Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20140214

Dossier : IMM-3688-13

Référence : 2014 CF 145

Ottawa (Ontario), ce 14e jour de février 2014

En présence de l’honorable juge Roy

ENTRE :

Monika JOZSA

Kira KOVACS

 

Demanderesses

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

Défendeur

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

[1]          Il s’agit ici d’une demande de contrôle judiciaire présentée par les demanderesses aux termes du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC (2001), ch 27 (la Loi). Les demanderesses se plaignent de la décision rendue le 18 avril 2013 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SPR), laquelle a rejeté leurs demandes d’asile.


[2]          Considérant la preuve, les observations présentées par les parties et les plaidoiries entendues devant cette cour, la demande de contrôle judiciaire est rejetée pour les motifs qui suivent.

 

[3]            Les demanderesses, la mère et sa fille en bas âge, sont de nationalité hongroise et d’origine Rom. Essentiellement, la demanderesse principale allègue discrimination contre elle en Hongrie et elle prétend qu’elle a été agressée par des skinheads en 2009.

 

[4]          Suite à cet incident elle a quitté son pays le 28 octobre 2009 et est arrivée le lendemain au Canada. Elle a alors demandé la protection en vertu des articles 96 et 97 de la Loi. Au moment de la décision dont contrôle judiciaire est demandé, la demanderesse principale était âgée de 21 ans alors que sa fille avait 4 ans.

 

[5]          À mon avis, les prétentions de la demanderesse principale se divisent en deux parties bien distinctes. D’abord, il y a ses prétentions qui précèdent son arrivée au Canada. Ensuite, il y a la situation à laquelle elle serait confrontée si elle devait être retournée à son pays de nationalité. Dans l’un et l’autre cas, la décision de la SPR est fondée sur l’absence de crédibilité de la demanderesse.

 

[6]          Ainsi, tout ce qui est allégué par la demanderesse avant son arrivée au Canada est de la discrimination qu’elle aurait subie en Hongrie et une attaque qui aurait nécessité des points de suture. La SPR n’a pas considéré que ces actions pouvaient constituer de la persécution et cette conclusion est raisonnable. En effet, quant au seul incident violent mis de l’avant par la demanderesse, si tant est qu’il eut pu suffire, son récit en 2013 est différent de celui qui avait été fait à l’origine. Son témoignage est de fait différent de ce qu’elle a produit par écrit en mars 2013. Enfin, la demanderesse n’était pas en mesure d’offrir quelque corroboration que ce soit de l’incident dont elle se dit avoir été victime. Elle n’est pas en mesure de supporter ses allégations par quelque documentation provenant de l’hôpital où elle se serait rendue ou des autorités à qui elle aurait fait plainte, pour ensuite la retirer. Un témoin de l’incident, que la demanderesse dit être une amie, n’a pas non plus fourni de témoignage, par lettre ou autrement. Comme la SPR le note, nous n’en sommes plus au temps où les écrits devaient voyager avec difficulté. Pourtant, rien de tel n’a été offert. De plus, il est certes possible que le cumul du harcèlement et de la discrimination devienne de la persécution. Cependant, encore faut-il en faire la preuve. Cela n’a pas été fait dans les circonstances.

 

[7]          Quant à un retour éventuel en Hongrie, la demanderesse allègue que sa relation avec son conjoint de fait s’est détériorée à l’automne 2010. Celui-ci aurait fait preuve de violence à son égard. Il a depuis été déporté du Canada parce que interdit de territoire. La demanderesse prétend qu’il a fait des menaces, à distance, à partir de la Hongrie depuis son expulsion du Canada. Or, comme pour les allégations faites quant au traitement subi par la demanderesse en Hongrie, ces allégations depuis son arrivée au Canada sont entachées d’une absence de corroboration complète. Ainsi, même l’incident qui se serait produit au Canada et où la demanderesse aurait subi des violences n’est pas corroboré par quelque documentation qui aurait pu provenir du Service de police de la ville de Montréal.

 

[8]          Il n’est pas particulièrement original de déclarer que le fardeau de la preuve est sur le demandeur. Il n’est pas plus original de prétendre que la norme de contrôle applicable en l’espèce est celle de la raisonnabilité (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190; Carranza c Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2010 CF 914). Il n’en demeure pas moins que c’est le fardeau auquel les demanderesses sont confrontées.

 

[9]          C’est au demandeur d’établir les éléments nécessaires à sa demande. La preuve en droit administratif peut prendre différentes formes, dont le ouï-dire, mais elle doit être crédible et suffisante pour avoir gain de cause.

 

[10]      La crédibilité de la demanderesse principale était critique en l’espèce. Or, s’en tenir à des généralités, demeurant évasif et réticent, ne favorise certes pas la crédibilité, celle qui est nécessaire pour convaincre. Quand, en plus, des contradictions apparaissent dans différentes versions, il ne devrait pas y avoir d’étonnement si le juge des faits, qui est celui qui est le maître de l’appréciation de la crédibilité, choisit de ne pas accorder un poids convaincant à tel témoignage.

 

[11]       Sans prétendre faire une longue élaboration sur les éléments qui sont pris en considération par le décideur, le passage suivant tiré de White v His Majesty the King, [1947] SCR 268, est presque un classique :

The foregoing is a general statement and does not purport to be exhaustive. Eminent judges have from time to time indicated certain guides that have been of the greatest assistance, but so far as I have been able to find there has never been an effort made to indicate all the possible factors that might enter into the determination. It is a matter in which so many human characteristics, both the strong and the weak, must be taken into consideration. The general integrity and intelligence of the witness, his powers to observe, his capacity to remember and his accuracy in statement are important. It is also important to determine whether he is honestly endeavouring to tell the truth, whether he is sincere and frank or whether he is biassed, reticent and evasive. All these questions and others may be answered from the observation of the witness’ general conduct and demeanour in determining the question of credibility.

 

 

 

[12]      Il ne peut donc pas être plus surprenant qu’une cour en révision judiciaire fasse preuve de grande déférence quant à la question de la crédibilité d’un témoin (voir aussi Cooper c Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2012 CF 118, au paragraphe 4). Le témoin qui s’en tient à des généralités pourra voir le poids de son témoignage être diminué. Dans une certaine mesure, il pourra être vu comme étant évasif ou comme démontrant une certaine réticence à fournir des détails qui pourraient aller à l’encontre de sa prétention. On ne peut espérer fournir une version générique qui sera crue à tout coup et sera suffisante. Cela ne veut pas dire que la demande en vertu des articles 96 et 97 de la Loi est automatiquement rejetée. Les autres éléments de preuve doivent être considérés. Mais s’il n’y en a pas, le rejet de la demande sur la seule base d’absence de crédibilité pourra difficilement être démontré comme n’étant pas raisonnable à moins d’être le résultat d’un examen capricieux ou microscopique. A.W. Bryant, S.N. Lederman et M.K. Fuerst dans The Law of Evidence in Canada, 3e éd., LexisNexis, 2009,  nous rappellent :

§12.151     The assessment of the credibility of witnesses is considered a prime judicial function. The Supreme Court reaffirmed the principle that the ultimate conclusion as to the credibility or truthfulness of a particular witness is for the trier of fact and is not the proper scope of expert opinion evidence. Laypersons are capable of determining truthfulness based on logic, experience and exercising their intuition and common sense.

 

[13]      En l’espèce, la demanderesse a fait des allégations relativement à la discrimination qu’elle aurait subie en Hongrie et a relaté un seul incident dont elle n’a pas été en mesure de confirmer par une preuve indépendante, preuve indépendante qui, de l’avis de la SPR, aurait facilement pu être disponible. La conclusion sur la crédibilité de la version de la demanderesse ne peut qu’être raisonnable. De la même manière, les allégations de violence à son égard de la part de son ex-conjoint de fait sont vagues et procèdent davantage de la spéculation si elle devait retourner en Hongrie. Il n’y a pas d’erreur susceptible de révision.

 

[14]      Il en découle que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a aucune question qui mérite certification.

 

 

 


 

ORDONNANCE

 

            La demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 18 avril 2013 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié est rejetée. Il n’y a aucune question qui mérite certification.

 

 

« Yvan Roy »

Juge

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3688-13

 

INTITULÉ :                                      Monika JOZSA, Kira KOVACS c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 12 février 2014

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      Le juge Roy

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 14 février 2014

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Alain Vallières                             POUR LES DEMANDERESSES

 

Me Guillaume Bigaouette                  POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Alain Vallières                                                            POUR LES DEMANDERESSES

Montréal (Québec)

 

William F. Pentney                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.