Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 


Date : 20130207

Dossier : IMM-846-12

Référence : 2013 CF 136

[Traduction française certifiée, non révisée]

ENTRE :

 

THADCHANAMOORTHY MAYILVAHANAM

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE PHELAN

 

I.          INTRODUCTION

[1]               Voici de brefs motifs d’une décision rendue de vive voix à l’audience et faisant droit à la présente demande de contrôle judiciaire. L’affaire porte entièrement sur l’équité procédurale – ou l’absence de celle‑ci en l’espèce.

 

II.        FAITS

[2]               Le demandeur est un ressortissant du Sri Lanka d’origine tamoule. Il a demandé l’asile le 14 juillet 2010.

 

[3]               L’audience initiale était prévue pour le 14 octobre 2011, mais à la demande de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la CISR], elle a été repoussée au 18 novembre 2011. L’audience a été reportée de nouveau, à la demande de l’avocat du demandeur pour cause de vacances, cette fois au 18 décembre 2011.

 

[4]               Lorsque le demandeur s’est présenté au cabinet de son avocat avant l’audience prévue, celui‑ci lui a fait savoir qu’il n’était pas disponible en raison d’un conflit d’horaire et que le demandeur devait se rendre seul à l’audience de la CISR et demander un ajournement. Le dernier ajournement demandé le 18 décembre 2011 n’a pas été accordé.

 

[5]               Le commissaire a conclu qu’il ne jugeait pas raisonnable la raison de la demande d’ajournement étant donné que le dossier était en instance depuis un an et demi et qu’il y avait eu amplement de temps pour se préparer.

 

[6]               Le passage qui suit donne une bonne idée du ton de l’audience et de la réceptivité du commissaire face à la situation du demandeur :

[traduction]

Le commissaire : Je rejette votre demande comme je l’ai mentionné plus tôt, et je ne me répèterai pas. Étant donné que vous n’êtes pas prêt à être entendu, je vais prononcer le désistement de votre demande, ce qui signifie que votre dossier est clos. Que dites‑vous Monsieur?

 

Le demandeur : Vous allez quoi?

 

Le commissaire : Si je prononce le désistement de votre demande, votre dossier est clos. Quelle est votre réponse finale? Plus d’ajournements.

 

Le demandeur : D’accord, est-il possible d’avoir une nouvelle date?

 

Le commissaire : Pardon?

 

Le demandeur : Est‑il possible d’avoir une autre date?

 

Le commissaire : Non. Donnez‑moi votre réponse finale, Monsieur. On entend l’affaire ou pas?

 

Le demandeur : Je ne peux pas être entendu sans mon avocat, non.

 

Le commissaire : D’accord; il est maintenant inscrit au dossier que le demandeur d’asile ne souhaite pas être entendu, et je prononce le désistement de sa demande.

 

Le demandeur : Excusez‑moi, je reçois des lettres…

 

(DCT, aux paragraphes 151 et 152.)

 

III.       ANALYSE

[7]               Il s’agit d’une question d’équité procédurale assujettie à la norme de la décision correcte (Vasquez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 385, 407 FTR 167). Même si la question en litige était le caractère raisonnable de la décision du commissaire, le résultat serait le même.

 

[8]               Les désistements sont régis par l’article 58 (maintenant l’article 65 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012‑256).

58. (1) La Section peut prononcer le désistement d’une demande d’asile sans donner au demandeur d’asile la possibilité d’expliquer pourquoi le désistement ne devrait pas être prononcé si, à la fois :

 

 

a) elle n’a reçu ni les coordonnées, ni le formulaire sur les renseignements personnels du demandeur d’asile dans les vingt-huit jours suivant la date à laquelle ce dernier a reçu le formulaire;

 

b) ni le ministre, ni le conseil du demandeur d’asile, le cas échéant, ne connaissent ces coordonnées.

 

 (2) Dans tout autre cas, la Section donne au demandeur d’asile la possibilité d’expliquer pourquoi le désistement ne devrait pas être prononcé. Elle lui donne cette possibilité :

 

 

a) sur-le-champ, dans le cas où il est présent à l’audience et où la Section juge qu’il est équitable de le faire;

 

 

b) dans le cas contraire, au cours d’une audience spéciale dont la Section l’a avisé par écrit.

 

 (3) Pour décider si elle prononce le désistement, la Section prend en considération les explications données par le demandeur d’asile à l’audience et tout autre élément pertinent, notamment le fait que le demandeur d’asile est prêt à commencer ou à poursuivre l’affaire.

 

 (4) Si la Section décide de ne pas prononcer le désistement, elle commence ou poursuit l’affaire sans délai.

58. (1) A claim may be declared abandoned, without giving the claimant an opportunity to explain why the claim should not be declared abandoned, if

 

 

 

 

(a) the Division has not received the claimant’s contact information and their Personal Information Form within 28 days after the claimant received the form; and

 

 

(b) the Minister and the claimant’s counsel, if any, do not have the claimant’s contact information.

 

 (2) In every other case, the Division must give the claimant an opportunity to explain why the claim should not be declared abandoned. The Division must give this opportunity

 

(a) immediately, if the claimant is present at the hearing and the Division considers that it is fair to do so; or

 

(b) in any other case, by way of a special hearing after notifying the claimant in writing.

 

 (3) The Division must consider, in deciding if the claim should be declared abandoned, the explanations given by the claimant at the hearing and any other relevant information, including the fact that the claimant is ready to start or continue the proceedings.

 

 (4) If the Division decides not to declare the claim abandoned, it must start or continue the proceedings without delay.

 

Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002‑228

 

[9]               Comme il est affirmé dans Ahamad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1re inst.), [2000] 3 CF 109, 184 FTR 283, il y a désistement lorsque le demandeur n’est pas intéressé à poursuivre sa demande. Selon la preuve en l’espèce, le demandeur souhaitait être entendu, mais avait été abandonné par son avocat.

 

[10]           Le commissaire n’a pas tenu compte de tous les faits pertinents, se concentrant plutôt sur le temps passé par la demande dans le système de la CISR.

 

[11]           Les éléments de preuve montrent clairement que le demandeur souhaitait être entendu. Le seul désistement relevé ici est le désistement de l’avocat du demandeur. Si ce dernier, et c’est la tragique ironie ici, avait dit au demandeur de ne pas se présenter à l’audience, le demandeur aurait eu droit à une audience de justification et, peut‑être, à une meilleure possibilité d’aborder la question du désistement.

 

[12]           La décision de la CISR est injuste et déraisonnable, marquée par une interprétation étroite et dépourvue d’équité. Le seul désistement en l’espèce est le désistement de l’avocat.

 

 

 

 

IV.       CONCLUSION

[13]           Pour ces motifs, le contrôle judiciaire est accueilli, la décision est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre commissaire pour qu’il rende une nouvelle décision (si la question du désistement se pose encore).

 

[14]           Il n’y a pas de question à certifier.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

Ottawa (Ontario)

Le 7 février 2013

 


COURT FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-846-12

 

INTITULÉ :                                      THADCHANAMOORTHY MAYILVAHANAM

 

                                                            et

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 15 janvier 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :           Le juge Phelan

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 7 février 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Meghan Wilson

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Stephen Jarvis

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jackman and Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

M. William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.