Date : 20150304
Dossier : A‑360‑12
Référence : 2015 CAF 62
CORAM : |
LA JUGE GAUTHIER LE JUGE NEAR LE JUGE SCOTT
|
ENTRE : |
PETER DONALDSON |
appelant |
et |
WESTERN GRAIN BY‑PRODUCTS STORAGE LTD. |
intimée |
Audience tenue à Winnipeg (Manitoba), le 3 février 2015.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 4 mars 2015.
MOTIFS DU JUGEMENT : |
LE JUGE NEAR |
Y ONT SOUSCRIT : |
LA JUGE GAUTHIER LE JUGE SCOTT |
Date : 20150304
Dossier : A‑360‑12
Référence : 2015 CAF 62
CORAM : |
LA JUGE GAUTHIER LE JUGE NEAR LE JUGE SCOTT
|
ENTRE : |
PETER DONALDSON |
appelant |
et |
WESTERN GRAIN BY‑PRODUCTS STORAGE LTD. |
intimée |
MOTIFS DU JUGEMENT
LE JUGE NEAR
I. Introduction
[1] Peter J. Donaldson interjette appel de la décision datée du 21 juin 2012 (2012 CF 804) par laquelle le juge Campbell, de la Cour fédérale, a accueilli la demande de contrôle judiciaire de l’intimée, Western Grain By‑Products Storage Ltd. (Western Grain).
[2] La décision attaquée devant la Cour fédérale a été rendue le 9 novembre 2011 par un arbitre nommé en vertu de la Section XIV du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L‑2 (Code). L’arbitre, Daniel J. Baum, a conclu que Western Grain avait injustement congédié M. Donaldson.
[3] Par les motifs exposés ci‑dessous, je rejetterais l’appel.
II. Faits et historique des procédures
A. Faits
[4] À la date pertinente, l’appelant était employé par l’intimée, qui exploitait un terminal céréalier situé à Thunder Bay, en Ontario, depuis environ 20 ans.
[5] La série des événements pertinents a débuté le 9 mai 2007, lorsque l’appelant a quitté le travail malade. Il s’est rendu à la salle d’urgence du Thunder Bay Regional Health Sciences Centre, où il s’est plaint de douleurs abdominales et de vomissements, et a été hospitalisé jusqu’au 20 mai 2007.
[6] Le 22 juin 2007, l’appelant a déposé auprès de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT) une demande d’indemnité par laquelle il a déclaré que les symptômes dont il avait souffert le 9 mai 2007 découlaient probablement d’une réaction allergique toxique à la poussière de grains.
[7] En juillet et août 2007, l’appelant s’est rendu au terminal de Western Grain et a fait savoir à son employeur (l’intimée) que son médecin l’avait avisé qu’il ne pourrait pas retourner au travail en raison de problèmes de santé.
[8] Par décision datée du 17 octobre 2007, la CSPAAT a avisé l’appelant que l’existence d’une maladie professionnelle n’avait pas été établie. Elle est arrivée à cette conclusion après avoir fait examiner les dossiers médicaux de l’appelant par l’un de ses consultants en médecine du travail. Par sa décision, la CSPAAT a expliqué que le droit à une indemnité repose sur une preuve établissant qu’[traduction] « il est plus probable que non que votre travail ait contribué de façon importante à l’apparition d’une maladie ou affection » (dossier d’appel, volume I, à la page 202).
[9] L’intimée a été informée pour la première fois de la conclusion de la CSPAAT le 23 octobre 2007. Le dossier de la Cour contient un document d’opposition à cette conclusion rempli par l’appelant, mais rien n’indique que la décision de la CSPAAT a été infirmée.
[10] Le 25 octobre 2007, l’appelant s’est rendu au terminal de Western Grain et a présenté un billet de deux lignes écrit à la main par son médecin de famille, daté du 24 octobre 2007, dont voici le contenu : [traduction] « M. Donaldson est maintenant apte à réintégrer son emploi auprès de Western Grain » (dossier d’appel, volume I, à la page 203). Lorsqu’il a reçu le billet, M. Mailhot, le directeur de Western Grain, a dit à l’appelant que celui‑ci ne pouvait pas retourner au travail avant d’avoir présenté [traduction] « un billet de médecin plus détaillé au sujet de son degré d’aptitude par rapport à ses fonctions et au milieu de travail » (dossier d’appel, volume I, à la page 113).
[11] Peu après, le 31 octobre 2007, l’intimée a avisé par écrit l’appelant du fait que la saison d’expédition avait été réduite et ne donnait lieu qu’à du travail de nature très occasionnelle, et que par conséquent il était temporairement mis à pied à compter du 9 novembre 2007. Des mises à pied saisonnières ont lieu chaque année chez Western Grain. En 2007, quatre autres employés ont également été temporairement mis à pied.
[12] Le 16 novembre 2007, l’appelant a déposé auprès de Ressources humaines et Développement social Canada (RHDSC) une plainte dans laquelle il était allégué ce qui suit : [traduction] « on ne m’a pas permis de retourner au travail avec un billet de médecin, j’ai le sentiment qu’on m’a injustement congédié » (dossier d’appel, volume I, à la page 185).
[13] Par lettre datée du 12 décembre 2007, en réponse à la demande d’information de RHDSC au sujet de la plainte de l’appelant, M. Mailhot a souligné que le billet de médecin lui semblait suspect et qu’il avait demandé à l’appelant un billet plus précis. Dans la lettre M. Mailhot a également expliqué que l’appelant et quatre autres employés faisaient actuellement l’objet d’une mise à pied saisonnière.
[14] Le 5 mars 2008, M. Mailhot a écrit à l’appelant pour lui demander les [traduction] « informations […] que nous vous avons déjà demandées », notamment un certificat écrit d’un médecin attestant que l’appelant était inapte à travailler pendant la période allant du 9 mai 2007 au 25 octobre 2007, et un certificat de médecin récent attestant qu’il était apte à réintégrer ses fonctions professionnelles habituelles (dossier d’appel, volume I, à la page 208). M. Mailhot a demandé à l’appelant de fournir ces renseignements dans les quinze (15) jours suivant la réception de la lettre.
B. Décision de l’arbitre
[15] Par une décision décousue et incohérente, l’arbitre a conclu que l’appelant avait fait l’objet d’un congédiement déguisé de la part de l’intimée et que ce congédiement était injuste.
[16] L’arbitre a défini le congédiement déguisé comme une [traduction] « modification, sans justification, d’une condition d’emploi essentielle de la part de l’employeur » (à la page 28). Au soutien de cette définition, il a cité les arrêts Farber c. Cie Trust Royal, [1997] 1 R.C.S. 846, 145 D.L.R. (4th) 1, et Shah c. Xerox Canada Ltd., 131 O.A.C. 44, [2000] O.J. no 849 (QL).
[17] Vers le début de sa décision, l’arbitre a tiré une conclusion qui est devenue le principal motif pour lequel il a conclu que l’appelant avait fait l’objet d’un congédiement déguisé de la part de l’intimée :
[traduction] […] À mon avis, la décision de la CSPAAT répond parfaitement à la demande d’avis médical émanant du médecin de M. Donaldson que M. Mailhot cherchait apparemment à obtenir.
Il n’y avait aucune raison médicale permettant de conclure que M. Donaldson a souffert d’une réaction allergique découlant de la manutention de grains au terminal de Western Grain. C’était le seul point à résoudre. […] La question, qui était en fait la seule question qui se posait pour M. Mailhot était de savoir si M. Donaldson était apte à retourner au travail, étant donné la réaction allergique dont il disait avoir souffert. Une réponse décisive à cette question a été donnée dans le rapport de la CSPAAT lui‑même. Le billet de médecin, que M. Mailhot a « exigé » du Dr Adams, n’était tout simplement d’aucune utilité pour répondre à cette question.
(Soulignement omis; aux pages 36 et 37)
[18] Tout au long de sa décision, l’arbitre a répété cette conclusion à plusieurs reprises, de différentes façons. À la page 39, il a affirmé que M. Donaldson avait le droit de retourner au travail le 25 octobre 2007, parce que [traduction] « la cause sous‑jacente de l’absence de M. Donaldson a disparu le 17 octobre 2007 – la date à laquelle la CSPAAT a consigné sa conclusion et sa décision portant rejet de la demande d’indemnité de M. Donaldson » (soulignement omis). À la page 50, l’arbitre s’est exprimé comme suit :
[traduction] […] M. Donaldson n’avait pas besoin de certificat pour retourner au travail. La situation était la même que s’il n’avait jamais quitté son travail. Son absence pendant 25 semaines visait à permettre que soit mené à bien le processus d’examen, d’enquête et de décision relatif à sa demande par laquelle il cherchait à ce que la CSPAAT reconnaisse qu’il souffrait d’une maladie professionnelle découlant d’un incident isolé d’exposition à la poussière de grains. Dans ce type de cas, aucun billet de médecin n’était nécessaire.
[19] Plus loin dans sa décision, distinguant les faits de l’affaire dont il était saisi de ceux de l’affaire Re Thompson General Hospital, [1991] M.G.A.D. No. 57, 20 L.A.C. (4th) 129 (Manitoba Grievance Arbitration), qui de l’avis de l’intimée était semblable, l’arbitre s’est exprimé comme suit [traduction] « […] la seule “maladie” dont M. Donaldson aurait souffert serait une réaction allergique à la suite d’un incident isolé d’exposition à la poussière de grains – maladie dont la CSPAAT a nié l’existence » (soulignement omis; aux pages 58 et 59).
[20] Dans sa discussion de la question de savoir si l’appelant avait fait l’objet d’un congédiement déguisé de la part de l’intimée, l’arbitre a formulé les observations suivantes :
[traduction]
Il ressort du dossier que Western Grain voulait obtenir l’identité, les notes et la comparution comme témoins, tant à des fins d’interrogatoire principal que de contre‑interrogatoire, de tous les médecins qui avaient traité M. Donaldson à un moment ou l’autre pour une affection susceptible, à première vue, d’avoir une incidence sur son aptitude à travailler chez Western Grain, hormis la réaction allergique isolée à la poussière de grains. […]
La position de M. Mailhot était claire : M. Donaldson ne pouvait retourner à son travail sans avoir d’abord donné suite à sa demande d’attestation d’aptitude à l’emploi, selon la description qui précède. C’était là une demande qui allait bien au‑delà de la raison médicale invoquée pour justifier l’absence de M. Donaldson, laquelle découlait d’une plainte déposée auprès de la CSPAAT dans laquelle il alléguait avoir souffert d’une réaction allergique à la poussière de grains, que la CSPAAT avait rejetée. La position adoptée par M. Mailhot au sujet du « billet de médecin » demandé était en réalité une exigence que M. Donaldson ne pouvait tout simplement pas respecter dans le contexte de ces audiences. Comme je l’ai expliqué de façon assez détaillée, la situation a entraîné le « congédiement » de M. Donaldson. Les actions de M. Mailhot ont donné lieu à un changement fondamental des conditions d’emploi de M. Donaldson, par suite duquel celui‑ci est devenu inapte à retourner à son travail chez Western Grain. […]
[…] Contrairement à ce qu’a soutenu [l’avocat de l’intimée], ce n’était pas un « simple » billet plus précis que M. Mailhot voulait obtenir de M. Donaldson. C’était une liste comportant le nom de tous les médecins qui l’avaient traité depuis plus 20 ans et la nature du traitement qu’ils avaient administré, leur comparution en qualité de témoins et leur disponibilité à des fins d’interrogatoire principal et de contre‑interrogatoire, ainsi que les documents médicaux pertinents, y compris leurs notes, qu’il cherchait de fait à obtenir.
(Non souligné dans l’original; aux pages 64 et 65)
[21] En décidant que l’appelant avait été injustement congédié, l’arbitre a conclu que M. Mailhot avait [traduction] « érigé des obstacles concrets » qui ont eu pour effet de priver l’appelant du droit de retourner au travail et que ces obstacles [traduction] « excédaient n’importe quelle condition d’emploi raisonnable » (à la page 68).
[22] L’audience tenue devant l’arbitre a été disjointe en deux parties, la première portait sur la question de la responsabilité et, la seconde, sur l’indemnisation. La partie de l’audience portant sur l’indemnisation a été suspendue par ordonnance de la Cour fédérale jusqu’à l’issue du recours en contrôle judiciaire (dossier d’appel, volume 3, aux pages 441 à 447).
C. Décision de la Cour fédérale
[23] Le juge de la Cour fédérale a accueilli la demande de contrôle judiciaire de l’intimée.
[24] De l’avis du juge de la Cour fédérale, il était évident que la plainte de l’appelant résultait uniquement de la conversation que celui‑ci avait eue avec M. Mailhot le 25 octobre 2007, et non de l’avis de mise à pied saisonnière envoyé le 31 octobre 2007.
[25] Sur ce fondement, le juge de la Cour fédérale a conclu que, bien que l’arbitre ait correctement énoncé les règles de droit applicables, sa conclusion n’était pas raisonnable, parce qu’elle reposait sur un fait qui n’avait absolument rien à voir avec la conversation du 25 octobre 2007.
[26] Le juge de la Cour fédérale a cité l’extrait suivant de la décision de l’arbitre :
[traduction] […] Western Grain avait imposé des conditions au retour au travail de M. Donaldson qui excédaient à la fois ce qui était raisonnable dans le contexte du motif de son absence (à savoir un examen, par la CSPAAT, de sa demande d’indemnisation par suite d’une réaction allergique isolée à la poussière de grains, demande que la CSPAAT a finalement rejetée) et la demande, par Western Grain, de la comparution pour interrogatoire et contre‑interrogatoire de tous les médecins ayant soigné M. Donaldson au cours d’une période de vingt ans.
(à la page 69)
Le juge de la Cour fédérale a conclu que, si Western Grain avait fait cette demande de production, ce qui a été contesté devant lui, celle‑ci « ne pourrait être considérée que comme un incident de preuve survenu au cours de l’examen de l’arbitrage et, à ce titre, […] il était impossible de la lier d’une manière quelconque à la plainte que M. Donaldson a déposée […] » (au paragraphe 10).
[27] Le juge de la Cour fédérale a conclu que la décision de l’arbitre n’était pas raisonnable et l’a annulée.
III. Thèses des parties
[28] L’appelant demande à la Cour d’accueillir l’appel, d’annuler la décision de la Cour fédérale et de rétablir celle de l’arbitre. Il soutient que le juge de la Cour fédérale a décidé à bon escient que la norme de contrôle applicable était celle de la décision raisonnable, mais qu’il ne l’a pas appliqué correctement. De l’avis de l’appelant, le juge de la Cour fédérale n’a pas tenu compte de la conclusion de l’arbitre selon laquelle aucun autre renseignement médical n’était nécessaire.
[29] Pour sa part, l’intimée demande à la Cour de rejeter l’appel. Elle soutient que le juge de la Cour fédérale a eu raison d’accueillir la demande de contrôle judiciaire et que les conclusions suivantes de la décision de l’arbitre ne sont pas raisonnables :
- La conclusion selon laquelle il avait compétence pour entendre la plainte bien que l’appelant soit visé par une mise à pied faite de bonne foi lorsqu’il a déposé sa plainte;
- La conclusion selon laquelle la demande de l’intimée en vue d’obtenir des renseignements médicaux plus détaillés constituait un congédiement déguisé;
• La conclusion selon laquelle l’appelant n’a pas quitté son emploi ou démissionné de son poste du fait qu’il n’a pas fourni les renseignements médicaux demandés.
[30] L’intimée a ajouté que l’arbitre ne devrait pas se voir accorder la possibilité de se prononcer à nouveau sur la question de la responsabilité ou d’entendre le volet relatif à l’indemnisation, en raison de la partialité dont il a fait preuve en faveur de l’appelant.
IV. Questions en litige
[31] Il n’est pas nécessaire d’examiner toutes les questions que les parties ont soulevées pour rendre une décision dans le présent appel. À mon avis, la Cour doit examiner uniquement les deux questions suivantes :
1. La décision de l’arbitre était‑elle raisonnable?
2. Quelle est la mesure appropriée?
V. Norme de contrôle
[32] La Cour doit rechercher si le juge de la Cour fédérale a choisi la norme de contrôle appropriée et s’il l’a appliquée correctement. La jurisprudence nous enseigne que cette démarche consiste à « se mettre à la place » de la Cour fédérale (Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, aux paragraphes 46 et 47, [2013] 2 R.C.S. 559).
[33] Le juge de la Cour fédérale a eu raison de choisir la norme de la décision raisonnable comme norme de contrôle applicable à la décision de l’arbitre (au paragraphe 11). La question dont l’arbitre était saisi – soit celle de savoir si l’appelant avait été injustement congédié – est une question mélangée de fait et de droit. En conséquence, la norme de contrôle est présumée être celle de la décision raisonnable (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 51, [2008] 1 R.C.S. 190). De plus, notre Cour a établi que la norme de la décision raisonnable s’appliquait généralement aux décisions des arbitres concernant les plaintes de congédiement injuste fondées sur le Code (Guydos c. Société canadienne des postes, 2014 CAF 9, aux paragraphes 5 et 7, [2014] A.C.F. n° 91 (QL), Payne c. Banque de Montréal, 2013 CAF 33, aux paragraphes 32 à 35, 443 N.R. 253).
VI. Analyse
A. La décision de l’arbitre était‑elle raisonnable?
[34] À mon avis, le juge de la Cour fédérale a eu raison de conclure qu’il ressortait clairement du dossier que la plainte de l’appelant se rapportait à la conversation que celui‑ci avait eue avec M. Mailhot le 25 octobre 2007. Effectivement, au cours de l’audition du présent appel, tant l’appelant que l’intimée ont convenu que la question cruciale à trancher était de savoir si l’employeur avait une raison valable de demander un billet de médecin plus précis avant que l’appelant puisse retourner au travail. Les parties ont convenu que cette question « s’est concrétisée » le 25 octobre 2007, par suite de la conversation que M. Mailhot et l’appelant avaient eue.
[35] Je conviens également avec le juge de la Cour fédérale que la conclusion de l’arbitre selon laquelle l’intimée a demandé à l’appelant, avant que celui‑ci dépose sa plainte, des renseignements médicaux couvrant une période de 20 ans est manifestement déraisonnable, eu égard à la preuve. Même l’arbitre a qualifié dans sa décision les demandes de l’intimée de [traduction] « demandes visant à obtenir ce qui me semble être des éléments d’une communication préalable » (à la page 52).
[36] Néanmoins, l’arbitre a répété cette conclusion erronée plusieurs fois dans son analyse et sa décision. L’intimée a tort de soutenir que la décision de l’arbitre reposait uniquement sur cette conclusion erronée (mémoire de l’intimée, aux paragraphes 16, 63 et 65); cependant, la gravité de l’erreur de l’arbitre soulève des doutes sérieux quant au bien‑fondé de la situation à laquelle il est parvenu. En conséquence, je suis d’avis que la Cour d’appel fédérale serait justifiée de conclure, à l’instar du juge de la Cour fédérale, que la décision de l’arbitre n’était pas raisonnable pour cette seule raison.
[37] L’appelant a admis au cours de l’audience tenue devant nous que la conclusion de l’arbitre selon laquelle l’intimée a exigé des renseignements médicaux couvrant une période de 20 ans, notamment le 25 octobre 2007, qui a été une date clé, ou dans l’une ou l’autre des demandes qu’elle a formulées pour obtenir un billet de médecin plus détaillé, ne reposait sur aucun élément de fait. Cependant, l’appelant soutient que, malgré cette erreur fondamentale, la décision de l’arbitre est raisonnable.
[38] De l’avis de l’appelant, il y avait suffisamment d’éléments de preuve permettant à l’arbitre de conclure que l’intimée n’avait pas le droit de demander un billet de médecin plus précis avant de permettre à l’appelant de retourner au travail, de sorte que les demandes en question équivalaient à un congédiement déguisé. Au soutien de cet argument, l’appelant invoque deux documents produits en preuve, soit le rapport de la CSPAAT daté du 17 octobre 2007 et le billet de médecin daté du 24 octobre 2007.
[39] À mon avis, même l’examen le plus sommaire qui soit de la décision de la CSPAAT datée du 17 octobre 2007 montre que l’appelant continuait d’éprouver des problèmes de santé majeurs. Par sa décision, rédigée par un agent d’indemnisation de la Commission à la lumière des observations d’un consultant en médecine du travail, la CSPAAT conclut simplement que la demande d’indemnité de l’appelant fondée sur une réaction allergique possible à des produits toxiques n’était pas appuyée par la preuve médicale que l’appelant a présentée. La décision n’accorde pas à l’appelant un bulletin de santé parfait. D’ailleurs, l’arbitre a pour sa part relevé que, selon les dossiers médicaux de l’appelant, celui‑ci avait subi de nombreux examens concernant différents problèmes de santé (dossier d’appel, volume I, à la page 201).
[40] En conséquence, le dossier ne comporte aucun élément de preuve allant dans le sens de la constatation de l’arbitre selon laquelle le rapport de la CSPAAT était concluant quant à l’aptitude de l’appelant à retourner au travail et empêchait l’intimée de demander un billet de médecin plus précis. De même, le billet de deux lignes émanant du médecin de l’appelant ne comporte pas la moindre explication au sujet des raisons pour lesquelles l’appelant était désormais apte à retourner au travail.
[41] Il est important de tenir compte du fait que l’appelant n’avait pas travaillé pendant près de six mois lorsqu’il a tenté de retourner au travail et qu’il avait été hospitalisé pendant près de deux semaines au début de cette période. L’appelant avait également signalé à l’intimée au cours des mois d’été qu’il n’allait toujours pas bien et qu’il ne pouvait pas retourner au travail. De plus, avant les événements en question, l’appelant n’avait jamais été en arrêt de travail pendant une aussi longue période et n’avait jamais présenté de demande d’indemnité à la CSPAAT.
[42] Comme il est signalé plus haut, bien que la CSPAAT ait souligné dans son rapport que l’appelant n’avait pas nécessairement souffert d’une allergie à la poussière de grains, elle y a également précisé en toutes lettres que, le 17 octobre 2007, l’appelant n’allait pas très bien. De plus, il ressort clairement du dossier que l’intimée n’a été mise au courant des conclusions du rapport que lorsqu’elle a obtenu une copie de ce document le 23 octobre 2007, deux jours avant de recevoir le billet de deux lignes dans lequel le médecin de l’appelant a mentionné que celui‑ci pouvait retourner au travail.
[43] Aucune conclusion de fait susceptible d’appuyer la conclusion selon laquelle l’intimée ignorait les problèmes de santé majeurs de l’appelant avant le 23 octobre 2007, date à laquelle elle a reçu le rapport de la CSPAAT, n’a été tirée. En conséquence, la conclusion de l’arbitre selon laquelle le rapport de la CSPAAT empêchait l’intimée de demander une explication plus précise avant de permettre à l’appelant de retourner au travail ne repose sur aucun fondement.
[44] Dans la même veine, ni le dossier non plus que les conclusions de fait de l’arbitre ne comportent le moindre élément de preuve permettant de conclure que l’intimée a modifié de façon importante les conditions d’emploi de l’appelant desquelles il a résulté un congédiement déguisé.
[45] Bien que l’arbitre ait énoncé correctement le critère applicable au congédiement déguisé (soit le critère tiré de la jurisprudence Farber c. Cie Trust Royal), aucun élément ne lui permettait raisonnablement de conclure que l’appelant avait fait l’objet d’un congédiement déguisé de la part de l’intimée. La conversation qui a eu lieu entre M. Mailhot et l’appelant ne constituait pas un changement apporté à une condition essentielle de son emploi.
[46] L’arbitre a fait erreur en distinguant les faits de la présente affaire de ceux de l’affaire Re Thompson General Hospital, qui enseigne que, dans certains cas, les employeurs peuvent demander à leurs employés des renseignements médicaux supplémentaires avant de leur permettre de retourner au travail après un congé de maladie. Eu égard aux faits, il était raisonnable de la part de l’intimée, qui a l’obligation d’assurer la sécurité de ses employés, de demander des renseignements médicaux supplémentaires à l’appelant à son retour. Le billet de médecin de deux lignes que l’appelant a fourni ne comportait pas suffisamment de renseignements pour permettre à l’intimée de conclure de manière satisfaisante que l’appelant pouvait retourner au travail sans danger.
B. Quelle est la mesure appropriée?
[47] Le juge de la Cour fédérale a rendu une ordonnance annulant la décision de l’arbitre. Cependant, il n’a pas ordonné le renvoi de l’affaire pour nouvelle décision. Par la suite, les parties ne se sont pas entendues au sujet de l’effet de l’ordonnance du juge de la Cour fédérale sur le fond de la plainte de l’appelant.
[48] Cependant, au cours de l’audience relative au présent appel, les parties ont convenu que, en cas de rejet de celui‑ci, le litige prendra fin. Elles ne demandent pas à la Cour d’appel fédérale de renvoyer l’affaire à un autre arbitre en vue d’une nouvelle décision. Ce qui est sage. En conséquence, l’appel sera rejeté sans que la mesure ordonnée par le juge de la Cour fédérale soit modifiée.
VII. Conclusion
[49] Je rejetterais l’appel. Aucuns dépens ne seront adjugés.
« David G. Near »
j.c.a.
« Je suis d’accord.
Johanne Gauthier, j.c.a. »
« Je suis d’accord.
A.F. Scott, j.c.a. »
Traduction certifiée conforme
François Brunet, réviseur.
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
APPE D’UNE ORDONNANCE RENDUE PAR LE JUGE CAMPBELL LE 19 JUIN 2012 DANS LE DOSSIER N° T‑1987‑11.
DOSSIER : |
A‑360‑12
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INTITULÉ : |
PETER DONALDSON c. WESTERN GRAIN BY‑PRODUCTS STORAGE LTD. |
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lieu de l’audience : |
Winnipeg (Manitoba)
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DATE de l’audience : |
le 3 février 2015
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motifs du jugement : |
le juge NEAR
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y ont souscrit : |
LA JUGE GAUTHIER LE JUGE SCOTT
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DATE DES MOTIFS : |
LE 4 MARS 2015
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COMPARUTIONS :
Daniel J. Matson
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POUR l’appelant
|
Chantelle J. Bryson |
POUR L’INTIMÉE |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Johansen Law Firm Thunder Bay (Ontario)
|
POUR l’appelant
|
WEILER, MALONEY, NELSON Thunder Bay (Ontario) |
POUR L’INTIMÉE |