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Date : 20111006


Dossier : IMM-915-11

Référence : 2011 CF 1133

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 6 octobre 2011

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

JEEWAN KHAIMRAJ
FIDEL KHAIMRAJ

 

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Aperçu

 

[1]               M. Jeewan Khaimraj et son fils, Fidel, ont demandé l’asile au Canada après avoir quitté leur pays d’origine, la Guyana, en 2005. Ils ont invoqué une persécution fondée sur divers motifs – leurs opinions politiques, leur religion et leur identité ethnique – mais en 2007, un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté leurs demandes, car les preuves à l’appui faisaient défaut.

 

[2]               M. Khaimraj et son fils ont ensuite présenté une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR). Ils prétendaient craindre leurs voisins en Guyana, qui les avaient attaqués à deux reprises en 2004. L’agent d’ERAR a conclu qu’il n’y avait aucune raison pour que la preuve concernant ces attaques n’ait pas été présentée à la Commission. Par conséquent, il a estimé qu’il ne disposait d’aucun nouvel élément de preuve à examiner dans le cadre de l’ERAR; il a conclu par ailleurs que la Guyana était en mesure de protéger M. Khaimraj et son fils s’ils retournaient dans ce pays.

 

[3]               M. Khaimraj soutient que l’agent a commis une erreur en rejetant ses « nouveaux » éléments de preuve : il ignorait qu’il pouvait les présenter à la Commission, et l’agent était donc tenu de les examiner. M. Khaimraj prétend aussi que ce dernier a commis une erreur en concluant qu’il était possible de se prévaloir de la protection de l’État en Guyana. Il me demande d’infirmer sa décision et d’ordonner qu’un autre agent effectue un nouvel ERAR.

 

[4]               Je ne constate aucune erreur de la part de l’agent et je dois donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. L’agent a raisonnablement conclu qu’il n’existait aucun nouvel élément de preuve de risque et n’était donc pas tenu de déterminer si la Guyana pouvait adéquatement soustraire les demandeurs au risque. Il a néanmoins étudié la preuve documentaire pertinente et a conclu que la protection de l’État était disponible.

 

[5]               Les deux questions à examiner sont les suivantes :

 

1.         L’agent a-t-il commis une erreur en concluant qu’il n’y avait aucun nouvel élément de preuve à examiner dans le cadre de la demande d’ERAR?

2.         L’agent a-t-il commis une erreur en concluant que la protection de l’État était adéquate?

 

II.         La décision de l’agent

 

[6]               L’agent a résumé les allégations de M. Khaimraj concernant les attaques menées par ses voisins en 2004, notamment sa conviction que sa femme avait succombé à ses blessures plus tard cette année-là.

 

[7]               L’agent s’est demandé si cet élément de preuve était admissible dans le cadre d’un ERAR. Il est notable que M. Khaimraj ait présenté différentes allégations de risque dans sa demande d’asile, toutes rejetées par la Commission en 2007. M. Khaimraj n’a pas du tout expliqué à l’agent pourquoi il n’avait pas présenté à la Commission des éléments de preuve additionnels relatifs aux attaques.

 

[8]               L’agent a donc conclu que la preuve ne satisfaisait pas au critère de « nouveauté » énoncé par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Raza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 385, au paragraphe 13. Elle ne se rapportait pas à un événement postérieur à la décision de la Commission ou n’établissait aucun fait dont M. Khaimraj n’eût pas connaissance au moment de l’audition de sa demande d’asile.

 

[9]               L’agent a également noté que la Commission avait conclu que M. Khaimraj et son fils pouvaient bénéficier de la protection de l’État en Guyana. Il a néanmoins étudié la preuve documentaire plus récente et convenu avec la Commission que la protection de l’État existait en Guyana.

 

III.       Première question – L’agent a-t-il commis une erreur en concluant qu’il n’y avait aucun nouvel élément de preuve à examiner dans le cadre de la demande d’ERAR?

 

[10]           M. Khaimraj affirme qu’il ignorait pouvoir soumettre à la Commission une preuve de risque fondée sur d’autres motifs que ceux que prévoit la Convention sur les réfugiés. Il soutient donc qu’on ne pouvait raisonnablement attendre de lui qu’il présente ces éléments de preuve au moment de son audience devant la Commission, et, qu’à ce titre, il satisfait au critère d’admission d’un nouvel élément de preuve dans le cadre d’un ERAR, au sens de l’alinéa 113a) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (voir l’annexe).

 

[11]           À mon avis, ignorer qu’il était possible de présenter des éléments de preuve à la Commission ne justifie pas de les admettre dans le cadre d’un ERAR, car le but de cette instance est de régler des questions soulevées après l’audition de la demande d’asile, ou d’examiner des éléments de preuve qui n’auraient pas pu être raisonnablement produits plus tôt. Comme l’a souligné la juge Karen Sharlow dans l’arrêt Raza, lorsque les éléments de preuve ne satisfont pas au critère de « nouveauté », « il n’est pas nécessaire de [les] considérer » (paragraphe 13).

 

[12]           À mon avis, l’agent n’était pas tenu de considérer la preuve concernant les attaques des voisins de M. Khaimraj; son refus à cet égard n’était pas déraisonnable.

 

IV.       Deuxième question – L’agent a-t-il commis une erreur en concluant que la protection de l’État était adéquate?

 

[13]           M. Khaimraj soutient que l’agent avait, à tout le moins, l’obligation d’examiner et de pondérer la preuve qu’il a produite au sujet de l’existence de la protection de l’État en Guyana.

 

[14]           À mon avis, l’agent n’était pas tenu d’envisager ces éléments de preuve. La Commission avait déjà rejeté l’allégation selon laquelle M. Khaimraj et son fils s’exposaient à un risque de persécution en Guyana, et aucune preuve concernant d’autres sources de risque n’avait été dûment présentée à l’agent. Par conséquent, il n’existait aucun risque spécifique au regard duquel la preuve touchant la protection de l’État pouvait être appréciée.

 

[15]           Par ailleurs, l’agent a précisé qu’il avait examiné cette preuve, et conclu qu’il n’y avait aucune raison de revenir sur la conclusion de la Commission selon laquelle la protection de l’État en Guyana était adéquate.

 

[16]           Encore une fois, je ne puis constater aucune erreur de la part de l’agent.

 

V.        Conclusion et décision

 

[17]           L’agent d’ERAR a raisonnablement conclu qu’il n’y avait aucun nouvel élément de preuve à examiner et que, de toute façon, la protection de l’État était disponible en Guyana. Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune partie n’a proposé de question de portée générale, et aucune ne se pose.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  la demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.                  aucune question de portée générale n’est formulée.

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil


Annexe

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

 

Examen de la demande

 

 113. Il est disposé de la demande comme il

suit :

 

a) le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet;

Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

 

Consideration of application

 

 113. Consideration of an application for protection shall be as follows :

 

(a) an applicant whose claim to refugee protection has been rejected may present only new evidence that arose after the rejection or was not reasonably available, or that the applicant could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection;

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-915-11

 

INTITULÉ :                                       JEEWAN KHAIMRAJ ET AL
c
MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 27 SEPTEMBRE 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 6 OCTOBRE 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Alesha A. Green

POUR LES DEMANDEURS

 

 

Veronica Cham

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

The Law Office of Alesha A. Green

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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