnable d’exiger du demandeur principal une déposition cohérente à cet égard, celui-ci n’ayant vécu qu’à deux endroits au cours de cette période. La confusion entourant son témoignage démontre que celui‑ci avait été embelli. La SPR a donné aux demandeurs le bénéfice du doute et a accepté leur déclaration selon laquelle la famille avait déménagé dans le district fédéral en 2008, même si cela ne figurait pas dans leur FRP.

Comportement et crainte subjective

[14]           La SPR a indiqué que l’absence de crainte subjective suffit pour rejeter une demande d’asile en vertu de l’article 96. Elle a également signalé que la crainte subjective est un élément crucial dans le cadre d’une décision fondée sur l’article 97, parce qu’elle concerne la crédibilité du demandeur. Quoique l’absence de crainte subjective ne soit pas déterminante pour une demande d’asile fondée sur l’article 97, elle sert à évaluer la crédibilité. Selon la SPR, des préoccupations concernant le comportement des demandeurs, le témoignage et l’absence de crainte subjective minaient l’ensemble des éléments de preuve.

[15]           La SPR a estimé que le retour des demandeurs à Puebla en août 2008 ne cadrait pas avec le comportement de gens ayant une crainte subjective. La SPR n’a pas cru que les demandeurs auraient risqué leur vie pour retourner dans une ville où le danger les guettait pour y conclure une transaction commerciale. Il aurait été raisonnable de s’attendre à ce que l’un des fils ou des associés du demandeur principal conclue cette affaire pour éviter aux demandeurs de devoir retourner dans une ville où le danger les guettait.

[16]           La SPR a également relevé que Fabiola (que la SPR a confondue avec Rosa Maria dans cette partie de la décision) continuait d’étudier à l’université, alors même que, selon le demandeur principal, elle avait été menacée par des criminels qui savaient qu’elle y étudiait. Le fait qu’elle a continué de fréquenter l’université à Puebla, où les demandeurs étaient menacés, ne correspondait pas avec une crainte subjective.

Retard à quitter le pays et à demander l’asile

[17]           La SPR a aussi estimé que le fait que les demandeurs avaient tardé à partir contredisait leur crainte subjective. Le demandeur principal a déclaré que sa fille voulait terminer l’école et que les menaces avaient cessé après août 2008; les demandeurs n’ont pas quitté le Mexique avant le mois de décembre 2008. La SPR a conclu que la date de départ était une date de convenance et non de nécessité.

[18]           La SPR a aussi fait remarquer que les demandeurs avaient demandé l’asile seulement quatre mois après leur entrée au Canada à titre de visiteurs. Elle a conclu que la déclaration du demandeur principal, selon laquelle ils avaient quitté le Mexique à cause de menaces, ne cadrait pas avec sa déclaration selon laquelle ils n’avaient pas jugé nécessaire de demander l’asile avant que le vol n’ait été commis à la succursale de la Banque Scotia à Puebla en février 2009. La SPR a estimé qu’une personne ayant une crainte véritable aurait demandé l’asile dès que possible et que le retard à présenter cette demande témoignait d’une absence de crainte subjective.

[19]           La SPR a jugé non crédible et non digne de foi la preuve soumise par les demandeurs à l’appui de leur demande d’asile. Bien qu’elle ait estimé que cela suffisait pour statuer sur leur demande, la SPR a également examiné la question de la disponibilité de la protection de l’État.

La protection de l’État

[20]           La SPR a estimé que les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption de la protection de l’État par une preuve claire et convaincante. Les demandeurs n’ont fait qu’une seule tentative pour demander cette protection; en effet, le demandeur principal prétend qu’il a porté plainte auprès du ministère public à Puebla. Le demandeur principal n’a fait cette allégation que dans le FRP modifié qu’il a déposé le 23 février 2011, soit deux semaines avant l’audience. La SPR a conclu que le demandeur principal n’avait demandé l’aide de personne après le déménagement dans le district fédéral. Le demandeur principal n’a pas non plus fait savoir à son employeur qu’on exerçait sur lui des pressions pour qu’il participe à un cambriolage. À l’audience, il a dit qu’il aurait été imprudent de faire une telle révélation à ses collègues. La SPR a rappelé que, dans la décision G.D.C.P. c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), 2002 CFPI 989, la juge Elizabeth Heneghan avait conclu que, pour avoir droit à l’asile au Canada, les demandeurs devaient prendre toutes les mesures raisonnables pour obtenir une protection. En l’espèce, les demandeurs ne l’ont pas fait et leur demande d’asile ne pouvait donc pas être accueillie. La SPR a également indiqué que dans la décision Judge c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1089, la juge Judith Snider avait dit que les demandeurs d’asile ne pouvaient pas réfuter la présomption de la protection de l’État dans une démocratie qui fonctionne normalement en ne faisant valoir qu’une réticence subjective à solliciter la protection de l’État.

[21]           La SPR a aussi considéré la preuve documentaire sur la protection de l’État au Mexique. Elle a reconnu que les éléments de preuve étaient contradictoires et que l’inefficacité, les pots‑de‑vin et la corruption posaient problème au sein des forces de sécurité mexicaines à tous les niveaux. Cependant, la SPR a soupesé ces éléments au regard d’autres éléments jugés convaincants, selon lesquels le Mexique reconnaissait ses problèmes passés et prenait des mesures actives pour y remédier.

[22]           La SPR a conclu que, selon la prépondérance de la preuve, la protection offerte par le Mexique aux victimes d’actes criminels était adéquate, même si elle n’était pas parfaite. La SPR a notamment relevé les éléments de preuve suivants à l’appui de sa conclusion :

a.                   Sanctions pénales imposées par la loi aux fonctionnaires corrompus et mise en accusation de certains d’entre eux;

b.                  Réformes apportées aux forces de sécurité, dont une nouvelle force policière pour remplacer la police judiciaire fédérale tristement célèbre pour sa corruption;

c.                   Création de nouveaux organismes pour combattre la criminalité, les cartels de la drogue et le crime organisé;

d.                  Mise en place de nouvelles procédures pour les forces de sécurité, dont des tests de dépistage des drogues, un système de formation et des sanctions contre l’inefficacité et la corruption.

 

 

[23]           La SPR a reconnu la preuve selon laquelle la corruption demeurait un problème et que l’impunité était répandue, ce qui faisait en sorte que les victimes hésitaient à porter plainte. Cependant, le Mexique avait fait des investissements importants pour améliorer la sécurité publique, avait remplacé des fonctionnaires haut placés pour réduire la corruption et avait adopté une loi visant à réorganiser les forces policières. La SPR a de plus donné l’exemple de fonctionnaires corrompus qui avaient été arrêtés ou qui avaient démissionné, ainsi que des investissements importants faits dans la sécurité et la justice par l’administration du président Felipe Calderon.

[24]           La SPR a indiqué que les demandeurs avaient présenté des éléments de preuve relativement aux problèmes de la corruption et à l’impunité dans les forces policières, y compris un rapport rédigé en 2007 par Judith Hellman, professeure de sciences politiques à l’Université York, intitulé Report on Human Rights in Mexico (le rapport Hellman), mais elle a jugé que le cartable de la SPR contenait des renseignements plus récents sur la situation actuelle au Mexique.

[25]           La SPR a de nouveau relevé les incohérences contenues dans la preuve, mais elle a conclu que, dans l’ensemble, la preuve présentée par les demandeurs ne permettait pas de réfuter la présomption de la protection de l’État. Selon la SPR, le fait que la protection offerte par le Mexique n’était pas parfaite ne lui permettait pas de conclure qu’il ne pouvait offrir une protection adéquate.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[26]           Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent à la présente instance :

Définition de « réfugié »

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

[…]

 

Personne à protéger

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

Convention refugee

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political

opinion,

 

 

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries;

 

[…]

 

Person in Need of Protection

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning­ of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care

 

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[27]           La seule question soulevée par les demandeurs a trait à la raisonnabilité de la conclusion de la SPR selon laquelle ils pouvaient se prévaloir de la protection de l’État au Mexique.

LA NORME DE CONTRÔLE

[28]           Dans Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a conclu qu’il n’était pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse de la norme de contrôle. Lorsque la norme de contrôle applicable à une question particulière dont elle est saisie a été bien établie par la jurisprudence, la cour de révision peut tout simplement adopter cette norme. Ce n’est que lorsque cette recherche se révèle infructueuse que la cour de révision doit se pencher sur les quatre facteurs que comprend l’analyse de la norme de contrôle.

[29]           Dans Carrillo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 94, la Cour d’appel fédérale a statué, au paragraphe 36, que la norme de contrôle applicable à une conclusion relative à la protection de l’État était celle de la décision raisonnable. Le juge Leonard Mandamin a adopté ce point de vue dans Lozado c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 397, au paragraphe 17. De plus, dans Chaves c Canada (Ministre de la Cityoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 193, la juge Danièle Tremblay­‑Lamer a statué que la norme de contrôle applicable à une conclusion relative à la protection de l’État était celle de la décision raisonnable. La norme de contrôle applicable à la seule question soulevée en l’espèce est celle de la décision raisonnable.

[30]           Lors du contrôle d’une décision selon la norme de la décision raisonnable, l’analyse a trait « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59. En d’autres termes, la Cour ne devrait intervenir que si la décision est déraisonnable au sens où elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

LES ARGUMENTS

Les demandeurs

 

[31]           Les demandeurs soutiennent que la conclusion de la SPR ayant trait à la protection de l’État était déraisonnable parce qu’elle reposait sur une mauvaise appréciation de la preuve et sur la conclusion erronée qu’ils n’avaient pas fait suffisamment d’efforts pour obtenir la protection de l’État.

La Commission a mal apprécié la preuve sur la protection de l’État

[32]           Les demandeurs signalent que l’arrêt de principe en matière de protection de l’État est Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689, où la Cour suprême a conclu que le demandeur qui est persécuté par des agents non étatiques doit établir que l’État ne peut ou ne veut le protéger. Les demandeurs font également valoir que le demandeur est obligé de solliciter la protection de l’État sauf s’il est objectivement déraisonnable de le faire. Dans certains cas, l’État peut être capable de protéger ses citoyens, mais il peut néanmoins être raisonnable pour le demandeur de ne pas solliciter cette protection.

[33]           Les demandeurs s’appuient sur la décision Villicana c Canada (Citoyenneté et Immigration) 2009 CF 1205, aux paragraphes 69 à 71, dans laquelle j’ai traité de la suffisance de la protection de l’État au Mexique :

Dans le cas d’une démocratie bien établie, les demandeurs n’auraient pu invoquer de tels arguments pour justifier le fait qu’ils ne se sont pas adressés aux autorités, mais le Mexique connaît des difficultés qui requièrent une analyse plus complète et l’application d’une méthode contextuelle dans l’appréciation de l’existence d’une protection de l’État. L’État mexicain souhaite certainement protéger ses citoyens, mais est-il capable de les protéger?

En l’espèce, les demandeurs ont soumis à la Commission une preuve digne de foi démontrant non seulement que les autorités mexicaines ne peuvent pas protéger les citoyens ordinaires qui manquent de moyens et d’influence, mais également que ce sont ces mêmes autorités (la police, les juges et le gouvernement) qui constituent le plus grand danger pour le citoyen ordinaire.

Selon cette preuve, tous les corps policiers du Mexique sont gangrenés par la corruption et ignorent allégrement la loi, la Commission nationale des droits de la personne reconnaît que les institutions elles-mêmes, dont le mandat est censément de protéger les Mexicains ordinaires, sont justement les plus susceptibles de piétiner leurs droits fondamentaux, enfin les gens riches et ceux qui ont des relations enfreignent les lois en toute impunité, alors même que la police et l’administration sont infiltrées par des trafiquants de drogue et autres criminels agissant en bandes organisées.

 

 

[34]           Selon les demandeurs, Villicana nous enseigne que la SPR doit procéder à une évaluation plus complète de la protection de l’État dans les demandes d’asile provenant de ressortissants du Mexique. La SPR doit également se demander si l’intention véritable de l’État de protéger ses citoyens se traduit en pratique par une protection adéquate.

[35]           En l’espèce, l’analyse de la preuve par la SPR était sélective et intéressée. Selon les demandeurs, il existait une preuve convaincante que la corruption était généralisée dans les forces policières mexicaines et que les Mexicains craignaient la police. Ils citent :

a.                   le rapport Hellman, qui décrit l’omniprésence de la corruption dans les forces policières;

b.                  un rapport de 2007 d’Amnistie internationale sur les violations des droits de la personne et sur l’impunité dans les systèmes de sécurité et de justice au Mexique;

c.                   un rapport de 2009 du Centre sur les droits de la personne Miguel Agustin Pro Juárez relatif aux violations des droits civils et politiques au Mexique, qui traite du fossé qui existe entre les lois actuelles et leur application et de l’impunité généralisée au sein des forces policières;

d.                  un rapport de 2008 du Centre sur les droits de la personne Miguel Agustin Pro Juárez qui traite de la hausse constante du taux de violence et de criminalité au Mexique;

e.                   un rapport de 2009 de Human Rights Watch sur le Mexique, selon lequel le système de justice pénale échoue régulièrement à rendre justice aux victimes d’actes criminels.

[36]           Ces rapports montrent que les efforts du Mexique ne se sont pas traduits par une protection adéquate. Bien que les conclusions de la SPR commandent la déférence, les conclusions que celle‑ci a tirées en l’espèce, sur le fondement des éléments de preuve examinés, étaient déraisonnables et requièrent l’intervention de la Cour.

[37]           Les demandeurs invoquent Gilvaja c Canada (Citoyenneté et Immigration) 2009 CF 598, à l’appui de leur prétention selon laquelle la SPR a commis une erreur en limitant son analyse aux initiatives et aux efforts (du gouvernement mexicain) et en ne considérant pas la question de savoir si ces initiatives et ces efforts avaient eu en pratique une incidence réelle sur la protection. Dans Gilvaja, le juge O’Keefe écrit, au paragraphe 39 :

Les lois écrites n’équivalent pas à une protection de l’État réelle et concrète pour les citoyens. Il a été statué, que lors de l’examen de la question de savoir si un État faisait de sérieux efforts pour assurer la protection de ses citoyens, la protection doit être évaluée sur le terrain […]

 

 

[38]           Les demandeurs s’appuient également sur la décision Lopez c Canada (Citoyenneté et Immigration) 2010 CF 1176, où le juge Roger Hughes cite le passage suivant tiré du paragraphe 10 de la décision du juge Michel Beaudry dans Bautista c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 126 :

Selon moi, la Commission a commis une erreur à deux égards en arrivant à sa conclusion. D’abord, elle a apprécié la preuve concernant les critiques de l’efficacité de la loi au regard de la preuve concernant les mesures prises pour traiter les problèmes de violence conjugale. Cela ne suffit pas à justifier une conclusion d’existence de la protection de l’État; on doit tenir compte de la situation réelle et non de ce que l’État se propose de faire ou a entrepris de mettre en place […]

[39]           Les demandeurs soutiennent que la SPR a commis la même erreur en l’espèce, en faisant référence de manière répétée aux efforts du gouvernement du Mexique pour protéger ses citoyens. Il ne s’agit pas de savoir si l’État fait des efforts pour assurer une protection, mais plutôt de savoir si la protection qu’il offre est adéquate.

[40]           Pour étayer davantage leur prétention, les demandeurs citent la décision Park c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1269, dans laquelle le juge O’Keefe écrit aux paragraphes 56 et 57 :

[56]           Notre Cour a tranché par le passé que la démocratie et la loi ne suffisent pas à assurer une protection de l’État adéquate et que la Commission doit considérer toutes les lacunes de nature pratique ou opérationnelle en ce qui concerne la protection accordée par l’État (voir Zaatreh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 211, au paragraphe 55; Jabbour c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 831, 83 Imm.L.R. (3d) 219, au paragraphe 42). Comme le juge Yves de Montigny l’a conclu dans Franklyn c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1249, au paragraphe 24 :

 

. . . le simple fait que le gouvernement a pris des mesures en vue de supprimer le problème de la violence familiale ne veut pas dire que le sort des femmes battues s’est amélioré.

 

La demanderesse a présenté une preuve documentaire importante devant la Commission, qui portait sur les réactions et la conduite réelles de la police sud‑coréenne. Cette preuve montrait que la police n’intervient pas assez souvent dans les affaires de violence conjugale parce qu’elle estime qu’il s’agit d’un problème familial. La preuve indiquait également que la police blâmait souvent les victimes et les mettait physiquement en danger et elle indiquait aussi qu’il était rare que des hommes soient emprisonnés ou accusés de violence conjugale, ajoutant que la police faisait preuve d’un manque d’empathie et de sensibilité quant à la gravité de la violence conjugale. Cet élément de preuve sur la réalité concrète de la protection accordée par l’État en Corée du Sud, qui provient d’une variété de sources, n’a pas été considéré par la Commission. Cela constitue une erreur susceptible de contrôle judiciaire.

 

 

[41]           En l’espèce, il existait des éléments de preuve contradictoires convaincants que la protection offerte par l’État à des gens comme les demandeurs était inadéquate. Les demandeurs affirment que le passage suivant de Lopez, précité, au paragraphe 9, s’applique à leur cas :

Quant au caractère raisonnable des conclusions, la preuve établit de façon accablante en l’espèce que le Mexique n’offre pas une protection adéquate. La preuve révèle que les organismes d’État qui, selon le commissaire, pourraient offrir une protection, font preuve d’incompétence et d’inefficacité, et sont corrompus.

 

 

[42]           La SPR a procédé à une analyse superficielle, sans véritablement tenir compte de la protection sur le terrain, de sorte que la décision doit être annulée.

 

La Commission a eu tort de conclure que les demandeurs n’ont pas fait suffisamment d’efforts pour obtenir une protection

 

[43]           La conclusion tirée par la SPR quant à la protection de l’État était également déraisonnable, car elle faisait abstraction du fait que l’agent de persécution était un ancien commandant de la Police judiciaire. Les demandeurs allèguent aussi que la SPR n’a pas considéré le fait que les autorités ont demandé un pot-de-vin au demandeur principal, lorsqu’il s’est adressé à elles, et qu’il avait peur que l’agent de persécution apprenne qu’il avait essayé de le dénoncer.

[44]           C’est pourquoi la conclusion de la SPR selon laquelle ils n’avaient pas d’efforts suffisants pour obtenir protection était déraisonnable.

Le défendeur

[45]           Le défendeur soutient que les demandes des demandeurs ne sont pas étayées par une preuve crédible et digne de foi. Même si leurs allégations étaient acceptées, ils n’ont pas réussi à réfuter la présomption de la protection de l’État, ce qui fait obstacle à leur demande. Les demandeurs n’ont contesté que les conclusions de la SPR sur la protection de l’État, ce qui est insuffisant pour contester la décision de la SPR, celle‑ci ayant conclu que leur témoignage n’était pas crédible. Le défendeur soutient également que l’analyse de la protection de l’État à laquelle la SPR a procédé était raisonnable et que l’intervention de la Cour n’est donc pas justifiée.

Les conclusions sur la crédibilité sont déterminantes

[46]           La question déterminante relativement à la demande d’asile des demandeurs était celle de la crédibilité. La SPR a conclu que leur histoire n’était pas vraisemblable en raison des incohérences, des contradictions et des invraisemblances qu’elle comportait. Voir Sheikh c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 3 CF 238 (CAF), au paragraphe 244.

[47]           S’exprimant en termes clairs et non équivoques, la SPR a justifié par des motifs détaillés sa conclusion selon laquelle les demandeurs n’étaient pas crédibles. La SPR a formulé les réserves suivantes quant à la preuve présentée par le demandeur principal :

a.                   Son témoignage sur le moment choisi pour procéder au déménagement de la famille de Puebla dans le district fédéral et sur le moment où il a été suivi par la Cavalier.

b.                  Le fait que la famille soit retournée à Puebla pour conclure une transaction commerciale en dépit de leur prétention selon laquelle ils avaient dû fuir pour leur sécurité.

c.                   Le fait que Fabiola ait continué à fréquenter l’université, bien que le demandeur principal ait affirmé qu’elle était directement menacée et que les criminels savaient où elle étudiait.

d.                  Le fait que les demandeurs aient tardé à fuir le Mexique.

e.                   Le fait que les demandeurs aient tardé à demander l’asile lorsqu’ils sont arrivés au Canada.

f.                    Le témoignage contradictoire, incohérent et évasif du demandeur principal.

 

[48]           Comme les demandeurs n’ont contesté aucune de ces conclusions, il faut supposer qu’elles sont valables. Le défendeur fonde cette affirmation sur la décision Cienfuegos c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1262, aux paragraphes 25 et 26. Invoquant Rahaman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 89, au paragraphe 29, le défendeur soutient que, lorsqu’un demandeur est jugé non crédible, les documents sur le pays ne suffisent pas à eux seuls à étayer sa demande d’asile.

[49]           Les conclusions tirées par la SPR au sujet de la protection de l’État sont manifestement subsidiaires et elles ne sont pas suffisantes pour attaquer la décision. La demande doit être rejetée pour ce seul motif.

Les demandeurs n’ont pas réfuté la présomption de la protection de l’État

[50]           Même si la Cour devait examiner les conclusions de la SPR ayant trait à la protection de l’État, ces conclusions étaient raisonnables. La SPR n’a pas accepté le témoignage du demandeur principal, mais a plutôt conclu que, même s’il était vrai, les demandeurs n’avaient pas démontré que la protection de l’État était inadéquate.

[51]           Il incombait aux demandeurs de démontrer par une preuve claire et convaincante que l’État ne voulait ou ne pouvait pas les protéger, et ils n’ont pas réussi à s’acquitter de ce fardeau. Le défendeur rappelle que les demandeurs doivent solliciter la protection de l’État lorsqu’elle peut raisonnablement être assurée (Ward, précité, aux pages 725, 709 et 724). La SPR a raisonnablement conclu que la preuve présentée par les demandeurs pour réfuter la présomption de la protection de l’État n’était pas claire et convaincante.

[52]           La SPR a reconnu l’existence des problèmes de corruption au Mexique et elle a donc tenu compte de la preuve portant sur le caractère adéquat de la protection de l’État. La SPR disposait d’éléments de preuve portant sur certaines mesures prises en vue de remédier à ces problèmes, elle en a tenu compte et a raisonnablement conclu que les demandeurs ne s’étaient pas acquittés de leur obligation de démontrer l’insuffisance de la protection de l’État.

[53]           L’analyse de la SPR a tenu compte de la protection de l’État sur le terrain. La SPR a considéré, outre les modifications législatives, le fonctionnement plus efficace des forces policières et des organismes publics. Le défendeur fait valoir que la Cour a maintes fois statué que la présomption de la protection de l’État n’est pas réfutée du fait qu’un État ne réussit pas toujours à protéger des citoyens. (Voir Villafranca, précité.)

[54]           Le défendeur fait de plus remarquer que plusieurs recours s’offraient aux demandeurs. La SPR a raisonnablement conclu que les efforts déployés par les demandeurs pour obtenir la protection de l’État ne permettaient pas de conclure que cette protection ne serait raisonnablement pas assurée. Les incapacités locales à assurer une protection ne suffisent pas à démontrer une absence de protection de l’État. Les arguments des demandeurs en l’espèce équivalent tout au plus à un désaccord sur le poids que la SPR a donné à la preuve. Il n’est pas loisible à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve et de tirer une conclusion différente; la SPR a tiré des conclusions qu’elle pouvait raisonnablement tirer et l’intervention de la Cour n’est donc pas justifiée.

ANALYSE

[55]           Les demandeurs ont choisi de contester la décision sous l’angle de l’analyse de la protection de l’État à laquelle la SPR a procédé. Les arguments qu’ils font valoir ont été maintes fois présentés à la Cour :

1.                  La SPR a commis une erreur susceptible de révision en procédant à une interprétation intéressée de la preuve documentaire et en préférant à une preuve contradictoire convaincante des éléments de preuve favorables aux conclusions préétablies de son examen de la protection de l’État au Mexique.

2.                  La SPR ne s’est nullement penchée sur ce qui arrive réellement au Mexique et s’est plutôt appuyée sur ce que l’État tente de mettre en place.

 

[56]           Cependant, la décision reposait sur deux questions déterminantes et les demandeurs n’ont pas tenu compte des conclusions cruciales de la SPR qui ont une incidence sur l’analyse de la protection de l’État.

[57]           Plus important encore, la SPR n’a pas cru que Martinez constituait un danger pour les demandeurs et les demandeurs n’ont fait valoir aucun autre risque. La SPR n’a absolument pas cru que les demandeurs étaient menacés par Martinez ou que celui‑ci constituerait un danger pour eux dans le futur. La SPR a expliqué en détail pourquoi elle ne croyait pas que les demandeurs étaient menacés par Martinez. Les demandeurs ne contestent pas ces conclusions.

[58]           Ce qu’ils disent en fait, c’est que l’analyse de la protection de l’État à laquelle la SPR a procédé révèle que celle-ci était à l’avance disposée à conclure au caractère adéquat de la protection de l’État au Mexique, ce qui a vicié son analyse de la crédibilité.

[59]           Il n’y a tout simplement pas de preuve pour étayer cet argument. Il ressort de la décision que la question de crédibilité était déterminante et que les conclusions négatives à cet égard reposaient sur une preuve solide et un raisonnement clair et détaillé. Les demandeurs ne contestent nullement les raisons ou les motifs ayant trait aux conclusions négatives sur la crédibilité et rien ne démontre que l’analyse de la protection de l’État de la SPR ait rendu nébuleuse ou ait vicié l’évaluation de la crédibilité à laquelle elle a procédé.

[60]           Comme le juge Michel Shore le fait remarquer aux paragraphes 24 à 26 de la décision Cienfuegos, précitée :

En effet, les demandeurs n’ont contesté qu’une seule des conclusions de la Commission relatives à leur absence de crédibilité (Dossiers des demandeurs (DD) aux pp. 19-20, par. 6‑12)

 

Or, la conclusion concernant l’absence de crédibilité est déterminante en soi et le défaut de faire la preuve qu’elle est déraisonnable suffit pour faire échec à la présente demande (Salim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1592, 144 A.C.W.S. (3d) 326 au par. 31; Chan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] 3 R.C.S. 593, 58 A.C.W.S. (3d) 287 au par. 147).

 

Les conclusions demeurant incontestées doivent être tenues pour avérer et constituent un motif suffisant justifiant le rejet de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[61]           Le juge Maurice Lagacé a traité d’une situation très semblable à celle de l’espèce dans Ortiz c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1326, au paragraphe 22 :

À titre subsidiaire, le Tribunal conclut que les demandeurs n’ont pas repoussé la présomption de l’existence d’une protection étatique pour eux au Mexique. N’ayant pas prêté foi au récit des demandeurs pour conclure qu’ils ne pouvaient bénéficier du statut de réfugiés ni de celui de personnes à protéger, il devenait superflu et non nécessaire pour le Tribunal de se prononcer sur la présomption de protection de leur État qu’ils n’avaient pas réfutée. Mais même si le Tribunal se prononce, il n’erre pas pour autant.

 

[62]           Comme ces décisions le montrent, la conclusion défavorable relative à la crédibilité tirée en l’espèce suffisait à trancher la demande d’asile. Même si j’acceptais l’argument des demandeurs sur le caractère déraisonnable ou incorrect de l’analyse de la protection de l’État, cela ne vicierait pas la décision. Par conséquent, il est inutile de traiter de la question de la protection de l’État.

[63]           Les avocats ont convenu qu’il n’y a aucune question à certifier et la Cour est d’accord.


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.                  La demande est rejetée.

2.                  Il n’y a pas de question à certifier.

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-3498-11

 

INTITULÉ :                                                   FRANCISCO GONZALEZ VENTURA,

                                                                        ROSA MARIA FLORES CASTRO,

                                                                        FABIOLA GONZALEZ FLORES     

                                           

                                                                        -   et   -

 

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                        ET DE L’IMMIGRATION                                                                                 

                                                          

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 6 décembre 2011

                                                           

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 4 janvier 2012

 

 

COMPARUTIONS : 

 

Elyse Korman                                                                  POUR LES DEMANDEURS

                                                                                                                     

Jane Stewart                                                                    POUR LE DÉFENDEUR                                 

 

                              

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                         AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :  

 

Otis & Korman                                                               POUR LES DEMANDEURS

Avocats

Toronto (Ontario) 

                                                                                                                  

Myles J. Kirvan, c.r.                                                        POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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