Date : 20150430
Dossier : A‑144‑12
Référence : 2015 CAF 113
Présent : Bruce Preston, officier taxateur
ENTRE : |
VLASTA STUBICAR |
appelante |
et |
SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA |
intimée |
Taxation des dépens jugée sur dossier sans comparution des parties
Motifs de la taxation prononcés à Toronto (Ontario), le 30 avril 2015
MOTIFS DE LA TAXATION DES DÉPENS : |
BRUCE PRESTON |
Date : 20150430
Dossier : A‑144‑12
Référence : 2015 CAF 113
ENTRE : |
VLASTA STUBICAR |
appelante |
et |
SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA |
intimée |
MOTIFS DE LA TAXATION DES DÉPENS
Bruce Preston – officier taxateur
[1] Dans un jugement daté du 13 novembre 2012, la Cour a accueilli l’appel, annulé l’ordonnance du 7 mai 2012 et rejeté la requête par laquelle l’intimée a interjeté appel de l’ordonnance du 13 octobre 2011, avec dépens en faveur de l’appelante dans toutes les cours.
[2] Par suite du dépôt du mémoire de dépens de l’appelante, le 2 février 2015, des directives fixant l’échéancier pour l’échange d’observations ont été données le 6 février 2015 et le 25 février 2015. Le 3 mars 2015, l’appelante a déposé un mémoire de dépens modifié. Puisque les parties
[3] ont maintenant déposé leurs observations, je procéderai à la taxation du mémoire de dépens modifié de l’appelante.
[4] Dans une lettre datée du 12 mars 2015, l’avocat de l’intimée déclare ce qui suit :
[traduction] J’ai examiné le mémoire de dépens de l’appelante, que je juge raisonnable. Je suis disposé à consentir à la somme demandée à la condition qu’il soit opéré compensation entre cette somme et les dépens dus à la Couronne dans les dossiers A‑531‑12 et T‑2102‑10, qui sont actuellement examinés par M. Preston.
[5] Pour donner suite à la lettre de l’intimée, il a été proposé de tenir une téléconférence afin de permettre à l’appelante de présenter des observations sur la question de la compensation. Dans une lettre datée du 9 avril 2015, l’appelante s’est opposée à la tenue de cette téléconférence au motif que cela donnerait à l’intimée une nouvelle possibilité de répliquer, ce que n’autorisent pas les Règles des Cours fédérales. Dans une lettre datée du 13 avril 2015, l’intimée a expliqué que si la compensation des dépens posait problème, son avocat déduirait la somme due à l’appelante de celle due par l’appelante à la Couronne. En guise de réplique, l’appelante fait valoir que la thèse défendue par l’intimée en matière de compensation des dépens n’avait aucun fondement jurisprudentiel. L’appelante se fonde sur l’arrêt Canada (Procureur général) c. Pelletier, 2008 CAF 251, au paragraphe 4, pour affirmer que « la compensation ne peut s’effectuer que dans le même dossier ». Elle convient que la Cour fédérale a statué, au paragraphe 40 du jugement Wilson c Canada, [2000] ACF no 506, qu’il est permis d’opérer compensation entre dépens adjugés dans des dossiers différents, mais elle affirme que l’intimée n’a [traduction] « pas même tenté de faire valoir qu’elle s’exposait à un préjudice si les dépens devaient être taxés isolément », de sorte que son mémoire de dépens ne fait pour ainsi dire l’objet d’aucune contestation. Puis, invoquant le jugement Reginald R. Dahl c SMR, 2007 CF 192, au paragraphe 2, l’appelante soutient que l’officier taxateur ne devrait pas intercéder en faveur d’une partie, sauf si un poste dépasse ce qu’autorise le jugement ou le tarif. Pour finir, l’appelante affirme ce qui suit :
[traduction] Vu les arguments exposés précédemment, le mémoire de dépens modifié, la preuve et les observations, comptant 54 pages, qui ont été déposées le 3 mars 2015 et auxquelles l’intimée a répondu par une simple lettre transmise par télécopieur le 13 mars 2015, l’officier taxateur a des motifs valables d’accorder les sommes demandées par l’appelante dans le dossier no A‑144‑12, sommes qui sont modérées, justifiées et conformes aux dépens adjugés par la Cour d’appel fédérale.
Avant de procéder à la taxation des dépens payables à l’appelante, je traiterai de la question de la question du rajustement par compensation. Le paragraphe 408(2) des Règles prévoit ce qui suit :
(2) Lorsque des parties sont tenues de payer des dépens les unes aux autres, l’officier taxateur peut en faire le rajustement par compensation.
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(2) Where parties are liable to pay costs to each other, an officer assessment may adjust those costs by way of set‑off.
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[6] Comme cela a été dit dans l’arrêt Pelletier (précité), le paragraphe 408(2) des Règles des Cours fédérales s’applique normalement aux dépens adjugés dans un même dossier. Or, dans le jugement Wilson (précité), il a été décidé que s’il existe un « fondement à [l’]inquiétude [d’une partie] quant au préjudice qu’elle pourrait subir en l’absence de moyens réalistes de recouvrer les sommes en cause [de l’autre partie] dans la juridiction », il est permis d’opérer compensation entre les montants accordés au titre des dépens dans plusieurs dossiers. Cela dit, comme l’affirme l’appelante, l’intimée n’a pas avancé cet argument et n’a présenté aucune preuve établissant qu’il y avait lieu de craindre que le recouvrement des dépens pose problème. En outre, étant donné que l’intimée a fait savoir que son avocat entendait opérer la compensation des dépens après la taxation, j’estime que rien ne justifie de rajuster les dépens du présent dossier par compensation avec les dépens des dossiers A‑531‑12 et T‑2102‑10. En conséquence, pour les motifs exposés ci‑dessus, il n’y aura aucun rajustement des dépens par compensation.
I. La taxation
[7] Il ressort de l’examen du mémoire de dépens modifié de l’appelante que des dépens sont demandés au titre des articles 17, 18, 19, 20, 26 et 27 du tarif. Au paragraphe 3 de l’affidavit supplémentaire qu’elle a souscrit le 2 mars 2015, l’appelante déclare être une [traduction] « appelante agissant pour son propre compte dans le présent dossier ». Puis, au paragraphe 22, l’appelante déclare que les heures passées [traduction] « à accomplir le travail normalement exigé d’un avocat pour la conduite de l’appel que j’ai interjeté à l’encontre de l’ordonnance de la Cour fédérale […] sont des heures que j’aurais pu consacrer à toucher un revenu en tant qu’avocate bilingue ». Dans ses observations écrites, l’appelante soutient que compte tenu de l’adjudication par la Cour d’appel fédérale des [traduction] « dépens en faveur de l’appelante dans toutes les cours », il est [traduction] « raisonnable de penser que [la Cour d’appel fédérale] a pris en compte le temps, les efforts et les compétences que l’appelante a mis au service de la défense de l’ordonnance de la protonotaire ». En outre, l’appelante renvoie aux arrêts Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Bremsak, 2013 CAF 214, London Scottish Benefit Society c. Chorley, (1884) 12 Q.B.D. 452, conf. par (1884) 13 Q.B.D. 872, et Malloch c. Aberdeen Corporation (No 2), [1973] 1 All ER 304, pour affirmer que la partie qui agit pour son propre compte a droit à des dépens en guise d’indemnisation du temps et de l’énergie qu’elle a consacrés pour ester en justice.
[8] L’appelante soutient qu’elle a droit à des dépens, au titre des services taxables, pour les heures qu’elle [traduction] « aurait pu consacrer à toucher un revenu en tant qu’avocate bilingue ». Ce n’est pas là le critère qu’il convient d’appliquer en matière de taxation des dépens. Dans l’arrêt W. H. Brady Co. c. Letraset Canada Ltd., [1991] 2 C.F. 226, la Cour déclare ce qui suit :
La proposition générale voulant qu’une partie ait le droit de recouvrer ses frais à condition d’être tenue de les payer à ses procureurs repose sur le principe selon lequel les dépens entre parties constituent une indemnité ou un dédommagement pour les dépenses qu’a dû subir la partie qui a eu gain de cause dans le litige. Le paiement des dépens à une partie ne doit pas être un cadeau. Il serait inacceptable de laisser une partie percevoir des dépens — qui se rapportent, pour la plupart, à la prestation de services professionnels — si l’avocat qui a fourni ces services n’est pas légalement en mesure de demander à cette partie de lui verser son dû. Il est facile de définir l’obligation qui doit exister pour respecter le principe en cause : c’est l’obligation légale qu’une partie a envers son procureur de payer les services qu’elle a obtenus, et que le procureur peut faire exécuter à tout moment.
[9] En l’espèce, l’appelante n’est pas tenue de payer son procureur. En outre, la jurisprudence qu’elle invoque concerne des affaires qui ont été tranchées par la Cour et non par un officier taxateur. Aux termes du paragraphe 400(1) des Règles des Cours fédérales, la Cour a le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens, de les répartir et de désigner les personnes qui doivent les payer. Selon le paragraphe 400(1), la Cour a compétence exclusive pour adjuger des dépens aux parties agissant pour leur propre compte au titre des services taxables. Dans l’affaire Urbandale Realty Corp c. Canada 2008 CAF 167, l’officier taxateur a déclaré ce qui suit, au paragraphe 20 :
… Le paragraphe 5(1) de la Loi sur les Cours fédérales définit la Cour d’appel fédérale comme se composant du juge en chef et de douze autres juges. L’article 2 des Règles précise que le terme « Cour » s’entend, selon le cas, de la Cour d’appel fédérale. Cette disposition prévoit également que l’« officier taxateur » s’entend d’« un fonctionnaire du greffe désigné à ce titre par ordonnance de la Cour, un juge ou un protonotaire. Dans le cas d’un renvoi, l’arbitre qui le préside est assimilé à un officier taxateur ». Je tombe dans la première catégorie, soit celle d’un fonctionnaire du greffe désigné à ce titre par ordonnance de la Cour. L’officier taxateur n’entre pas dans la composition de la Cour d’appel fédérale définie au paragraphe 5(1) de la Loi sur les Cours fédérales. Il s’ensuit que le terme « Cour », tel qu’il est défini à l’article 2 des Règles, ne m’inclut pas. Je n’ai connaissance d’aucune compétence de l’officier taxateur, autre que celle attribuée à la Cour par le paragraphe 400(1) et l’article 407 des Règles, qui me permette de modifier valablement l’adjudication de dépens effectuée par la Cour…
[10] Autrement dit, étant donné que les officiers taxateurs ne sont pas des membres de la Cour, je jouis d’une compétence limitée, car il ne m’est pas permis de modifier l’adjudication de dépens faite par la Cour. Il s’ensuit que lorsque la Cour exerce sa compétence et adjuge à la partie agissant pour son propre compte des dépens pour les services taxables, l’officier taxateur peut faire droit aux réclamations au titre des services (Voir : Carr c. Canada, 2009 CF 1196). En revanche, si la Cour n’exerce pas cette compétence, l’officier taxateur n’a pas compétence pour accorder les dépens afférents aux services. Cette situation s’est présentée dans le jugement Dewar c. Canada, [1985] A.C.F. no 538, et à cet égard, l’officier taxateur a déclaré ce qui suit :
Un plaideur non‑juriste ne doit taxer que les débours et ne peut taxer les honoraires calculés, pour ce qui est du temps consacré et des débours, comme équivalant aux honoraires du procureur ou autrement.
[11] J’ai examiné l’adjudication des dépens qui a été faite en l’espèce et bien que des dépens aient été accordés tant en Cour d’appel fédérale qu’en Cour fédérale, rien n’indique que la Cour a exercé son pouvoir d’adjuger à l’appelante des services à taxer. Au paragraphe 2 du jugement Dahl (précité), l’officier taxateur a précisé ce qui suit :
[…] les Règles des Cours fédérales ne prévoient pas qu’un plaideur puisse compter sur le fait qu’un officier taxateur abandonne sa position de neutralité pour devenir le défenseur du plaideur dans la contestation de certains postes d’un mémoire de dépens. Cependant, l’officier taxateur ne peut certifier d’éléments illicites, c’est‑à‑dire des postes qui dépassent ce qu’autorisent le jugement et le tarif. (Non souligné dans l’original.)
[12] Par conséquent, je conclus que je n’ai pas compétence pour accepter de taxer des services. Cela dit, l’avocat de l’intimée a fait savoir que sa cliente consentira aux dépens demandés par l’appelante. Normalement, en cas de consentement, l’officier taxateur accepterait les dépens tels que présentés. Toutefois, dans l’arrêt Cornwall (Township) c. Ottawa and New York Railway Co., [1916] A.C.S. no 4, la Cour suprême du Canada a précisé ce qui suit :
[traduction] Le consentement peut être attributif de compétence lorsqu’il s’agit du simple renoncement à une condition à laquelle il peut être renoncé selon la loi, autrement il ne l’est pas. Si le défaut de compétence concerne l’objet de la controverse ou que la procédure est de la nature de celles qui, selon la loi ou la coutume, ont été confiées à un autre tribunal, le consentement des parties sera inopérant. Par exemple, il n’est pas de consentement qui puisse conférer à la Cour suprême de l’Ontario le pouvoir de se saisir d’une pétition concernant le droit de siéger au Parlement... (Non souligné dans l’original.)
[13] Le paragraphe 400(1) confère à la Cour le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens, de les répartir et de désigner les personnes qui doivent les payer. En d’autres termes, c’est à la Cour qu’il revient d’adjuger les services à taxer au plaideur agissant pour son propre compte. Il s’ensuit que le consentement de l’intimée au montant que l’appelante, une partie agissant pour son propre compte, a réclamé pour ces services est sans effet. Pour les motifs susmentionnés, j’estime que je n’ai pas compétence pour accepter les montants réclamés par l’appelante au titre des services qui sont normalement à taxer. Par conséquent, les dépens réclamés par l’appelante au titre des articles 17, 18, 19, 20, 26 et 27 ne sont pas acceptés.
[14] S’agissant des débours réclamés, j’ai compétence pour les taxer, compte tenu de l’adjudication de dépens effectuée par la Cour. J’estime que ces débours peuvent être taxés pour le montant réclamé, étant donné que l’intimée a consenti à ce montant. Par conséquent, les débours réclamés par l’appelante sont arrêtés à 372,78 $.
[15] Pour les motifs exposés précédemment, le mémoire de dépens modifié de l’appelante est taxé à 372,78 $. Un certificat de taxation sera délivré en conséquence.
« Bruce Preston »
Officier taxateur
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
A‑144‑12 |
TAXATION DES DÉPENS JUGÉE SUR DOSSIER, SANS COMPARUTION DES PARTIES
INTITULÉ : |
VLASTA STUBICAR c. SA MAJESTÉ LA REINE
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PLACE OF assessment: |
Toronto (Ontario)
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MOTIFS DE LA TAXATION DES DÉPENS : |
BRUCE PRESTON
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DATE DES MOTIFS : |
LE 30 AVRIL 2015
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COMPARUTIONS :
Vlasta Stubicar
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L’APPELANTE (POUR SON PROPRE COMPTE)
|
Max Binnie
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POUR L’INTIMÉE
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
S/O
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L’APPELANTE (POUR SON PROPRE COMPTE)
|
William F. Pentney Sous‑procureur général du Canada Ottawa (Ontario)
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POUR L’INTIMÉE
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