Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20150501


Dossier : A‑275‑14

Référence : 2015 CAF 114

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE STRATAS

LE JUGE BOIVIN

 

 

ENTRE :

THE SERVICEMASTER COMPANY

appelante

et

385229 ONTARIO LTD.,

faisant affaire sous le nom de

MASTERCLEAN SERVICE COMPANY

intimée

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 12 janvier 2015

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 1er mai 2015

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE BOIVIN

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE STRATAS

 


Date : 20150501


Dossier : A‑275‑14

Référence : 2015 CAF 114

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE STRATAS

LE JUGE BOIVIN

 

 

ENTRE :

THE SERVICEMASTER COMPANY

appelante

et

385229 ONTARIO LTD.,

faisant affaire sous le nom de

MASTERCLEAN SERVICE COMPANY

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE BOIVIN

[1]  Notre Cour est saisie de l’appel de la décision du 7 mai 2014 (2014 CF 440) par laquelle le juge Campbell de la Cour fédérale (le juge) a rejeté la demande, présentée par The Servicemaster Company (l’appelante), sollicitant le contrôle judiciaire de la décision de la Commission des oppositions des marques de commerce (la Commission) de rejeter les demandes d’enregistrement de ses marques de commerce no 1070731, « SERVICEMASTER CLEAN », et no 1278252, « SERVICEMASTER CLEAN & Dessin » (2012 COMC 59).

[2]  Lors de sa demande de contrôle judiciaire, l’appelante a rapporté de nouveaux éléments de preuve, conformément à ce que prévoit l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi). Après avoir conclu que cette nouvelle preuve n’aurait pas eu d’incidence importante sur les conclusions de la Commission, le juge a confirmé la décision attaquée.

[3]  Devant notre Cour, l’appelante fait appel uniquement à la partie de la décision du juge confirmant la conclusion tirée par la Commission relativement à l’alinéa 16(1)a) de la Loi, à savoir que la marque de commerce SERVICEMASTER CLEAN était susceptible de créer de la confusion à la date de son premier emploi, c’est‑à‑dire en octobre 1997. Par conséquent, les parties de la décision se rapportant à la marque « SERVICEMASTER CLEAN & Dessin » ne sont pas en cause dans le présent appel.

I.  Les faits

[4]  L’appelante a entamé ses activités au Canada en 1954 sous la marque de commerce SERVICEMASTER en liaison avec des services de nettoyage de tapis, puis des services de nettoyage résidentiel, de nettoyage commercial, de conciergerie et de restauration après sinistre. En 1997, l’appelante a ajouté le terme descriptif CLEAN à sa marque SERVICEMASTER.

[5]  Trois années plus tard, le 10 août 2000, l’appelante a produit la demande d’enregistrement no 1070731 pour la marque de commerce SERVICEMASTER CLEAN en invoquant son emploi dès octobre 1997. La demande produite se rapportait aux services suivants :

Services de conseils auprès des entreprises, services de conseils en affaires et services de franchisage, nommément fourniture d’aide technique dans la création et/ou l’exploitation d’entreprise de services de nettoyage, de gérance de bâtiments ou de gestion des réparations de bâtiment; fourniture d’aide technique dans la création et l’exploitation d’une entreprise; fourniture d’aide technique dans la création et l’exploitation de services de nettoyage; services de nettoyage pour l’intérieur des bâtiments, comprenant les résidences privées, les immeubles commerciaux, les établissements de santé, les installations industrielles et les installations pédagogiques, et leur ameublement, y compris les tapis, les planchers, les murs, les meubles et les appareillages; services de conciergerie; services de restauration après un sinistre, nommément restauration de l’intérieur et de l’extérieur des bâtiments endommagés par le feu, une inondation et d’autres genres de sinistres. [Non souligné dans l’original.]

[6]  Bien qu’au départ, l’appelante ait tenté d’obtenir l’enregistrement de la marque de commerce SERVICEMASTER CLEAN en liaison avec des services de « gestion des réparations de bâtiment, services de restauration après un sinistre, nommément restauration de l’intérieur et de l’extérieur des bâtiments endommagés par le feu, une inondation et d’autres genres de sinistres » (comme démontré à la liste reproduite ci‑dessus), ces services ont été retirés de la liste des services en 2009.

[7]  Quant à 385229 Ontario Ltd., qui fait affaire sous la dénomination de Masterclean Service Company (l’intimée), elle se spécialise dans la réduction des pertes matérielles et les travaux de restauration et emploie la marque de commerce MASTERCLEAN depuis au moins le 1er novembre 1971 et la marque MASTER CLEAN, depuis au moins le 1er mai 1980, en liaison avec ses [traduction« services de restauration, de rénovation et de nettoyage ».

[8]  Le 25 octobre 2005, l’intimée a produit une déclaration d’opposition à l’encontre de la demande d’enregistrement de la marque SERVICEMASTER CLEAN de l’appelante.

[9]  La Commission a confirmé l’opposition de l’intimée après avoir conclu à l’existence de confusion suivant l’alinéa 16(1)a) de la Loi. À cet égard, la Commission a conclu qu’elle ne pouvait, dans le cadre du paragraphe 16(1) de la Loi, prendre en compte les preuves de l’appelante concernant la coexistence des marques sans confusion ni celle de la preuve de l’emploi par un tiers de marques analogues, du fait que l’une et l’autre étaient postérieures à la date à laquelle l’appelante a employé pour la première fois la marque SERVICEMASTER CLEAN. Or, cette exclusion des preuves postérieures à octobre 1997 est ce qui explique que la Commission ait conclu à l’existence de confusion au titre de l’alinéa 16(1)a) alors qu’elle n’a pas retenu le motif d’opposition de l’alinéa 12(1)d), qui se rapporte lui aussi à la probabilité de confusion. Il s’ensuit que les preuves allant dans le sens de la conclusion tirée par la Commission suivant l’alinéa 12(1)d) n’est pas pertinente dans l’analyse fondée sur l’alinéa 16(1)a). La Commission expose le raisonnement sur lequel repose sa conclusion sur ce point au paragraphe 60 de la décision :

Après avoir examiné toutes les circonstances de l’espèce, j’arrive à la conclusion que les probabilités de confusion entre les marques MASTER CLEAN et SERVICEMASTER CLEAN en octobre 1997 penchent tout autant du côté de la confusion que de l’absence de confusion. Il en est ainsi d’une part parce que MASTER CLEAN n’est pas le type de marque à laquelle on accorde généralement une grande protection et que la marque de la Requérante ne commence pas par le même mot que celle de l’Opposante, et d’autre part parce qu’en octobre 1997, seule cette dernière avait acquis une réputation en liaison avec sa marque, que les parties sont des concurrentes et que la Marque nominale de la Requérante est composée de la marque de l’Opposante dans son intégralité, précédée du mot SERVICE, faible en soi. Comme il incombe à la Requérante d’établir, suivant la prépondérance des probabilités, que la Marque ne crée pas de confusion avec la marque de commerce de l’Opposante, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)a) est accueilli. Il faut mentionner que la différence entre la conclusion relative à ce motif et celle relative au motif fondé sur l’alinéa 12(1)d) tient en partie au fait que la preuve de la coexistence des marques sans confusion, de même que la preuve de l’emploi par un tiers de marques analogues ne sauraient être prises en compte dans l’examen du présent motif.

[10]  Tout en ayant à l’esprit ce qui précède, j’examinerai maintenant la décision du juge.

II.  La décision du juge

[11]  Devant le juge, l’appelante a rapporté de nouveaux éléments de preuve visant à remédier directement aux lacunes que la Commission avait relevées dans sa décision au niveau de la preuve. Comme je l’ai dit plus tôt, le juge a conclu que ces nouveaux éléments de preuve n’auraient pas eu d’incidence importante sur la décision de la Commission, de telle sorte qu’il ne lui était pas loisible de reprendre l’examen des faits depuis le début.

[12]  Plus précisément, le juge a conclu que la Commission n’avait pas eu tort d’écarter les preuves postérieures à la date du premier emploi de la marque de commerce SERVICEMASTER avant de se prononcer sur la question de la confusion visée à l’alinéa 16(1)a). Selon lui, il s’agissait là d’une question d’interprétation des lois et que la Commission avait fait du paragraphe 16(1) une interprétation littérale correcte en décidant que l’analyse de la question de la confusion s’intéresse à la preuve qui existait « à la date de premier emploi » (motifs du juge, aux paragraphes 17 à 20).

[13]  Le juge a également jugé non pertinents les éléments de preuve tendant à démontrer que des tiers avaient déjà enregistré des marques de commerce analogues à la date de premier emploi, car le simple fait d’enregistrer une marque ne prouvait pas son emploi effectif, ce qui, de l’avis du juge, constituait une condition préalable pour établir la pertinence d’un élément de preuve (motifs du juge, aux paragraphes 25 et 26).

[14]  Enfin, bien que le juge ait reconnu qu’il ressortait des nouveaux éléments de preuve que la réputation acquise par la marque SERVICEMASTER de l’appelante était antérieure à octobre 1997, il a conclu que ceux‑ci ne faisaient que reprendre les preuves de même nature déjà présentées à la Commission (motifs du juge, au paragraphe 24). Par conséquent, le juge a conclu que ces éléments de preuve n’auraient pas eu d’incidence importante sur la décision de la Commission et il a conclu que cette dernière avait rendu une décision raisonnable (motifs du juge, au paragraphe 28).

A.  Les questions en litige

[15]  La Cour est saisie des questions suivantes :

  • 1) Le juge a-t-il commis une erreur lorsqu’il a conclu que les preuves postérieures à la date de premier emploi n’étaient pas pertinentes aux fins de l’analyse de la probabilité de confusion fondée sur l’alinéa 16(1)a)?

  • 2) Le juge a-t-il commis une erreur lorsqu’il a conclu que les nouveaux éléments de preuve produits par l’appelante n’auraient pas eu d’incidence importante sur la décision de la Commission?

  • 3) Le juge a-t-il arrêté la bonne norme de contrôle et l'a-t-il appliquée correctement?

B.  La norme de contrôle

[16]  La norme de contrôle qui doit être appliquée à la décision de la Commission est celle de la décision raisonnable. Plus particulièrement, l’interprétation que fait la Commission de sa loi habilitante commande la retenue. Par conséquent, la Cour ne peut modifier la conclusion de la Commission selon laquelle les preuves postérieures à la date de premier emploi de la marque SERVICEMASTER de l’appelante ne sont pertinentes que si elle conclut à son caractère déraisonnable. De plus, lorsque de nouveaux éléments de preuve sont présentés en appel devant un juge en vertu de l’article 56 de la Loi et que le juge conclut que les nouveaux éléments de preuve auraient eu une incidence sur les conclusions de fait de la Commission ou l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, le juge doit tirer ses propres conclusions quant à la question à laquelle les preuves additionnelles se rapportent (Brasseries Molson c. John Labatt Ltée, [2000] 3 C.F. 145, [2000] A.C.F. no 159, au paragraphe 51).

[17]  La mission de la Cour consiste à rechercher, dans un premier temps, si le juge a appliqué la bonne norme de contrôle aux questions en litige, et dans un second temps, s’il l’a appliquée correctement (Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559, aux paragraphes 45 à 47; Agence du revenu du Canada c. Telfer, 2009 CAF 23, [2009] A.C.F. no 71, au paragraphe 18).

[18]  Lorsque de nouveaux éléments de preuve sont produits, comme c’est le cas en l’espèce, notre Cour doit également examiner les conclusions du juge sur la question de savoir si ces nouvelles preuves auraient eu une incidence importante sur la décision de la Commission. Sur ce point, l’évaluation de la Cour est assujettie à la norme de contrôle applicable en appel consacrée par Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235. En l’absence d’une erreur de fait manifeste et dominante ou d’une erreur de droit isolable, la décision du juge doit être confirmée.

III.  Analyse

(1)  Le juge a‑t‑il commis une erreur lorsqu’il a conclu que les preuves postérieures à la date de premier emploi n’étaient pas pertinentes aux fins de l’analyse de la probabilité de confusion fondée sur l’alinéa 16(1)a)?

[19]  L’appelante soutient que le juge a commis une erreur de droit lorsqu’il a conclu que les preuves postérieures à la date de premier emploi de la marque SERVICEMASTER CLEAN n’étaient pas pertinentes aux fins de l’examen de la question de la confusion visée à l’alinéa 16(1)a). Plus précisément, l’appelante conteste la conclusion du juge selon laquelle la Commission n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a écarté la preuve postérieure à la date de premier emploi au motif qu’elle n’était pas pertinente :

[19] Je juge que la conclusion du registraire [de la Commission] s’appuie sur une interprétation littérale du libellé de l’article 16, selon laquelle l’analyse de la question de la confusion doit reposer sur la preuve qui existait à la « date de premier emploi ». Je ne suis donc pas d’accord avec l’avocat de la demanderesse [l’appelante] pour dire que les conclusions que le registraire [la Commission] a tirées sur l’inadmissibilité d’éléments de preuve ne s’appuyaient sur aucune raison de principe. Il s’agit d’une question d’interprétation législative. Selon moi, pour que son argument selon lequel il n’existait [traduction] « aucune raison de principe » soit retenu, l’avocat de la demanderesse [l’appelante] doit présenter des arguments fondés sur des principes contestant l’avis du registraire [de la Commission] quant au droit applicable. De pareils arguments n’ont pas été avancés. Il ne suffit pas d’invoquer la « logique » pour étayer une contestation. Seule suffirait une argumentation liée à l’interprétation législative, correctement formulée et démontrant que l’interprétation littérale de l’alinéa 16(1)a) par le registraire [la Commission] n’est pas exacte, en fonction d’une preuve, ou d’une jurisprudence, convaincante. Or, rien de tel n’a été présenté.

[20] Je conclus, par conséquent, que le registraire [la Commission] n’a pas commis d’erreur de principe en excluant, aux fins de son analyse fondée sur l’alinéa 16(1)a), des éléments de preuve jugés non pertinents. Je conclus donc que la déposition [de] M. England sur la situation postérieure à la date de premier emploi n’est pas non plus pertinente.

(Motifs du juge, aux paragraphes 19 et 20, souligné dans l’original.)

[20]  Il convient de rappeler, à ce stade, qu’il est question des dates pertinentes au paragraphe 16(1) de la Loi :

16. (1) Tout requérant qui a produit une demande selon l’article 30 en vue de l’enregistrement d’une marque de commerce qui est enregistrable et que le requérant ou son prédécesseur en titre a employée ou fait connaître au Canada en liaison avec des marchandises ou services, a droit, sous réserve de l’article 38, d’en obtenir l’enregistrement à l’égard de ces marchandises ou services, à moins que, à la date où le requérant ou son prédécesseur en titre l’a en premier lieu ainsi employée ou révélée, elle n’ait créé de la confusion :

 

16. (1) Any applicant who has filed an application in accordance with section 30 for registration of a trade‑mark that is registrable and that he or his predecessor in title has used in Canada or made known in Canada in association with wares or services is entitled, subject to section 38, to secure its registration in respect

of those wares or services, unless at the date on which he or his predecessor in title first so used it or made it known it was confusing with

 

a) soit avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada par une autre personne [.]

(a) a trade‑mark that had been previously used in Canada or made known in Canada by any other person[.]

[Non souligné dans l’original.]

[Emphasis added.]  

[21]  Ainsi, comme le prévoit le paragraphe 16(1) de la Loi, il convient de rechercher si la marque crée de la confusion, selon la version anglaise, « at the date on which he or his predecessor in title first so used it or made it known … », et, de la même façon, selon la version française, « à moins qu’à la date où le requérant ou son prédécesseur en titre l’a en premier lieu ainsi employée ou révélée … », ce qui reflète et va dans le sens de l’interprétation arrêtée par la Commission et confirmée par le juge, à savoir que les preuves postérieures à la date du premier emploi doivent être écartées au motif qu’elle ne sont pas pertinentes.

[22]  Une certaine jurisprudence enseigne que les preuves postérieures à la date pertinente peuvent être utiles pour l’analyse de la confusion lorsque ces preuves sont intrinsèquement liées aux faits qui existaient à la date pertinente (voir par exemple : Brasseries Molson, a Partnership c. Compagnie de brassage Labatt, [1996] A.C.F. no 782, 115 F.T.R. 33 (C.F. 1re inst.), aux paragraphes 21, 22, 29 et 30; Conagra, Inc. c. McCain Foods Ltd., 2001 CFPI 963, [2001] A.C.F. n1331, aux paragraphes 67 et 114 à 116). Toutefois, vu que la Commission a raisonnablement conclu que les preuves en question n’étaient pas liées aux faits qui existaient à la date de premier emploi de la marque de commerce, il n’est pas nécessaire d’examiner si, en droit, ces preuves sont dénuées de pertinence.

(2)  Le juge a‑t‑il commis une erreur lorsqu’il a conclu que les nouveaux éléments de preuve produits par l’appelante n’auraient pas eu d’incidence importante sur la décision de la Commission?

a)  Preuve relative à la « réputation » de la marque de commerce SERVICEMASTER

[23]  L’appelante soutient que la marque de commerce SERVICEMASTER s’était bâti une solide réputation à la date de son premier emploi. Elle a présenté de nouveaux éléments de preuve à l’appui de cette thèse étant donné que la Commission avait tiré la conclusion que seule l’intimée avait acquis une réputation en liaison avec la marque de commerce. Le juge a conclu que les nouveaux éléments de preuve relatifs aux ventes faisaient double emploi avec les preuves déjà présentées à la Commission, ce qui, aux dires de l’appelante, constitue une erreur manifeste et dominante.

[24]  Il importe de souligner que la Commission a analysé en profondeur la thèse de l’appelante concernant la réputation, ainsi que l’a souligné le juge lorsqu’il a conclu que la Commission s’était montrée sensible à la question. De son côté, le juge a examiné en détail les conclusions de la Commission sur ce point et a conclu que « la communication [à la Commission] d’éléments de preuve supplémentaires sur le même sujet » n’aurait rien changé. J’abonde dans le même sens. Au vu du dossier, je conclus que le juge n’a commis aucune erreur lorsqu’il a conclu que les nouveaux éléments de preuve de l’appelante n’auraient pas eu d’incidence importante sur les conclusions de la Commission en ce qui a trait à la réputation de la marque de commerce.

b)  Preuve de l’emploi par un tiers

[25]  L’appelante a également présenté de nouveaux éléments de preuve afin d’établir que des tiers employaient des marques analogues. Or, comme l’a constaté le juge, ces preuves, qui reposent sur l’état du registre, n’établit pas qu’il y a eu emploi comme tel, ce qui signifie qu’elle n’est pas pertinente. Le juge a donc conclu « qu’à ce titre, elle n’aurait pas pu avoir une incidence importante sur les conclusions [de la Commission] » (motifs du juge, au paragraphe 26). Là encore, je ne puis retenir la thèse portant que le juge a eu tort de tirer cette conclusion. En fait, les nouveaux éléments de preuve (affidavit de Mary P. Noonan, dossier d’appel, onglet 36) provenaient essentiellement d’une recherche identique à celle qui avait déjà été effectuée et dont les résultats avaient été portés à la connaissance de la Commission par l’intermédiaire de l’affidavit de Lisa Saltzman (dossier d’appel, onglet 21). Il s’ensuit forcément que le juge a eu raison de conclure, tout comme la Commission, que ces preuves ne démontraient pas l’emploi par des tiers de marques analogues. Le moyen d’appel invoqué par l’appelante à cet égard doit donc être rejeté.

[26]  L’appelante invite également instamment la Cour à conclure qu’en raison du nombre important d’enregistrements de marques de commerce en cause, le juge aurait dû déduire que ces marques étaient réellement employées. Or, il ressort de l’examen de la jurisprudence que la loi autorise le juge à tirer une telle inférence de ce genre de preuve, mais qu’elle ne l’y oblige pas (Kellogg Salada Canada Inc. c. Canada (Registraire des marques de commerce), [1992] 3 C.F. 442 (C.A.F.), [1992] A.C.F. n562; Barbara’s Bakery, Inc. c. Sparkles Photo Ltd., 2011 COMC 28, [2011] C.O.M.C. no 5028; Telus Corporation et Telus Communications Inc. c. Orange Personal Communications Services Ltd., 2005 CF 590, [2005] A.C.F. no 722, conf. par 2006 CAF 6, [2006] A.C.F. no 14). J’estime par conséquent que le juge n’a pas commis d’erreur manifeste et dominante lorsqu’il a refusé de tirer l’inférence plaidée et lorsqu’il a déclaré les preuves non-pertinentes. Ce moyen d’appel n’est pas retenu non plus.

(3)   Le juge a-t-il arrêté la bonne norme de contrôle et l’a-t-il appliquée correctement?

[27]  Enfin, puisqu’il avait conclu que les nouveaux éléments de preuve présentés par l’appelante n’auraient pas eu d’incidence importante sur les conclusions de la Commission, le juge a eu raison de ne pas reprendre l’examen des faits depuis le début. Il a retenu la norme de contrôle de la décision raisonnable et a appliqué cette norme correctement. Il n’a pas commis d’erreur lorsqu’il a conclu que la décision de la Commission était raisonnable du fait qu’elle n’était ni entachée d’une erreur de principe, ni manifestement erronée (motifs du juge, aux paragraphes 5 et 28). La Commission a, en effet, justifié sa conclusion de manière transparente et intelligible, et cette conclusion appartient aux issues acceptables au regard des faits et du droit (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47). L’appelante ne m’a pas convaincu du contraire.

[28]  Par les motifs qui précèdent, je rejetterais l’appel avec dépens.

« Richard Boivin »

j.c.a.


« Je suis d’accord

Eleanor R. Dawson, j.c.a. »

« Je suis d’accord

David Stratas, j.c.a. »

Traduction


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A‑275‑14

 

 

INTITULÉ :

THE SERVICEMASTER COMPANY c. 385229 ONTARIO LTD., FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE MASTERCLEAN SERVICE COMPANY

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 12 janvier 2015

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE BOIVIN

 

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE STRATAS

 

DATE DES MOTIFS :

le 1er mai 2015

 

COMPARUTIONS :

Peter W. Choe

 

POUR L’appelante

THE SERVICEMASTER COMPANY

 

Michael Adams

 

POUR L’INTIMÉE

385229 ONTARIO LTD., FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE MASTERCLEAN SERVICE COMPANY

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

GOWLING LAFLEUR HENDERSON S.E.N.C.R.L., S.R.L.

Toronto (Ontario)

 

POUR L’appelante

THE SERVICEMASTER COMPANY

 

RICHES, McKENZIE & HERBERT LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR L’INTIMÉE

385229 ONTARIO LTD., FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE MASTERCLEAN SERVICE COMPANY

 

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