Date : 20150102
Dossier : A-310-13
Référence : 2015 CAF 1
CORAM : |
LE JUGE NADON LE JUGE PELLETIER LA JUGE TRUDEL |
ENTRE : |
COMPAGNIE DE CHEMIN DE FER CANADIEN PACIFIQUE |
appelante |
et |
OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA ET PARRISH & HEIMBECKER, LIMITED |
intimés |
Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 11 décembre 2014.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 2 janvier 2015.
MOTIFS DU JUGEMENT : |
LE JUGE PELLETIER |
Y ONT SOUSCRIT : |
LE JUGE NADON LA JUGE TRUDEL |
Date : 20150102
Dossier : A-310-13
Référence : 2015 CAF 1
CORAM : |
LE JUGE NADON LE JUGE PELLETIER LA JUGE TRUDEL |
ENTRE : |
COMPAGNIE DE CHEMIN DE FER CANADIEN PACIFIQUE |
appelante |
et |
OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA ET PARRISH & HEIMBECKER, LIMITED |
intimés |
MOTIFS DU JUGEMENT
LE JUGE PELLETIER
I. Introduction
[1] La Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique (le CP) et Parrish & Heimbecker (P&H) n'ont pas été en mesure de s'entendre sur un prix pour le transport de wagons à grains de P&H en partance de la gare de cette dernière à Milk River, en Alberta, vers le Burlington Northern and Santa Fe Railway (BNSF) à la frontière entre le Canada et les États‑Unis (les É.‑U.) à Coutts, en Alberta. À la lumière de cette impasse, P&H a présenté une demande auprès de l'Office des transports du Canada (l'Office) en vue d'obtenir une ordonnance d'interconnexion qui, si elle est accueillie, obligerait le CP à transporter les wagons de P&H de Milk River à Coutts au tarif réglementaire de 315 $ par wagon au lieu du prix commercial du CP de 1 373 $ par wagon, une différence considérable.
[2] L'Office a examiné la question et, dans sa décision no 165‑R‑2013 (la décision), il a rendu une ordonnance d'interconnexion. Le CP a obtenu l'autorisation d'interjeter appel de la décision de l'Office auprès de notre Cour conformément à l'article 41 de la Loi sur les transports au Canada, L.C. 1996, ch. 10 (la Loi), disposition qui limite les appels aux questions de droit et de compétence.
[3] Le CP a fait valoir que l'Office a commis une erreur en rendant une ordonnance d'interconnexion parce que l'une des conditions pour rendre pareille ordonnance, soit la présence d'un lieu de correspondance, n'a pas été respectée. Le CP a soutenu qu'il n'y avait aucun lieu de correspondance à Coutts, en Alberta, parce que BNSF ne disposait pas d'une ligne de chemin de fer qui se raccordait à une ligne de chemin de fer du CP au Canada de manière à relever de la compétence de l'Office.
[4] Pour les motifs qui suivent, je rejetterais l'appel avec dépens en faveur de P&H.
II. Le contexte
[5] P&H a une gare à Milk River, en Alberta, à partir de laquelle elle exporte des grains vers les É.‑U. Sa gare est desservie par une voie d'évitement qui se raccorde (au point milliaire 12,61) à la subdivision Montana du CP. Dans ce contexte, une subdivision renvoie simplement à une partie d'une ligne de chemin de fer. Par exemple, la subdivision Montana s'étend de la frontière américaine vers le nord jusqu'à un certain point au sud‑est de Lethbridge, en Alberta, où elle se raccorde à la subdivision Taber du CP (décision, au paragraphe 5).
[6] La subdivision Montana du CP est raccordée à la voie de BNSF à la frontière américaine. La nature de ce raccordement est en cause dans la présente instance.
[7] Chaque compagnie de chemin de fer exploite des voies de garage de son côté de la frontière. Le CP exploite trois voies de garage (la gare de triage de Coutts), qui se raccordent à la subdivision Montana à environ 350 verges de la frontière. Les voies de garage de BNSF sont connues sous le nom de gare de triage de Sweet Grass.
[8] Le CP et BNSF ont échangé du trafic à cet endroit pendant bon nombre d'années. En 2012, ils ont échangé 90 945 wagons. Le fonctionnement de ce transfert de trafic a été décrit par l'Office de la façon suivante :
Le trafic à destination du nord, en direction du Canada, est garé dans la gare de triage de Sweet Grass, en prévision de la collecte par CP. Cette dernière entre aux États‑Unis, attache les wagons à destination du nord et leur fait traverser la frontière internationale à la gare de triage de Coutts, aux fins de livraison.
Le trafic à destination du sud, en direction des États‑Unis, est garé dans la gare de triage de Coutts, en prévision de la collecte par BNSF. Cette dernière entre au Canada, attache les wagons à destination du sud et leur fait traverser la frontière internationale à la gare de triage de Sweet Grass, aux fins de livraison.
(Décision, au paragraphe 9)
[9] Le déroulement des activités du CP et de BNSF à cet endroit est régi par une entente depuis 1928. L'entente initiale a été révisée en 2005 et est maintenant connue sous le nom d'entente sur le lieu de correspondance, dont les extraits pertinents sont rédigés comme suit :
[TRADUCTION]
[BNSF a] le droit d'utiliser, aux fins indiquées dans l'Entente, et en fonction des règles et des règlements de sécurité et d'exploitation de CP et moyennant une supervision, les voies d'accès de CP indiquées entre les points « a » et « c » de la pièce no 1 [...] Outre la voie d'accès de CP, CP accorde à BNSF le droit de placer et de tirer des wagons d'échange dans les lieux désignés de temps en temps par les agents des opérations locaux de CP à la gare de triage de Coutts de CP, collectivement appelés les voies ferrées appartenant à CP.
[...]
Lorsqu'elles effectuent l'échange prévu, les parties doivent mener leurs activités sur les voies ferrées appartenant à CP (« voie d'accès de CP ») entre le raccordement BNSF/CP à la frontière internationale et le raccordement de CP avec sa gare de triage située à Coutts (Alberta) [...]
CP accorde à BNSF le droit d'utiliser, aux fins indiquées dans l'Entente, et en fonction des règles et des règlements de sécurité et d'exploitation de CP et moyennant une supervision, les voies d'accès de CP [...] Outre la voie d'accès de CP, CP accorde à BNSF le droit de placer et de tirer des wagons d'échange dans les lieux désignés de temps en temps par les agents des opérations locaux de CP à la gare de triage de Coutts de CP, collectivement appelés les voies ferrées appartenant à CP.
(Décision, aux paragraphes 13 et 14)
[10] Dans une décision antérieure, la décision no 35‑R‑2009, l'Office a expliqué que l'interconnexion du trafic ferroviaire entre les compagnies de chemin de fer existe au Canada depuis le début des années 1900. L'interconnexion visait à limiter la prolifération des lignes de chemin de fer desservant les industries manufacturières dans les zones urbaines, alors que chaque compagnie de chemin de fer construisait ses propres lignes menant à la porte de leurs propres clients. Ces clients devenaient ensuite prisonniers de ce chemin de fer, ce qui a donné lieu à un service et à des tarifs monopolistiques.
[11] Le législateur a instauré bon nombre de mesures pour répondre à ces problèmes, dont l'interconnexion (art. 127 de la Loi), des prix de ligne concurrentiels (art. 129) et des ordonnances accordant des droits de circulation (art. 138). Toutes ces mesures visaient à donner aux expéditeurs le choix de recourir à d'autres compagnies concurrentes.
[12] Le terme « interconnexion » est défini à l'article 111 de la Loi :
« interconnexion » Le transfert du trafic des lignes d'une compagnie de chemin de fer à celles d'une autre compagnie de chemin de fer conformément aux règlements d'application de l'article 128. |
“interswitch” means to transfer traffic from the lines of one railway company to the lines of another railway company in accordance with regulations made under section 128; |
[13] L'article 128 autorise l'Office à prendre des règlements concernant l'interconnexion.
[14] Le pouvoir de l'Office d'ordonner l'interconnexion est prévu à l'article 127 de la Loi :
127. (1) Si une ligne d'une compagnie de chemin de fer est raccordée à la ligne d'une autre compagnie de chemin de fer, l'une ou l'autre de ces compagnies, une administration municipale ou tout intéressé peut demander à l'Office d'ordonner l'interconnexion.
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127. (1) If a railway line of one railway company connects with a railway line of another railway company, an application for an interswitching order may be made to the Agency by either company, by a municipal government or by any other interested person.
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(2) L'Office peut ordonner aux compagnies de fournir les installations convenables pour permettre l'interconnexion, d'une manière commode et dans les deux directions, à un lieu de correspondance, du trafic, entre les lignes de l'un ou l'autre chemin de fer et celles des autres compagnies de chemins de fer qui y sont raccordées.
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(2) The Agency may order the railway companies to provide reasonable facilities for the convenient interswitching of traffic in both directions at an interchange between the lines of either railway and those of other railway companies connecting with them.
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(3) Si le point d'origine ou de destination d'un transport continu est situé dans un rayon de 30 kilomètres d'un lieu de correspondance, ou à la distance supérieure prévue par règlement, le transfert de trafic par une compagnie de chemin de fer à ce lieu de correspondance est subordonné au respect des règlements. |
(3) If the point of origin or destination of a continuous movement of traffic is within a radius of 30 km, or a prescribed greater distance, of an interchange, a railway company shall not transfer the traffic at the interchange except in accordance with the regulations.
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[15] Comme l'indiquent les paragraphes 127(2) et (3), l'existence d'un lieu de correspondance est un facteur important dans le régime de l'interconnexion. Le terme « lieu de correspondance » est défini à l'article 111 de la Loi :
« lieu de correspondance » Lieu où la ligne d'une compagnie de chemin de fer est raccordée avec celle d'une autre compagnie de chemin de fer et où des wagons chargés ou vides peuvent être garés jusqu'à livraison ou réception par cette autre compagnie. |
“interchange” means a place where the line of one railway company connects with the line of another railway company and where loaded or empty cars may be stored until delivered or received by the other railway company; |
[16] En résumé, l'interconnexion a trait au transfert de trafic d'une ligne de chemin de fer à une autre; il doit donc y avoir deux lignes de chemin de fer qui se raccordent l'une à l'autre. De plus, ce raccordement doit comprendre un lieu de correspondance, c'est‑à‑dire un endroit où les wagons d'une compagnie de chemin de fer peuvent être garés jusqu'à ce qu'ils soient pris par l'autre compagnie de chemin de fer. Enfin, si le point d'origine (ou de destination) d'un transport continu est situé à l'intérieur de la distance prescrite d'un lieu de correspondance, le transfert de trafic par une compagnie de chemin de fer à ce lieu de correspondance est subordonné aux tarifs prescrits.
[17] Comme la gare de Milk River est située à l'intérieur de la distance prescrite de la gare de triage de Coutts, la seule question dont était saisi l'Office, et dont notre Cour est maintenant saisie, est celle de savoir si l'installation à la frontière Canada‑É.‑U. équivaut à un lieu de correspondance.
III. La décision faisant l'objet de l'appel
[18] Après avoir statué sur une question préliminaire, l'Office a examiné la question de savoir si BNSF a une ligne de chemin de fer à Coutts. L'Office a conclu par l'affirmative, pour deux raisons. La première concernait la nature du raccordement entre la ligne du CP et celle de BNSF à la frontière internationale. Le CP était d'avis qu'il possédait tous les terrains du côté canadien de la frontière, de sorte que lui, et non BNSF, était propriétaire de toute installation sur ce terrain. Par ailleurs, le CP a qualifié le raccordement lui‑même de simple liaison bout à bout de sa voie avec celle de BNSF à la frontière internationale, de sorte qu'il y a simplement une seule voie continue qui passe du côté canadien de la frontière et traverse jusqu'au côté américain.
[19] L'Office s'est prononcé sur la question dans cinq courts paragraphes. Il s'est attardé sur la nature du raccordement physique d'une voie ferrée. Il a cité un extrait d'une décision antérieure (la décision no 35‑R‑2009), dans laquelle il a noté la description du raccordement de lignes de chemin de fer donnée par un intervenant :
Le point de raccordement exact des lignes est situé dans un espace de deux à quatre mètres et il n'est pas raisonnable d'interpréter l'article 111 de façon à définir littéralement le lieu de correspondance comme se produisant dans ces deux à quatre mètres.
(Décision, au paragraphe 61)
[20] L'Office a ensuite jugé que « [l]es lignes de chemin de fer raccordées ne sont pas contiguës; chaque voie ferrée est rattachée à l'autre voie pour former une ligne continue » (décision, au paragraphe 62). Par conséquent, l'Office a conclu que :
[...] le raccordement physique des lignes de chemin de fer de BNSF et de CP est plus large que la frontière internationale à Coutts et se prolonge du côté du Canada. Par conséquent, BNSF détient une ligne de chemin de fer qui se prolonge au-delà de la frontière internationale au Canada. L'Office conclut donc que BNSF détient une ligne de chemin de fer au sens de la disposition sur l'interconnexion de la LTC.
(Décision, au paragraphe 63)
[21] L'Office a ensuite abordé la deuxième raison pour laquelle il a conclu que BNSF a une ligne de chemin de fer au Canada, à savoir que ses droits découlant de l'entente sur le lieu de correspondance avec le CP lui confèrent un intérêt suffisant dans les voies du CP à la gare de triage de Coutts pour que BNSF ait une ligne de chemin de fer au Canada.
[22] L'Office a indiqué que l'entente sur le lieu de correspondance autorisait BNSF à utiliser l'infrastructure du CP tout particulièrement pour les activités de correspondance entre les deux. Les droits conférés par l'entente sur le lieu de correspondance comprennent le droit d'utiliser les voies du CP et « de placer et de tirer les wagons échangés avec CP » (décision, au paragraphe 65). De plus, l'entente sur le lieu de correspondance énonce que les décisions sur la gestion de la gare doivent être prises sans discrimination, de sorte que « BNSF et CP ont le même statut quant à l'aiguillage du trafic échangé dans les installations de CP à Coutts » (décision, au paragraphe 66).
[23] L'Office a conclu que les droits acquis par BNSF conformément à l'entente sur le lieu de correspondance ne se limitaient pas à des droits de circulation qui permettraient simplement à BNSF d'emprunter les voies du CP. Les droits contractuels de BNSF lui permettaient de mener toutes les activités nécessaires à l'échange de trafic avec le CP (décision, au paragraphe 69).
[24] Par conséquent, l'Office a conclu que BNSF avait des droits suffisants dans les voies du CP à la gare de triage de Coutts pour détenir une ligne de chemin de fer au sens de la Loi relativement à ces voies.
[25] L'Office a ensuite examiné si la gare de triage de Coutts était un lieu « où des wagons chargés ou vides peuvent être garés jusqu'à livraison ou réception par cette autre compagnie » au sens de l'article 111 de la Loi. L'Office a fait observer que comme il avait déjà conclu que les lignes de chemin de fer du CP et de BNSF se raccordaient, le seul élément de la définition d'un lieu de correspondance auquel il fallait satisfaire était la question des voies de garage.
[26] L'Office a examiné la preuve, qui démontrait que la gare de triage de Coutts était un lieu où le CP pouvait placer des wagons jusqu'à ce que ceux‑ci soient pris par BNSF. Le fait que des installations permettant l'interconnexion de trafic dans l'autre direction se trouvaient de l'autre côté de la frontière internationale n'a pas pour effet d'exclure la gare de triage de Coutts de la définition d'un lieu de correspondance.
[27] L'Office a conclu qu'en l'espèce, le « lieu » dont il est question dans la définition d'un lieu de correspondance « inclut la zone complète comprise entre le raccordement de la ligne de chemin de fer et l'extrémité des voies de garage de la gare de triage de Coutts auxquelles BNSF a accès aux termes de l'Entente sur le lieu de correspondance, le tout étant entièrement situé au Canada » (décision, au paragraphe 82). Cette dernière observation visait à répondre à l'argument du CP selon lequel l'Office donnait à la Loi une application extraterritoriale.
[28] Enfin, l'Office a conclu que la voie d'évitement de Milk River, le point d'origine du trafic de P&H à destination du sud, se trouvait dans le rayon réglementaire aux fins de l'interconnexion à des tarifs réglementaires puisqu'elle se trouvait à 20 kilomètres de la gare de triage de Coutts. Rappelons que le paragraphe 127(3) de la Loi impose une interconnexion obligatoire à des tarifs réglementaires lorsque le point d'origine du trafic est situé dans un rayon de 30 kilomètres d'un lieu de correspondance (ou la distance supérieure prévue par règlement).
[29] Par conséquent, P&H a eu gain de cause dans sa demande et le CP a été tenu d'interconnecter les wagons à grains de P&H au prix réglementaire. Le CP demande maintenant l'annulation de cette décision.
IV. Les questions en litige
[30] Le présent appel soulève les questions suivantes :
A. Quelle est la norme de contrôle applicable à la décision de l'Office?
B. L'Office a‑t‑il commis une erreur de droit ou outrepassé sa compétence en concluant que la ligne de chemin de fer de BNSF se prolonge au Canada?
C. L'Office a‑t‑il commis une erreur de droit en concluant que BNSF avait un intérêt suffisant dans la gare de triage de Coutts du CP pour que cette dernière soit considérée comme une partie de la ligne de chemin de fer de BNSF?
A. Quelle est la norme de contrôle applicable à la décision de l'Office?
[31] Les deux parties conviennent qu'en règle générale, l'interprétation par l'Office de la Loi, sa loi constitutive, doit être examinée selon la norme de la décision raisonnable : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Office des transports du Canada, 2010 CAF 65, [2011] 3 R.C.F. 264, aux paragraphes 27 à 29, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Office des transports du Canada, 2010 CAF 166, [2010] A.C.F. no 815 (QL) (Fort Rouge), aux paragraphes 19 à 21.
[32] Le CP fait toutefois valoir que la conclusion de l'Office selon laquelle BNSF a une ligne de chemin de fer qui se prolonge au Canada, de sorte que l'Office a compétence quant à BNSF, est une véritable question de compétence à l'égard de laquelle la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte. En d'autres termes, le CP affirme que l'Office n'a pas compétence pour appliquer la Loi à l'extérieur du territoire canadien.
[33] Aucune question d'extraterritorialité n'est soulevée en l'espèce. L'Office a ordonné au CP, et non à BNSF, d'interconnecter les wagons de P&H aux tarifs réglementés. L'examen de la question de savoir si BNSF doit obtenir un certificat d'aptitude pour exercer ses activités en Alberta, la question préliminaire abordée précédemment, a été remise. Lorsque l'Office se déclare compétent au sujet de BNSF, il le fait à l'égard de ses activités à la gare de triage de Coutts.
[34] Par conséquent, il n'y a aucune question de compétence à laquelle la norme de la décision correcte pourrait s'appliquer.
B. L'Office a‑t‑il commis une erreur de droit ou outrepassé sa compétence en concluant que la ligne de chemin de fer de BNSF se prolonge au Canada?
[35] Le CP a contesté la conclusion de l'Office selon laquelle un raccordement entre des lignes de chemin de fer ne peut avoir lieu à une frontière internationale, qui a été décrite comme une « membrane incroyablement fine, d'une longueur et d'une hauteur phénoménales, mais sans largeur » (décision, au paragraphe 60). Par conséquent, l'Office a conclu que la ligne de chemin de fer de BNSF se prolongeait forcément au Canada au point de raccordement.
[36] Le CP a indiqué qu'il détenait tous les terrains du côté canadien de la frontière internationale, de sorte que si quelque chose fourni par BNSF se prolonge au‑delà de la frontière, cette chose appartiendrait au CP plutôt qu'à BNSF.
[37] En outre, tous les documents que le CP a présentés à l'Office montraient que la ligne de chemin de fer au point où elle traversait la frontière internationale était [TRADUCTION] « une seule voie continue » (mémoire des faits et du droit du CP, au paragraphe 65).
[38] Enfin, le CP a particulièrement critiqué le fait que l'Office se soit apparemment fié à un extrait tiré du mémoire d'un intervenant dans une autre instance, que j'ai cité plus tôt dans les présents motifs, qui décrivait le point de vue de l'intervenant sur un raccordement entre des lignes de chemin de fer.
[39] Comme cet extrait est immédiatement suivi par l'observation de l'Office selon laquelle les « lignes de chemin de fer raccordées ne sont pas contiguës », le CP en déduit que l'Office a fondé son observation sur cette citation. Le CP allègue que cette observation est inexacte quant aux faits et constitue une erreur de droit si elle vise à décrire tous les raccordements de lignes de chemin de fer.
[40] La conclusion de l'Office sur ce point est une conclusion de fait. Cette conclusion porte sur la disposition physique des voies, une pure question de fait. La retenue dont notre Cour doit faire preuve à l'égard de ces conclusions est précisée aux paragraphes 41(1) et (3) de la Loi :
41 (1) Tout acte — décision, arrêté, règle ou règlement — de l'Office est susceptible d'appel devant la Cour d'appel fédérale sur une question de droit ou de compétence, avec l'autorisation de la cour [...]
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41 (1) An appeal lies from the Agency to the Federal Court of Appeal on a question of law or a question of jurisdiction on leave to appeal being obtained from that Court ... |
[...]
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...
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(3) L'appel est mené aussi rapidement que possible; la cour peut l'entendre en faisant toutes inférences non incompatibles avec les faits formellement établis par l'Office et nécessaires pour décider de la question de droit ou de compétence, selon le cas.
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(3) An appeal shall be heard as quickly as is practicable and, on the hearing of the appeal, the Court may draw any inferences that are not inconsistent with the facts expressly found by the Agency and that are necessary for determining the question of law or jurisdiction, as the case may be.
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[Je souligne.] |
[my emphasis.] |
[41] Il n'existe aucun droit d'interjeter appel d'une conclusion de fait.
[42] À l'audience de l'appel, on s'est demandé si une conclusion de fait qui n'est pas étayée par la preuve constituait une erreur de droit. Pareille erreur serait forcément déraisonnable — comment pourrait‑il être raisonnable de tirer des conclusions de fait sans se fonder sur la preuve? — et par conséquent susceptible de contrôle. Si le seul élément de preuve à l'appui de la conclusion de l'Office était l'extrait de la décision no 35‑R‑2009 qu'il a cité, je serais porté à croire qu'il n'y avait aucun élément de preuve à l'appui de sa conclusion. L'avocat de P&H a répondu que l'Office avait le droit de se fonder sur ses connaissances institutionnelles pour conclure comme il l'a fait quant à la nature du raccordement entre les deux chemins de fer.
[43] Il est vrai que la Cour suprême a confirmé le droit des commissions des relations du travail de se fonder sur leurs connaissances spécialisées du domaine des relations du travail : voir l'arrêt Royal Oak Mines Inc. c. Canada (Conseil des relations du travail), [1996] 1 R.C.S. 369, au paragraphe 57, Syndicat international des débardeurs et magasiniers, Ship and Dock Foremen, section locale 514 c. Prince Rupert Grain Ltd., [1996] 2 R.C.S. 432, au paragraphe 37. Toutefois, je ne connais aucune affaire dans laquelle la Cour suprême a conclu qu'un tribunal peut résoudre des questions de fait litigieuses uniquement sur le fondement de ses connaissances institutionnelles des faits en cause.
[44] Compte tenu de mon opinion sur le deuxième motif sur lequel l'Office s'est fondé pour en arriver à la conclusion qu'il a tirée, il est inutile, en l'espèce, de déterminer la mesure dans laquelle un tribunal administratif peut se fonder sur ses propres connaissances pour résoudre des questions de fait litigieuses, si c'est effectivement ce qui s'est produit en l'espèce. Si un tel droit existe, on s'attendrait à ce que le tribunal démontre une certaine retenue lorsqu'il invoque ses connaissances institutionnelles pour établir des faits qui sont en litige entre les parties et que, lorsqu'il invoque ces connaissances, il le fasse de la façon la plus transparente possible.
C. L'Office a‑t‑il commis une erreur de droit en concluant que BNSF avait un intérêt suffisant dans la gare de triage de Coutts du CP pour que cette dernière soit considérée comme une partie de la ligne de chemin de fer de BNSF?
[45] Le CP est d'avis que l'Office s'est écarté de sa propre jurisprudence et a mal interprété l'arrêt Fort Rouge de notre Cour lorsqu'il a conclu que de simples droits contractuels, dont le droit « d'utiliser les voies de l'autre partie et de livrer et de tirer des wagons de l'autre compagnie de chemin de fer » (voir la décision, au paragraphe 66), donnaient à BNSF un intérêt suffisant dans la gare de triage de Coutts pour lui permettre de considérer cette gare comme une partie de sa ligne de chemin de fer.
[46] Selon le CP, dans la décision no 439‑R‑1989 (Celgar), l'Office a décidé que de simples droits de circulation ne constituaient pas un fondement suffisant pour permettre à une compagnie de chemin de fer de considérer les voies et les installations d'une autre compagnie de chemin de fer comme faisant partie de sa ligne de chemin de fer. Dans cette affaire, un accord conclu entre le CP et une autre compagnie de chemin de fer, la BN, permettait à cette dernière de passer sur la voie du CP à partir de Troup Junction, le point où la ligne de la BN se raccordait à celle du CP, à une cour de remisage à Nelson, en C.‑B., environ 9 kilomètres plus loin, et d'utiliser conjointement la voie et les installations du CP à Nelson pour l'interconnexion du trafic. L'Office a estimé que cet accord était insuffisant pour étayer l'argument selon lequel la BN avait une ligne de chemin de fer à Nelson. Le CP s'appuie sur l'extrait suivant de la décision Celgar :
Dans le cas qui nous occupe, l'Office constate qu'il n'y a qu'une seule ligne de chemin de fer entre Troup Junction et Nelson, soit celle du CP. La BN n'a pas de « ligne de chemin de fer » à Nelson uniquement parce qu'elle a conclu un accord avec le CP. Par conséquent, Nelson ne correspond pas à la définition d'un lieu de correspondance tel que précisé dans la LTN 1987.
Celgar, disponible à l'adresse https://www.otc-cta.gc.ca/fra/decision/439‑r‑1989
[47] Il est implicite dans la décision Celgar de l'Office que ce dernier a considéré que le terme « avoir » une ligne de chemin de fer signifie « détenir » une ligne de chemin de fer.
[48] Le CP fait valoir que l'exigence selon laquelle une compagnie de chemin de fer doit être propriétaire d'une ligne de chemin de fer a été confirmée dans une décision subséquente de l'Office, soit la décision no 798‑R‑1993 (Partenariat de la vallée de l'Outaouais). Dans cette affaire, le CN et le CP ont regroupé les services ferroviaires de la vallée de l'Outaouais sur une seule ligne de chemin de fer (la ligne du partenariat). Une question a été soulevée quant à savoir si les lieux de correspondance qui étaient situés à différents points le long de la ligne initiale et qui étaient maintenant intégrés dans la ligne du partenariat continuaient d'être des lieux de correspondance, puisqu'il n'y avait désormais qu'une seule ligne de chemin de fer vers ces gares d'entreposage et à partir de celles‑ci. L'Office a conclu que le CN et le CP avaient chacun une ligne de chemin de fer vers ces gares d'entreposage même s'il n'y avait matériellement qu'une seule ligne de chemin de fer. Il a conclu ce qui suit :
[...] L'Office est convaincu que le droit de propriété que chaque associé a sur la ligne du Partenariat permet de dire que chaque associé a une « ligne de chemin de fer » pour l'application de la définition de « lieu de correspondance ».
Comme chaque associé a une « ligne de chemin de fer », l'Office estime aussi qu'il y aura des lieux de correspondance aux endroits de la ligne du Partenariat où il y aura des installations pour le garage de wagons. Même s'il n'y a matériellement qu'une seule ligne de chemin de fer, ce sont les droits de propriété, de l'avis de l'Office, qui déterminent l'existence d'un lien de correspondance dans le cas présent. La demande à l'étude diffère de celle de la Celgar Pulp Company, affaire où le second chemin de fer avait seulement l'usage commun d'une ligne de chemin de fer et des droits de circulation sur cette dernière, mais non pas des droits de propriété sur elle.
Partenariat de la vallée de l'Outaouais, disponible à l'adresse https://www.otc‑cta.gc.ca/fra/decision/798‑r‑1993
[49] Le CP affirme, sur le fondement de cette décision, que l'Office a mal interprété l'arrêt Fort Rouge de notre Cour, comme si la Cour avait énoncé un nouveau critère pour déterminer si une compagnie de chemin de fer a une ligne de chemin de fer pour l'application de la définition d'un lieu de correspondance.
[50] Les faits dans l'affaire Fort Rouge sont quelque peu complexes, mais peuvent être résumés comme suit pour les besoins du présent appel. Le CN et BNSF (ou leurs prédécesseurs) ont échangé du trafic à la gare de triage F du CN depuis 1913 conformément à une entente dont les modalités pertinentes étaient énoncées dans l'arrêt Fort Rouge de notre Cour et que je reproduis ci‑après par souci de commodité :
[...] l'entente prévoyait la construction de deux voies à la gare de triage F de CN, une pour la livraison du trafic de CN à BNSF et l'autre pour la livraison du trafic de BNSF à CN. Il était stipulé dans l'entente que, une fois terminée la construction des deux voies, BNSF devait payer à CN la moitié des coûts de la construction. BNSF convenait aussi de rembourser à CN la moitié des coûts d'entretien des deux lignes. De plus, BNSF convenait de verser à CN une somme annuelle égale à la moitié de la valeur locative du terrain sur lequel les voies étaient construites. À la dissolution de l'entente, BNSF avait droit à la moitié du matériel utilisé lors de la construction des voies ou à un montant égal à la valeur après amortissement de ce matériel.
L'entente prévoyait aussi que CN pourrait, en tout temps, changer ou modifier l'emplacement ou la construction des voies de transfert à la condition qu'il le fasse à ses propres frais et que les nouvelles installations conviennent également à BNSF.
(Fort Rouge, aux paragraphes 10 et 11)
[51] En 2003, le CN a reconfiguré ses voies dans la région de Winnipeg et a relocalisé les installations communes, qui étaient précédemment situées à la gare de triage F, à la nouvelle gare de triage de Fort Rouge. Cela a soulevé bon nombre de questions, mais, pour les besoins du présent appel, la question pertinente était celle de savoir s'il y avait interconnexion à la gare de triage de Fort Rouge, puisque toutes les voies à cet endroit appartenaient au CN. Par conséquent, il ne pouvait y avoir à cet endroit ni transfert de trafic d'une ligne de chemin de fer à une autre, ni interconnexion.
[52] L'Office a examiné le contrat conclu entre le CN et BNSF et, compte tenu des droits et obligations de BNSF découlant de cette entente, il a conclu que « BNSF a un droit de propriété suffisant sur la voie de transfert dans la gare de triage de Fort Rouge pour détenir une ligne de chemin de fer aux fins des dispositions d'interconnexion de la LTC » (décision no 35‑R‑2009). L'Office a étayé sa décision en renvoyant à l'importance accordée à la propriété dans la décision Partenariat de la vallée de l'Outaouais.
[53] En appel, notre Cour a confirmé la décision de l'Office. Ce faisant, elle a reformulé la question à trancher par l'Office dans les termes suivants :
[...] L'OTC n'avait pas à se prononcer sur le statut de ces droits [en vertu de l'entente de 1913] au regard des lois du Manitoba relatives aux biens‑fonds de manière à conclure que l'utilisation de l'expression [TRADUCTION] « droit de propriété » est peut‑être fortuite. Ce que l'OTC devait trancher était la question de savoir si les droits de BNSF relativement à la gare de triage F et, par extension, la gare de triage Fort Rouge en vertu de l'entente sur les voies de transfert, étaient tels qu'ils permettaient de considérer des parties de ces gares de triage comme des parties de la ligne de chemin de fer de BNSF. [...]
(Fort Rouge, au paragraphe 28)
[54] Après avoir renvoyé aux extraits de Partenariat de la vallée de l'Outaouais sur lesquels s'est fondé l'Office, notre Cour a résumé l'essentiel de la décision de l'Office de la façon suivante :
[...] En l'espèce, l'entente de voies de transbordement donnait clairement à BNSF quelque chose de plus que des droits de circulation sur la voie de CN. Il avait le droit d'utiliser certaines installations aux fins d'échanger des trafics avec CN. Ce droit n'était pas lié à un terrain particulier, mais aux aspects pratiques de la relation d'affaires que BNSF entretenait avec CN. L'OTC a conclu que ces droits étaient suffisants pour conclure que BNSF avait une ligne de chemin de fer dans la gare de triage de Fort Rouge. [...]
(Fort Rouge, au paragraphe 30)
[55] Le CP cite ces deux extraits à l'appui de sa thèse selon laquelle, pour l'application des dispositions de la Loi en matière d'interconnexion, une compagnie de chemin de fer a une ligne de chemin de fer lorsqu'elle a un droit de propriété sur cette ligne. Elle s'appuie sur l'affirmation de notre Cour selon laquelle la question à trancher dans l'arrêt Fort Rouge était celle de savoir si les droits de BNSF à l'égard de la gare de triage F et, par extension, la gare de triage de Fort Rouge étaient tels qu'ils permettaient à BNSF de considérer des parties de ces gares comme des parties de sa propre ligne de chemin de fer.
[56] À mon humble avis, il s'agit d'une mauvaise interprétation de l'opinion de notre Cour. La question dont l'Office était saisi était celle de savoir si les droits de BNSF en vertu de l'entente de voies de transbordement permettaient à l'Office de considérer des parties de ces gares comme des parties de la ligne de chemin de fer de BNSF.
[57] En l'espèce, l'Office a explicitement adopté le raisonnement découlant de l'arrêt Fort Rouge de notre Cour.
[58] Le CP, non sans raison, fait remarquer les différences entre les droits et obligations de BNSF découlant de l'entente de voies de transbordement à l'égard de la gare de triage de Fort Rouge et ses droits et obligations découlant de l'entente sur le lieu de correspondance à l'égard de la gare de triage de Coutts. BNSF n'a aucune obligation financière en vertu de l'entente sur le lieu de correspondance. Le CP affirme que cela distingue l'entente sur le lieu de correspondance de l'entente de voies de transbordement. Le CP affirme que les droits de BNSF découlant de l'entente sur le lieu de correspondance équivalent davantage aux droits de BN en vertu de l'entente dont il est question dans la décision Celgar. Le CP fait également remarquer que BN avait plus que de « simples » droits de circulation en vertu de cette entente. Elle avait le droit d'exploiter à perpétuité ses trains sur la ligne ferroviaire à partir de Troup Junction jusqu'à Nelson et le droit à l'usage commun des voies et des installations à Nelson. Le CP soutient que si ces droits n'étaient pas suffisants pour étayer une conclusion selon laquelle BN avait une ligne de chemin de fer dans la décision Celgar, ils ne devraient donc pas être suffisants pour étayer la conclusion que BNSF a une ligne de chemin de fer en l'espèce.
[59] Il est vrai qu'il est difficile de concilier la décision Celgar de l'Office et sa décision en l'espèce. Bien que la règle du stare decisis ne s'applique pas aux décisions des tribunaux administratifs (voir l'arrêt Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929, au paragraphe 14), la Cour suprême a récemment conclu « que les précédents en matière d'arbitrage dans les décisions antérieures circonscrivent en quoi consiste une décision raisonnable en l'espèce » : voir l'arrêt Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, section locale 30 c. Pâtes et Papier Irving, Ltée, 2013 CSC 34, [2013] 2 R.C.S. 458, au paragraphe 75 (en italique dans l'original). Les juges dissidents dans cet arrêt (la juge en chef MacLachlan et les juges Rothstein et Moldaver) n'étaient pas en désaccord sur ce point et ont conclu que lorsqu'un tribunal d'arbitrage fait abstraction de la jurisprudence antérieure, il doit énoncer un motif raisonnable de le faire (voir le paragraphe 79). Aux fins de l'espèce, il n'y a aucune distinction entre les tribunaux d'arbitrage et les tribunaux administratifs.
[60] En l'espèce, le motif raisonnable était le fait que l'Office se soit fondé sur l'arrêt Fort Rouge de notre Cour. Dans cette affaire, l'Office a formulé sa décision en utilisant les mêmes termes que ceux sous‑entendus dans la décision Celgar et utilisés dans la décision Partenariat de la vallée de l'Outaouais, à savoir un droit de propriété. Notre Cour a reconnu que les facteurs auxquels l'Office a renvoyé ne suffisaient pas à créer un droit de propriété, mais ils pouvaient néanmoins étayer la conclusion de l'Office selon laquelle BNSF avait un intérêt suffisant dans la gare de triage de Fort Rouge pour justifier la décision de l'Office de considérer cette gare comme une partie de la ligne de chemin de fer de BNSF.
[61] En l'espèce, l'Office a reconnu que le facteur essentiel était le droit « de mener toutes les activités nécessaires à l'échange de trafic » (voir la décision, au paragraphe 69), position qui concorde avec celle de notre Cour dans l'arrêt Fort Rouge. Les droits que l'Office a reconnus lui ont permis de considérer que BNSF avait un intérêt suffisant dans la gare de triage de Coutts pour que celle‑ci soit considérée comme une partie de la ligne de chemin de fer de BNSF. L'Office a ainsi davantage précisé les situations dans lesquelles une compagnie de chemin de fer « a » une ligne de chemin de fer, s'éloignant d'une vision strictement liée à la propriété, comme dans la décision Celgar, pour adopter une vision plus nuancée, fondée sur une intégration fonctionnelle. Ces précisions concordent avec la politique nationale du Canada en matière de transport, qui favorise la concurrence et les forces du marché et s'oppose aux prix et modalités qui constituent un obstacle excessif au trafic. Il relève totalement de l'Office de préciser sa façon d'aborder la question de savoir en quoi consiste un lieu de correspondance.
[62] Par conséquent, je conclus que la décision de l'Office sur cette question est raisonnable. Une fois que l'Office a conclu que BNSF avait une ligne de chemin de fer à la gare de triage de Coutts, les questions de l'existence d'un lieu de correspondance et de la disponibilité de l'interconnexion se sont résolues d'elles‑mêmes en faveur de P&H.
V. Conclusion
[63] Pour les motifs qui précèdent, je rejetterais l'appel avec dépens en faveur de P&H.
« J.D. Denis Pelletier »
j.c.a.
« Je suis d'accord.
M. Nadon, j.c.a. »
« Je suis d'accord.
Johanne Trudel, j.c.a. »
Traduction certifiée conforme
Yves Bellefeuille, réviseur
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DoSSIER : |
A-310-13 |
INTITULÉ : |
COMPAGNIE DE CHEMIN DE FER CANADIEN PACIFIQUE c. OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA ET PARRISH & HEIMBECKER, LIMITED
|
LIEU DE L'AUDIENCE : |
Ottawa (Ontario)
|
DATE DE L'AUDIENCE : |
LE 11 DÉCEMBRE 2014
|
MOTIFS DU JUGEMENT : |
LE JUGE PELLETIER
|
Y ONT SOUSCRIT : |
LE JUGE NADON LA JUGE TRUDEL
|
DATE DES MOTIFS : |
LE 2 JANVIER 2015
|
COMPARUTIONS :
Doug Hodson Kristen MacDonald
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POUR L'APPELANTE COMPAGNIE DE CHEMIN DE FER CANADIEN PACIFIQUE
|
Barbara Cuber
|
POUR L'INTIMÉ OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA |
Forrest Hume Monika Gehlen
|
POUR L'INTIMÉE PARRISH & HEIMBECKER, LIMITED
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
MacPherson Leslie & Tyerman, LLP Saskatoon (Saskatchewan) |
POUR L'APPELANTE COMPAGNIE DE CHEMIN DE FER CANADIEN PACIFIQUE
|
Office des transports du Canada Gatineau (Québec)
|
POUR L'INTIMÉ OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA |
Davis, S.E.N.C.R.L. Vancouver (Colombie‑Britannique)
|
POUR L'INTIMÉe PARRISH & HEIMBECKER, LIMITED |