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Date : 20130325

Dossier : T-208-13

Référence : 2013 CF 305

[traduction FRANÇAISE certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 25 mars 2013

En présence de monsieur le juge Zinn

 

ENTRE :

 

 

ALBERT ROSS DEEP, M.D., M.C.R.M. (C)

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

 

L’AGENCE DU REVENU DU CANADA (ANCIENNEMENT L’AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA) ET SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

 

défenderesses

 

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Les défenderesses présentent une requête par écrit, en vertu de l’article 369 des Règles des Cours fédérales, et visent à obtenir :

a)                  une ordonnance portant que la déclaration en l’espèce soit radiée en entier, sans autorisation de la modifier, et que, par conséquent, l’action soit rejetée;

b)                  subsidiairement, au cas où la Cour refuserait d’accorder la principale réparation demandée, une ordonnance donnant aux défenderesses 45 jours pour signifier et déposer une défense;

c)                  les dépens de la présente requête;

d)                 toute autre réparation demandée par les avocats et autorisée par la Cour.

 

[2]               Ce que sollicite le demandeur à l’encontre des défenderesses est énoncée au premier paragraphe de sa demande, qui se lit ainsi :

[traduction]

(1)        Dans la présente action, le demandeur sollicite expressément l’annulation, l’invalidation et la cassation licite de l’ordonnance du juge C. Miller, de la Cour canadienne de l’impôt, datée du 5 juin 2006, dans le dossier 2002‑2009 (IT)G, ainsi que de l’ordonnance de la Cour d’appel fédérale du 15 novembre 2007, dossier A‑284‑06, pour des motifs relatifs à la FRAUDE et à la DÉCOUVERTE SUBSÉQUENTE D’ÉLÉMENTS DE PREUVE à l’appui d’un ABUS DE POUVOIR ADMINISTRATIF DANS L’EXERCICE D’UNE CHARGE PUBLIQUE et de l’ingérence intentionnelle coordonnée ou complice dans les relations économiques, les gains, la fortune, les actifs, l’épargne‑retraite et le préjudice au crédit.

 

(2)        Le demandeur sollicite l’annulation complète des nouvelles cotisations établies par le ministre ainsi que l’annulation totale de l’ensemble des créances fiscales de l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) ainsi que l’annulation ou la levée de tout privilège grevant des biens personnels ou immobiliers ainsi que de toute réclamation visant des impôts qui seraient dus à l’ARC.

 

(3)               DES DOMMAGES‑INTÉRÊTS PARTICULIERS pour empiétement non nécessaire sur le temps du demandeur, empêchement de jouir de la vie, frais juridiques, tant sur le plan personnel que pour les services d’avocats engagés, transcription et frais judiciaires, préparation et conduite de l’instance à la Cour canadienne de l’impôt, frais liés à la Cour d’appel fédérale, perte d’une occasion d’affaires, entrave et obstruction relativement à un important litige concomitant qui affecte la source de revenu professionnel, production de coûts d’emprunt excessifs en raison d’un préjudice au crédit et un montant approximatif de 8 MILLIONS DE DOLLARS.

 

(4)               DES DOMMAGES‑INTÉRÊTS GÉNÉRAUX POUR MALICE ET ABSENCE DE BONNE FOI, caractérisées par l’insouciance, la négligence, l’inconduite grave, la faute lourde et l’abus de pouvoir administratif de 20 MILLIONS DE DOLLARS.

 

(5)               DES DOMMAGES‑INTÉRÊTS MAJORÉS ET DOMMAGES‑INTÉRÊTS PUNITIFS à la discrétion de la Cour – le demandeur propose la somme de 50 MILLIONS DE DOLLARS – pour décourager les actions arbitraires et abusives de l’État à l’encontre de citoyens canadiens ainsi que les manœuvres d’un système de confiscation entaché de tyrannie, de despotisme et de dictature, étrangères et inacceptable pour les Canadiens, et pour la complicité alléguée dans des dénonciations diffamatoires.

 

(6)               Les intérêts sur ces sommes, conformément à la Loi sur les tribunaux judiciaires, jusqu’à la date du paiement au demandeur.

 

(7)   LES DÉPENS à payer au demandeur sur la base d’une indemnisation partielle.

 

[3]               Les défenderesses soutiennent que l’action est [traduction] « une chose jugée, qu’elle est frivole et vexatoire, et qu’elle constitue un abus de la procédure de la Cour ». Elles affirment que la présente action constitue une attaque indirecte contre une décision de la Cour canadienne de l’impôt et elle soulève les mêmes questions que le demandeur a soulevé dans le cadre de deux instances antérieures à la Cour supérieure de justice de l’Ontario : la première action a été rejetée comme étant une chose jugée et un abus de procédure, dans une tentative de remettre en litige l’appel en matière d’impôt; la seconde action a été rejetée après que le demandeur, qu’on avait déclaré être un plaideur quérulent, s’est vu refuser l’autorisation de procéder.

 

[4]               Les dossiers déposés établissent les faits suivants.

 

[5]               L’Agence du revenu du Canada (l’ARC) a effectué une vérification des années d’imposition 1994 à 1997 du demandeur et elle a refusé la déduction de certaines dépenses. Le demandeur a interjeté appel des nouvelles cotisations à la Cour canadienne de l’impôt, laquelle a rendu un jugement le 5 juin 2006. Le premier paragraphe des motifs du jugement expose ainsi les grandes lignes des points en litige dont était saisie la Cour canadienne de l’impôt :

Le docteur Albert Deep est cardiologue. Au cours des dernières décennies, une préoccupation continue liée à divers litiges a fortement nui à sa capacité d’exercer sa profession à plein temps. Une question importante en l’espèce se rapporte à la déductibilité d’un montant de plus d’un million de dollars qui a été déduit au titre d’intérêts au cours des années 1994 à 1997, la déduction découlant d’une longue contestation de nature juridique entre le docteur Deep et la Banque de Montréal (la « BMO »). Pour les périodes pertinentes, le docteur Deep cherche également à déduire des frais juridiques de 84 300 $ à l’égard desquels le ministre du Revenu national a admis un montant de 29 135 $, des frais relatifs à une automobile s’élevant à 32 017 $ à l’égard desquels le ministre a admis un montant de 1 801 $, et des frais de bureau de 313 794 $ à l’égard desquels le ministre a admis un montant de 43 457 $. Le ministre soutient également que le docteur Deep a déclaré en moins son revenu de 1997 d’un montant d’environ 200 000 $.

 

[6]               L’appel du demandeur a été accueilli, du fait qu’on a autorisé quelques petites dépenses déductibles additionnelles par rapport à ce qui ressortait des avis de nouvelle cotisation. Toutefois, le juge a également conclu que le demandeur avait omis de déclarer un revenu d’entreprise de 193 213 $ pour l’année d’imposition 1997 et qu’il était passible de pénalités pour faute lourde aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu pour avoir fait « de faux énoncés à l’égard des intérêts et à l’égard de ses autres dépenses, en ce sens qu’il s’agissait de dépenses personnelles plutôt que de dépenses d’entreprise, et ce, dans des circonstances équivalant à une faute lourde ». Les dépens ont été octroyés à la Couronne.

 

[7]               Un appel à la Cour d’appel fédérale a été rejeté le 15 novembre 2007 : 2007 CAF 366. La Cour suprême du Canada a refusé l’autorisation de pourvoi le 19 juin 2008, ainsi qu’une requête en réexamen ultérieure.

 

[8]               Le demandeur a aussi introduit une action à la Cour supérieure de l’Ontario, le 5 septembre 2005, contre l’Agence du revenu du Canada (anciennement l’Agence des douanes et du revenu du Canada) et Sa Majesté la Reine, entre autres, dans laquelle il alléguait qu’il y avait de la négligence et une assertion inexacte dans la nouvelle cotisation. Cette action fut suspendue durant l’instance devant la Cour canadienne de l’impôt et par la suite rejetée comme étant un abus de procédure :

[traduction]

 

Comme il n’a pas eu gain de cause ni à la Cour canadienne de l’impôt, ni à la Cour d’appel fédérale (appel rejeté), ni à la Cour suprême du Canada (autorisation refusée), le Dr Deep tente maintenant de remettre en litige ses nouvelles cotisations d’impôt pour les années 1993 à 1997 en continuant une action en responsabilité délictuelle en vue d’obtenir des dommages‑intérêts dans la présente cour. L’action est une attaque indirecte contre la décision de la Cour canadienne de l’impôt. Les questions en litige dans la présente action (les erreurs qui auraient été commises en matière d’impôt et les violations de la Charte) ont été entièrement jugées. La présente action constitue donc un abus de procédure.

 

Un appel interjeté à la Cour d’appel de l’Ontario a été rejeté le 8 octobre 2010.

 

[9]               Par la suite, la Cour supérieure de l’Ontario a déclaré que le demandeur était un plaideur quérulent et lui a refusé l’autorisation de continuer une deuxième action qu’il avait introduite devant cette cour contre les mêmes défenderesses que dans son action précédente. Voici ce qui était sollicité dans la deuxième action :

[traduction]

 

(1)     Que la décision de la Cour canadienne de l’impôt, datée du 5 juin 2006, et l’arrêt de la Cour d’appel fédérale, daté du 15 novembre 2007, soient récusés pour cause de FRAUDE.

 

(2)     Que les décisions mentionnées ci‑dessus, au paragraphe (1) soient ANNULÉES, au motif que des éléments de preuve ont été par la suite découverts relativement à la COMPLICITÉ DANS L’INTENTION DE VOLER au moyen d’une CONSPIRATION.

 

(3)     Que les nouvelles cotisations et toutes les réclamations en matière de taxation pour les exercices comprenant les années 1993 à 1997 inclusivement SOIENT ANNULÉES et que tous les privilèges grevant la résidence personnelle ou les biens du demandeur soient retirés.

 

(4)     Que les DÉPENS de la présente action soient accordés au demandeur sur la base d’une indemnité substantielle.

 

(5)     DES DOMMAGES‑INTÉRÊTS PARTICULIERS pour empiétement non nécessaire sur le temps du demandeur, empêchement de jouir de la vie, frais juridiques, tant sur le plan personnel que pour les services d’avocats engagés, transcription et frais judiciaires, préparation et conduite de l’instance à la Cour canadienne de l’impôt, frais liés à la Cour d’appel fédérale, perte d’une occasion d’affaires, entrave et obstruction relativement à un important litige concomitant d’un montant approximatif de 3,5 MILLIONS DE DOLLARS.

 

(6)     DES DOMMAGES‑INTÉRÊTS GÉNÉRAUX POUR MALICE, caractérisée par l’insouciance, la négligence, l’inconduite grave, LA FAUTE LOURDE et l’abus de pouvoir administratif DE 20 MILLIONS DE DOLLARS.

 

(7)     DES DOMMAGES‑INTÉRÊTS MAJORÉS ET DOMMAGES‑INTÉRÊTS PUNITIFS à la discrétion de la Cour – la somme de 80 MILLIONS DE DOLLARS est proposée – pour décourager les actions arbitraires et abusives de l’État à l’encontre de citoyens canadiens ainsi que les manœuvres d’un système de confiscation entaché de tyrannie, de despotisme et de dictature. Ce montant comprend le préjudice au crédit et à la réputation ainsi que la complicité dans des dénonciations diffamatoires.

 

(8)     Les intérêts sur ces sommes, conformément à la Loi sur les tribunaux judiciaires, jusqu’à la date du paiement de la réclamation du demandeur.

 

 

[10]           La demande dans la présente action vise à obtenir, comme le sollicite le demandeur, [traduction] « l’annulation, l’invalidation et la cassation licite de l’ordonnance du juge C. Miller, de la Cour canadienne de l’impôt, datée du 5 juin 2006, dans le dossier 2002‑2009 (IT)G, ainsi que de l’ordonnance de la Cour d’appel fédérale du 15 novembre 2007, dossier A‑284‑06 ». La Cour n’a tout simplement pas compétence pour accorder cette réparation. Elle n’a pas compétence non plus pour annuler les nouvelles cotisations du ministre, tel que cela est demandé dans la présente action. De telles demandes relèvent exclusivement de la Cour canadienne de l’impôt, de la Cour d’appel fédérale et de la Cour suprême du Canada – tous des tribunaux judiciaires ayant déjà jugé la validité des nouvelles cotisations.

 

[11]           Les demandes relatives aux [traduction] « dommages‑intérêts particuliers » [traduction] « dommages‑intérêts généraux » et [traduction] « dommages‑intérêts majorés et punitifs » découlant de ces instances judiciaires antérieures et des décisions connexes sont des attaques indirectes contre les décisions de ces tribunaux judiciaires, parce que de tels dommages‑intérêts, même s’ils étaient prouvables, ne peuvent aucunement être accordés sans l’annulation ou la modification de ces décisions. Étant donné la situation actuelle, il n’y a tout simplement aucun fondement pour les réclamations en dommages‑intérêts, et la Cour n’a pas compétence pour effectuer les changements sollicités par le demandeur, en vue de se voir accorder des dommages‑intérêts.

 

[12]           Pour ces motifs, la Cour conclut que la présente action constitue un abus de procédure, qu’elle est frivole et vexatoire, et qu’elle doit être radiée. Aucune autorisation de modifier n’est accordée, parce que l’essentiel de la demande ne relève pas de la compétence de la Cour. Les défenderesses ont droit à un ensemble de dépens, lesquels sont fixés à 2 000 $.

 


 

ORDONNANCE

            LA COUR ORDONNE que la demande soit radiée en entier, sans autorisation de la modifier, que l’action soit rejetée et que les défenderesses aient droit à un ensemble de dépens, fixés à 2 000 $.

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

C. Laroche, traducteur


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-208-13

 

 

INTITULÉ :                                      ALBERT ROSS DEEP, M.D., M.C.R.M. (C) c L’AGENCE DU REVENU DU CANADA (ANCIENNEMENT L’AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA) et SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS LA COMPARUTION DES PARTIES

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE ZINN 

 

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :           Le 25 mars 2013

 

 

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES PAR :

 

Albert Ross Deep, M.D.

 

 

LE DEMANDEUR

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Maria Vujnovic

 

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

AUCUN

 

 

LE DEMANDEUR

(SE REPRÉSENTANT LUI‑MÊME)

WILLIAM F. PENTNEY

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

 

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