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Date : 20121128

Dossier : IMM‑4819‑11

Référence : 2012 CF 1383

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 28 novembre 2012

En présence de monsieur le juge Lemieux

 

 

ENTRE :

 

MUHAMMAD ASHRAF GONDAL

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.  Introduction et faits à l’origine du litige

[1]               Le demandeur conteste la décision datée du « par laquelle un agent d’examen des risques avant renvoi (agent d’ERAR) a rejeté la demande de résidence permanente au Canada qu’il avait présentée en se fondant sur des considérations d’ordre humanitaire. La veille, le 14 juin 2010, le même agent d’ERAR a refusé de conclure, à la demande du demandeur, que celui‑ci serait exposé à des risques s’il était renvoyé au Pakistan.

 

[2]               Le demandeur est un citoyen du Pakistan qui est arrivé au Canada en juin 2003 afin de demander la protection du Canada, parce qu’il craignait d’être persécuté par la Ligue musulmane du Pakistan (LMP) en raison de ses liens avec le Parti du peuple pakistanais (PPP). Le demandeur a présenté une demande d’asile peu après son arrivée au Canada, mais l’audition de cette demande a dû être reportée parce que, le 21 juin 2005, alors qu’il travaillait comme pompiste, sa vie a changé de façon tragique lorsqu’il a été attaqué brutalement par trois hommes qui l’ont battu et presque tué.

 

[3]               Par suite de cette attaque, le demandeur a subi une grave lésion cérébrale qui a entraîné chez lui un problème de santé appelé aphasie, soit un trouble de communication découlant d’un traumatisme crânien. M. Gondal éprouve des difficultés à comprendre le langage parlé, tant l’anglais que le hindi, ainsi qu’à lire, à écrire et à parler.

 

[4]               Il a été admis pour la première fois à l’hôpital St. Michael, situé à Toronto, où il a subi une intervention chirurgicale; le 29 septembre 2005, il a été transféré à l’institut de réadaptation de Toronto, où il est resté jusqu’au 2 mars 2006 dans le cadre du programme de neuroréadaptation. Il continue à suivre un programme de réadaptation pour malades externes à raison de deux jours par semaine afin de recevoir des soins en physiothérapie et en orthophonie.

 

[5]               Le 2 mars 2006, il a reçu son congé de l’institut pour habiter à l’Annex, qui est une résidence pour personnes âgées. Il a été dirigé vers l’institut de l’aphasie par l’institut de réadaptation de Toronto en octobre 2006. Depuis le printemps 2007, il participe à des séances de conversation hebdomadaires qui offrent aux personnes aphasiques la possibilité de mettre en pratique des stratégies de communication attentive, d’utiliser des outils de communication et de converser avec d’autres personnes. Selon une lettre de l’institut d’aphasie datée du 12 novembre 2008, M. Gondal ne peut s’attendre à récupérer la capacité qu’il avait de lire, d’écrire et de s’exprimer dans l’une ou l’autre des deux langues.

 

[6]               L’audience devant la Section de la protection des réfugiés (SPR) a été tenue le 28 septembre 2007. M. Gondal n’a pu témoigner au cours de cette audience. Sa demande d’asile a été rejetée sur la foi de la preuve du ministre ainsi que des renseignements que M. Gondal avait fournis à l’agent d’immigration au point d’entrée et inscrits sur son Formulaire de renseignements personnels (FRP). La preuve présentée à la SPR a incité celle‑ci à conclure que la version du demandeur n’était pas crédible et que l’allégation du parti politique de celui‑ci selon laquelle la LMP avait déposé une fausse accusation de viol était fabriquée. Un juge de la Cour fédérale a refusé au demandeur l’autorisation d’interjeter appel de la décision de la SPR.

 

[7]               L’agent a expliqué comme suit les raisons pour lesquelles il a rejeté la demande de M. Gondal :

[traduction]

Je suis d’avis que la preuve portée à mon attention n’établit pas que la situation personnelle du demandeur est telle que celui‑ci subirait des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives s’il devait demander la résidence permanente hors du Canada. Après avoir analysé attentivement l’ensemble de la preuve portée à mon attention, je ne suis pas convaincu qu’il existe suffisamment de motifs d’ordre humanitaire pour approuver la présente demande de dispense.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

II.  La décision faisant l’objet du présent contrôle judiciaire

[8]               Au tout début de son analyse, l’agent a souligné que les considérations d’ordre humanitaire que le demandeur invoquait reposaient sur l’établissement de celui‑ci au Canada, sur son état de santé et sur les difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives qu’il subirait s’il devait retourner au Pakistan pour présenter de là‑bas sa demande de résidence permanente au Canada. L’agent a précisé qu’aucun membre de la famille de M. Gondal n’habitait au Canada; l’épouse, les enfants (six au total) et la mère de celui‑ci résident tous au Pakistan.

 

[9]               L’agent a ajouté ce qui suit :

[traduction]

Le demandeur voudrait être dispensé des critères de sélection au Canada pour considérations d’ordre humanitaire ou de politique publique pour faciliter le traitement, au Canada, de sa demande de résidence permanente. Il appartient au demandeur de convaincre le décideur que sa situation personnelle est telle qu’il subirait des difficultés (i) inhabituelles et injustifiées ou (ii) excessives s’il était tenu de présenter hors du Canada une demande de visa de résident permanent.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

            a) Établissement

[10]           L’agent a passé en revue les arguments de M. Gondal au sujet de l’établissement :

1.             son arrivée au Canada en juin 2003;

2.             l’évolution de sa demande d’asile;

3.             son travail au poste d’essence depuis octobre 2003;

4.             l’attaque de juin 2005, qui a entraîné chez lui une grave lésion au cerveau dont il ne s’est jamais rétabli;

5.             le fait que, depuis son attaque, il touche des prestations de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT);

6.             le fait qu’il est ici depuis huit ans;

7.             les lettres de soutien de toutes les personnes qui le connaissaient au Canada;

8.             sa participation à la vie religieuse et culturelle communautaire.

 

[11]           Dans son analyse, l’agent souligne que le demandeur vit au Canada depuis le 20 juin 2003 et que, pendant cette période, il devrait normalement avoir atteint un certain degré d’établissement. L’agent formule ensuite les remarques suivantes :

[traduction]

J’ai examiné différents facteurs, dont le travail du demandeur, sa participation à la vie communautaire, le soutien personnel et communautaire dont il a bénéficié et tout autre élément tendant à démontrer que le degré d’établissement du demandeur au Canada est tel que celui‑ci subirait des difficultés s’il devait demander un visa d’immigrant de l’extérieur du Canada. Je reconnais que le demandeur a pris des mesures positives pour s’établir au Canada; cependant, je souligne qu’il a été traité de manière équitable dans le cadre du programme pour les réfugiés et qu’il a donc eu la possibilité d’atteindre un certain degré d’établissement au sein de la société canadienne et qu’il a obtenu les outils nécessaires à cette fin. Cependant, je reconnais aussi que le demandeur n’a pu s’établir davantage au Canada en raison de la lésion qu’il a subie lorsqu’il a été attaqué à son lieu de travail en juin 2005. Eu égard à la preuve présentée, je suis d’avis que le degré d’établissement du demandeur au Canada correspond à celui qui était prévisible et n’est pas exceptionnel. En conséquence, je ne crois pas que le degré d’établissement du demandeur au Canada justifie l’octroi d’une dispense pour des considérations d’ordre humanitaire.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

            b) L’état de santé du demandeur

[12]           L’agent a souligné les arguments que le demandeur a invoqués au sujet de son état de santé :

1.             la grave lésion cérébrale que le demandeur a subie par suite de l’attaque et l’invalidité permanente dont il souffre depuis;

2.             l’incapacité pour le demandeur d’exprimer ses pensées et ses sentiments en raison d’un grave trouble de communication et la grande difficulté qu’il éprouve à marcher en raison de son handicap physique;

3.             le fait que le demandeur aurait très peu de chances d’obtenir les soins médicaux spécialisés dont il a besoin dans la région rurale du Pakistan.

 

[13]           Après avoir analysé la preuve documentaire sur ce point, l’agent a conclu comme suit :

[traduction]

Le demandeur a soutenu qu’il avait très peu de chances d’obtenir les soins médicaux spécialisés dont il a besoin dans la région rurale du Pakistan. Après avoir analysé attentivement la preuve soumise, je conclus qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve permettant de dire que le demandeur ne serait pas en mesure d’obtenir les médicaments ou les services ou traitements médicaux dont il pourrait avoir besoin à son retour au Pakistan. Selon la preuve documentaire, des soins médicaux adéquats sont disponibles au Pakistan, bien qu’ils soient plus limités en région rurale. Toutefois, aucun élément de preuve ne montre qu’il serait impossible pour le demandeur d’obtenir les services médicaux dont il pourrait avoir besoin à l’extérieur de son lieu de résidence, le cas échéant. D’après les renseignements dont je dispose, le demandeur souffre d’un problème de santé permanent et ne peut espérer qu’une légère amélioration de son handicap et de son trouble de communication au fil des années. Je reconnais que le gouvernement du Pakistan ne consacre peut‑être pas autant d’argent que bien d’autres pays aux soins médicaux; cependant, eu égard à la preuve qui m’a été présentée, et vu l’absence d’autres éléments de preuve montrant le contraire, je conclus que le demandeur pourrait obtenir les médicaments ou les traitements médicaux dont il aurait besoin. Le demandeur a également soutenu que tous les membres de sa famille, y compris sa mère, son épouse et ses six enfants, continuent à résider au Pakistan; ces personnes devraient donc être en mesure de lui fournir le soutien dont il pourrait avoir besoin au quotidien. En conséquence, je suis d’avis qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve permettant de dire que le demandeur subirait des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives en raison de la perte du soutien médical dont il dispose au Canada et de la nécessité pour lui d’obtenir des soins médicaux à son retour au Pakistan.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

            c) La situation politique volatile

[14]           L’agent a analysé cet aspect dans le cadre de l’examen du critère des difficultés, qui est lié de près aux facteurs que le demandeur a décrits comme les facteurs de risque justifiant une décision favorable au sujet de sa demande d’ERAR.

 

[15]           Tel qu’il est mentionné plus haut, le 14 juin 2011, l’agent d’ERAR a refusé la demande d’ERAR de M. Gondal. Le contrôle judiciaire de cette décision a également été sollicité devant la Cour fédérale, dont les motifs du jugement à ce sujet sont publiés sous la référence 2012 CF 1384.

 

[16]           L’agent d’ERAR a exprimé ses conclusions comme suit :

[traduction]

Eu égard à la preuve dont je suis saisi, y compris les documents récents sur la situation qui règne au pays, ainsi qu’à la situation personnelle du demandeur, je conclus que celui‑ci n’a pas prouvé que les risques qu’il invoque constituent des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives.

 

Après avoir analysé attentivement l’ensemble de la preuve portée à mon attention, je conclus que le demandeur n’a pas prouvé que les risques qu’il invoque constituent des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives. En ce qui a trait aux difficultés et à la situation générale qui règnent an Pakistan et qui concernent le risque auquel le demandeur serait exposé à son retour là‑bas, je suis d’avis qu’il s’agit de conditions auxquelles la population est également exposée de façon générale. Compte tenu de l’ensemble de la preuve portée à mon attention, je conclus que le demandeur n’a pas prouvé que les difficultés liées à la situation générale qui règne au Pakistan constituent des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives qui justifieraient l’octroi d’une dispense pour des considérations d’ordre humanitaire.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

III.  La position des parties

            a) La position de M. Gondal

[17]           L’avocate du demandeur soutient que l’agent a commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire en évaluant les difficultés auxquelles M. Gondal serait exposé sans tenir compte des faits, c’est‑à‑dire sans comprendre ce qu’est l’aphasie et en quoi ce problème pourrait influer sur les difficultés que le demandeur subirait à son retour au Pakistan pour les raisons suivantes :

1.             au Canada, le demandeur a accès aux soins médicaux spécialisés dont il a besoin pour s’adapter à sa nouvelle vie, gérer son état et communiquer à l’aide de méthodes nouvelles, et il est entouré de professionnels de la santé et d’amis qui se trouvent dans une situation similaire et avec lesquels il peut échanger au moyen de techniques apprises et de contacts fréquents et continus;

2.             le demandeur aurait peut‑être la possibilité d’obtenir des soins médicaux primaires au Pakistan, mais il est très peu probable qu’il aurait accès à des professionnels de la santé spécialisés qui pourraient lui donner l’attention spécialisée dont il a besoin;

3.             au Pakistan, le demandeur sera incapable de continuer à apprendre de nouvelles techniques de communication et à s’adapter à des mécanismes et ne sera pas entouré de personnes qui ont appris à communiquer avec lui. En conséquence, il sera isolé dans un environnement où il ne sera pas capable de vraiment s’exprimer;

4.             le demandeur ne sera pas en mesure de demander la résidence permanente hors du Canada, parce qu’il est sans doute interdit de territoire pour motifs sanitaires.

 

[18]           L’agent a ignoré des éléments de preuve vitaux, parce qu’il n’a nullement mentionné les nombreuses lettres fournies par l’institut de réadaptation ou par l’institut d’aphasie. L’avocate du demandeur invoque la décision que mon collègue, le juge Russell, a rendue dans Mughrabi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 898.

 

[19]           L’avocate du demandeur ajoute que la conclusion de l’agent au sujet de la possibilité d’obtenir des services médicaux adéquats au Pakistan est viciée, parce que la preuve documentaire mentionnée traite de la disponibilité de soins médicaux élémentaires non urgents dans les grandes villes du Pakistan, alors que la famille du demandeur habite dans une région rurale et que celui‑ci a besoin d’un soutien constant très spécialisé de la part de professionnels ainsi que de personnes qui se trouvent dans une situation similaire et qui sont capables de communiquer avec lui.

 

[20]           L’avocate du demandeur fait également valoir que la conclusion selon laquelle celui‑ci ne subira pas de difficultés s’il doit demander la résidence permanente de l’extérieur du Canada est erronée, parce que le demandeur sollicitait une dispense de l’application de la disposition relative à l’interdiction de territoire pour motifs sanitaires qui est énoncée à l’article 38 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR).

 

            b) La position du défendeur

[21]           L’avocat du défendeur soutient que la demande CH du demandeur repose en grande partie sur le fait que celui‑ci a besoin de services, médicaux et autres, pour gérer sa vie quotidienne et sur le fait que ces services ne sont pas disponibles au Pakistan. De l’avis du défendeur, l’argument du demandeur repose sur une hypothèse erronée, soit la présomption selon laquelle le demandeur a présenté à l’agent des éléments de preuve concernant les soins médicaux dont il a besoin et sur la possibilité pour lui d’obtenir ces soins au Pakistan. Le défendeur affirme que, exception faite de la mention des soins en maison de santé, le demandeur n’a présenté aucun élément de preuve concernant les soins médicaux qu’il recevait au Canada ou l’accès à des soins de cette nature au Pakistan.

 

[22]           L’avocat du défendeur ajoute que les allégations du demandeur présupposent que l’obligation pour une personne de vivre avec un handicap dont elle souffre par suite d’un incident survenu dans un autre pays constitue une difficulté excessive. Invoquant le jugement que la Cour suprême du Canada a rendu dans Granovsky c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 2000 CSC 28, [2000] 1 RCS 703, aux paragraphes 26 à 30, il affirme qu’un handicap peut imposer des limitations fonctionnelles qu’aucune loi ou mesure sociale ne peut améliorer et que l’obligation pour une personne handicapée de s’adapter à un environnement différent fait partie des conséquences naturelles du renvoi et ne peut constituer en soi une difficulté excessive. De plus, le demandeur n’a présenté aucun élément de preuve démontrant que son renvoi du Canada compromettrait sa guérison.

 

[23]           Bref, le défendeur soutient essentiellement qu’il incombait au demandeur d’établir les facteurs justifiant l’octroi d’une dispense pour des considérations d’ordre humanitaire dans son cas; le demandeur ne peut reprocher à l’agent de ne pas avoir évalué des éléments de preuve qui n’avaient pas été portés à son attention.

 

IV.  Analyse et conclusions

            a) La norme de contrôle

[24]           Les deux parties conviennent que la norme de la décision raisonnable s’applique à la décision CH, laquelle ne serait déraisonnable que si elle n’appartenait pas aux issues possibles qui s’offraient à l’agent saisi de la demande CH, eu égard aux faits et au droit. La question n’est pas de savoir si la décision aurait pu être différente si l’agent avait soupesé la preuve d’une autre façon.

 

b) Conclusions

[25]           Il est également utile de rappeler les obligations que le régime législatif impose aux agents d’immigration. Au paragraphe 66 de l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, Madame la juge l’Heureux‑Dubé a souligné que la loi habilitante et ses règlements d’application exigent « que le décideur exerce le pouvoir en se fondant sur "des raisons d’ordre humanitaire" [et que] ces mots et leur sens doivent se situer au cœur de la réponse à la question de savoir si une décision d’ordre humanitaire particulière constituait un exercice raisonnable du pouvoir conféré par le Parlement ». Voici ce qu’elle a ajouté, au paragraphe 66 :

La loi et le règlement demandent au ministre de décider si l’admission d’une personne devrait être facilitée pour des raisons humanitaires. Ils démontrent que l’intention du Parlement est que ceux qui exercent le pouvoir discrétionnaire conféré par la loi agissent de façon humanitaire.

 

 

[26]           Comme l’a souligné la juge Trudel dans Hinzman et al c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CAF 177, au paragraphe 26, lorsqu’il examine une demande CH, l’agent CH doit tenir compte des circonstances d’ordre humanitaire ainsi que de l’intérêt public.

 

[27]           À mon avis, la présente demande de contrôle judiciaire doit être accueillie, pour les motifs exposés ci‑après.

 

[28]           D’abord, l’agent a évalué la demande CH du demandeur sans tenir compte de la preuve portée à son attention au sujet de l’état de santé de M. Gondal et des besoins découlant de cet état. L’agent n’analyse et ne commente nulle part dans ses motifs la preuve volumineuse que le demandeur a présentée. En d’autres termes, l’agent a tiré de façon abstraite sa conclusion au sujet des difficultés que subirait le demandeur.

 

[29]           En deuxième lieu, l’agent n’a nullement commenté la dispense que le demandeur sollicitait. Contrairement à ce que l’agent a soutenu, le demandeur ne sollicitait pas une dispense de l’obligation de présenter sa demande de résidence permanente de l’extérieur du Canada. Il serait inutile pour lui de présenter cette demande de l’extérieur du Canada, parce qu’il serait déclaré interdit de territoire pour motifs sanitaires. M. Gondal recherchait une dispense de l’application de la disposition de l’article 38 de la LIPR concernant l’interdiction de territoire pour motifs sanitaires en invoquant des considérations d’ordre humanitaire liées au fait qu’il se trouvait au Canada lorsqu’il a été brutalement attaqué au travail et que c’est dans ce pays qu’il touche une indemnité des accidents du travail et reçoit d’importants soins médicaux. En d’autres termes, l’agent n’a jamais vraiment évalué les allégations du demandeur fondées sur des considérations d’ordre humanitaire.

 

[30]           C’est pourquoi la demande CH de M. Gondal doit être examinée.

 

[31]           Je termine en soulignant qu’au cours de l’audience et dans le cadre des observations présentées après celle‑ci, l’avocat du ministre a soulevé la question de savoir si l’agent avait le pouvoir de dispenser le demandeur de l’application de la restriction énoncée à l’article 38 de la LIPR. Pour les motifs que l’avocate de M. Gondal a exposés en se fondant le nouveau Guide opérationnel, je suis d’avis que l’agent était investi de ce pouvoir.

 

 


JUGEMENT

 

La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision par laquelle l’agent a rejeté la demande de résidence permanente que le demandeur a présentée au Canada pour des considérations d’ordre humanitaire est infirmée et la demande doit être réexaminée par un agent différent. Aucune question à certifier n’est proposée.

 

 

« François Lemieux »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑4820‑11

 

INTITULÉ :                                                  MUHAMMAD ASHRAF GONDAL c
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 16 avril 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                       LE JUGE LEMIEUX

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 28 novembre 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Melody Mirzaagha

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Martin Anderson

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Green and Spiegel, LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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