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Date : 20121113

Dossier : T‑848‑11

Référence : 2012 CF 1313

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 13 novembre 2012

En présence du juge en chef

 

 

ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

demandeur

 

et

 

GRANT THORNTON

 

défendeur

 

et

 

FOREMOST INDUSTRIES

 

intervenante

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La question au cœur de la présente affaire est de savoir si trois courts documents sont protégés par le privilège des communications entre client et avocat [PCCA].

 

[2]               L’intervenante conteste également la constitutionnalité des dispositions légales en vertu desquelles le demandeur entend forcer la production de ces documents, au motif qu’elles permettent potentiellement au ministre d’avoir accès à des documents protégés par le PCCA, à l’insu ou sans le consentement du détenteur de ce privilège. L’intervenante fait valoir que cet accès potentiel constitue une fouille et une saisie abusives, et contrevient ainsi à l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés.

 

[3]               L’intervenante a, sciemment ou par inadvertance, divulgué les documents en cause à son vérificateur, le défendeur, qui n’a pas pris part à la présente instance.

 

[4]               Pour les motifs qui suivent, je conclus que :

a.                   les trois documents sont protégés par le PCCA;

b.                  compte tenu des faits particuliers de l’affaire, il n’est ni nécessaire ni judicieux de trancher la question constitutionnelle qui a été soulevée.

 

I.                   Contexte

 

[5]               L’Agence du revenu du Canada [ARC] procède à un examen de la restructuration du Foremost Industries Income Fund [FIIF] effectuée en 2005 [la restructuration].

 

[6]               À toutes les périodes pertinentes, Foremost Industries Inc. agissait comme administratrice du FIIF.

 

[7]               À la suite de la restructuration, le FIIF a cessé d’exister et le Foremost Income Fund [le Fonds] a vu le jour. À toutes les dates pertinentes en 2005 et 2006, Foremost Industries Inc. agissait aussi comme administratrice du Fonds. En 2006, l’intervenante, Foremost Industries Ltd., devenait, après Foremost Industries Inc., la nouvelle administratrice du Fonds. Sauf indication contraire, les diverses entités susmentionnées seront collectivement désignées sous le nom de Foremost.

 

[8]               Il semblerait que l’ARC vérifie entre autres choses les pertes déclarées par l’un des détenteurs de parts du Fonds; elles résultent d’une série compliquée d’opérations consécutives à la restructuration qui n’auraient apparemment pas été divulguées aux autres détenteurs de parts.

 

[9]               Dans une lettre datée du 30 janvier 2010, M. Craig Bell a fait savoir qu’il était le secrétaire, l’avocat général et le directeur de l’administratrice du FIIF, jusqu’à la restructuration. Il précisait qu’il avait également été le premier fiduciaire du FIIF et qu’il n’occupait plus lesdites fonctions au sein du Fonds. En plus d’être membre de la Law Society of Alberta, M. Bell est comptable agréé depuis 1988.

 

[10]           Le défendeur a été chargé par le FIIF de la vérification des comptes et d’autres tâches afférentes aux déclarations d’impôt.

 

[11]           Conformément aux alinéas 231.1(1)a) et b) de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e suppl) [la LIR], l’ARC a envoyé au défendeur une lettre datée du 2 décembre 2010 pour l’aviser qu’il devait produire certains renseignements et documents liés à la restructuration dans les 30 jours de la date de la lettre [la demande péremptoire]. Celle‑ci ne précisait pas la procédure à suivre si un des documents ou autres renseignements visés [les documents et renseignements] tombait sous le coup du PCCA. Elle ne faisait d’ailleurs aucune mention dudit privilège, et l’intervenante n’en a pas reçu copie.

 

[12]           Dans une lettre datée du 22 décembre 2010, le défendeur a répondu à la demande péremptoire en fournissant à l’ARC certains des documents et renseignements demandés. Le défendeur indiquait également avoir été informé par son client (le FIIF) qu’il invoquait le PCCA à l’égard des trois documents [les documents conservés] ainsi identifiés :

a.                   note de service adressée aux fiduciaires, datée du 31 octobre 2005; objet : document d’information sur l’opération, quatre pages, par Craig Bell, CA, LLP;

b.                  note de service au dossier, datée du 22 mars 2006; objet : formulaire T3 et autres considérations fiscales, trois pages, par Craig Bell, CA LLP;

c.                   note de service, sans titre ni date, trois pages, par Craig Bell, CA LLP.

 

[13]           Le 28 mars 2011, Wendy Bridges, l’avocate du demandeur, a envoyé au défendeur une lettre lui proposant de déterminer si les documents conservés étaient ou non protégés par le PCCA de l’une ou l’autre de ces manières :

a.                   procédure engagée en application de l’alinéa 237.7(1)b) de la LIR;

b.                  renvoi de l’affaire à un avocat du ministère de la Justice basé à l’extérieur d’Edmonton, pour qu’il livre un avis non contraignant sur la question de l’application du PCCA aux documents conservés.

 

[14]           Le défendeur a fait savoir par téléphone à un représentant du demandeur qu’il avait décidé de se prévaloir de la première de ces deux options. Par ailleurs, après avoir pris connaissance de la proposition de Mme Bridges, Ronald J. Robinson, avocat d’affaires du Fonds, s’y est opposé au motif qu’elle privait le détenteur du privilège du moindre rôle, et qu’elle était contraire à la politique déclarée de l’ARC d’obtenir des renseignements directement des contribuables plutôt que de tierces parties.

 

[15]           En mai 2011, l’ARC a déposé un avis de demande pour obtenir une ordonnance au titre du paragraphe 231.7(1) à l’encontre du défendeur uniquement, bien qu’elle en ait signifié « par courtoisie » une copie à l’intervenante. Quelques semaines plus tard, cette dernière a demandé l’autorisation d’intervenir dans la présente instance : elle lui a été accordée sur consentement le 15 juin 2011. Un mois plus tard, elle a déposé un avis de question constitutionnelle relativement au paragraphe 231.2(1) et à l’article 231.7 de la LIR.

 

[16]           Lors de la première audience qui s’est déroulée devant moi le 16 août 2011, la question de savoir si l’intervenante avait le droit de soulever sa question constitutionnelle sans l’autorisation de la Cour a été réglée sur consentement. L’ordonnance rendue le 7 septembre 2011 en a tenu compte, et a modifié en conséquence le calendrier de l’audition de la présente affaire et des mesures préliminaires à prendre par les parties.

 

II.                La législation pertinente

 

[17]           Les dispositions législatives applicables à la présente demande sont énoncées dans la LIR et figurent à l’annexe A jointe aux présents motifs.

 

[18]           En bref, le paragraphe 231.2(1) autorise le ministre, pour l’application ou l’exécution de la LIR, à exiger d’une personne qu’elle fournisse tout renseignement ou des documents dans le délai raisonnable que précise l’avis écrit signifié conformément à cette disposition. Le paragraphe 238(1) prévoit que le défaut de se conformer à une demande fondée sur l’article 231.2 est une infraction punissable par procédure sommaire a) d’une amende allant de 1 000 $ à 25 000 $, ou b) d’une amende de cet ordre et d’un emprisonnement maximal de 12 mois.

 

[19]           Aux termes du paragraphe 231.7(1), sur demande sommaire du ministre, un juge peut notamment ordonner à une personne de fournir les renseignements ou les documents que le ministre cherche à obtenir en vertu de l’article 231.2 s’il est convaincu de ce qui suit :

1.               la personne n’a pas fourni les renseignements ou les documents bien qu’elle en soit tenue par les articles 231.1 ou 231.2;

2.               les renseignements ou les documents ne sont pas protégés par le PCCA, au sens du paragraphe 232(1).

 

III.             Analyse

A.                Les documents sont‑ils protégés par le PCCA?

i.                    Les principes juridiques applicables

[20]           De simple règle de preuve, le PCCA s’est transformé en un principe de fond et de justice fondamentale (Lavallee, Rackel & Heintz c Canada (Procureur général), [2002] 3 RCS 209, aux paragraphes 18 et 49 [arrêt Lavallee]). Non seulement ce principe protège les intérêts liés à la vie privée de ceux qui sollicitent un avis juridique, mais encore il favorise l’intégrité et l’équité de notre système judiciaire (arrêt Lavallee, précité, aux paragraphes 36 et 49).

 

[21]           En substance, et sous réserve d’exceptions très restreintes qui ne concernent pas la présente affaire ou dont il sera question à la partie III. A. (iii) des présents motifs, ce principe met à l’abri de la divulgation (i) une communication entre un avocat et son client, (ii) qui comporte une consultation ou un avis juridique, et (iii) que les parties considèrent de nature confidentielle (Canada c Solosky, [1980] 1 RCS 821, à la page 837 [arrêt Solosky]).

 

[22]           Cette protection ne se limite pas aux communications dans lesquelles un avis juridique est fourni, mais s’étend à tous les actes de communication « destinés à permettre au client de communiquer et d’obtenir les informations ou conseils nécessaires pour sa conduite, ses décisions ou sa représentation devant les tribunaux » (Miranda c Richer, [2003] RCS 193, au paragraphe 30 [arrêt Miranda]). En somme, le PCCA couvre toutes les communications qui relèvent du cadre de la relation avocat‑client (Descôteaux c Mierzwinski, [1982] 1 RCS 860, au paragraphe 71; Canada (Commissaire à la protection de la vie privée) c Blood Tribe Department of Health, [2008] 2 RCS 574, au paragraphe 10 [arrêt Blood Tribe]; Nation et Bande des Indiens Samson c Canada, [1995] ACF no 734, au paragraphe 8). Les communications qui échappent à ce cadre n’engagent donc pas ce privilège (arrêt Solosky, précité, à la page 835). Ainsi, le PCCA ne s’étend pas aux avis de nature purement commerciale ou politique fournis par un avocat (R c Campbell, [1999] 1 RCS 565, au paragraphe 50), ou aux documents qui ne sont pas autrement protégés, mais qui se trouvent pour une raison quelconque en sa possession. (Belgravia Investments Ltd c Canada, [2002] ACF no 870, au paragraphe 46 [arrêt Belgravia]).

 

[23]           Comme l’a reconnu le demandeur à l’audience relative à la présente demande qui s’est déroulée le 12 mars 2012, les principes susmentionnés s’appliquent de la même manière au produit du travail d’un avocat. Autrement dit, le produit du travail effectué en vue de fournir un avis juridique, et destiné à demeurer confidentiel, est protégé par le PCCA (Keefer Laundry Ltd c Pellerin Milnor Corp, [2006] BCJ No 1761, aux paragraphes 103 et 104 [décision Keefer]; Susan Hoisery c Ministre du Revenu national, 69 DTC 5278, à la page 5282 [décision Susan Hoisery]), et ce, en raison de la théorie selon laquelle personne ne devrait pouvoir [traduction] « fouiller dans l’esprit » de l’avocat qui prépare un dossier (décision Keefer, précitée, au paragraphe 104). Ce principe est tout à fait conforme à la portée « particulièrement large et générale » accordée au PCCA (Pritchard c. Ontario (Commission des droits de la personne), 2004 CSC 31, au paragraphe 16 [arrêt Pritchard]). Cependant, bien que le produit du travail lui‑même soit couvert par ce privilège, les faits qui existent de manière indépendante et qui ne découlent pas « de la relation avocat‑client et de son évolution » ne peuvent l’être s’il est autrement possible d’en obtenir communication (arrêt Miranda, précité, aux paragraphes 30 à 32; décision Belgravia, précitée, aux paragraphes 44 et 45, qui cite en l’approuvant la décision Susan Hoisery, précitée).

 

[24]           Lorsqu’une autorité chargée d’une enquête se trouve en possession ou est autrement informée de l’existence d’un document ou d’autres renseignements susceptibles d’être protégés par le PCCA, elle doit faire tous les efforts possibles pour contacter le détenteur du privilège, et lui donner la possibilité raisonnable de (i) déterminer si le privilège doit être invoqué, (ii) de l’invoquer si tel est son choix, et (iii) de faire trancher la question judiciairement, si la revendication du privilège est contestée. Une telle autorité ne peut examiner les documents que si et lorsqu’il a été judiciairement établi qu’ils n’étaient pas protégés par le privilège (arrêt Lavallee, précité, au paragraphe 49).

 

[25]           Le privilège ne prend pas effet seulement au moment où il est invoqué; il existe indépendamment de sa revendication. Par ailleurs, il appartient au client et ne peut être invoqué ou abandonné que par lui seul, directement ou par consentement éclairé (arrêt Lavallee, précité, au paragraphe 39).

 

[26]           Le fardeau de la preuve repose sur la personne qui oppose le PCCA : c’est elle qui doit démontrer que les renseignements en question satisfont aux exigences nécessaires (décision Belgravia, précitée, au paragraphe 47). Cependant, une fois cet élément établi, c’est à la partie qui cherche à renverser le privilège qu’il revient de prouver que les renseignements doivent être communiqués (Smith c Jones, [1999] 1 RCS 455, au paragraphe 46; Camp Development Corp c South Coast Greater Vancouver Transportation Authority, [2011] BCJ No 9 104, au paragraphe 10; décision Archean Energy, précitée, au paragraphe 30; Western Canada Place Ltd c Con‑Force Products Ltd, [1997] AJ No 354, au paragraphe 18).

 

ii.                  Les documents et le PCCA

[27]           Dès le début de la présente instance, le demandeur a expressément soutenu que le ministre ne sollicitait pas la production de documents protégés par le PCCA. Cependant, il insiste sur le fait que les documents conservés touchant aux communications de Craig Bell en sa qualité de fiduciaire ou de comptable n’appartenaient pas à cette catégorie. Par conséquent, la position du demandeur est la suivante : si la Cour estime que le PCCA est susceptible de s’appliquer à l’un des documents conservés, le défendeur devrait le produire devant la Cour pour qu’elle puisse déterminer si l’intervenante peut légitimement revendiquer le privilège.

 

[28]           Foremost, en qualité d’administratrice du Fonds, en son nom et au nom d’autres entités de Foremost, fait valoir qu’il n’est pas nécessaire que la Cour examine les documents conservés pour décider s’ils sont protégés par le PCCA. À l’appui de cette position, elle avance que la preuve non contredite établit que les documents conservés se rapportent à des avis juridiques et non à des opinions ou des services comptables.

 

[29]           La « preuve non contredite » en question se compose des éléments suivants :

1.      l’inscription « protégé » sur les documents conservés;

2.      l’affirmation selon laquelle les documents conservés n’ont pas été créés durant la brève période au cours de laquelle M. Bell était fiduciaire du Fonds;

3.      l’affirmation selon laquelle M. Bell n’a pas créé les documents conservés en qualité de comptable, et qu’il n’a jamais agi à ce titre pour Foremost;

4.      l’affirmation selon laquelle aucun élément ne donne à penser que M. Bell a fourni quelque service comptable que ce soit à Foremost, qui dispose de son propre directeur financier et d’un personnel complet assigné à la comptabilité;

5.      l’affirmation selon laquelle les documents conservés visent des avis juridiques sur la restructuration, et non des opinions sur des problèmes comptables.

 

[30]           En ce qui concerne les inscriptions sur les documents conservés, le mot [traduction« PROTÉGÉ » a été tapé à la machine en haut de la première page du premier des trois documents. Sur le deuxième d’entre eux, les mots [traduction] « PROTÉGÉ ET CONFIDENTIEL » ont été estampillés au bas de chaque page et la phrase [traduction] « Le rédacteur a été engagé par l’avocat pour agir en son nom et fournir des avis juridiques dans la présente affaire », l’a été sur chaque page. Enfin, les termes suivants ont été tapés à la machine en haut de la première page du troisième document : [traduction] « PROTÉGÉ ET CONFIDENTIEL – PRÉPARÉ SOUS LA PRÉSOMPTION DE L’APPLICATION DU PRIVILÈGE AVOCAT‑CLIENT ».

 

[31]           Dans certaines circonstances, il n’est pas nécessaire que la Cour examine les documents à l’égard desquels le privilège est invoqué pour déterminer s’ils sont effectivement protégés. Cependant, la preuve au dossier, sous sa forme disponible au moment de l’audience du 12 mars 2012, ne me permettait pas de me prononcer à l’égard des documents conservés. Par conséquent, j’ai indiqué dans une directive datée du 18 mai 2012 que la Cour devait les examiner pour déterminer s’ils méritaient bien cette protection (arrêt Solosky, précité, à la page 837; Risi Stone Ltd c Groupe Permacon Inc, [1990] 3 CF 10, au paragraphe 4). J’ai donc enjoint au défendeur de déposer à la Cour sous pli scellé les documents conservés dans les dix jours, pour qu’une décision soit rendue relativement au privilège.

 

[32]           Pour décider si un document rédigé par un avocat contient une communication protégée par le PCCA, et en l’absence d’autres preuves, on accordera normalement une grande importance au fait que celui‑ci est identifié comme un document protégé. Cependant, il existe en l’espèce d’autres éléments de preuve, notamment :

1.      En plus d’être avocat, M. Bell est comptable agréé depuis 1988.

2.      L’un des documents conservés n’était pas daté et, nonobstant les arguments de M. Bell à l’effet contraire, pourrait avoir été rédigé durant la période où il était un fiduciaire du FIIF.

3.      M. Bell, qui n’a fourni aucune preuve concernant les documents conservés, a informé de nombreuses parties, y compris M. Pat Breen, [traduction] « en ce qui a trait à leurs rôles, fonctions, obligations et responsabilités respectifs en matière de gouvernance » (affidavit de M. Breen, souscrit le 27 juillet 2011, au paragraphe 11 [affidavit no 2 de M. Breen]). M. Breen était président et directeur de l’intervenante avant que le FIIF ne soit restructuré en Fonds.

4.      Plus important encore, Foremost a eu plusieurs occasions de soulever et d’invoquer un privilège à l’égard des documents conservés. Or, il ne l’a pas fait. C’est ce que montre la pièce D jointe à l’affidavit souscrit par M. Breen le 8 juin 2011 [affidavit no 1 de M. Breen], qui inclut la copie d’une plainte liée au service faisant état d’une longue série d’échanges acrimonieux ayant commencé en 2006 entre Foremost et l’ARC au sujet de la restructuration. Le contre‑interrogatoire de Mme Helen Little, chef d’équipe à la Division de la Planification fiscale agressive de l’ARC, mené par Foremost, le confirme également (contre‑interrogatoire sur affidavit de Helen Mary Little, 8 décembre 2011, aux pages 15, 28, 38 et 42). De plus, dans ses observations orales présentées à la Cour le 12 mars 2012, l’avocate du demandeur a déclaré qu’on avait expressément demandé à MM. Breen et Bell de fournir les renseignements qui ont ensuite été demandés au défendeur. L’avocat de Foremost a simplement fait remarquer en réponse que M. Bell avait reçu une « lettre de demande » de l’ARC, et non « une demande péremptoire », et que M. Bell n’était aucunement tenu [traduction] « [d’]identifier lui‑même les documents protégés soustraits à la divulgation » aux termes de la LIR (transcription, aux pages 10 à 17).

 

[33]           Il m’est difficile d’accepter que l’on puisse simplement refuser, en invoquant le PCCA, de divulguer des documents ou d’autres renseignements visés par une demande ou une demande péremptoire envoyée par l’ARC aux termes de la LIR, sans que ces documents ou renseignements n’aient jamais été identifiés comme tels dans un registre des documents protégés ou par un autre moyen. Une telle manière de procéder empêcherait l’ARC ou d’autres autorités réglementaires de contester, dans des circonstances similaires, la revendication du PCCA à l’égard de certains renseignements. Comme il se peut très bien que la partie qui soulève le privilège n’ait pas le droit de le faire, il est essentiel que tout renseignement visé par une demande fondée sur une loi validement promulguée, et à l’égard duquel le PCCA est invoqué, soit identifié dans un registre des documents protégés ou par un autre moyen, de manière à ce que l’autorité réglementaire soit au courant de son existence et en mesure de contester cette revendication.

 

[34]           Pour revenir aux trois documents conservés, celui qui est daté du 31 octobre 2005 est adressé aux « fiduciaires » et décrit comme un « document d’information sur l’opération ». Dans son affidavit no 2, au paragraphe 14, M. Breen déclare que ce [traduction] « document a été créé à l’intention des fiduciaires du Fonds (à titre de représentants du client et de fiduciaires proposés à cette date) pour couvrir les aspects et les considérations juridiques liés à la restructuration. » Il est largement consacré à la description de la structure, des objectifs et des étapes générales de la restructuration. Vers la fin du document, sous le titre [traduction] « Considérations », il est indiqué que l’avis de l’« avocat » a été sollicité relativement à certaines questions qui paraissent être de nature juridique, quoiqu’il n’y ait aucun détail de quelque avis juridique que ce soit qui pourrait avoir été reçu. Pris isolément, cet élément tend à indiquer que le document n’a peut‑être pas été préparé par M. Bell en sa qualité d’avocat. Cependant, vient ensuite une déclaration générale qui semble exprimer une conclusion juridique, suivie d’une seconde déclaration concernant une autre question juridique. Dans cette optique, et compte tenu de la portée « particulièrement large et générale » à accorder au PCCA (arrêt Pritchard, précité, au paragraphe 16), je suis enclin à pécher par excès de prudence et à conclure que ce document est une communication protégée (i) créée dans le cadre d’une relation avocat‑client, (ii) en vue de fournir un avis juridique, et (iii) destinée à demeurer confidentielle, comme l’atteste le mot [traduction] « PROTÉGÉ » figurant en haut de la première page. Je note que ce document est antérieur à la courte période durant laquelle M. Bell était fiduciaire du Fonds.

 

[35]           Le deuxième des documents conservés, daté du 22 mars 2006, est une note de service [traduction] « à classer », intitulée [traduction] « Formulaire T3 et autres considérations fiscales ». Dans son affidavit no 2, au paragraphe 15, M. Breen déclare avoir été informé par M. Bell [traduction] « que le document avait été créé par lui pour consigner son analyse juridique de certains aspects de la restructuration, et qu’il était le fondement des avis juridiques transmis au Fonds, à son prédécesseur et aux entités affiliées et connexes. » Quant au document lui‑même, il est essentiellement descriptif. De façon générale, il explique certaines opérations qui paraissent se rapporter à la restructuration, puis se penche sur leurs conséquences fiscales pour certaines entités Foremost et d’autres contribuables. En plusieurs endroits, il est difficile d’établir si les déclarations qu’il contient reposent sur des considérations comptables ou juridiques. Cependant, une fois encore, j’ai décidé de pécher par excès de prudence, et je conclus que le document est protégé par le PCCA, au motif qu’il s’agit du produit d’un travail qui peut fort bien avoir été effectué par M. Bell en sa qualité d’avocat, en vue de fournir des avis juridiques à Foremost ou d’aider un autre avocat à le faire. Pour parvenir à cette conclusion, j’ai également accordé de l’importance (i) à la preuve de M. Breen voulant qu’à sa connaissance, M. Bell [traduction] « n’a[it] jamais agi pour le Fonds ou toute autre entité Foremost en qualité de comptable » et (ii) à la peine que M. Bell s’est donnée pour faire valoir que le document était protégé par le PCCA. Comme je l’ai déjà indiqué, le document porte la mention [traduction] « PROTÉGÉ » estampillée en très gros caractères en haut de chaque page, l’inscription [traduction] « PROTÉGÉ ET CONFIDENTIEL » au bas de chaque page ainsi que la déclaration suivante sur chaque page : [traduction] « Le rédacteur a été engagé par l’avocat pour agir en son nom et fournir des avis juridiques dans la présente affaire ». En ce qui concerne cette déclaration, comme le PCCA s’étend également aux documents créés par l’avocat consulté par un confrère dans le cadre de la communication par le second d’un avis juridique à son client (décision Belgravia, précitée, au paragraphe 50), le fait que M. Bell n’ait peut‑être pas été directement engagé par Foremost, mais plutôt par un autre avocat agissant pour son compte, n’a eu aucune influence sur ma décision. Je dois préciser que la peine que M. Bell s’est donnée pour faire valoir que ce document était protégé par le PCCA m’a convaincu qu’il était destiné à rester confidentiel. Je remarque du reste que le document est postérieur à la courte période durant laquelle M. Bell était fiduciaire du Fonds.

 

[36]           Je m’empresse d’ajouter, compte tenu des faits particuliers de la présente affaire, qu’il n’est pas nécessaire de s’attarder sur l’éventuelle pertinence de la définition du PCCA énoncée au paragraphe 232(1) de la LIR, qui se limite de prime abord à la « communication […] entre [une personne] et son avocat en confidence professionnelle ». Le demandeur a en effet reconnu que le PCCA s’étendait au produit du travail effectué en rapport avec la communication d’avis juridiques, et confirmé d’autre part qu’il ne cherchait pas à obtenir des documents protégés par le PCCA. De plus, Foremost n’a pas remis en question la portée de la définition du  paragraphe 232(1), à laquelle renvoie l’alinéa 231.7(1)b). Cela dit, je note en passant que « les dispositions législatives susceptibles (si elles sont interprétées de façon large) d’autoriser des atteintes au privilège du secret professionnel de l’avocat doivent être interprétées de manière restrictive » (arrêt Blood Tribe, précité, au paragraphe 11).

 

[37]           Le troisième des documents conservés (la note de service non datée) n’est pas daté et n’est adressé à aucun destinataire. Dans son affidavit no 2, M. Breen a déclaré avoir été informé par M. Bell que ce dernier avait créé la note de service [traduction] « en association avec les parties sans l’apport des conseillers juridiques de Bennett Jones LLP et de Blakes LLP au début de 2006 ». M. Bell lui aurait d’ailleurs expliqué que [traduction] « le document présentait l’analyse juridique se rapportant à la teneur de la restructuration » et qu’il [traduction] « servait de fondement aux avis juridiques transmis au Fonds, à son prédécesseur et aux entreprises affiliées ou connexes. »

 

[38]           Tout comme le second document conservé, la note de service non datée ne contient aucune communication entre un avocat et son client. Contrairement à ce qu’avance M. Breen, elle ne semble contenir aucune analyse juridique concernant la teneur de la restructuration. Cela remet en cause son affirmation, qui tient du ouï‑dire, en ce qui a trait à la finalité juridique de la note de service, qui ne peut être établie directement d’aucune autre façon. À première vue, le document commence simplement par rappeler certains faits historiques, avant de décrire brièvement certaines opérations prévues avant la date de clôture ainsi que diverses mesures requises par la restructuration. Le document se termine par la mention de certains [traduction] « soldes finaux » et d’un [traduction] « revenu/gain en capital imposable » non précisé. Compte tenu de ce qui précède, j’ai conclu dans un premier temps que ce document n’était pas protégé par le PCCA.

 

[39]           Le 12 juin 2012, lors d’une conférence téléphonique, j’ai fait connaître aux avocats mes conclusions sur les documents conservés et je leur ai demandé de quelle manière ils envisageaient la poursuite de l’instance; l’avocat de l’intervenante a proposé de fournir plus de renseignements contextuels relatifs à la création et à l’intention de la note de service non datée. J’ai accepté cette offre et donné, le 26 juin 2012, une directive établissant les dates de présentation de ces renseignements ainsi que des réponses que le demandeur et l’intervenante pourraient respectivement vouloir produire.

 

[40]           Le 5 juillet 2012, l’intervenante a déposé l’affidavit de M. Wallace Shaw, membre de la Law Society of Alberta et avocat chez Blake Cassels & Graydon LLP. Compte tenu de la preuve additionnelle incluse dans cet affidavit, je suis à présent convaincu que la note de service non datée est, à l’instar des deux premiers documents conservés, elle aussi protégée par le PCCA.

 

[41]           Dans son affidavit, M. Shaw déclare avoir créé la note de service non datée avec M. Bell [traduction] « alors qu’il travaillait avec lui à analyser les conséquences juridiques et fiscales des diverses mesures liées à la restructuration. » Entre autres choses, il indique également que le document :

[traduction]

i.        « n’était absolument pas un exercice comptable »;

ii.      « a été créé pour rendre compte des répercussions juridiques et fiscales des mesures liées à la restructuration; j’ai ensuite communiqué cette analyse à ceux de mes clients qui étaient concernés par cette restructuration »;

iii.    « se rapportait directement à la communication d’avis juridiques en matière fiscale à mes clients ainsi qu’à M. Bell ».

 

[42]           Contrairement à la preuve par ouï‑dire de M. Breen, celle de M. Shaw émane d’un des auteurs de la note de service non datée, qui se trouve être aussi un officier de justice. De plus, sa description du contenu du document est plus exacte et les rapprochements établis avec des avis d’ordre juridique sont plus vraisemblables et plus convaincants que les arguments de M. Breen. Sa preuve corrobore d’ailleurs celle de ce dernier en ce qui a trait à la copaternité du document. À mon avis, la preuve de M. Shaw mérite de se voir accorder suffisamment de poids pour privilégier la conclusion selon laquelle la note de service non datée est le produit d’un travail juridique protégé par le PCCA. Contrairement à la liste de conditions évoquée dans la décision Belgravia, précitée, au paragraphe 78, qui était distribuée à des tierces parties pour [traduction] « relayer les modalités proposées de l’opération », je suis convaincu que la note de service non datée se rapportait directement à des avis juridiques fiscaux adressés à Foremost et aux clients de M. Shaw. Je suis également convaincu que ce document a été créé dans le but de transmettre de tels avis juridiques. Par conséquent, le fait qu’il ne contienne en apparence ni raisonnement ni analyse juridique, et qu’il se peut même qu’il énumère simplement des faits dont la communication peut autrement être obtenue, ne suffit pas pour le soustraire à la protection liée au PCCA (Universal Sales Ltd c Edinburgh, 2009 CF 151, au paragraphe 22 [décision Universal Sales]).

 

[43]           De plus, comme les auteurs de cette note de service non datée ont indiqué sur le document [traduction] « PROTÉGÉ ET CONFIDENTIEL – PRÉPARÉ SOUS LA PRÉSOMPTION DE L’APPLICATION DU PRIVILÈGE AVOCAT‑CLIENT », je suis convaincu qu’ils voulaient que ce document demeure confidentiel.

 

[44]           Je comprends assez bien le point de vue du demandeur selon lequel M. Bell, en tant qu’auteur des deux premiers documents conservés et co‑auteur de la note de service non datée, était le mieux placé pour présenter une preuve à leur sujet. Cependant, comme il est aussi l’avocat de Foremost, je ne suis pas disposé à tirer une inférence défavorable du fait qu’il n’en ait pas fourni (Butterfield c Canada (Procureur général), 2005 CF 396, au paragraphe 12). Je conviens avec Foremost que la Cour dispose à présent d’une preuve fiable et suffisante pour conclure que les documents conservés sont protégés par le PCCA.

 

iii.                Y a‑t‑il eu une renonciation limitée au PCCA ou une divulgation par inadvertance des documents conservés?

 

[45]           Le demandeur soutient que même si les documents conservés étaient couverts à un certain moment par le PCCA, ce privilège a été abandonné lorsqu’ils ont été divulgués au défendeur, le vérificateur des comptes de Foremost.

 

[46]           Le défendeur a été engagé après la restructuration du Fonds, pour faire la vérification de ses états financiers.

 

[47]           Selon la théorie de la renonciation limitée, les documents couverts par le PCCA et sciemment divulgués par le détenteur du privilège à un vérificateur à titre confidentiel et dans le seul but de lui permettre d’effectuer une vérification et délivrer une attestation d’équité restent protégés à l’égard d’autres tiers, (Interprovincial Pipe Line Inc et IPL Energy Inc c Ministre du Revenu national (1995), 95 DTC 5642, aux pages 5646 et 5647; Anderson Exploration Ltd c Pan‑Alberta Gas Ltd, [1998] A.J. no 575, aux paragraphes 28 à 30 [décision Anderson Exploration]; Philip Services Corp c Commission des valeurs mobilières de l’Ontario, [2005] OJ no 4418, aux paragraphes 47, 57 et 58 [décision Philip Services]). Il convient de souligner que, selon cette théorie, l’intention du détenteur du privilège est essentielle.

 

[48]           Il faut également noter que les affaires concernant la divulgation de renseignements privilégiés à des institutions financières ne sont pas particulièrement utiles pour aborder la question de la renonciation limitée lorsque les renseignements sont communiqués à un vérificateur. Dans ce dernier cas, le public a fortement intérêt à ce que les sociétés et autres types d’organisations commerciales fassent l’objet d’une vérification adéquate au profit des actionnaires actuels et potentiels ou des autres investisseurs en général, y compris lorsque la divulgation des renseignements privilégiés n’est pas strictement imposée par la loi (voir, par exemple, la décision Philip Services, précitée, au paragraphe 57). Pour mieux servir l’intérêt public, la divulgation de renseignements privilégiés qu’un vérificateur est raisonnablement susceptible de demander pour pouvoir délivrer une attestation d’équité ne sera pas considérée comme une renonciation illimitée au PCCA, si elle a lieu à titre confidentiel et à cette seule fin.

 

[49]           Malheureusement, ni le demandeur ni Foremost n’ont produit de preuve de nature à établir les circonstances dans lesquelles les documents conservés se sont retrouvés en la possession du défendeur. Or, M. Breen a déclaré (i) qu’il ne savait pas comment ceux‑ci étaient arrivés jusqu’au défendeur, (ii) qu’à sa connaissance, aucune des entités de Foremost ne lui avait volontairement ou sciemment remis ces documents et (iii) qu’il n’y avait aucune intention de renoncer au PCCA en ce qui les concerne (affidavit no 1 de M. Breen, au paragraphe 18). Durant le contre‑interrogatoire relatif à ses affidavits, M. Breen a ajouté ceci : (i) il n’avait jamais vu les documents conservés, (ii) il n’avait jamais contacté personne dans l’organisation du défendeur pour savoir comment il s’était retrouvé en possession de ces documents, et (iii) le directeur financier de Foremost, chargé de superviser les rapports entre Foremost et son vérificateur (le défendeur), l’avait informé qu’il ignorait comment les documents étaient parvenus au défendeur (contre‑interrogatoire relatif aux affidavits de Patrick Warren Breen, 6 octobre 2011, aux pages 20 et 21).

 

[50]           Dans les circonstances, je ne suis pas convaincu que Foremost a sciemment divulgué les documents conservés au défendeur dans le seul but de lui permettre d’effectuer sa vérification, et avec l’intention de préserver le PCCA à l’égard de ces documents à toute autre fin. La preuve de M. Breen tend d’ailleurs à indiquer qu’il est improbable que Foremost ait agi de la sorte. Il s’ensuit que Foremost ne peut invoquer l’exception de la renonciation limitée pour maintenir le PCCA à l’égard des documents conservés. Cela dit, elle peut encore faire valoir la théorie de la divulgation par inadvertance, que nous verrons.

 

[51]           Le demandeur soutient en outre qu’il y a eu renonciation au PCCA qui pourrait être lié à la note de service non datée du fait que son contenu a vraisemblablement été communiqué aux clients de M. Shaw. Ce dernier a déclaré dans son affidavit (i) qu’il avait transmis son analyse à ceux de ses [traduction] « clients qui étaient concernés par la restructuration » et (ii) que la note de service non datée se rapportait [traduction] « directement à la communication d’avis juridiques en matière fiscale à mes clients ». Le demandeur a également contesté cet affidavit au motif que M. Shaw a omis d’identifier son client, et qu’il n’a pas expliqué la nature de son rôle dans la création de cette note de service ou celle de la relation entre ses clients et Foremost.

 

[52]           En fait, M. Shaw a bien identifié dans son affidavit l’une des [traduction] « nombreuses entités » par lesquelles il a été engagé, à savoir le Fonds de revenu TOM 2003‑4. Bien qu’il ait décrit assez vaguement son rôle dans la création de la note de service non datée, je suis convaincu qu’il était co‑auteur du document. Ce fait a été corroboré par M. Breen, comme nous l’avons vu précédemment. Sa déclaration selon laquelle le document avait été [traduction] « créé en collaboration avec Craig Bell alors [qu’il] travaillait avec lui à analyser les conséquences légales et fiscales des diverses mesures liées à la restructuration », le confirme d’ailleurs implicitement. Je suis également convaincu qu’il a cosigné le document en sa qualité d’avocat représentant au moins l’une des entités concernées par la restructuration, dans le but de fournir des avis juridiques de nature fiscale à ces clients. C’est ce qui ressort clairement de la déclaration que nous venons de citer et de celle portant que [traduction] « le document a été créé pour rendre compte des répercussions juridiques et fiscales des mesures liées à la restructuration », et qu’il a transmis son analyse à ceux de ses clients [traduction] « qui étaient concernés par la restructuration ».

 

[53]           Dans les circonstances, je suis convaincu que la note de service non datée n’a pas perdu son statut de document protégé pour la simple raison que M. Shaw, un avocat qui ne représentait pas Foremost, l’a cosigné, ou parce que son contenu a été divulgué à ses clients dans le cadre des avis juridiques qu’il leur a fournis.

 

[54]           On peut inférer du fait que MM. Bell et Shaw ont cosigné la note de service non datée et qu’ils se soient appuyés sur ce document pour fournir à leurs clients respectifs des avis juridiques de nature fiscale que ces clients avaient un intérêt commun à ce que la restructuration s’effectue de manière à avoir certaines répercussions fiscales. On peut également inférer que MM. Bell et Shaw avaient chacun l’intention d’utiliser le produit de leur travail combiné, tel qu’on le trouve dans la note de service non datée, pour fournir des avis à leurs clients respectifs, et que ce travail a été produit pour le bien commun de ces derniers.

 

[55]           Rien n’indique que M. Bell, M. Shaw ou leurs clients respectifs aient souhaité ou prévu que la note de service non datée serait communiquée à quiconque ne partageait pas l’intérêt général lié à l’achèvement de la restructuration (St. Joseph Corp c Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux), 2002 CFPI 274, au paragraphe 79). D’ailleurs, la mention [traduction] « PROTÉGÉ ET CONFIDENTIEL – PRÉPARÉ SOUS LA PRÉSOMPTION DE L’APPLICATION DU PRIVILÈGE AVOCAT‑CLIENT » au haut du document indique assez bien que MM. Bell et Shaw souhaitaient que le document reste confidentiel.

 

[56]           Rien ne prouve non plus que la note de service non datée ait été communiquée à quiconque ne partageait pas l’intérêt général lié à l’achèvement de la restructuration.

 

[57]           Compte tenu de tout ce qui précède, je suis convaincu que l’exception de l’intérêt commun s’applique ici à la règle voulant que le PCCA perde effet lorsque les renseignements protégés sont divulgués à une tierce partie (Pitney Bowes of Canada Ltd c Canada, 2003 CFPI 214, aux paragraphes 16 à 23; arrêt Anderson Exploration, précité, aux paragraphes 21 à 27; Almecon Industries Ltd c Anchortek Ltd, [1999] 1 CF 507, au paragraphe 9; Maximum Ventures Inc c De Graaf, [2007] BCJ No 2355, aux paragraphes 14 à 16; Archean Energy Limited et Titleist Energy Inc c Ministre du Revenu national (1997), 98 DTC 6456, au paragraphe 30 [Archean Energy]). Par conséquent, il n’y a pas eu renonciation au PCCA relatif à la note de service non datée en raison du fait que M. Shaw a participé à sa création, ou qu’il a communiqué à ses clients l’ensemble ou une partie du produit de son travail contenu dans ce document dans le cadre des avis juridiques de nature fiscale qu’il leur a offerts.

 

[58]           Ce qui m’amène à la théorie de la divulgation par inadvertance.

 

[59]           Il semble à présent établi que le simple fait de perdre le contrôle physique des documents protégés par le PCCA ne se traduit pas automatiquement par la perte de la protection que celui‑ci confère (Banque Royale du Canada c Lee, [1992] AJ No 433, à la page 5).

 

[60]           D’ailleurs, selon un premier courant jurisprudentiel, il n’est possible de renoncer au PCCA que par un consentement éclairé (voir, par exemple, Metcalfe c Metcalfe, [2001] MJ No 115, au paragraphe 14 (CA); et l’arrêt Lavallee, précité, au paragraphe 36). Je ne souscris pas à ce courant, dans la mesure où il laisse entendre que la divulgation par inadvertance ne peut jamais entraîner la perte du PCCA, quand bien même, après s’en être rendu compte, le détenteur du privilège se serait montré négligent, imprudent ou qu’il aurait tardé à le revendiquer.

 

[61]           Je privilégie un second courant jurisprudentiel d’après lequel il convient plutôt d’examiner toutes les circonstances de l’affaire pour déterminer s’il y a lieu de maintenir le PCCA à l’égard de documents communiqués par inadvertance (Chapelstone Developments Inc c Canada, [2004] ANB no 450, aux paragraphes 46 à 55 (CA) [Chapelstone]; Stevens c Canada, [1998] ACF no 794, au paragraphe 50 (CAF); Armstrong c Canada (Procureur général), 2005 CF 1013, au paragraphe 23; Brass c Canada, 2011 CF 1102, au paragraphe 83 [Brass]; Dublin c Montessori Jewish Day School of Toronto, [2007] OJ no 1062, aux paragraphes 67 à 70; S&K Processors c Campbell Avenue Herring Producers Ltd [1983] BCJ no 1499, au paragraphe 6 (BCSC); Maximum Ventures Inc c de Graaf, [2007] BCJ no 1784, au paragraphe 40; Toronto Port Authority c Toronto (Ville), [2008] OJ 5274, aux paragraphes 30 à 32;).

 

[62]           Ce deuxième courant jurisprudentiel a établi de nombreux facteurs dont la Cour peut tenir compte pour exercer son pouvoir discrétionnaire pour décider si les documents restent couverts par le PCCA .

 

[63]           L’un de ces facteurs consiste à savoir si le détenteur du privilège a agi rapidement pour se prévaloir du PCCA après avoir appris que les documents protégés avaient été communiqués par inadvertance (décision Chapelstone, précitée, au paragraphe 55; décision Universal Sales, précitée, au paragraphe 31; Pacific Northwest Herb Corp c Thompson, [1999] BCJ no 2772, aux paragraphes 21 à 23). Dans le cas qui nous occupe, rien n’indique que Foremost ait su que les documents conservés avaient été divulgués au défendeur par inadvertance, qu’elle ait gardé le silence, ou qu’elle n’ait pas pris de mesures immédiates pour invoquer le PCCA lorsqu’elle a eu vent de cette divulgation. En fait, il semble que ce soit le contraire. Foremost semble avoir appris que le demandeur contestait le PCCA invoqué par le défendeur à l’égard des documents conservés lorsque M. Bell a reçu copie de la lettre, datée du 28 mars 2011, adressée par le demandeur au défendeur. Deux semaines plus tard, le 14 avril 2011, l’avocat externe plaidant de Foremost (M. Robinson) a écrit à l’ARC pour lui demander instamment de l’informer directement, plutôt que le défendeur, des démarches visant la résolution du différend se rapportant au privilège revendiqué par ce dernier. Après quoi, Foremost a rapidement cherché à obtenir le statut d’intervenante dans la présente instance dans le but explicite de défendre l’existence du PCCA à l’égard des documents conservés. À mon avis, ces initiatives de la part de Foremost justifient que la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire dans le sens du maintien du PCCA à l’égard de ces documents.

 

[64]           Dans Airst c Airst, [1998] OJ no 2615, aux paragraphes 18 et 19 [décision Airst], le juge Wein a établi un certain nombre de facteurs additionnels dont la Cour peut tenir compte pour exercer son pouvoir discrétionnaire pour décider si les documents communiqués par inadvertance doivent rester protégés. Ces facteurs sont les suivants :

i.        la manière dont les documents ont été communiqués;

ii.      le moment où l’on s’est rendu compte que les documents avaient été communiqués;

iii.    le moment où l’on a demandé au destinataire de rendre les documents;

iv.    le nombre et la nature des tiers qui ont eu connaissance des documents;

v.      la question de savoir si le maintien du privilège serait injuste, ou perçu comme tel, pour la partie adverse;

vi.    les conséquences sur l’équité réelle ou perçue du processus judiciaire.

 

[65]           Pour ce qui est de la manière dont les documents ont été communiqués, le juge Wein a indiqué que l’admission en preuve des documents visés peut être appropriée lorsque leur divulgation résulte de l’imprudence de la partie qui invoque le privilège, plutôt que d’un acte répréhensible de la partie adverse. En l’occurrence, rien ne donne à penser qu’une telle imprudence ou qu’un tel acte répréhensible ait été commis.

 

[66]           Le juge Wein a également indiqué qu’il peut être approprié d’admettre en preuve des documents communiqués par inadvertance si leur rejet peut donner à une partie l’impression que la Cour se prive de la possibilité d’évaluer des renseignements contradictoires à l’égard d’une question importante, et donner ainsi au public une image négative de l’administration de la justice. Cette considération ne joue pas en l’espèce, puisque je ne me priverai pas de la possibilité d’évaluer des renseignements contradictoires relativement à une question importante, en maintenant le PCCA à l’égard des documents conservés.

 

[67]           Par ailleurs, le juge Wein a fait observer qu’il est possible en certains cas que les renseignements aient été si largement distribués qu’il serait inutile d’un point de vue pratique de vouloir empêcher leur admission en Cour. Encore une fois, cette considération n’a pas lieu d’être dans le cas d’espèce, puisque rien n’indique que les documents conservés aient été communiqués à quiconque hormis le défendeur et les clients de MM. Bell et Shaw. Le dossier tend à indiquer au contraire que cette divulgation par inadvertance s’est limitée au défendeur, qui semble avoir obtenu les documents dans le cadre d’une relation vérificateur‑client.

 

[68]           Dans la décision Airst, précitée, le juge Wein a finalement décidé d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour maintenir le PCCA à l’égard des documents en cause, après avoir conclu que la divulgation avait une portée restreinte et qu’elle se limitait à une personne dont les services avaient été retenus dans un contexte pouvant être qualifié de façon générale de confidentiel. En parvenant à cette conclusion, le juge Wein a précisé que la capacité de la Cour d’évaluer les faits sous‑tendant les questions en litige ne serait pas compromise par la non‑divulgation. En l’espèce, chacun de ces facteurs est favorable à l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire dans le sens du PCCA à l’égard des documents conservés.

 

[69]           Dans la décision Brass, précitée, aux paragraphes 86 à 91, le protonotaire Lafrenière de notre Cour a exercé son pouvoir discrétionnaire pour décider que le PCCA continuait à s’appliquer aux documents communiqués par inadvertance, principalement pour les raisons suivantes : (i) la partie qui invoquait le PCCA a réagi rapidement après avoir découvert que des documents protégés avaient été remis par inadvertance à l’autre partie au litige, (ii) la partie qui revendiquait le privilège aurait subi un préjudice sérieux si le PCCA n’avait pas été maintenu, contrairement à l’autre partie, et (iii) rien n’indiquait que le détenteur du privilège ait eu l’intention d’y renoncer. Dans le raisonnement qui l’a mené à cette conclusion, le protonotaire Lafrenière a fait observer que le préjudice est plus facile à concevoir lorsque le privilège en cause est le PCCA. Je suis d’accord, et j’estime que les considérations sur lesquelles il s’est appuyé pour parvenir à sa conclusion justifient également que j’exerce mon pouvoir discrétionnaire pour maintenir le PCCA à l’égard des documents conservés.

 

[70]           De plus, le demandeur n’a pas été en mesure d’établir qu’il subirait un préjudice si les documents en cause restaient protégés par le PCCA dans les circonstances de la présente affaire.

 

[71]           Quant au mandat d’équité et de recherche de la vérité de la Cour, je ne suis pas convaincu que ces considérations penchent particulièrement en faveur du demandeur dans le cas qui nous occupe, puisque la question de principe dans la présente instance est de savoir si les documents conservés sont protégés par le PCCA.

 

[72]           Dans ses observations orales, le demandeur affirme en substance que je devrais considérer comme défavorable le fait que (i) M. Breen n’a pas contacté le défendeur pour savoir comment il avait obtenu les documents conservés et que (ii) Foremost n’a produit aucune preuve en ce qui a trait aux différents facteurs pertinents au regard de la décision discrétionnaire de la Cour de maintenir ou non le PCCA à l’égard des documents conservés. Je comprends cette position, et j’ai donc considéré qu’il s’agissait d’un facteur quelque peu défavorable.

 

[73]           Cependant, compte tenu des autres facteurs évoqués plus haut, et surtout, comme les documents conservés semblent avoir été divulgués par inadvertance au vérificateur de Foremost, partie à laquelle celle‑ci est implicitement liée par une relation de confiance, je suis enclin à exercer mon pouvoir discrétionnaire en faveur du maintien du PCCA à l’égard des documents conservés. À mon avis, en l’absence de la moindre preuve à l’effet contraire, on peut inférer que les documents conservés sont parvenus au défendeur à titre confidentiel, dans le cadre de la vérification de Foremost.

 

iv.                 Conclusion concernant les documents conservés

[74]           Pour les motifs énoncés plus haut, je conclus que les documents conservés :

i.        sont protégés par le PCCA;

ii.      n’ont pas été sciemment communiqués au défendeur en vertu d’une renonciation limitée, explicite ou tacite, au privilège;

iii.    ont été communiqués par inadvertance au défendeur dans des circonstances qui, envisagées conjointement avec les mesures prises par Foremost pour se prévaloir rapidement du PCCA à l’égard des documents conservés après avoir appris leur divulgation, justifient que la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire pour maintenir le PCCA à l’égard de ces documents.

 

B.                 La question constitutionnelle

[75]           Foremost demande à la Cour de déclarer les articles 231.2 et 237.1 de la LIR inconstitutionnels, au motif qu’ils permettent potentiellement au ministre d’avoir accès à des documents protégés par le PCCA, à l’insu et sans le consentement du détenteur du privilège. Pour Foremost, un tel accès constitue une fouille et une saisie abusives et contrevient à l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés.

 

[76]           Je conviens avec le demandeur que la présente affaire ne se prête pas à ce que la Cour statue sur la constitutionnalité des articles 231.2 et 237.1 de la LIR. En bref, le scénario factuel inconstitutionnel qu’évoque Foremost ne se présente pas en l’occurrence et reste assez hypothétique.

 

[77]           En l’espèce, Foremost a reçu signification d’une copie (quoique « par courtoisie ») de l’avis de demande par lequel le demandeur souhaitait obtenir une ordonnance contre le défendeur aux termes du paragraphe 231.7(1). Elle a également reçu copie de la lettre du 28 mars 2011 que le demandeur a adressée au défendeur, et dans laquelle il lui proposait deux solutions pour résoudre le différend relatif au privilège invoqué par le défendeur à l’égard des documents conservés. Ces communications ont rapidement incité Foremost à réclamer le statut d’intervenante dans la présente instance, finalement accordé sur consentement. Foremost s’est ensuite employée à défendre vigoureusement son intérêt à ce que le PCCA soit maintenu à l’égard des documents conservés. Après avoir examiné les observations écrites et orales du demandeur et de Foremost, j’ai conclu en définitive que chacun des documents conservés était et continuait à être protégé par le PCCA. Par conséquent, le demandeur n’obtiendra, en fait, l’accès à aucun renseignement protégé, et il n’est certainement pas question qu’il l’obtienne à l’insu ou sans le consentement du détenteur du privilège.

 

[78]           Dans les circonstances, il n’est ni nécessaire ni judicieux que la Cour se penche sur la question constitutionnelle soulevée par Foremost. Cette question pourra être réexaminée lorsqu’une prémisse factuelle plus pertinente se présentera, le cas échéant (Phillips c Nouvelle‑Écosse (Commission d’enquête sur la tragédie de la mine Westray), [1995] 2 RCS 97, au paragraphe 6; Apotex Inc c Astrazeneca Canada Inc, 2012 CF 559, aux paragraphes 69 et 70; Duitama Gomez c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2010 CF 593, aux paragraphes 71 à 74; Suescan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 438, aux paragraphes 26 à 28; Bedada c Canada (Solliciteur général), 2007 CF 121, aux paragraphes 16 à 20; Native Council of Nova Scotia c Canada (Procureur général), 2007 CF 45, aux paragraphes 40, 57 et 58; Canada (Ministre du Revenu national) c Welton Parent Inc, 2006 CF 67, aux paragraphes 123, 149, 150, 178 et 179; Canada (Commissaire à l’information) c Bureau canadien d’enquêtes sur les accidents de transports et de la sécurité des transports, 2005 CF 384, aux paragraphes 67 à 75; Mahjoub c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1503, au paragraphe 111).

 

[79]           La décision Chambre des notaires du Québec c Canada (Procureur général), 2010 CSQC 4215, [2010] JQ 8868, peut être écartée, car elle concernait des demandes péremptoires adressées par l’ARC à un certain nombre d’avocats. Elle traitait aussi de certaines questions sans rapport avec les faits de la présente affaire, notamment en ce qui a trait au paragraphe 232(1) de la LIR et à la Charte québécoise des droits et libertés, LRQ, c C‑12.

 

IV.             Les dépens

 

[80]           Foremost prétend qu’elle doit se voir rembourser la totalité des frais liés à son intervention, au motif qu’elle aurait dû être nommée comme défenderesse dans l’avis de demande déposé par le demandeur dans la présente instance en vue d’obtenir la production des documents conservés. Elle ajoute que les manœuvres du demandeur consistant à s’adresser à une tierce partie, plutôt qu’au détenteur du privilège, pour avoir accès aux documents protégés doivent être absolument découragées.

 

[81]           À mon avis, la situation est bien plus nuancée que ne le laisse entendre Foremost.

 

[82]           Comme je l’ai déjà expliqué, Foremost et ses fiduciaires ont eu de nombreuses occasions de soulever et d’invoquer le PCCA à l’égard des documents conservés, mais ne l’ont fait à aucun moment. Les documents n’ont été évoqués que le 22 décembre 2010, lorsqu’ils ont été identifiés par le défendeur dans sa réponse à la demande péremptoire du demandeur. Dans les circonstances, je comprends la position du demandeur selon laquelle le défendeur approprié dans la présente instance était Grant Thornton, l’entité dont on savait qu’elle détenait les documents conservés, plutôt que Foremost, une entité qui n’en avait jamais divulgué l’existence et qui aurait très bien pu ne pas être en possession des originaux ou des copies de ces documents. Cela dit, le demandeur aurait pu éviter les frais de présente instance s’il avait saisi l’occasion que lui offrait Foremost de traiter directement avec elle pour régler la question de l’application du PCCA.

 

[83]           S’efforçant lui‑même de trouver une solution rapide à ce problème, le demandeur a proposé au défendeur, dans sa lettre du 28 mars 2011 dont Foremost a reçu copie, que cette question étroite soit soumise à la Cour pour qu’elle statue à cet égard. Ni le défendeur ni Foremost ne se sont prévalus de cette possibilité. En fait, y compris durant l’audition de la présente affaire en mars 2012, Foremost a refusé d’envisager que la Cour examine les documents conservés pour déterminer s’ils étaient bel et bien protégés par le PCCA. Par ailleurs, elle a continué d’insister sur la question constitutionnelle qu’elle avait soulevée, même après que le demandeur eut clairement fait savoir qu’il ne cherchait pas à obtenir des documents que la Cour pourrait estimer couverts par le PCCA, et même après que je l’eus rappelé à son avocat durant l’audience.

 

[84]           De plus, il est curieux que Foremost n’ait pas fait le moindre effort pour contacter le défendeur et comprendre comment les documents conservés s’étaient retrouvés en sa possession. Le demandeur n’a rien tenté non plus en ce sens. La Cour était donc placée dans une position beaucoup plus délicate lorsqu’il a fallu examiner les observations de Foremost concernant la renonciation limitée et la divulgation par inadvertance. De plus, en présentant sa preuve touchant les documents conservés par l’entremise de M. Breen, qui tenait tout ce qu’il savait à leur sujet de M. Bell, Foremost a considérablement compliqué la tâche du demandeur qui cherchait à mener un contre‑interrogatoire sérieux en la matière.

 

[85]           Vu les circonstances et les conclusions auxquelles je suis parvenu en ce qui a trait à la renonciation limitée et à la question constitutionnelle, j’ai décidé qu’aucuns dépens ne devraient être adjugés dans la présente instance.

 

V.                Conclusion

 

[86]           Les documents conservés sont protégés par le PCCA. Par conséquent, la présente demande est rejetée.

 

[87]           Enfin, la présente affaire ne se prête pas à ce que la Cour statue sur la question constitutionnelle soulevée par Foremost, puisque le scénario factuel inconstitutionnel qu’elle évoque ne se présente pas en l’espèce et reste assez hypothétique.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.      la présente demande est rejetée;

2.      la présente affaire ne se prête pas à une décision sur la question constitutionnelle soulevée par Foremost;

3.      aucuns dépens ne seront adjugés.

 

 

« Paul S. Crampton »

Juge en chef

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


ANNEXE « A »

Lois pertinentes

Loi de l’impôt sur le revenu (LRC, 1985, ch. 1 (5e suppl.))

Production de documents ou fourniture de renseignements

 (1) Malgré les autres dispositions de la présente loi, le ministre peut, sous réserve du paragraphe (2) et pour l’application ou l’exécution de la présente loi (y compris la perception d’un montant payable par une personne en vertu de la présente loi), d’un accord général d’échange de renseignements fiscaux entre le Canada et un autre pays ou territoire qui est en vigueur et s’applique ou d’un traité fiscal conclu avec un autre pays, par avis signifié à personne ou envoyé par courrier recommandé ou certifié, exiger d’une personne, dans le délai raisonnable que précise l’avis :

 

a) qu’elle fournisse tout renseignement ou tout renseignement supplémentaire, y compris une déclaration de revenu ou une déclaration supplémentaire;

 

b) qu’elle produise des documents.

Requirement to provide documents or information

 (1) Notwithstanding any other provision of this Act, the Minister may, subject to subsection (2), for any purpose related to the administration or enforcement of this Act (including the collection of any amount payable under this Act by any person), of a comprehensive tax information exchange agreement between Canada and another country or jurisdiction that is in force and has effect or, for greater certainty, of a tax treaty with another country, by notice served personally or by registered or certified mail, require that any person provide, within such reasonable time as stipulated in the notice,

 

(a) any information or additional information, including a return of income or a supplementary return; or

 

 

(b) any document.

 

Ordonnance

 (1) Sur demande sommaire du ministre, un juge peut, malgré le paragraphe 238(2), ordonner à une personne de fournir l’accès, l’aide, les renseignements ou les documents que le ministre cherche à obtenir en vertu des articles 231.1 ou 231.2 s’il est convaincu de ce qui suit :

 

a) la personne n’a pas fourni l’accès, l’aide, les renseignements ou les documents bien qu’elle en soit tenue par les articles 231.1 ou 231.2;

 

b) s’agissant de renseignements ou de documents, le privilège des communications entre client et avocat, au sens du paragraphe 232(1), ne peut être invoqué à leur égard.

 
Note marginale : Avis

 

(2) La demande n’est entendue qu’une fois écoulés cinq jours francs après signification d’un avis de la demande à la personne à l’égard de laquelle l’ordonnance est demandée.

 
Note marginale : Conditions

 

(3) Le juge peut imposer, à l’égard de l’ordonnance, les conditions qu’il estime indiquées.

 
Note marginale : Outrage

 

(4) Quiconque refuse ou fait défaut de se conformer à une ordonnance peut être reconnu coupable d’outrage au tribunal; il est alors sujet aux procédures et sanctions du tribunal l’ayant ainsi reconnu coupable.

 
Note marginale : Appel

 

(5) L’ordonnance visée au paragraphe (1) est susceptible d’appel devant le tribunal ayant compétence pour entendre les appels des décisions du tribunal ayant rendu l’ordonnance. Toutefois, l’appel n’a pas pour effet de suspendre l’exécution de l’ordonnance, sauf ordonnance contraire d’un juge du tribunal saisi de l’appel.

 

NOTE : Les dispositions d’application ne sont pas incluses dans la présente codification; voir les lois modificatives appropriées. 2001, ch. 17, art. 183.

Compliance order

 (1) On summary application by the Minister, a judge may, notwithstanding subsection 238(2), order a person to provide any access, assistance, information or document sought by the Minister under section 231.1 or 231.2 if the judge is satisfied that

 

(a) the person was required under section 231.1 or 231.2 to provide the access, assistance, information or document and did not do so; and

 

(b) in the case of information or a document, the information or document is not protected from disclosure by solicitor‑client privilege (within the meaning of subsection 232(1)).

Marginal note: Notice required

 

(2) An application under subsection (1) must not be heard before the end of five clear days from the day the notice of application is served on the person against whom the order is sought.

 

Marginal note: Judge may impose conditions

 

(3) A judge making an order under subsection (1) may impose any conditions in respect of the order that the judge considers appropriate.

 
Marginal note: Contempt of court

 

(4) If a person fails or refuses to comply with an order, a judge may find the person in contempt of court and the person is subject to the processes and the punishments of the court to which the judge is appointed.

 
Marginal note: Appeal

 

(5) An order by a judge under subsection (1) may be appealed to a court having appellate jurisdiction over decisions of the court to which the judge is appointed. An appeal does not suspend the execution of the order unless it is so ordered by a judge of the court to which the appeal is made.

 

 

NOTE: Application provisions are not included in the consolidated text; see relevant amending Acts. 2001, c. 17, s. 183.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T‑848‑11

 

INTITULÉ :                                                  Le ministre du Revenu national et
GRANT THORNTON ET AL

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 12 mars 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                       LE JUGE EN CHEF CRAMPTON

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 13 novembre 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Wendy Bridges

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Ronald J. Robinson

 

Pour l’intervenantE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Ronald J. Robinson

Avocat

Calgary (Alberta)

 

Pour l’intervenantE

 

 

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