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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20121023

Dossier : IMM-8929-11

Référence : 2012 CF 1215

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 23 octobre 2012

En présence de monsieur le juge Pinard

ENTRE :

KAUR, Parmjit,

SINGH, Jashanpreet, et

KAUR, Harmanpreet

 

demandeurs

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Le 6 décembre 2011, les demandeurs ont déposé la présente demande de contrôle judiciaire de la décision de Diane Sokolyk, membre de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi). La Commission a statué que la demanderesse et ses deux enfants n’avaient ni qualité de réfugié au sens de la Convention ni qualité de personne à protéger visés au sens des articles 96 et 97 de la Loi.

 

[2]               Parmjit Kaur (la demanderesse) est citoyenne de l’Inde. Elle est venue au Canada avec ses deux enfants, Jashanpreet Singh et Harmanpreet Kaur.

 

[3]               La demanderesse affirme que son époux, Kartar Singh, est aux États-Unis et qu’il attend de traverser la frontière pour entrer au Canada avec un agent.

 

[4]               La demanderesse allègue qu’en 2007, la police indienne a commencé à harceler son époux parce qu’elle voulait des renseignements au sujet du cousin de ce dernier, qui, selon la police, avait des liens avec des militants.

 

[5]               La demanderesse affirme qu’en mai 2008, son époux, lassé du harcèlement policier, a engagé les services d’un agent pour que celui-ci trouve un moyen de permettre à sa famille de quitter l’Inde. L’agent a obtenu des visas américains, et la demanderesse, son époux et leurs fils sont arrivés aux États-Unis en octobre 2008. La demanderesse affirme que son époux comptait retourner en Inde lorsque la police cesserait de le harceler. La demanderesse affirme qu’elle s’est rendue aux États-Unis afin d’aider son époux à obtenir un visa.

 

[6]               La demanderesse est retournée en Inde le 31 décembre 2008. Le 4 janvier 2009, elle affirme que des policiers ont fait une descente chez elle et l’ont arrêtée parce qu’ils voulaient que la demanderesse leur dise où se trouvait son époux. Au poste de police, la demanderesse affirme qu’elle a été battue et que les policiers ont brûlé sa jambe gauche. La demanderesse affirme qu’elle a perdu connaissance. Lorsqu’elle s’est réveillée, elle croyait avoir peut-être été agressée sexuellement parce qu’elle ressentait de la douleur aux organes génitaux. Après que sa famille eut versé un pot-de-vin pour que la police relâche la demanderesse, celle-ci allègue qu’elle est allée à l’hôpital et que son médecin a formulé l’avis que sa douleur aux organes génitaux résultait d’un viol.

 

[7]               La demanderesse affirme qu’elle a décidé de quitter l’Inde parce qu’elle avait peur de la police. Avec l’aide d’un agent, elle affirme qu’elle a quitté l’Inde avec ses deux enfants le 3 avril 2009. Elle affirme qu’elle est arrivée à San Francisco et qu’elle a été accueillie par un agent qui était en contact avec son époux. Elle affirme que, le 8 avril 2009, l’agent a conduit la famille au Canada. À Seattle, l’agent aurait divisé la famille, en plaçant la demanderesse et ses deux enfants dans une voiture et son époux dans une autre. La demanderesse affirme que son passeport et ses bagages ainsi que ceux de ses enfants se trouvaient dans la voiture de son époux.

 

[8]               La demanderesse affirme qu’elle n’a pas été en contact avec son époux depuis que l’agent les a placés dans deux voitures différentes le 8 avril 2009. La demanderesse croit que son époux l’a peut-être abandonnée volontairement au Canada parce qu’elle avait été violée.

 

[9]               L’agent aurait déposé la demanderesse dans un champ et celle-ci aurait franchi la frontière canadienne à pied avec ses enfants. L’agent l’aurait ensuite rejointe de l’autre côté de la frontière avec sa voiture. Il l’aurait conduite avec ses enfants au temple sikh à Surrey, en Colombie‑Britannique. La demanderesse affirme que la communauté sikhe à Surrey l’a aidée ainsi que ses enfants à se rendre à Montréal et à trouver un avocat. Son époux avait entendu dire au sein de la communauté sikhe que sa famille devrait demander l’asile à Montréal, au Canada. La demanderesse a demandé l’asile à Montréal le 16 avril 2009.

 

[10]           La Commission a entendu la demande de la demanderesse le 20 septembre 2011 et a rendu sa décision le 4 novembre 2011.

 

* * * * * * * *

[11]           La Commission a estimé que la demanderesse n’était pas crédible « quant à aucune partie de son récit », et elle a donc conclu que la demanderesse et ses enfants n’avaient ni qualité de réfugié au sens de la Convention ni qualité de personne à protéger visés aux articles 96 et 97 de la Loi.

 

[12]           La Commission a exprimé des réserves au sujet des pièces d’identité de la demanderesse. Elle a estimé qu’à l’audience, la demanderesse avait contredit une déclaration antérieure qu’elle avait faite à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) quant à savoir où était son passeport et que l’absence de son passeport minait la crédibilité de la demanderesse. La Commission a également accordé une faible valeur probante aux pièces d’identité de la demanderesse à cause du manque de crédibilité qu’elle a trouvée à tous les aspects de son récit.

 

[13]           La Commission a également estimé que la décision de l’époux de la demanderesse de ne pas demander l’asile aux États-Unis en 2008 ni en 2009 minait la crédibilité de l’arrestation alléguée de la demanderesse en Inde parce que la demande d’asile de la demanderesse était liée à celle de son époux. La Commission n’a pas non plus trouvé la demanderesse crédible sur la question de savoir où était son époux.

 

[14]           La Commission a estimé que la demanderesse avait fait des déclarations contradictoires dans son formulaire de renseignements personnels (FRP) et à l’ASFC concernant la question de savoir comment elle avait trouvé un agent en Inde pour organiser son départ en 2009 afin d’effectuer un deuxième voyage aux États-Unis. La Commission a estimé que la déclaration faite par la demanderesse dans son FRP n’était pas crédible étant donné sa situation.

 

[15]           La Commission a également examiné une lettre du médecin de la demanderesse dans laquelle celui-ci affirmait que la demanderesse avait été battue et violée lorsque la police l’avait détenue. La Commission n’a pas trouvé crédible qu’un médecin fasse des affirmations catégoriques au sujet des causes des blessures de la demanderesse plutôt que de s’en tenir à des questions médicales. La Commission a également estimé que l’affidavit souscrit par le Sarpanch du village de la demanderesse avait peu de valeur probante à cause de son contenu général qui ne corroborait pas le viol allégué de la demanderesse.

 

[16]           Enfin, la Commission a conclu que le récit de la demanderesse selon lequel celle-ci était arrivée à Surrey, en Colombie-Britannique, le 8 avril 2009 sans argent ni pièces d’identité ni bagages et était arrivée à Montréal le 16 avril 2009 n’était pas crédible.

 

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[17]           La question fondamentale que soulève la demanderesse dans le cadre du présent contrôle judiciaire est celle de savoir si la conclusion de la Commission concernant la crédibilité était raisonnable. La norme de contrôle applicable aux conclusions de la Commission qui concernent la crédibilité est la norme de la décision raisonnable (Lumaj c Le Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2012 CF 763, au paragraphe 25; Wu c Le Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2009 CF 929, au paragraphe 17; Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, , [2008] 1 RCS 190 (Dunsmuir); Aguebor c Ministre de l’Emploi et de l’Immigration  (1993), 160 N.R. 315 9 (CAF), au paragraphe 4).

 

[18]           Après avoir entendu les avocats des parties et avoir examiné les éléments de preuve pertinents, je conclus que l’intervention de la Cour n’est pas justifiée.

 

[19]           Tous les arguments que la demanderesse a présentés se résument à un désaccord au sujet de l’appréciation des éléments de preuve, qui relève du pouvoir discrétionnaire de la Commission à titre de juge des faits.

 

[20]           En l’espèce, la Commission a procédé à une analyse approfondie des allégations sur lesquelles repose la demande d’asile de la demanderesse, et la Commission a conclu que, pour de nombreuses raisons, la demanderesse n’était pas crédible. La Commission a motivé cette conclusion en des « termes clairs et non équivoques » (voir Hilo c Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1991), 130 N.R. 236).

 

[21]           Après avoir examiné la décision de la Commission en fonction de la norme de la raisonnabilité, je suis d’avis que les conclusions de la Commission appartiennent aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47). Il peut y avoir plus d’une issue possible, mais tant que le processus décisionnel de la Commission est justifié, transparent et intelligible, comme c’est selon moi le cas en l’espèce, la cour de révision ne peut pas y substituer l’issue qui serait à son avis préférable (voir l’arrêt Khosa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2009] 1 RCS 339, de la Cour suprême du Canada, au paragraphe 59).

 

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[22]           Pour les motifs exposés ci-dessus, la demande de contrôle judicaire est rejetée.

 

[23]           Je conviens avec les avocats des parties qu’il n’y a pas de question à certifier dans la présente affaire.

 

 

 

JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire de la décision d’un membre de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié statuant que la demanderesse, Parmjit Kaur, et ses deux enfants, Jashanpreet Singh et Harmanpreet Kaur, n’avaient ni qualité de réfugié au sens de la Convention ni qualité de personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, est rejetée.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-8929-11

 

INTITULÉ :                                      KAUR, Parmjit, SINGH, Jashanpreet, et KAUR, Harmanpreet c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 13 septembre 2012

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                       Le juge Pinard

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 23 octobre 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jean-François Bertrand                       POUR LES DEMANDEURS

 

Andrea Shahin                                    POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bertrand, Deslauriers                                      POUR LES DEMANDEURS

Montréal (Québec)

 

Myles J. Kirvan                                               POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 

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