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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20120106

Dossier : IMM-3000-11

Référence : 2012 CF 7

Ottawa (Ontario), ce 6e jour de janvier 2012

En présence de l’honorable juge Pinard

ENTRE :

Thierno Oumar SOW

 

Partie demanderesse

 

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

Partie défenderesse

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]          Il s’agit ici d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de Louis Cousineau de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (le tribunal), présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27 (la Loi). Le tribunal a rejeté la demande d’asile de Thierno Oumar Sow (le demandeur), concluant que ce dernier n’avait pas la qualité de réfugié ni celle de personne à protéger au sens de la Loi parce qu’il y avait eu un changement de circonstances depuis la formulation de sa demande.

 

[2]          Le demandeur est un citoyen de la Sierra Leone. Son père est originaire de ce même pays, alors que sa mère est née en Guinée. À l’époque du conflit armé en Sierra Leone, sa tante était mariée à l’ancien président de ce pays, Momoh.

 

[3]          Le demandeur base sa demande sur les articles 96 et 97 de la Loi, craignant d’être persécuté, tué ou torturé s’il devait retourner en Sierra Leone ou en Guinée, et ce, en raison de ses liens familiaux avec l’ancien président Momoh et de l’absence de famille, maintenant, en Sierra Leone.

 

[4]          Dans un premier temps, le tribunal a conclu à l’absence de crainte objective du demandeur en raison des changements survenus en Sierra Leone depuis la formulation de sa demande d’asile. Dans un deuxième temps, le tribunal a conclu qu’il n’existait pas néanmoins des raisons impérieuses pouvant le justifier d’accorder la demande d’asile du demandeur.

 

[5]          Le demandeur soutient d’abord que le tribunal a erré dans son appréciation des faits en concluant qu’il n’existait aucune preuve de persécution récente en Sierra Leone de personnes liées à l’ancien président Momoh.

 

[6]          Le demandeur plaide ensuite que le tribunal a erré en concluant que ses circonstances particulières ne constituaient pas des raisons impérieuses.

 

[7]          Une conclusion du tribunal sur les changements de circonstances dans un pays est une question de faits (Rahman c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] A.C.F. n562  (C.A.F.) au para 1; Yusuf c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 35 (C.A.F.) au para 2). Une conclusion quant à l’existence de raisons impérieuses doit quant à elle être considérée comme une question mixte de faits et de droit (Suleiman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 2 R.C.F. 26 au para 11 [Suleiman]).

 

[8]          La norme de contrôle applicable à ces questions de faits et mixte de faits et de droit est donc celle de la décision raisonnable (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190 au para 47 [Dunsmuir]).

 

[9]          Après examen de la preuve pertinente et audition des procureurs des parties, la conclusion du tribunal sur l’absence d’une crainte objective de persécution du demandeur en Sierra Leone m’apparaît raisonnable, étant supportée par la preuve au dossier.

 

[10]      À cet égard, les deux paragraphes suivants de la décision en cause revêtent une importance cruciale :

[21]     Aussi, le tribunal a pris en considération la lettre du 22 novembre 2010 déposée, ainsi que le témoignage du demandeur, notamment portant sur des menaces proférées à l’encontre de la famille du demandeur. Le demandeur témoigne qu’il ne sait pas quand ces menaces auraient été proférées. De plus, il témoigne qu’il ne sait pas ce qu’il serait advenu de la propriété familiale à Kono. Aussi, le demandeur témoigne qu’il ne revendiquerait pas la propriété familiale. Il ajoute que les informations auraient été obtenues par un ami de son oncle qui ferait des va-et-vients [sic] entre les États-Unis et la Sierra Leone.

 

[22]     D’abord, le tribunal prend note qu’à l’exception de la lettre du 22 novembre 2010 de l’oncle du demandeur, aucune preuve documentaire décrivant la situation prévalant en Sierra Leone, particulièrement depuis la fin de la guerre, ne démontre de difficultés pour des personnes qui seraient associées à la famille de l’ancien Président Momoh. Le tribunal considère raisonnable de croire que compte tenu que le général Momoh était un ancien Président et que, selon le témoignage du demandeur la famille de l’ancien président était connue, s’il y avait eu des difficultés à l’égard des membres de sa famille depuis la fin de la guerre en Sierra Leone, provenant des gens de Kono ou d’autres sources, la preuve documentaire contiendrait de l’information à ce sujet. Par conséquent, vu cette absence de preuve documentaire, le tribunal est d’avis que le demandeur n’a pas établi que lui, comme étant un membre de la famille de l’ancien Président Momoh, serait sujet à une « possibilité sérieuse » de persécution, ni que selon la prépondérance des probabilités, qu’il serait personnellement exposé à un risque de torture ou à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités, pour cette raison.

 

 

 

[11]      Le raisonnement du tribunal est bien appuyé par la jurisprudence. Qu’il suffise de référer, comme je l’ai fait dans Sandhu c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2005 CF 370, au paragraphe 4, à l’arrêt Adu c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (24 janvier 1995), A-194-92 :

. . .  Dans l’arrêt Adu c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (24 janvier 1995), A-194-92, la Cour d’appel fédérale écrivait que « la ”présomption” selon laquelle le témoignage sous serment d’un requérant est véridique peut toujours être réfutée et, dans les circonstances appropriées, peut l’être par l’absence de preuves documentaires mentionnant un fait qu’on pourrait normalement s’attendre à y retrouver ».

 

 

 

[12]      Pour ce qui est du deuxième argument du demandeur, je suis d’avis que le tribunal a bien résumé la notion de « raisons impérieuses », s’appuyant sur la jurisprudence applicable. L’existence de telles circonstances spéciales et exceptionnelles n’est en effet reconnu qu’à une petite minorité restreinte de personnes dont la persécution antérieure est si épouvantable que leur seule expérience suffit pour ne pas les renvoyer, bien qu’elles n’aient plus de raisons de craindre une nouvelle persécution (J.N.J. c. Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, 2010 CF 1088 au para 39 citant Suleiman; Suleiman aux paragraphes 14 et 15).

 

[13]      Tout comme dans Noori c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] A.C.F. no 938 (1re inst.), bien que le demandeur ait droit à la sympathie, cela ne justifie pas l’intervention de cette Cour. Le tribunal a considéré la preuve au dossier et a mentionné les circonstances particulières du demandeur, dont son jeune âge à l’époque pertinente. Sa conclusion d’absence de raisons impérieuses était donc raisonnable, étant transparente et intelligible et « appartenant aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir au para 47).

 

[14]      Pour toutes ces raisons, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[15]      Je suis d’accord avec les procureurs des parties qu’il n’y a pas ici matière à certification.

 

 


 

JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié rendue le 11 avril 2011 est rejetée.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3000-11

 

INTITULÉ :                                       Thierno Oumar SOW c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 8 décembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Pinard

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 6 janvier 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Claudette Menghile                        POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

Me Suzon Létourneau                          POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Claudette Menghile                                                       POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

 

Myles J. Kirvan                                                            POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

 

 

 

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