Date : 20150501
Dossiers : A-222-14
A-223-14
Référence : 2015 CAF 111
CORAM : |
LA JUGE GAUTHIER LE JUGE WEBB LE JUGE NEAR
|
ENTRE : |
ROTHMANS, BENSON & HEDGES, INC. |
appelante |
et |
IMPERIAL TOBACCO PRODUCTS LIMITED |
intimée |
Audience tenue à Toronto (Ontario), le 29 avril 2015
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 1er mai 2015
MOTIFS DU JUGEMENT : |
LA JUGE GAUTHIER |
Y ONT SOUSCRIT : |
LE JUGE WEBB LE JUGE NEAR |
Date : 20150501
Dossiers : A-222-14
A-223-14
Référence : 2015 CAF 111
CORAM : |
LA JUGE GAUTHIER LE JUGE WEBB LE JUGE NEAR
|
ENTRE : |
ROTHMANS, BENSON & HEDGES, INC. |
appelante |
et |
IMPERIAL TOBACCO PRODUCTS LIMITED |
intimée |
MOTIFS DU JUGEMENT
LA JUGE GAUTHIER
[1] Rothmans, Benson & Hedges, Inc. fait appel de l’ordonnance par laquelle le juge Boivin (le juge) (2014 CF 300) a rejeté les appels qu’elle avait interjetés de la décision de la Commission des oppositions des marques de commerce (la Commission) (2012 COMC 226) de rejeter les oppositions produites à l’encontre des demandes d’enregistrement nos 1317127 et 1317128 (les marques 127 et 128) d’Imperial Tobacco Products Limited.
[2] Les deux demandes visent l’enregistrement de la marque Paquet Orange Dessin en liaison avec des produits du tabac fabriqués, nommément des cigarettes. Les appels interjetés par l’appelante de la décision du juge ont été réunis conformément à l’ordonnance rendue le 18 juin 2014 par le juge Mainville.
[3] L’appelante soutient que le registraire a commis une erreur lorsqu’il a conclu que les demandes de l’intimée étaient conformes aux exigences des alinéas 30b) et h) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi). Selon l’alinéa 30b), le requérant qui présente une demande d’enregistrement fondée sur l’emploi antérieur d’une marque au Canada est tenu d’y indiquer la date de premier emploi. Selon l’alinéa 30h), le requérant qui présente une demande qui ne vise pas que l’enregistrement de mots doit fournir un dessin de la marque visée par la demande.
[4] Devant notre Cour, l’appelante a bien précisé qu’elle ne contestait pas le fait que les marques décrites dans chacune des demandes seraient enregistrables si elles avaient été employées en la forme décrite. Par conséquent, la question qui se pose est celle de savoir s’il y avait lieu de rejeter les demandes aux motifs que l’intimée n’avait, en réalité, pas employé les marques visées par ces demandes et que les dessins produits ne sont pas représentatifs des marques réellement employées.
[5] L’appelante affirme que la Commission a omis d’examiner et de mentionner la jurisprudence Nightingale Interloc Ltd. c. Prodesign Ltd. (1984), 2 C.P.R. (3d) 535 [Nightingale] comme elle se devait de le faire. Toutefois, à l’audience, elle a reconnu que cette jurisprudence n’avait pas été portée à l’attention de la Commission et qu’au demeurant, elle ne faisait que résumer l’état de la jurisprudence en ce qui a trait aux circonstances permettant d’affirmer qu’une marque a été employée telle qu’elle a été déposée.
[6] Quoi qu’il en soit, la jurisprudence Nightingale réaffirme simplement que l’emploi d’une marque conjointement avec d’autres éléments équivaut à son emploi à titre de marque de commerce en tant que telle si le public, selon le critère de la première impression, considère que la marque est employée en tant que telle à titre de marque de commerce. De plus, tout comme dans le cas de la procédure visée à l’article 45 de la Loi, on considère qu’une marque de commerce donnée est employée si la marque de commerce véritablement employée (soit seule, soit conjointement avec d’autres éléments) n’est pas sensiblement différente de la marque visée par la demande ou de la marque déposée et que les différences ne sont pas de nature à induire le public en erreur.
[7] L’appelante soutient que la Commission aurait dû faire expressément mention de la jurisprudence Nightingale et des deux principes résumés précédemment. Selon l’appelante, la Commission n’a jamais cherché à savoir si les marques 127 et 128 avaient été employées telles qu’elles avaient été décrites et illustrées dans les demandes.
[8] L’appelante affirme que si la Commission avait tenu dûment compte de la jurisprudence Nightingale, elle aurait conclu que les marques dont l’enregistrement était sollicité n’avaient pas été employées depuis 2006 et que l’emploi de la couleur orange n’aurait pu être perçu par les consommateurs comme un emploi d’une marque de commerce en tant que telle. Aux yeux de l’appelante, l’intimée emploie, en réalité, l’orange comme couleur de fond à vocation esthétique qu’elle combine, en l’intégrant, à d’autres éléments, notamment d’autres marques de commerce et des renseignements exigés par la réglementation (mises en garde relatives à la santé, liste des ingrédients, code à barres, etc.).
[9] Pour les motifs exposés ci-après, je rejette cette thèse.
[10] À mon avis, l’issue de la présente affaire repose essentiellement sur les faits qui lui sont propres et la preuve au dossier. Contrairement aux arguments de l’appelante, qui sont fondés sur des considérations de politique générale, l’affaire ne nécessite pas de faire intervenir de nouveaux principes.
[11] Il est de droit constant que lorsqu’elle est saisie de l’appel d’une décision rendue sous le régime du paragraphe 56(1) de la Loi, notre Cour doit décider si le juge a correctement énoncé et appliqué la norme de contrôle (Monster Cable Products, Inc. c. Monster Daddy, LLC, 2013 CAF 137, par. 4). Il n’est pas controversé entre les parties que le juge a correctement conclu que la norme de la décision raisonnable s’appliquait aux questions qu’il était appelé à trancher. Par conséquent, plutôt que de se concentrer sur les motifs du juge, notre Cour se met à la place de ce dernier pour se concentrer sur la décision de la Commission (Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559, par. 45-46).
[12] Je tiens à signaler que les arguments bien précis qui nous ont été exposés n’ont pas été présentés à la Commission. Bien que l’appelante ait invoqué l’alinéa 30b) dans sa déclaration d’opposition, son argumentation concernant cette disposition se résumait : i) au fait que les marques 127 et 128 ont été appliquées à des produits vendus sur ce qu’on qualifie de marché invisible dans la plupart des provinces canadiennes et qui ne peuvent donc être vus au moment du transfert; ii) à titre subsidiaire, au fait que même si ces marques étaient visibles au moment du transfert, elles ne pouvaient jouer le rôle d’une marque de commerce parce qu’elles remplissent uniquement une fonction ornementale et n’étaient pas un indice de la source (cahier d’appel, vol. I, p. 222-223 et 232).
[13] Dans son analyse du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b), la Commission a précisé que l’appelante n’avait présenté à l’audience aucun argument de vive voix ou par écrit à l’appui de ce motif d’opposition. On peut donc difficilement reprocher à la Commission de ne pas avoir considéré l’alinéa 30b) exactement sous le même angle que celui que retient maintenant l’appelante pour défendre sa position. Il ne fait pas de doute que, dans un tel contexte, il nous est impossible d’inférer de l’absence de renvoi explicite à la jurisprudence Nightingale que la Commission a omis d’examiner les principes qui y sont évoqués, surtout si l’on considère que ces principes sont invariablement suivis depuis plus de quarante ans.
[14] La Commission s’est penchée sur les arguments que l’appelante a soulevés dans sa déclaration d’opposition relativement aux alinéas 30b) et h) aux paragraphes 40 à 44 et 46 de ses motifs.
[15] À mon sens, dans son analyse de l’alinéa 30b), la Commission a également abordé la question de savoir si l’emploi que l’intimée faisait effectivement de la couleur orange sur ses emballages dès 2006 correspondait à un emploi des marques 127 et 128 en tant que telles à titre de marques de commerce. La Commission n’a peut-être pas abordé expressément chacun des points particuliers soulevés par l’appelante devant notre Cour, puisqu’ils n’ont pas été débattus devant elle, mais il ressort d’une interprétation raisonnable de ses motifs qu’elle s’est manifestement penchée sur ces questions et les a analysées sur le fond aux paragraphes 42 et 46 de ses motifs. Elle fait référence à la preuve pertinente présentée par l’intimée et, en particulier, au fait que celle-ci a donné avis au public qu’elle employait la couleur orange comme marque de commerce, et traite de l’incidence des autres marques et éléments (en particulier les mises en garde) figurant sur l’emballage. Selon mon interprétation de ses motifs, la Commission était convaincue que les marques visées par la demande seraient perçues par le public comme des marques de commerce en tant que telles et que la preuve établissait l’emploi de ces dernières par l’intimée. Au paragraphe 46, la Commission a également souligné que l’appelante n’avait produit aucun élément de preuve pour appuyer son allégation selon laquelle les marques avaient une simple fonction ornementale.
[16] Au vu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue du caractère déraisonnable de la décision de la Commission. Il lui était possible de tirer la conclusion à laquelle elle est arrivée sur les questions susmentionnées à la lumière du dossier qui lui avait été présenté. Le juge a donc bien appliqué la norme de contrôle lorsqu’il a conclu que la décision était raisonnable.
[17] Je propose que l’appel soit rejeté avec dépens.
« Johanne Gauthier »
j.c.a.
« Je suis d’accord
Wyman W. Webb, j.c.a. »
« Je suis d’accord
D.G. Near, j.c.a. »
Traduction certifiée conforme
Marie-Luc Simoneau, jurilinguiste
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIERS : |
A-222-14 et A-223-14 |
|
INTITULÉ : |
ROTHMANS, BENSON & HEDGES, INC. c. IMPERIAL TOBACCO PRODUCTS LIMITED |
|
LIEU DE L’AUDIENCE : |
Toronto (Ontario) |
|
DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 29 AVRIL 2015 |
|
MOTIFS DU JUGEMENT : |
LA JUGE GAUTHIER |
|
Y ONT SOUSCRIT : |
LE JUGE WEBB LE JUGE NEAR |
|
DATE DES MOTIFS : |
LE 1ER MAI 2015 |
COMPARUTIONS :
A. Kelly Gill James Buchan |
POUR L’APPELANTE |
Steven Garland Timothy Stevenson |
POUR L’INTIMÉE |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
GOWLING LAFLEUR HENDERSON Avocats Toronto (Ontario) |
POUR L’APPELANTE |
SMART & BIGGAR Ottawa (Ontario) |
POUR L’INTIMÉE |