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Date : 20130306

Dossier : IMM-5387-12

Référence : 2013 CF 234

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 6 mars 2013

En présence de monsieur le juge Manson

 

ENTRE :

DALAL EL KAISSI
(alias DALAL FAHED EL KAISSI),
KHEIREDDINE KADDOURA et
CHAYMAA RIM KADDOURA,
NASIMMA KADDOURA,
FAHED KADDOURA
(alias FAHED KHEIREDDI KADDOURA),
KHALED KADDOURA
(alias KALED KHEIRRED KADDOURA), et
KAMEL KADDOURA
(alias KAMEL KHEIREDDI KADDOURA),
représentés par leur tuteur à l’instance,
KHEIREDDINE KADDOURA

 

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi], relativement à une décision datée du 9 mai 2012 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la Commission] a conclu que les demandeurs n’avaient ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger.

 

I.          Le contexte

[2]               Les demandeurs adultes (Mme Dalal El Kaissi et M. Kheireddine Kaddoura), ainsi que trois de leurs enfants : Chaymaa Rim Kaddoura, Nassima Kaddoura et Kamel Kaddoura, sont citoyens du Liban. Les deux autres enfants du couple (Fahed Kaddoura et Khaled Kaddoura) sont citoyens des États-Unis.

 

[3]               Au cours de l’été de 1999, deux hommes masqués ont fait irruption dans la maison d’été des demandeurs, à Al Hibaria, qui se trouvait dans un territoire occupé par l’armée israélienne. Les hommes disaient fuir les Israéliens et cherchaient un endroit où se cacher. M. Kheireddine Kaddoura [le demandeur principal, ou le DP] a refusé que les hommes se cachent dans la maison et a menacé de contacter l’officier israélien qui patrouillait le secteur s’ils ne s’en allaient pas. Les hommes lui ont dit que s’il ne les aidait pas, ils les tueraient, lui et sa famille, et ils l’ont accusé de collaborer avec les Israéliens. Le DP a cru que ces hommes étaient associés au Hezbollah parce qu’ils avaient un accent chiite et fuyaient les Israéliens.

 

[4]               En 2000, le Hezbollah a pris le contrôle de la région entourant la maison d’été des demandeurs, et ces derniers sont partis se cacher dans le nord du Liban. Vers ce moment-là, la mère du DP est allée jeter un coup d’œil à la maison d’été et a découvert que des membres du Hezbollah l’occupaient.

 

[5]               Les demandeurs ont décidé de s’enfuir au Bénin le 11 août 2000.

 

[6]               En 2005, le DP a appris que son frère avait été détenu par les autorités libanaises et interrogé au sujet de l’endroit où il se trouvait. Incapables de rester au Bénin et craignant de rentrer au Liban, les demandeurs sont partis pour les États-Unis, où ils sont arrivés le 13 mars 2005. Suivant des conseils qu’ils avaient censément reçus, ils ont décidé de ne pas demander l’asile à leur arrivée aux États-Unis, mais ils ont décidé de le faire en 2008 quand ils été l’objet de mesures de renvoi.

 

[7]               Le 2 septembre 2009, les demandeurs sont arrivés au Canada et ont sollicité l’asile au point d’entrée, à Windsor (Ontario).

 

[8]               Dans une décision datée du 11 février 2011, la Commission a rejeté au départ la demande d’asile des demandeurs. Le juge David G. Near, de la présente Cour, a ensuite accueilli la demande de contrôle judiciaire concernant cette décision parce que l’incompétence du conseil des demandeurs avait occasionné un manquement à l’équité procédurale (El Kaissi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1234). Il a toutefois conclu que l’évaluation de la Commission quant au temps qu’avaient mis les demandeurs avant de solliciter l’asile aux États-Unis était raisonnable, de même que la conclusion selon laquelle le DP n’avait pas établi l’existence d’une crainte subjective de persécution.

 

[9]               En février 2012, le cousin germain du DP, dont ce dernier est proche, a été arrêté et accusé d’espionnage pour le compte d’Israël contre le Liban.

 

[10]           Le DP soutient également qu’un mandat d’arrestation le visant a été confirmé en 2007 et que, en date du 20 mars 2012, il était toujours sous le coup d’un tel mandat. Cependant, ce dernier ne précise pas le motif pour lequel il a été lancé et il concerne l’arrestation du DP.

 

II.        Les questions en litige

[11]           Les demandeurs soulèvent les questions qui suivent :

A.    La Commission a-t-elle commis une erreur en tirant une conclusion défavorable quant à la crédibilité?

B.     La Commission a-t-elle commis une erreur en ne confrontant pas le DP aux doutes qu’elle avait sur ses antécédents de travail?

C.     La Commission, dans son analyse portant sur l’article 96, a-t-elle commis une erreur en appliquant la norme de preuve incorrecte à une crainte fondée de persécution?

 

III.       La norme de contrôle applicable

[12]           La conclusion que tire la Commission quant à la crédibilité est une question de fait, susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, aux paragraphes 51 et 53 [Dunsmuir]).

 

[13]           La norme de la décision raisonnable tient « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59).

 

[14]           La deuxième question, qui a trait à l’équité procédurale, est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte (Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) c Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, au paragraphe 100; Sketchley c Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, au paragraphe 54).

 

[15]           La troisième question est une question de droit, elle aussi susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte (Mugadza c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 122, au paragraphe 10).

 

IV.       L’analyse

A.        La Commission a-t-elle commis une erreur en tirant une conclusion défavorable quant à  la crédibilité?

[16]           La Commission a conclu qu’il n’était pas crédible qu’on n’ait pas découvert le DP pendant qu’il se cachait dans le nord du Liban, car il s’agit d’un petit pays. Selon les demandeurs, il ressort clairement de la preuve documentaire que le Hezbollah était basé dans le sud du pays en 2000 et il n’était donc pas raisonnable de tirer une conclusion défavorable quant à la crédibilité. Ils soutiennent par ailleurs que la confirmation du mandat d’arrestation du DP, lancé en 2007, après les incidents qui, aux dires des demandeurs, sont survenus en 2000, concorde avec l’expansion de l’emprise du Hezbollah sur l’État libanais entre les années 2000 et 2012.

 

[17]           Aucun élément de preuve soumis au commissaire ne permettait, selon moi, de dire que le Hezbollah aurait pu trouver le DP pendant que celui-ci se cachait dans le nord du Liban en 2000. Je ne relève pas non plus de preuve indiquant qu’en 2000 le Hezbollah exerçait au Liban une influence politique suffisante pour obtenir qu’un mandat d’arrestation soit lancé contre le DP et, de ce fait, la Commission a commis une erreur en tirant des inférences défavorables en rapport avec ces questions.

 

[18]           De plus, le fait que la Commission se soit fondée sur une « pièce C‑4 » inexistante dans son analyse relative à la crédibilité ainsi que sur des faits qui ne lui étaient même pas soumis en rapport avec les soins médicaux et dentaires dont le DP avait eu besoin, après avoir été censément roué de coups par le Hezbollah, renforce l’idée que la Commission a tiré des conclusions manifestement déraisonnables à propos de la crédibilité générale du DP. Il ne s’agit pas là d’une simple erreur d’écriture.

 

[19]           La Commission a par ailleurs conclu que le temps mis par le DP pour solliciter l’asile aux États-Unis avait une incidence défavorable sur sa crédibilité. Les demandeurs ont répliqué que la Commission avait minimisé de façon déraisonnable le témoignage du DP selon lequel ce dernier n’avait pas sollicité l’asile aux États-Unis parce qu’il croyait vraiment qu’il obtiendrait le statut de résident permanent par l’entremise de son fils, qui le parrainerait une fois qu’il serait âgé de 18 ans, se fondant à cet égard sur les décisions rendues dans les affaires Papsouev c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] ACF no 769, au paragraphe 20, et Espinosa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1324, au paragraphe 17). La preuve du DP est que, même s’il n’avait pas communiqué avec un spécialiste en droit de l’immigration, il s’était renseigné auprès de sa [traduction] « collectivité, […] d’amis et […] de personnes ordinaires » pour savoir s’il devait demander l’asile ou pas aux États-Unis.

 

[20]           Il n’est pas déraisonnable qu’une personne craingnant avec raison d’être persécutée attende ce qu’elle croit être un moyen plus sûr d’obtenir la résidence permanente, plutôt que de déposer une demande d’asile. Il était déraisonnable pour la Commission de conclure, en se fondant sur les preuves qu’elle avait en main, que les demandeurs n’avaient [traduction] « aucunement » l’intention de solliciter l’asile aux États-Unis. La Cour n’a pas à « réévaluer » les éléments de preuve soumis à la Commission, mais la déférence doit reposer sur des conclusions de fait raisonnables.

 

B.        La Commission a-t-elle commis une erreur en ne confrontant pas le DP aux doutes qu’elle avait sur ses antécédents de travail?

[21]           Les demandeurs soutiennent que la Commission a manqué à la justice naturelle en omettant de leur faire part de ses doutes sur les antécédents de travail du DP, lesquels indiquaient que ce dernier avait travaillé à Saika (Liban) jusqu’en août 2000, mais que cela contredisait son témoignage, à savoir qu’à compter du mois de mai 2000 il s’était caché dans le nord du Liban. Le DP estime qu’il aurait pu expliquer cette incohérence si on la lui avait soumise, car il exerçait un [traduction] « travail autonome » et son entreprise avait continué de fonctionner, même si  lui-même vivait caché.

 

[22]           Je me fonde sur la décision Lawal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 558, aux paragraphes 16 et 17, où la Cour conclut que la Commission n’a pas à demander d’explications à un demandeur au sujet d’une contradiction :

16        L’avocat du demandeur a invoqué que la Commission avait porté atteinte à l’équité procédurale en omettant d’offrir la possibilité au demandeur de donner des explications quant aux importantes contradictions apparentes quant au fait qu’il travaillait pour son propre compte pendant qu’il vivait clandestinement. À l’audience, l’avocat du demandeur a précisé que, puisqu’il travaillait pour son propre compte, le demandeur n’avait pas à être présent physiquement sur les lieux de travail et qu’il avait donc pu travailler en se cachant.

 

17        Je conviens avec le défendeur que la Commission n’avait pas à lui demander des explications au sujet de contradictions évidentes figurant dans son récit. Il n’est pas vraiment clair si le demandeur a été enlevé; son père ne fait pas mention de cet incident dans son affidavit, et un de ses amis a mentionné dans son affidavit qu’il avait été enlevé sur l’autoroute. Néanmoins, une lecture normale du récit du FRP pourrait permettre de croire que le demandeur a été enlevé et détenu pendant deux jours (comme semble l’indiquer le demandeur lorsqu’il dit que les hommes de main « sont revenus »). De surcroît, je ne suis pas d’avis qu’il était déraisonnable de la part de la Commission de conclure que le demandeur ne se cachait pas puisqu’il avait pu habiter au même endroit de la mi-avril à novembre et qu’il avait pu travailler comme commerçant pendant ce temps. Qu’il ait ou non dû être physiquement présent pour mener ses affaires, il reste que c’est là qu’il a habité pendant plus de six mois sans changer d’endroit.

 

 

[23]           Je signale également les critères qu’énonce la juge Danièle Tremblay-Lamer dans la décision Ngongo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] ACF no 1627, au paragraphe 16 :

16        À mon avis, il s’agit de regarder dans chaque dossier la situation factuelle, la législation applicable et la nature des contradictions notées. Les facteurs suivants peuvent servir de guide :

 

1. La contradiction a-t-elle été découverte après une analyse minutieuse de la transcription ou de l’enregistrement de l’audience ou était-elle évidente?

 

2. S’agissait-il d’une réponse à une question directe du tribunal?

 

3. S’agissait-il d’une contradiction réelle ou uniquement d’un labsus [sic]?

 

4. Le demandeur était-il représenté par avocat, auquel cas celui-ci pouvait l’interroger sur toute contradiction?

 

5. Le demandeur communiquait-il au moyen d’interprète? L’usage d’un interprète rend les méprises attribuables à l’interprétation (et alors, les contradictions) plus probables.

 

6. Le tribunal fonde-t-il sa décision sur une seule contradiction ou sa décision est-elle fondée sur plusieurs contradictions ou invraisemblances?

 

 

[24]           Je conclus qu’en l’espèce la contradiction était évidente et résultait d’une divergence entre les antécédents de travail que le DP avait déclarés et l’exposé circonstancié de son FRP, et non d’une analyse minutieuse, et que le DP était représenté par un conseil. Il n’y a pas eu de manquement à la justice naturelle.

 

C.        La Commission, dans son analyse portant sur l’article 96,  a-t-elle commis une erreur en appliquant la norme de preuve incorrecte à une crainte fondée de persécution?

[25]           Les demandeurs sont d’avis que le commissaire a commis une erreur en exigeant des éléments de preuve « clairs et convaincants » que leur vie était à risque, au paragraphe 33 de la décision :

Le tribunal ne dispose pas non plus de suffisamment d’éléments de preuve clairs et convaincants que la vie des demandeurs serait menacée du fait d’avoir prétendumément [sic] collaboré avec Israël ou de l’arrestation récente et de la détention du cousin du demandeur d’asile par les autorités.

 

 

[26]           Par ailleurs, les demandeurs soutiennent que la Commission, aussi bien en apparence qu’en réalité, a exigé une norme de preuve déraisonnablement rigoureuse. Ils ne peuvent pas être sûrs et certains qu’ils courent un risque d’être victimes du Hezbollah au Liban, affirment-ils, mais il est possible de déduire de leurs allégations qu’ils s’exposent à une possibilité sérieuse de risque.

 

[27]           Dans l’arrêt Adjei c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] ACF no 67, [1989] 2 CF 680 (CAF), la Cour d’appel fédérale traite de la norme de preuve ou du critère juridique auquel doit satisfaire un revendicateur du statut de réfugié qui dit craindre d’être persécuté. Le juge MacGuigan déclare ce qui suit au sujet de la façon correcte d’interpréter la définition de « réfugié au sens de la Convention », à l’alinéa 2(1)a) de l’ancienne Loi sur l’immigration, une disposition que remplace l’actuel alinéa 96a) de la Loi :

Cependant, la question soulevée auprès de cette Cour portait plutôt sur le bien-fondé de la crainte subjective, l’élément dit objectif, qui veut que la crainte du réfugié soit appréciée objectivement pour déterminer si elle s’appuie sur des motifs valables.

 

 

Il n’est pas contesté que le critère objectif ne va pas jusqu’à exiger qu’il y ait probabilité de persécution. En d’autres termes, bien que le requérant soit tenu d’établir ses prétentions selon la prépondérance des probabilités, il n’a tout de même pas à prouver qu’il serait plus probable qu’il soit persécuté que le contraire. En effet, dans l’arrêt Arduengo v. Minister of Employment and Immigration (1982) 40 N.R. 436, à la page 437, le juge Heald, de la Section d’appel, a dit ce qui suit:

 

Par conséquent, j’estime que la Commission a commis une erreur en exigeant que le requérant et son épouse démontrent qu’ils seraient persécutés alors que la définition légale précitée exige seulement qu’ils établissent qu’ils craignent avec raison d’être persécutés. Le critère imposé par la Commission est plus rigoureux que celui qu’impose la Loi. [C’est moi qui souligne].

 

[…]

 

Nous adopterions cette formulation, qui nous semble équivalente à celle utilisée par le juge Pratte, de la Section d’appel, dans Seifu c. La Commission d’appel de l’immigration (A-277-822, en date du 12 janvier 1983):

 

[que] pour appuyer la conclusion qu’un requérant est un réfugié au sens de la Convention, il n’est pas nécessaire de prouver qu’il « avait été ou serait l’objet de mesures de persécution; ce que la preuve doit indiquer est que le requérant craint avec raison d’être persécuté pour l’une des raisons énoncées dans la Loi ». [C’est moi qui souligne].

 

Les expressions telles que « [craint] avec raison » et « chance raisonnable » signifient d’une part qu’il n’y a pas à y avoir une chance supérieure à 50 % (c’est-à-dire une probabilité), et d’autre part, qu’il doit exister davantage qu’une possibilité minime. Nous croyons que cela peut aussi être qualifié de possibilité « raisonnable » ou même de « possibilité sérieuse », par opposition à une simple possibilité.

 

[28]           Pour décider si la Commission a commis une erreur en appliquant la norme de preuve qui se rapporte à l’article 96 de la Loi, il faut que ses motifs soient considérés dans leur ensemble (IF c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1472, au paragraphe 24, et Alam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 4, au paragraphe 6).

 

[29]           Même si la Commission, aux paragraphes 38 et 39 de sa décision, a énoncé clairement et correctement la norme de preuve qui s’applique à une demande d’asile visée par l’article 97 de la Loi, elle n’a pas traité de la norme qu’il convient d’appliquer pour évaluer une demande fondée sur l’article 96.

 

[30]           La Commission a fait allusion à deux reprises à la norme de preuve qu’elle appliquait à la demande fondée sur l’article 96 des demandeurs :

Le tribunal ne dispose pas non plus de suffisamment d’éléments de preuve clairs et convaincants que la vie des demandeurs serait menacée du fait d’avoir prétendumément [sic] collaboré avec Israël ou de l’arrestation récente et de la détention du cousin du demandeur d’asile par les autorités.

 

[…] le tribunal s’est demandé s’il y avait du nouveau au sujet de leur situation qui indiquerait dans une analyse prospective que leur vie serait menacée par le Hezbollah aujourd’hui s’ils devaient retourner au Liban.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[31]           Le critère qui s’applique à l’élément objectif de la demande d’asile des demandeurs n’est pas de savoir s’ils ont été ou s’ils seraient victimes de persécution au Liban. Il s’agit plutôt de savoir s’il y a une possibilité sérieuse ou raisonnable qu’ils soient persécutés. La Commission n’a pas appliqué le bon critère pour ce qui est du bien-fondé de leur crainte subjective. Même considérés dans leur ensemble, les motifs de la Commission dénotent que les demandeurs ont été soumis à un fardeau de preuve excessif.

 

[32]           La Commission a donc commis une erreur en appliquant, dans son analyse portant sur l’article 96, une norme de preuve incorrecte à la crainte fondée de persécution des demandeurs.

 

[33]           Aucune observation n’a été présentée au sujet des deux demandeurs qui ont la citoyenneté des États-Unis, Fahed Kaddoura et Khaled Kaddoura, et, comme ils sont citoyens de ce pays, je ne vois aucune raison de faire droit à la demande à l’égard de l’un ou l’autre d’entre eux.

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie pour ce qui est des demandeurs suivants : Mme Dalal El Kaissi, M. Kheireddine Kaddoura, Chaymaa Rim Kaddoura, Nassima Kaddoura et Kamel Kaddoura, et l’affaire est renvoyée à un commissaire différent pour nouvel examen.
  2. La demande de contrôle judiciaire concernant les demandeurs Fahed Kaddoura et Khaled Kaddoura est rejetée.
  3. Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Michael D. Manson »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5389-12

 

INTITULÉ :                                      KAISSI et autres c. MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             LE 4 MARS 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS :                     LE 6 MARS 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Daniel Kingwell

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Brad Gotkin

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Mamann, Sandaluk & Kingwell LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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