Date : 20150316
Dossiers : A‑437‑14 (dossier principal), A‑56‑14, A‑59‑14,
A‑63‑14, A‑64‑14; A‑67‑14, A‑439‑14,
A‑440‑14, A‑442‑14, A‑443‑14, A‑445‑14,
A‑446‑14, A‑447‑14, A‑448‑14, A‑514‑14,
A‑517‑14, A‑520‑14, A‑522‑14
Référence : 2015 CAF 73
En présence de monsieur le juge Stratas
ENTRE : |
NATION GITXAALA, PREMIÈRE NATION GITGA’AT, NATION HAISLA, LE CONSEIL DE LA NATION HAÏDA et PETER LANTIN, poursuivant en son nom et au nom de tous les citoyens de la Nation Haïda, CONSEIL DE BANDE KITASOO XAI’XAIS, au nom de tous les membres de la Nation Kitasoo Xai’Xais, et CONSEIL TRIBAL HEILTSUK, au nom de tous les membres de la Nation Hailtsuk, MARTIN LOUIE, en son nom et au nom des Nadleh Whut’en et de la bande de Nadleh Whut’en, FRED SAM, en son nom et au nom de tous les Nak’azdli Whut’en et de la bande de Nak’azdli, UNIFOR, FORESTETHICS ADVOCACY ASSOCIATION, LIVING OCEANS SOCIETY, RAINCOAST CONSERVATION FOUNDATION, FEDERATION OF BRITISH COLUMBIA NATURALISTS, faisant affaire sous la raison sociale BC NATURE |
demandeurs et appelants |
et |
SA MAJESTÉ LA REINE, PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT, NORTHERN GATEWAY PIPELINES INC., NORTHERN GATEWAY PIPELINES LIMITED PARTNERSHIP et OFFICE NATIONAL DE L’ÉNERGIE |
défendeurs et intimés |
et |
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE LA COLOMBIE‑BRITANNIQUE, AMNISTIE INTERNATIONALE et L’ASSOCIATION CANADIENNE DES PRODUCTEURS PÉTROLIERS |
intervenants |
Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.
Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 16 mars 2015.
MOTIFS DE L’ORDONNANCE : |
LE JUGE STRATAS |
Date : 20150316
Dossiers : A‑437‑14 (dossier principal), A‑56‑14, A‑59‑14,
A‑63‑14, A‑64‑14; A‑67‑14, A‑439‑14,
A‑440‑14, A‑442‑14, A‑443‑14, A‑445‑14,
A‑446‑14, A‑447‑14, A‑448‑14, A‑514‑14,
A‑517‑14, A‑520‑14, A‑522‑14
Référence : 2015 CAF 73
En présence de monsieur le juge Stratas
ENTRE : |
NATION GITXAALA, PREMIÈRE NATION GITGA’AT, NATION HAISLA, LE CONSEIL DE LA NATION HAÏDA et PETER LANTIN, poursuivant en son nom et au nom de tous les citoyens de la Nation Haïda, CONSEIL DE BANDE KITASOO XAI’XAIS, au nom de tous les membres de la Nation Kitasoo Xai’Xais, et CONSEIL TRIBAL HEILTSUK, au nom de tous les membres de la Nation Hailtsuk, MARTIN LOUIE, en son nom et au nom des Nadleh Whut’en et de la bande de Nadleh Whut’en, FRED SAM, en son nom et au nom de tous les Nak’azdli Whut’en et de la bande de Nak’azdli, UNIFOR, FORESTETHICS ADVOCACY ASSOCIATION, LIVING OCEANS SOCIETY, RAINCOAST CONSERVATION FOUNDATION, FEDERATION OF BRITISH COLUMBIA NATURALISTS, faisant affaire sous la raison sociale BC NATURE |
demandeurs et appelants |
et |
SA MAJESTÉ LA REINE, PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT, NORTHERN GATEWAY PIPELINES INC., NORTHERN GATEWAY PIPELINES LIMITED PARTNERSHIP et OFFICE NATIONAL DE L’ÉNERGIE |
défendeurs et intimés |
et |
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE LA COLOMBIE‑BRITANNIQUE, AMNISTIE INTERNATIONALE et L’ASSOCIATION CANADIENNE DES PRODUCTEURS PÉTROLIERS |
intervenants |
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
LE JUGE STRATAS
[1] Notre cour est saisie d’appels et de demandes réunis découlant de décisions rendues par le gouverneur en conseil, par l’Office national de l’énergie et par une commission d’examen conjoint au sujet du projet de pipeline Northern Gateway.
[2] Récemment, le procureur général de la Colombie‑Britannique, en réponse à un avis de question constitutionnelle, a demandé la permission d’intervenir et de déposer un mémoire concernant la question constitutionnelle en même temps que les défendeurs/intimés déposeront leurs mémoires. Le procureur général de la Colombie‑Britannique peut intervenir de plein droit : Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, paragraphe 57(4). Une ordonnance en ce sens sera rendue.
[3] La Cour est saisie de deux requêtes fondées sur l’article 109 des Règles des Cours fédérales (Règles), D.O.R.S./98‑106, par lesquelles Amnistie Internationale et l’Association canadienne des producteurs pétroliers sollicitent la permission d’intervenir dans les présentes affaires réunies. Par les motifs exposés ci‑dessous, je leur accorde la permission d’intervenir à certaines conditions.
A. Le critère applicable à l’octroi de la permission d’intervenir
[4] Aux fins des présentes requêtes, j’applique le critère consacré par la jurisprudence Canada (Procureur général) c. Première Nation Pictou Landing, 2014 CAF 21, 456 N.R. 365. Ce critère met à jour et modifie le critère qui avait précédemment été consacré par la jurisprudence Rothmans, Benson & Hedges Inc. c. Canada (Procureur général) (1989), [1990] 1 C.F. 74, au paragraphe 12 (C.F. 1re inst.), conf. par [1990] 1 C.F. 90 (C.A.).
[5] Voici le critère consacré par la jurisprudence Pictou, précité, au paragraphe 11 :
I. La personne qui désire intervenir s’est‑elle conformée aux exigences procédurales particulières énoncées au paragraphe 109(2) des Règles? La preuve présentée à l’appui est‑elle précise et détaillée? Si la réponse à l’une ou l’autre de ces questions est négative, la Cour n’est pas en mesure d’évaluer adéquatement les autres facteurs et doit par conséquent refuser d’accorder le statut d’intervenant. Si la réponse aux deux questions est affirmative, la Cour est en mesure d’évaluer adéquatement les autres facteurs et de déterminer si, selon la prépondérance des probabilités, il convient d’accorder le statut d’intervenant.
II. La personne qui désire intervenir a‑t‑elle un intérêt véritable dans l’affaire dont la Cour est saisie, permettant ainsi de garantir à la Cour qu’elle possède les connaissances, les compétences et les ressources nécessaires et qu’elle les consacrera à l’affaire dont la Cour est saisie?
III. En participant au présent appel de la manière qu’elle se propose, la personne qui désire intervenir fournira‑t‑elle à la Cour d’autres précisions et perspectives utiles qui l’aideront effectivement à la prise d’une décision?
IV. Est‑il dans l’intérêt de la justice d’autoriser l’intervention? Par exemple, l’affaire dont la Cour est saisie comporte‑t‑elle une dimension publique importante et complexe, de sorte que la Cour doit prendre connaissance d’autres points de vue que ceux exprimés par les parties à l’instance? La personne qui désire intervenir a‑t‑elle participé à des procédures antérieures concernant l’affaire?
V. L’intervention désirée est‑elle incompatible avec les exigences énoncées à l’article 3 des Règles, à savoir de permettre « d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible »? Existe‑t‑il des conditions qui devraient se rapporter à l’intervention et qui pourraient répondre aux exigences prévues à l’article 3?
[6] Certains de ces facteurs militent en faveur de l’octroi de la permission d’intervenir. Les deux entités qui désirent intervenir se sont conformées aux exigences du paragraphe 109(2) des Règles en présentant à la Cour des preuves précises et détaillées.
[7] Les deux entités qui désirent intervenir ont un intérêt véritable dans les affaires dont la Cour est saisie, et la Cour est convaincue qu’elles consacreront les connaissances, les compétences et les ressources qu’elles possèdent à celles‑ci.
[8] Enfin, l’octroi de la permission d’intervenir en l’espèce est compatible avec les objectifs de l’article 3 des Règles. Les deux entités qui désirent intervenir ont tenu compte dans le cadre de leur demande du calendrier que la Cour a fixé dans les affaires en cause, lequel a été établi de façon à répondre aux objectifs de l’article 3 des Règles.
[9] Dans les deux requêtes, la controverse concerne les facteurs III et IV du critère, soit la mesure dans laquelle chaque personne qui désire intervenir fournira à la Cour d’autres précisions et perspectives utiles qui l’aideront à la prise d’une décision et la mesure dans laquelle il est dans l’intérêt de la justice d’autoriser l’intervention. En l’espèce, chacune des entités présente des points forts et des points faibles en ce qui concerne ces facteurs.
B. Amnistie Internationale
[10] Lorsqu’elle est saisie d’une requête pour permission d’intervenir, la Cour doit rechercher si la personne qui désire intervenir fournira à la Cour « d’autres précisions et perspectives utiles qui l’aideront effectivement à la prise d’une décision » : Pictou, précité, au paragraphe 11 (facteur III).
[11] Amnistie Internationale apporte aux questions dont la Cour est saisie une perspective axée sur le droit international. Elle soutient qu’il existe plusieurs textes et autres documents internationaux qui ont une incidence sur les questions en litige. Selon son mémoire, le droit international joue à bien des égards et de nombreuses manières aux questions en litige dans les présentes affaires réunies. À mon avis, cette affirmation va beaucoup trop loin.
[12] À certains égards, Amnistie Internationale présente à la Cour de longues observations sur le droit international qui ont peu ou rien à voir avec les questions de droit national qu’elle doit trancher. Il n’est pas rare que les avocats qui invoquent ces arguments présument que le droit international – lequel exprime souvent des concepts fondamentaux qui « transcendent » le droit propre à chacun des États‑nations – joue dans tous les cas où la Cour est appelée à interpréter et à appliquer des règles de droit national. En droit, cette présomption est tout simplement erronée.
[13] Ce n’est que de certaines manières que le droit international est susceptible d’avoir une incidence sur les questions en litige dans les présentes affaires réunies. Si par son intervention Amnistie Internationale cherche effectivement à aider la Cour à rendre une décision dans les présentes affaires réunies, son intervention doit viser l’une de celles‑ci.
[14] Les questions dont nous sommes saisis sont définies par les avis de demande et les avis d’appel déposés dans ces affaires réunies. À la lumière de ces avis, je conclus que les questions à trancher comprennent les suivantes : la question de savoir si les décisions prises par le gouverneur en conseil, par l’Office national de l’énergie et par la commission d’examen conjoint en vertu de pouvoirs décisionnels d’origine législative étaient raisonnables ou correctes, la question de savoir si des obligations en matière de consultations autochtones n’ont pas à ce jour été remplies, et la question de savoir si les décisions devraient être annulées en raison d’erreurs procédurales.
[15] En ce qui concerne la question de savoir si les décisions prises étaient raisonnables ou correctes, le sens de la disposition législative autorisant ou régissant chaque décision est habituellement un élément important de l’analyse. Comme je l’explique ci‑dessous, le droit international peut être pris en compte lorsque le sens de la disposition législative en cause n’est pas clair.
[16] C’est le droit national, et non le droit international qui constitue le droit du pays, à moins que le droit international ne soit expressément incorporé au droit national par renvoi : Succession Ordon c. Grail, [1998] 3 R.C.S. 437, 166 D.L.R. (4th) 193, au paragraphe 137; Capital Cities Communications Inc. c. C.R.C., [1978] 2 R.C.S. 141, aux pages 172 et 173, 81 D.L.R. (3d) 609; voir également les articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui accordent au législateur fédéral et aux législatures des provinces le pouvoir « exclusif » de faire des lois. Lorsqu’une disposition législative est claire et dénuée de toute ambiguïté, il n’y a pas lieu d’invoquer le droit international pour en modifier le sens : Németh c. Canada (Justice), 2010 CSC 56, [2010] 3 R.C.S. 281, au paragraphe 35; Schreiber c. Canada (Procureur général), 2002 CSC 62, [2002] 3 R.C.S. 269, au paragraphe 50.
[17] Cependant, lorsque plusieurs interprétations d’une disposition législation sont possibles, il faut éviter celles qui aboutiraient à l’inobservation par le Canada, de ses obligations internationales : Succession Ordon, précité, au paragraphe 137. Ce principe d’interprétation est fondé sur la présomption selon laquelle notre droit national est conforme au droit international : R. c. Hape, 2007 CSC 26, [2007] 2 R.C.S. 292, au paragraphe 53. À titre d’exemple, dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, 174 D.L.R. (4th) 193, aux paragraphes 69 à 71, la Cour suprême du Canada a jugé que l’expression « raisons d’ordre humanitaire » figurant dans une disposition législative était ambigüe, et elle s’est appuyée sur le droit international pour résoudre l’ambiguïté. En pratique, ce principe d’interprétation est rarement appliqué, parce que la plupart des dispositions législatives sont dénuées d’ambiguïté et par conséquent [traduction] « il faut respecter [ces] dispositions, même si elles sont contraires au droit international » : Daniels c. White, [1968] R.C.S. 517, à la page 541, 2 D.L.R. (3d) 1. Somme toute, le droit international peut donc jouer un rôle – parfois important – dans l’interprétation des dispositions législatives, mais celui‑ci est bien défini et circonscrit.
[18] Dans une affaire de droit administratif comme celle dont la Cour est saisie en l’espèce, le droit international peut d’une autre manière intervenir dans l’analyse de manière restreinte. Aux fins de la présente analyse, je présumerai que la disposition législative en cause est dénuée d’ambiguïté et n’incorpore pas expressément le droit international par renvoi. En pareil cas, même si la disposition en question est claire, il est possible qu’il soit loisible au décideur administratif d’exercer son pouvoir discrétionnaire de différentes manières, et il se pourrait aussi qu’une approche soit davantage compatible avec les normes de droit international que d’autres. Dans les cas où le décideur administratif s’abstient d’exercer son pouvoir discrétionnaire de la façon davantage compatible avec les normes du droit international et où il emprunte plutôt une autre voie, une partie peut faire valoir qu’il n’a pas exercé son pouvoir de manière raisonnable du fait qu’il n’a pas suivi les normes de droit international. Cependant, compte tenu du statut du droit international, lorsque la loi nationale est dénuée de toute ambiguïté, cela ne constitue qu’un argument portant que le décideur n’a pas suivi une considération de principe non contraignante. Dans certains cas, cette omission pourra rendre la décision déraisonnable. Cela dépend en grande partie de l’importance de la norme de droit international dans le contexte et de la marge d’appréciation ou de l’éventail des issues acceptables pouvant se justifier qui s’offrent au décideur dans le cadre de l’interprétation et de l’application de la disposition législative autorisant la décision : voir, p. ex., Canada (Ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités) c. Jagjit Singh Farwaha, 2014 CAF 56, aux paragraphes 88 à 105, pour l’approche générale.
[19] En ce qui concerne l’obligation de consulter, la jurisprudence de la Cour suprême du Canada lie la Cour d’appel fédérale, et elle a défini cette obligation avec passablement de précision. Nous ne pouvons modifier les règles établies par la Cour suprême du Canada selon les arguments fondés sur le droit international avancés devant nous. Au mieux, le droit international pourrait avoir une certaine utilité dans l’interprétation et l’application des règles de droit énoncées par la Cour suprême du Canada.
[20] Je conviens que certaines normes de droit international peuvent avoir trait à l’équité procédurale. Cependant, la plupart des principes d’équité procédurale ont été bien définis dans la jurisprudence comme la jurisprudence Baker, précitée. Dans la présente requête, Amnistie Internationale ne m’a pas convaincu que le droit international aura une incidence concrète sur la façon dont la Cour tranchera les questions d’ordre procédural.
[21] En ce qui concerne l’intérêt de la justice (facteur IV mentionné dans l’arrêt Pictou), je suis préoccupé par le fait qu’il y a déjà plusieurs demandeurs/appelants en l’espèce – ils sont beaucoup plus nombreux que les défendeurs/intimés – et qu’ils peuvent fort bien s’ils le souhaitent invoquer le droit international, mais, il est vrai, sans peut‑être bénéficier d’autant d’expertise à ce chapitre qu’Amnistie Internationale. Cette dernière est effectivement la mieux placée pour formuler des observations utiles sur ces questions.
[22] Pour trancher la présente requête pour permission d’intervenir, je dois apprécier l’équité globale de l’intervention. Les défenderesses/intimées Northern Gateway Pipelines Inc. et Northern Gateway Pipelines Limited Partnership observeront qu’elles s’opposent à plusieurs parties dans les présentes affaires réunies. Elles s’inquiètent du fait que, déjà, elles devront répondre à de nombreuses observations, surtout si les demandeurs/appelants se répartissent les questions entre eux dans leurs mémoires afin d’éviter les répétitions. Plus précisément, elles s’inquiètent du fait que leurs mémoires doivent se limiter à un certain nombre de pages, et qu’elles devront peut‑être en utiliser quelques‑unes pour répondre aux observations d’Amnistie Internationale.
[23] Ces préoccupations sont bien fondées. Un des éléments de l’équité générale du processus judiciaire réside dans « l’égalité des moyens » : Lord Woolf, Access to Justice: Interim Report to the Lord Chancellor on the Civil Justice System in England and Wales (Londres, R.‑U. : Lord Chancellor’s Department, 1995). Dans la mesure du possible, les tenants d’une thèse dans un différend ne doivent pas dominer, en nombre ou autrement, leurs adversaires au point de les écraser et de les empêcher de s’exprimer adéquatement.
[24] En ce qui concerne les débats devant la Cour, nous reconnaissons le principe de « l’égalité des moyens » en accordant aux tenants de chaque thèse qui comparaissent devant nous le même temps pour présenter leurs observations de vive voix, indépendamment de leur nombre. Pour ce qui est des mémoires, la meilleure façon d’assurer « l’égalité des moyens » consiste à permettre aux tenants d’une thèse en infériorité numérique qui en font la demande de déposer des mémoires plus longs, mais seulement si nécessaire.
[25] Il s’agit en l’espèce d’un cas limite; cependant, de façon globale, il convient que j’exerce mon pouvoir discrétionnaire de façon à permettre à Amnistie Internationale d’intervenir à certaines conditions, principalement en raison de son expertise sur les questions de droit international et de la possibilité que ces questions soient pertinentes, bien que de manière restreinte.
[26] Amnistie Internationale pourra produire un mémoire d’au plus quinze pages au plus tard à la date à laquelle les demandeurs/appelants doivent déposer les leurs. Elle pourra également formuler des observations de vive voix lors de l’audition. La formation qui instruira l’appel en déterminera la durée.
[27] Les observations qu’Amnistie Internationale présentera de vive voix et par écrit porteront sur des questions de droit international, mais uniquement dans la mesure où elles sont pertinentes et nécessaires pour permettre à la Cour de trancher les questions en litige dans les affaires réunies. Amnistie Internationale doit expliquer en quoi et pourquoi, sur le plan juridique, la thèse précise tirée du droit international est pertinente et nécessaire pour permettre à la Cour de trancher une question donnée, en se référant explicitement à la règle de droit susmentionnée ou d’autres règles de droit pertinentes. Ainsi, elle devra invoquer une disposition législative qui est ambigüe ou qui autorise plusieurs manières d’exercer un pouvoir discrétionnaire, puis préciser la règle de droit international qui, selon elle, est pertinente quant à la question en litige.
[28] Par souci de clarté, je précise que bien que je doute de la pertinence du droit international quant aux aspects sur lesquels la Cour suprême du Canada s’est prononcée – dont le contenu de l’obligation de consulter et de l’obligation d’équité procédurale – Amnistie Internationale pourra formuler des observations sur ces questions, pourvu qu’elle respecte les conditions du paragraphe qui précède.
[29] La formation qui instruira l’appel relatif aux présentes affaires réunies pourra écarter toute observation portant sur le droit international qui ne respecte pas les conditions susmentionnées ou qui n’est pas pertinente par ailleurs.
[30] De plus, au titre des conditions de l’octroi de la permission d’intervenir à Amnistie Internationale, j’invite les défendeurs/intimés, s’ils le jugent nécessaire, à présenter au moyen d’une lettre informelle une requête en vue d’obtenir l’autorisation de produire des mémoires plus longs dans les trois jours suivant la date à laquelle ils recevront les mémoires des demandeurs/appelants et d’Amnistie Internationale.
C. Association canadienne des producteurs pétroliers
[31] Conformément à la directive précédente de la juge Sharlow, l’Association a présenté avec ses documents de requête un projet de mémoire. En réponse, plusieurs demandeurs/appelants s’opposent à l’intervention de l’Association et soulèvent un certain nombre de préoccupations à cet égard. Je partage bon nombre d’entre elles.
[32] L’Association ne semble rien faire de plus qu’invoquer des thèses que les défendeurs/intimés peuvent formuler eux‑mêmes. Les thèses ne font ressortir aucune perspective propre à l’Association, qui regroupe des entités dont les intérêts économiques sont touchés par le projet de pipeline Northern Gateway.
[33] Néanmoins, certains facteurs militent en faveur de l’octroi à l’Association de la permission d’intervenir.
[34] Le projet a été approuvé en partie parce qu’il s’agit d’un projet d’intérêt public. La légalité et le caractère raisonnable de l’approbation sont controversés. L’Association est bien placée pour faire valoir la question de l’intérêt public. Elle représente en effet un large secteur de la population touchée par les décisions des instances inférieures.
[35] Dans l’arrêt Pictou, précité, au paragraphe 11, il est signalé qu’un important facteur à prendre en compte est la question de savoir si l’affaire « comporte […] une dimension publique importante et complexe », de sorte que la Cour doit prendre connaissance d’autres points de vue que ceux exprimés par les parties à l’instance. Dans certains cas, une intervention peut être justifiée simplement pour préserver l’apparence d’équité et, mieux encore, en raison de l’aide concrète que l’intervenant est susceptible d’apporter au tribunal. Bien que ces cas soient rares, je suis d’avis que nous sommes en présence d’un tel cas, en l’espèce.
[36] À l’heure actuelle, les présentes affaires opposent, d’une part, des groupes autochtones, des groupes environnementaux, un syndicat et, maintenant, dans le cas d’Amnistie Internationale, une organisation internationale clé, et, d’autre part, uniquement des entités gouvernementales, soit les auteurs du projet. Ce qui manque, c’est la présence de personnes autres que les auteurs du projet, dont les intérêts pourraient être touchés si son approbation est annulée. L’Association permet de combler en partie cette lacune.
[37] À mon avis, les présentes affaires se distinguent de l’affaire Forest Ethics Advocacy Association c. Office national de l’énergie, 2014 CAF 88, où la Cour a refusé d’accorder la permission d’intervenir à une entreprise de raffinage située en aval d’un pipeline. L’Association qui demande le statut d’intervenante dans les présentes affaires représente tout un secteur industriel. De plus, la question dont la Cour était saisie dans l’affaire Forest Ethics Advocacy Association – soit l’examen de la décision par laquelle l’Office national de l’énergie a refusé un droit de participation à un particulier – ne comportait pas la « dimension publique importante et complexe » qui est présente en l’espèce. Qui plus est, le déséquilibre observé dans les présentes affaires, où une panoplie de voix s’élèvent d’un côté, et relativement peu de l’autre, n’était pas présent dans l’affaire Forest Ethics Advocacy Association.
[38] J’ajoute que l’Association a participé activement aux procédures dans les affaires dont nous sommes saisis en présentant des éléments de preuve et en interrogeant des témoins devant les instances inférieures. Bien que ce facteur soit loin d’être déterminant, il milite en faveur de l’octroi de la permission d’intervenir pour des raisons d’équité.
[39] Encore là, il s’agit d’un cas limite, mais il convient que j’accorde à l’Association la permission d’intervenir. Dans son mémoire, qui ne pourra dépasser quinze pages, l’Association formulera des observations concernant les considérations d’intérêt public qui sont pertinentes quant à la question de savoir si les décisions attaquées sont raisonnables ou correctes. S’il y a lieu de procéder à l’examen du caractère raisonnable des décisions, l’Association pourra formuler des observations au sujet de l’éventail ou de la nature des issues acceptables pouvant se justifier ou de la marge d’appréciation des décideurs, dans le contexte des décisions attaquées, et au sujet de la question de savoir si les décisions en cause se situent à l’intérieur de cet éventail ou de cette marge. Pour être clair, l’ébauche de mémoire que l’Association a présentée à la Cour ne respecte pas les exigences énoncées dans le présent paragraphe et il devra être modifié.
[40] L’Association doit déposer son mémoire au plus tard à la date fixée pour le dépôt des mémoires des défendeurs/intimés. Les observations de l’Association ne devront pas faire double emploi avec celles des défendeurs/intimés.
[41] L’Association a également le droit de présenter des observations verbalement à l’audience relative aux présentes affaires réunies. La formation qui instruira l’appel en déterminera la durée.
[42] En ce qui concerne les éléments de preuve, les deux intervenantes doivent accepter le dossier en l’état. Aucune d’elles ne peut réclamer des dépens ni être condamnée à en payer.
D. Décision
[43] Une ordonnance sera rendue conformément aux présents motifs.
« David Stratas »
j.c.a.
Traduction certifiée conforme
François Brunet, réviseur.
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIERS : |
A‑437‑14 (DOSSIER
PRINCIPAL), A‑56‑14, A‑59‑14, A‑63‑14, A‑64‑14,
A‑67‑14, A‑439‑14, A‑440‑14, A‑442‑14,
A‑443‑14, A‑445‑14, A‑446‑14, A‑447‑14,
A‑448‑14, A‑514‑14, A‑517‑14, A‑520‑14,
|
|
INTITULÉ : |
NATION GITXAALA et al. c. SA MAJESTÉ LA REINE et al. |
|
REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES
MOTIFS DE L’ORDONNANCE : |
LE JUGE STRATAS
|
DATE DES MOTIFS : |
LE 16 MARS 2015
|
OBSERVATIONS ÉCRITES :
Allan Donovan Jennifer Griffith Amy Jo Scherman
|
POUR LA DEMANDERESSE/ |
Rosanne Kyle Elin Sigurdson |
POUR LA
DEMANDERESSE/ |
Chris Tollefson |
POUR LA
DEMANDERESSE/ |
Barry Robinson |
POUR LES DEMANDERESSES/
|
MicHael Lee Ross Krystle C. Tan |
POUR LA DEMANDERESSE/
|
Cheryl Sharvit
|
POUR LES DEMANDERESSES/
|
Lisa Fong |
POUR LES DEMANDEURS/
|
Richard A. Neufeld, c.r.
|
POUR LES DÉFENDERESSES/
|
Ryan V. Rodier |
POUR LE DÉFENDEUR/INTIMÉ, OFFICE NATIONAL DE L’ÉNERGIE
|
Jan Brongers |
POUR LES DÉFENDEURS/
|
Keith B. Bergner Lewis L. Manning Toby Kruger |
POUR L’INTERVENANTE ÉVENTUELLE, ASSOCIATION CANADIENNE DES PRODUCTEURS PÉTROLIERS |
Justin Safayeni Naomi Greckol‑Herlich Colleen Bauman
|
POUR L’INTERVENANTE ÉVENTUELLE, AMNISTIE INTERNATIONALE |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Donovan & Company Vancouver (Colombie‑Britannique)
|
POUR LA DEMANDERESSE/
|
Janes Freedman Kyle Law Corporation Vancouver (Colombie‑Britannique) |
POUR LA DEMANDERESSE/ |
Environmental Law Centre, Université de Victoria Victoria (Colombie‑Britannique) |
POUR LA
DEMANDERESSE/ |
Ecojustice Calgary (Alberta) |
POUR LES
DEMANDERESSES/ |
Peter Grant & Associates Vancouver (Colombie‑Britannique) |
POUR LA
DEMANDERESSE/ |
Mandell Pinder LLP Vancouver (Colombie‑Britannique) |
POUR LES
DEMANDERESSES/ |
Ng Ariss Fong Vancouver (Colombie‑Britannique) |
POUR LES
DEMANDEURS/ |
Dentons Canada LLP Calgary, Alberta
|
POUR LES DÉFENDERESSES/
|
Office national de l’énergie Calgary (Alberta) |
POUR LE DÉFENDEUR/INTIMÉ, OFFICE NATIONAL DE L’ÉNERGIE |
William F. Pentney Sous‑procureur général du Canada |
POUR LES DÉFENDEURS/ |
Lawson Lundell LLP Vancouver (Colombie‑Britannique) |
POUR L’INTERVENANTE ÉVENTUELLE, ASSOCIATION CANADIENNE DES PRODUCTEURS PÉTROLIERS |
Stockwoods LLP Toronto (Ontario) Sack Goldblatt Mitchell LLP Ottawa (Ontario) |
POUR L’INTERVENANTE ÉVENTUELLE, AMNISTIE INTERNATIONALE |