Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20131025


Dossier : IMM-7067-12

 

Référence : 2013 CF 1090

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 25 octobre 2013

En présence de monsieur le juge Phelan

 

ENTRE :

FUHUA LIU

 

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

I.          INTRODUCTION

[1]               La présente demande de contrôle judiciaire vise la décision par laquelle un agent d’immigration [l’agent] a refusé d’accorder à la demanderesse une dispense pour motifs d’ordre humanitaire en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001 c 27 [la LIPR].

 

II.        CONTEXTE

[2]               La demanderesse est une citoyenne de la Chine âgée de 57 ans. Elle a au Canada une fille qu’elle a donnée en adoption au frère de son défunt mari et à son épouse (M. Wang et Mme Jiang). La fille biologique de la demanderesse, Mme Wang, a obtenu la citoyenneté canadienne en 2004. Depuis, elle a rendu visite à sa mère biologique quatre fois, et elle lui a envoyé de l’argent à plusieurs reprises.

 

[3]               La demanderesse a travaillé en comptabilité dans une entreprise chinoise jusqu’à sa retraite, en 2005. Elle a ensuite commencé à travailler à temps partiel. En 2009, elle a quitté son emploi pour venir au Canada. Elle vit depuis avec Mme Wang grâce à une prorogation de son visa de visiteur.

 

[4]               La demanderesse affirme être en mauvaise santé et allègue qu’elle connaîtra des difficultés en Chine si elle doit y retourner, parce qu’elle ne peut travailler et qu’elle n’a aucun soutien affectif ni financier là‑bas. À ces difficultés s’ajouterait le fait qu’elle serait séparée de sa fille biologique et qu’elle devrait mettre fin à ses activités bénévoles.

 

[5]               L’agent s’est penché sur chacun de ces motifs et a conclu ce qui suit :

                     la demanderesse pourrait encore travailler en Chine;

                     elle a accès à un soutien psychologique en Chine, car elle y a de la famille, et Mme Wang continuera vraisemblablement de lui offrir un soutien financier;

                     l’interruption des cours d’anglais, langue seconde, n’est pas un élément important, et l’abandon des activités bénévoles dans la communauté n’est pas inhabituel et il ne s’agit pas d’une difficulté disproportionnée;

                     en dépit du lien d’attachement avec Mme Wang et ses parents et du soutien offert par ces personnes, il n’était pas catastrophique pour leur relation d’exiger que la demanderesse retourne en Chine, étant donné qu’ils ont bâti cette relation et l’ont maintenue malgré la distance par le passé.

 

[6]               L’agent a conclu que la relation n’était pas en soi un motif suffisant pour accorder une dispense pour des motifs d’ordre humanitaire.

 

III.       ANALYSE

[7]               La seule question à examiner est la raisonnabilité de la décision de l’agent (Kisana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 ACF 189, [2010] 1 RCF 360).

 

[8]               Même si la demanderesse affirmait que non, l’agent s’est demandé si elle et Mme Wang formaient une famille « de fait ». Bien qu’il n’ait pas employé le terme « de fait », l’agent s’est penché sur les facteurs liés aux familles de fait, tels qu’ils sont énoncés dans le Guide OP4. Cela dit, le fait de faire partie d’une famille de fait ne peut à lui seul justifier l’octroi d’une dispense pour des motifs d’ordre humanitaire.

 

[9]               À la lumière des décisions Hou c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1326, 166 ACWS (3d) 351, et Okbai c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 229, 405 FTR 315, les agents doivent prendre en considération les facteurs, sans que cela ait nécessairement pour but de parvenir à une conclusion en particulier.

 

[10]           En l’espèce, l’agent a convenu que la relation entre la demanderesse et Mme Wang était sérieuse et authentique, mais il a conclu que cela n’était pas suffisant pour justifier l’octroi d’une dispense. Des facteurs tels la longue période pendant laquelle la demanderesse et Mme Wang ont été séparées et la période plutôt courte durant laquelle elles ont vécu ensemble étaient défavorables pour ce qui est de la conclusion à l’existence d’une famille de fait. De plus, une telle conclusion n’est pas déterminante dans le cas d’une demande reposant sur des motifs d’ordre humanitaire.  

 

[11]           Le défendeur fait valoir que l’objectif du regroupement familial ne s’applique pas lorsqu’une adoption a rompu la relation juridique. Le défendeur commet une erreur en assimilant le terme « famille » figurant à l’alinéa 3(1)d) de la LIPR au critère plus restreint applicable aux fins de l’octroi de la résidence permanente au titre de la catégorie du regroupement familial.

 

[12]           Compte tenu du fait qu’il est admis de nos jours que les enfants adoptés puissent entretenir une relation avec ceux qui les ont donnés en adoption, leurs parents biologiques, et compte tenu de l’assouplissement des restrictions visant les renseignements relatifs à l’adoption, l’analyse de la « famille » aux fins de l’immigration est plus complexe et nécessiterait peut‑être que l’approche soit repensée. Par contre, cela soulèverait des questions quant à l’octroi de la citoyenneté en raison de l’adoption, entre autres questions de politique connexes.

 

[13]           Pour les besoins de l’affaire qui nous intéresse, le fait que l’agent a pris en considération l’objet de l’alinéa 3(1)d) est suffisant. Il a examiné la nature du lien entre la demanderesse et Mme Wang, a tenu compte du soutien offert par les parents adoptifs, il a examiné la nature de la relation familiale et s’est penché sur la façon dont cette relation a évolué et a été maintenue.

 

[14]           Il importe de souligner que le regroupement familial n’est qu’un facteur parmi bien d’autres à prendre en considération aux fins de l’examen des demandes reposant sur des motifs d’ordre humanitaire. L’agent a tenu compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce et a tiré une conclusion pouvant être soutenue au vu de la preuve. La décision était raisonnable et ne justifie pas l’intervention de la Cour.

 

IV.       CONCLUSION

[15]           La demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Geneviève Tremblay, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :

IMM-7067-12

 

INTITULÉ :

FUHUA LIU c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 22 octobre 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 25 octobre 2013

 

COMPARUTIONS :

Cecil L. Rotenberg, Q.C.

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Sharon Stewart-Guthrie

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cecil L. Rotenberg, c.r.

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.