Date : 20150423
Dossier : A‑363‑14
Référence : 2015 CAF 105
CORAM : |
LE JUGE NADON LA JUGE DAWSON LE JUGE BOIVIN
|
ENTRE : |
NAVIN JOSHI |
appelant |
et |
BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE DE COMMERCE |
intimée |
Audience tenue à Toronto (Ontario) le 21 avril 2015
Jugement rendu à Toronto (Ontario), le 23 avril 2015
MOTIFS DU JUGEMENT : |
LE JUGE BOIVIN |
Y ONT SOUSCRIT : |
LE JUGE NADON LA JUGE DAWSON |
Date : 20150423
Dossier : A‑363‑14
Référence : 2015 CAF 105
CORAM : |
LE JUGE NADON LA JUGE DAWSON LE JUGE BOIVIN
|
ENTRE : |
NAVIN JOSHI |
appelant |
et |
BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE DE COMMERCE |
intimée |
MOTIFS DU JUGEMENT
LE JUGE BOIVIN
[1] La Cour est saisie d’un appel de la décision du 21 juillet 2014 prononcée par monsieur le juge Russell de la Cour fédérale (le juge) (2014 CF 722). Le juge a rejeté la demande de contrôle judiciaire, présentée par M. Navin Joshi (l’appelant), à l’encontre de la décision par laquelle un arbitre désigné sous le régime du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L‑2 (le Code), a rejeté la plainte de congédiement injuste de l’appelant parce qu’il a conclu qu’il n’avait pas compétence pour examiner cette plainte.
[2] Plus particulièrement, l’arbitre était d’avis que l’alinéa 242(3.1)b) du Code l’empêchait de procéder à l’instruction de la plainte parce que la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 (la Loi), prévoit un autre recours. L’arbitre a également conclu que la suspension de la plainte de congédiement injuste de l’appelant, acceptée par ce dernier, demeurait en vigueur.
[3] Le 31 mai 2006, l’intimée a embauché l’appelant dans le cadre d’un programme destiné aux personnes handicapées. L’appelant a été congédié le 8 avril 2010. Il a déposé la plainte de congédiement injuste en cause en vertu du Code le 14 mai 2010, et le 24 juin 2010 il a présenté en vertu de la Loi une plainte dans laquelle il alléguait avoir été victime de discrimination fondée sur la déficience.
[4] Un arbitre a été désigné sous le régime du Code pour instruire la plainte de congédiement injuste. Selon l’intimée, l’alinéa 242(3.1)b) prive l’arbitre de sa compétence. Cet alinéa dispose :
242. (3.1) L’arbitre ne peut procéder à l’instruction de la plainte dans l’un ou l’autre des cas suivants : […] b) la présente loi ou une autre loi fédérale prévoit un autre recours. |
242. (3.1) No complaint shall be considered by an adjudicator under subsection (3) in respect of a person where … (b) a procedure for redress has been provided elsewhere in or under this or any other Act of Parliament. |
[5] Une audience portant sur cette question préliminaire a été fixée au 10 juin 2011. Cependant, dans les jours précédant l’audience, soit les 8 et 9 juin 2011, l’appelant et l’intimée se sont échangés des courriels et ont convenu de suspendre la plainte de congédiement injuste. L’appelant a reconnu que l’arbitre n’avait pas compétence pour instruire la plainte si la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) ne lui renvoie pas la plainte en application de l’alinéa 41(1)b) ou de l’alinéa 44(2)b) de la Loi (courriel, dossier d’appel, onglet 5, aux pages 122, 125 à 127 et 128).
[6] L’audience relative au congédiement injuste a donc été suspendue, et la Commission a été saisie de la plainte de discrimination fondée sur la Loi.
[7] Dans le rapport fondé sur les articles 40 et 41, l’enquêteur de la Commission a recommandé que celle‑ci applique l’alinéa 41(1)b) de la Loi et refuse d’instruire la plainte vu qu’elle pouvait avantageusement être instruite en vertu du Code. L’appelant n’était toutefois pas de cet avis, et les deux parties ont présenté des observations par lesquelles elles demandaient à la Commission d’instruire la plainte. La Commission a accédé à ces demandes et a mené une enquête. Dans son rapport, l’enquêteur a recommandé à la Commission de conclure que la preuve n’étayait pas les allégations de l’appelant selon lesquelles il avait été victime de discrimination lors de son congédiement (rapport d’enquête, Commission, dossier d’appel, onglet 5, aux pages 189 à 203). La Commission a suivi la recommandation et, en conséquence, elle a rejeté la plainte de discrimination le 31 octobre 2011 (décision de la Commission, dossier d’appel, onglet 5, aux pages 230 et 231).
[8] Mécontent de la décision de la Commission, l’appelant a sollicité la réactivation de sa plainte de congédiement injuste en vertu du Code. L’ancien arbitre ayant renoncé à sa désignation, un nouvel arbitre a été désigné. L’intimée s’est opposée à la réactivation de la plainte de congédiement injuste au motif que l’arbitre n’avait pas compétence pour instruire cette plainte étant donné que la suspension de la plainte initiale était toujours en vigueur puisque la Commission n’avait pas renvoyé l’affaire à l’arbitrage conformément aux alinéas 41(1)b) ou 44(2)(b) de la Loi. En outre, et en tout état de cause, l’intimée a réaffirmé sa position initiale selon laquelle l’alinéa 242(3.1)b) du Code empêche l’arbitre d’instruire la plainte.
[9] Le 1er août 2013, après avoir retenu les deux arguments avancés par l’intimée, l’arbitre a jugé qu’il n’avait effectivement pas compétence pour examiner la plainte de congédiement injuste (motifs de l’arbitre, dossier d’appel, onglet 5, p. 271, au paragraphe 50). Il a conclu (i) que les parties en étaient venues à une entente relativement à la suspension et (ii) que l’alinéa 242(3.1)b) du Code écartait sa compétence. Cette conclusion de droit reposait sur sa conclusion de fait portant que la plainte présentée à la Commission était essentiellement semblable à celle dont il était saisi, conformément au jugement MacFarlane c. Day & Ross Inc., 2010 CF 556, [2011] 4 R.C.F. 117 [MacFarlane] (motifs de l’arbitre, aux paragraphes 44 à 48).
[10] Le juge a confirmé les conclusions de l’arbitre concernant son défaut de compétence.
[11] Dans le présent appel, l’appelant soulève un certain nombre de questions. J’estime que les deux questions suivantes peuvent les résumer :
1) Compte tenu de l’alinéa 242(3.1)b) du Code et des circonstances, l’arbitre avait‑il compétence pour examiner la plainte de congédiement injuste présentée par l’appelant?
2) Le dossier révèle‑t‑il qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale?
[12] Lorsque notre Cour est saisie de l’appel d’une décision par laquelle la Cour fédérale a statué sur une demande de contrôle judiciaire, elle doit décider si le juge a bien choisi la norme de contrôle pour chacune des questions auxquelles il devait répondre, et s’il l’a appliquée correctement (Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559, aux paragraphes 45 à 47).
[13] J’estime que le juge a choisi la bonne norme de contrôle applicable à chacune des questions.
[14] Selon le juge, conformément au jugement MacFarlane de la Cour fédérale, la norme de la décision correcte devait être appliquée aux décisions de l’arbitre concernant sa compétence visées par l’alinéa 242(3.1)b) du Code, celles-ci statuant sur de véritables questions de compétence (motifs du juge, au paragraphe 27). Il a souligné que la norme de la décision correcte s’appliquait tout autant à toute question concernant l’équité procédurale, conformément à l’arrêt Établissement de Mission c. Khela, [2014] 1 R.C.S. 502, [2014] A.C.S. no 24, au paragraphe 79 (motifs du juge, au paragraphe 31). Le juge a également suivi le jugement MacFarlane lorsqu’il a conclu que la décision par laquelle un arbitre statue sur des plaintes essentiellement semblables est fondamentalement factuelle et, partant, la norme de la décision raisonnable devrait s’appliquer à cette décision (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47).
[15] Devant notre Cour, l’appelant fait valoir que l’arbitre et le juge ont commis un certain nombre d’erreurs de fait et de droit. Il soutient plus particulièrement que l’arbitre ne pouvait tenir compte de l’entente puisqu’elle va à l’encontre de l’objet du Code, et qu’une question de compétence ne pouvait empêcher l’arbitre d’instruire l’affaire. Avec égards, je ne suis pas de cet avis.
[16] Dans les circonstances de l’espèce, l’arbitre n’a pas eu tort de tenir compte de l’entente pour décliner compétence. Les modalités de l’entente sont claires et sont par ailleurs adaptées au cadre juridique énoncé dans le jugement MacFarlane. L’appelant a confirmé qu’il ne désirait pas poursuivre sa plainte de congédiement injuste à moins que la Commission, après enquête, ne renvoie l’affaire à l’arbitre. En admettant qu’il ne devrait pas y avoir de dédoublement des procédures de recours, l’appelant a reconnu que la plainte qu’il avait déposée en vertu du Code et celle qu’il avait présentée à la Commission étaient essentiellement semblables (courriel, dossier d’appel, onglet 5, aux pages 131 à 133). Par conséquent, je rejette l’argument de l’appelant selon lequel [traduction] « l’entente l’avait soustrait de l’application du Code ».
[17] L’arbitre a également eu raison de conclure que la question de compétence visée à l’alinéa 242(3.1)b) du Code l’empêchait d’instruire l’affaire et de fixer lui‑même sa procédure conformément à l’alinéa 242(2)b). En l’espèce, contrairement aux faits exposés dans le jugement MacFarlane, la Commission a statué au fond sur la plainte et a exercé sa compétence. La décision de la Commission de rejeter la plainte de discrimination ne peut absolument pas être considérée comme un renvoi au sens des alinéas 41(1)b) ou 44(2)b) de la Loi. À la lumière du droit tel qu’énoncé dans le jugement MacFarlane, l’arbitre – lié par ce jugement – n’avait d’autre choix que celui de décliner compétence.
[18] J’estime que la décision du juge est étoffée et logique. Il n’a commis aucune erreur lorsqu’il a conclu que l’arbitre avait bien appliqué le jugement MacFarlane, ni lorsqu’il a conclu que l’arbitre avait eu raison d’affirmer que la plainte de discrimination présentée à la Commission et la plainte pour congédiement injuste dont il était saisi étaient essentiellement semblables (motifs du juge, aux paragraphes 57 et 58).
[19] Je suis également d’accord avec le juge pour dire que le dossier qui lui avait été présenté ne révélait aucun manquement aux principes de justice naturelle et d’équité procédurale. De même, les allégations en ce sens maintes fois répétées par l’appelant devant notre Cour ne sont pas fondées, tout comme ses simples affirmations de partialité. Je rappelle que les allégations de partialité sont extrêmement graves et qu’en l’absence d’éléments de preuve pour les étayer, elles ne devraient pas être soulevées. Les arguments de l’appelant à cet égard n’ont aucun fondement.
[20] En conclusion, le juge n’a commis aucune erreur lorsqu’il a appliqué les normes de contrôle et j’estime que rien ne justifie d’annuler la décision de l’arbitre.
[21] Pour les motifs exposés ci‑dessus, il y a lieu de rejeter l’appel avec dépens.
« Richard Boivin »
j.c.a.
« Je suis d’accord.
M. Nadon, j.c.a. »
« Je suis d’accord.
Eleanor R. Dawson, j.c.a. »
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
A‑363‑14 |
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INTITULÉ : |
NAVIN JOSHI c. BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE DE COMMERCE |
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LIEU DE L’AUDIENCE : |
Toronto (Ontario) |
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DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 21 AVRIL 2015 |
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MOTIFS DU JUGEMENT : |
LE JUGE BOIVIN
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Y ONT SOUSCRIT : |
LE JUGE NADON LA JUGE DAWSON |
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DATE DES MOTIFS : |
LE 23 AVRIL 2015 |
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COMPARUTIONS :
Navin Joshi |
POUR SON PROPRE COMPTE |
Alan Freedman |
POUR L’INTIMÉE BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE DE COMMERCE |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Hicks Morley Hamilton Stewart Storie LLP Toronto (Ontario) |
POUR L’INTIMÉE BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE DE COMMERCE |