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Date : 20130228

Dossier : IMM‑4105‑11

Référence : 2013 CF 210

[traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 28 février 2013

En présence de monsieur le juge Mandamin

 

 

ENTRE :

 

MARIA ALEJANDRA POSADA ARCILA

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande, présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la Loi), sollicitant le contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, datée du 13 mai 2011. La SPR a rejeté la demande de la demanderesse de rétablir sa demande d’asile en vertu de l’article 53 des Règles de la Section de la protection des réfugiés [les Règles de la SPR].

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, la présente demande est rejetée.

 

Le contexte

 

[3]               La demanderesse, Maria Alejandra Posada Arcila, est une citoyenne de la Colombie. Elle a été désignée comme demandeure d’asile mineure dans la demande d’asile de sa mère. Sa mère a signé et déposé le FRP de la demanderesse, car cette dernière n’avait que 17 ans à ce moment‑là.

 

[4]               La demanderesse déclare que le 29 décembre 2010, sa mère et elle ont eu une vive altercation et qu’en raison de celle‑ci, elle a pris la décision dangereuse et irrationnelle de téléphoner à l’Immigration et de demander l’annulation de sa demande d’asile afin de pouvoir obtenir son passeport et de retourner en Colombie.

 

[5]               Elle déclare que peu après, elle s’est rendu compte qu’elle avait agi de façon très téméraire en demandant le retrait de sa demande d’asile. Elle soutient aussi que le 19 janvier 2011, elle a rédigé une lettre à l’intention de l’Immigration, dans laquelle elle demandait que sa demande ne soit pas retirée. Elle n’a toutefois pas envoyé cette lettre parce qu’elle souhaitait tout d’abord consulter un avocat et lui montrer la lettre.

 

[6]               La demanderesse soutient qu’elle a obtenu l’aide juridique uniquement en mars 2011 et que l’obtention du FRP de sa mère, qui contenait le récit sur lequel elle fondait sa demande, avait également pris un certain temps. Elle a présenté une demande en rétablissement de sa demande d’asile le 24 mars 2011.

 

La décision faisant l’objet du contrôle

 

[7]               Dans les motifs de sa décision, datée du 13 mai 2011, la SPR souligne que la Commission a reçu la demande de retrait de la demande d’asile le 30 décembre 2010, indiquant que la demanderesse voulait retourner en Colombie. Le 4 janvier 2011, la demanderesse a envoyé par télécopieur une nouvelle note indiquant qu’elle avait une réservation sur un vol à destination de Bogotá le 15 janvier et qu’elle avait donc besoin de son passeport le plus rapidement possible. Dans cette note, la demanderesse indique son père lui avait envoyé son passeport par UPS le 20 décembre 2010, mais que celui‑ci avait été saisi par les douanes.

 

[8]               La SPR a reconnu le témoignage de la demanderesse indiquant qu’elle avait retiré sa demande d’asile de façon impulsive et téméraire en raison de la querelle avec sa mère. La SPR a également souligné la prétention de la demanderesse voulant qu’elle ait rédigé la lettre du 19 janvier sans jamais l’envoyer.

 

[9]               La SPR a déclaré qu’elle avait compétence pour rétablir la demande d’asile uniquement en cas de manquement à la justice naturelle ou s’il était par ailleurs dans l’intérêt de la justice de le faire. La SPR a conclu qu’il n’y avait eu aucun manquement à la justice naturelle parce que la demanderesse avait volontairement fait toutes les démarches afin de retourner dans son pays. La SPR a indiqué que son père avait envoyé le passeport plusieurs jours avant la querelle alléguée entre la demanderesse et sa mère le 29 décembre 2010. De plus, la demanderesse était majeure lorsqu’elle a pris sa décision et son défaut de prendre en compte les conséquences ne constituait pas un manquement à la justice naturelle.

 

[10]           La SPR a poursuivi en indiquant qu’en vertu de l’article 44 des Règles de la SPR, la demande en rétablissement d’une demande d’asile doit être faite sans délai. La SPR a conclu que la demanderesse n’avait pas agi sans délai, car elle a présenté sa demande en rétablissement près de trois mois après avoir retiré sa demande.

 

[11]           La SPR a conclu que le comportement de la demanderesse n’était pas celui d’une personne qui disait véritablement craindre pour sa vie si elle retournait en Colombie. Elle n’avait pas expliqué la raison pour laquelle elle n’avait pas pris le vol du 15 janvier 2011 à destination de la Colombie, pas plus qu’elle n’a fourni d’explication satisfaisante concernant le fait qu’elle n’avait pas retenu les services d’un avocat avant mars 2011. La SPR a également indiqué qu’elle aurait pu obtenir son FRP sur demande et a donc rejeté l’allégation de la demanderesse voulant que le délai ait été imputable à l’attente de recevoir son propre FRP.

 

[12]           La Commission a conclu que la preuve n’avait pas démontré qu’il serait dans l’intérêt de justice de rétablir la demande d’asile de la demanderesse et a donc rejeté la demande en rétablissement.

 

Dispositions législatives pertinentes

 

[13]           Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002‑228.

 

44. (1) Sauf indication contraire des présentes règles, toute demande est faite sans délai par écrit. La Section peut permettre que la demande soit faite oralement pendant une procédure si la partie n’aurait pu, malgré des efforts raisonnables, le faire par écrit avant la procédure…

 

 

53. (1) Toute personne peut demander à la Section de rétablir la demande d’asile qu’elle a faite et ensuite retirée.

 

Forme et contenu de la demande

 

(2) La personne fait sa demande selon la règle 44; elle y indique ses coordonnées et transmet une copie de la demande au ministre.

 

Éléments à considérer

 

(3) La Section accueille la demande soit sur preuve du manquement à un principe de justice naturelle, soit s’il est par ailleurs dans l’intérêt de la justice de le faire.

 

44. (1) Unless these Rules provide otherwise, an application must be made in writing and without delay. The Division may allow a party to make an application orally at a proceeding if the party with reasonable effort could not have made a written application before the proceeding…

 

53. (1) A person may apply to the Division to reinstate a claim that was made by that person and withdrawn.

 

 

Form and content of application

 

(2) The person must follow rule 44, include their contact information in the application and provide a copy of the application to the Minister.

 

Factors

 

(3) The Division must allow the application if it is established that there was a failure to observe a principle of natural justice or if it is otherwise in the interests of justice to allow the application.

 

 

La question en litige

 

[14]           La présente demande soulève la question de savoir si la décision de la SPR de refuser de rétablir la demande d’asile de la demanderesse était raisonnable.

 

La norme de contrôle

 

[15]           La question de savoir si une demande d’asile doit être rétablie en vertu de l’article 53 des Règles de la SPR est une question mixte de fait et de droit et elle doit, par conséquent, être examinée selon la norme de la raisonnabilité (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], De Lourdes Diaz Ordaz Castillo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1185, au paragraphe 3 [De Lourdes]).

 

Analyse

 

[16]           Lorsque la SPR doit se prononcer sur une demande en rétablissement de demande d’asile, elle doit examiner la question de savoir s’il y a eu manquement à un principe de justice naturelle ou s’il est dans l’intérêt de la justice de rétablir la demande (De Lourdes, au paragraphe 7). De plus, la Cour a également conclu que le rétablissement est une exception à la norme (Ohanyan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1078 [Ohanyan].

 

Manquement à un principe de justice naturelle

 

[17]           La demanderesse ne présente aucun argument de fond selon lequel il y a eu manquement à la justice naturelle, si ce n’est qu’elle dit avoir posé son geste lorsqu’elle était uniquement âgée de 18 ans et qu’elle comprend maintenant qu’il était mal avisé et dangereux. Elle déclare avoir amorcé le processus de demande de réouverture de sa demande d’asile le 19 janvier 2011, mais n’avoir présenté sa demande que le 23 mars 2011 après avoir obtenu les services d’un avocat.

 

[18]           La SPR s’est demandé s’il y avait eu manquement à un principe de justice naturelle. Elle a jugé qu’elle ne pouvait conclure qu’il y avait eu un tel manquement parce que la demanderesse avait agi volontairement et sans contrainte. De plus, la demanderesse avait fait plus tôt des démarches pour retourner en Colombie en demandant à son père de lui envoyer son passeport le 20 décembre 2010, avant l’affrontement avec sa mère le 29 décembre 2010.

 

[19]           La SPR a indiqué que la demanderesse était majeure lorsqu’elle a pris sa décision et a conclu que le défaut de la demanderesse de se renseigner ne découlait pas d’un manquement à la justice naturelle de la part de la SPR.

 

[20]           Je conclus que la décision rendue par la SPR est raisonnable. Elle a examiné la question à la lumière des éléments de preuves qui lui ont été présentés et qui émanaient principalement de l’affidavit de la demanderesse. La décision de la SPR sur ce point appartient aux issues raisonnables.

 

Le rétablissement est‑il dans l’intérêt de la justice?

 

[21]           La demanderesse soutient qu’au cours de la semaine suivant le retrait de sa demande d’asile, elle a changé d’avis et rédigé une lettre pour demander la réouverture de sa demande. Elle n’a cependant pas envoyé la lettre. Elle déclare avoir été avisée d’obtenir l’aide d’un avocat. Elle prétend qu’elle tentait d’obtenir des documents, plus précisément son Formulaire de renseignements personnels [FRP] ainsi que celui de sa mère. Selon ses dires, elle n’a obtenu les documents de sa mère que le 10 mars 2011 par l’entremise de l’avocat de celle‑ci. Selon la demanderesse, son FRP ne contenait pas le récit de sa mère. Elle ajoute avoir consulté un avocat en janvier 2011, mais n’était pas en mesure de retenir les services d’un avocat avant d’obtenir l’aide juridique. Elle a présenté une demande d’aide juridique le 19 janvier 2011 et a pu retenir les services d’un avocat le 1er mars 2011.

 

[22]           Selon la demanderesse, la conclusion selon laquelle elle ne s’est pas préoccupée de consulter un avocat avant mars 2011 est une mauvaise appréciation des faits importants.

 

[23]           Certains éléments de preuve que la demanderesse a présentés dans le cadre de la présente audience n’avaient pas été présentés à la SPR lorsqu’elle a pris sa décision. Je conviens avec le défendeur que de tels éléments de preuve ne peuvent être pris en compte lors de l’appréciation du caractère raisonnable de la décision de la SPR (Kabama c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1128, aux paragraphes 4 et 5 [Kabama]).

 

[24]           Selon la SPR, Ohanyan exigeait de sa part qu’elle pèse toutes les circonstances d’une affaire, et non pas uniquement sous l’angle des intérêts d’un demandeur. Elle a indiqué que le comportement de la demanderesse n’était pas celui d’une personne qui dit craindre pour sa vie si elle retournait en Colombie. La note que la demanderesse a rédigée en janvier n’a pas été envoyée à la SPR à ce moment‑là. La SPR a fait observer que la demanderesse n’a pas expliqué la raison pour laquelle elle n’a pas pris le vol qu’elle avait réservé le 15 janvier 2011, pas plus qu’elle n’a expliqué la raison pour laquelle elle a tardé jusqu’en mars 2011 pour retenir les services d’un avocat. Enfin, la SPR a tenu compte de la prétention de la demanderesse selon laquelle elle attendait son FRP avant de présenter sa demande en rétablissement et avait eu de la difficulté à l’obtenir. La SPR a fait observer que si la demanderesse l’avait demandé au bureau de la SPR, elle en aurait obtenu copie.

 

[25]           En réponse à une question posée par la Cour, le défendeur a par la suite confirmé que la demanderesse pouvait obtenir son propre FRP en présentant directement une demande au bureau de la SPR.

 

[26]           Au moment où la demanderesse a présenté sa demande, elle avait obtenu les services d’un avocat et rien n’indique qu’elle avait été empêchée de fournir plus d’éléments de preuve à la SPR pour compléter le tableau concernant sa situation. En raison du caractère exceptionnel du rétablissement d’une demande d’asile et de la faiblesse de la preuve fournie par la demanderesse à la SPR, je conclus que la décision de la SPR sur la question de l’examen de l’intérêt de la justice est raisonnable.

 

Demande de sursis

 

[27]           La demanderesse présente également des observations concernant un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi. Plus particulièrement, elle dit que sa demande d’asile n’a pas été entendue au fond et qu’elle subira un tort irréparable si elle est renvoyée en Colombie.

 

[28]           Le défendeur soutient que cette demande est prématurée, puisque la Cour a statué que jusqu’à ce qu’un ordre de se présenter soit délivré, [traduction] « la Cour n’a aucun objet à l’égard duquel surseoir ». Le défendeur indique également qu’en raison de sa demande d’ERAR en instance, la loi prévoit un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi dont bénéficie la demanderesse.

 

[29]           En ce qui concerne la demande de sursis à l’exécution de la mesure de renvoi, la demanderesse n’a pas, comme le fait valoir le défendeur, reçu d’ordre de se présenter et elle jouit d’un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi prévu par la loi pendant le traitement de sa demande d’ERAR. En l’absence d’un ordre de se présenter, cette demande est prématurée.

 

[30]           La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 


JUGEMENT

 

La cour ordonne :

 

            1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« Leonard S. Mandamin »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑4105‑11

 

 

INTITULÉ :                                                  MARIA ALEJANDRA POSADA ARCILA c
Le ministre de la Citoyenneté
et de l’Immigration

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 26 janvier 2012

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE MANDAMIN

 

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 28 février 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Stephen Schmidt

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Leila Jawando

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

J. Stephen Schmidt Professional Corporation

Kitchener (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Myles J. Kirvin

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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