Date : 20150513
Dossier : A-364-14
Référence : 2015 CAF 122
CORAM :
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LA JUGE GAUTHIER
LE JUGE RYER
LE JUGE NEAR
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ENTRE :
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RICHARD HORSEMAN
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appelant
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et
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DUSTIN TWINN, FONCTIONNAIRE ÉLECTORAL DE LA HORSE LAKE FIRST NATION
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intimé
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Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 13 mai 2015.
Jugement rendu à l’audience à Vancouver (Colombie-Britannique), le 13 mai 2015.
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR PAR :
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LE JUGE RYER
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Date : 20150513
Dossier : A-364-14
Référence : 2015 CAF 122
CORAM :
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LA JUGE GAUTHIER
LE JUGE RYER
LE JUGE NEAR
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ENTRE :
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RICHARD HORSEMAN
|
appelant
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et
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DUSTIN TWINN, FONCTIONNAIRE ÉLECTORAL DE LA HORSE LAKE FIRST NATION
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intimé
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MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
(Prononcés à l’audience à Vancouver (Colombie-Britannique), le 13 mai 2015)
LE JUGE RYER
[1]
La Cour est saisie de l’appel d’une décision de la Cour fédérale (2014 CF 758), datée du 30 juillet 2014, par laquelle le juge O’Reilly (le juge) a rejeté la demande de contrôle judiciaire d’une décision prise par M. Dustin Twinn en sa qualité de fonctionnaire électoral de la Horse Lake First Nation (la bande).
[2]
Par lettre recommandée, datée du 11 octobre 2013, M. Twinn a informé M. Horseman que celui-ci était inadmissible à se porter candidat au poste de chef de bande lors d’une élection prévue pour le 30 octobre 2013 (l’élection).
[3]
Le 16 octobre 2013, M. Horseman a répondu par une demande de contrôle judiciaire de la décision de M. Twinn de rejeter sa candidature à l’élection.
[4]
Dans sa demande, M. Horseman sollicitait :
a) une injonction interlocutoire déclarant que son retrait de la liste des candidats au poste de chef était invalide et contraire aux Horse Lake First Nation Election Regulations, 1991 (le règlement électoral) et le réinscrivant sur la liste des candidats à l’élection;
b) des ordonnances destituant M. Twinn de son poste de fonctionnaire électoral et le déclarant lui-même candidat au poste de chef de la bande à l’élection.
[5]
Par ordonnance datée du 24 octobre 2013, la juge Katherine Kane de la Cour fédérale a rejeté la demande d’injonction interlocutoire de M. Horseman. Cette ordonnance n’a pas été portée en appel.
[6]
Le juge a exercé son pouvoir discrétionnaire et a refusé d’examiner les autres aspects de la demande de contrôle judiciaire au motif que M. Horseman n’avait pas exercé l’autre recours adéquat prévu par les dispositions relatives aux appels du règlement électoral. En tirant cette conclusion, le juge a dit ceci, au paragraphe 6 de ses motifs :
a) les mécanismes d’appel prévus par le règlement électoral
« […] sont de loin plus pratiques, plus rapides et moins onéreux qu’une demande de contrôle judiciaire présentée à la Cour »
;b) M. Horseman était au courant des mécanismes d’appel prévus par le règlement électoral;
c) les recours en appel prévus par le règlement électoral ont été conçus par les membres de la bande pour tenir compte des réalités locales;
d) la prétendue erreur de M. Twinn était
« […] directement liée au processus électoral, pour lequel le code prévoit expressément l’appel comme moyen de recours »
.
[7]
La Cour a jugé que les décisions discrétionnaires – comme la décision d’un juge de la Cour fédérale de refuser d’instruire une demande de contrôle judiciaire parce que le demandeur ne s’est pas prévalu d’un autre recours adéquat – sont des questions mixtes de fait et de droit susceptibles de contrôle selon le cadre établi dans l’arrêt Housen c Nikolaisen, 2002 CSC 33. (Voir l’arrêt Jamieson Laboratories Ltd. c Reckitt Benckiser LLC et Reckitt Benckiser (Canada) Limited, 2015 CAF 104 et l’arrêt Imperial Manufacturing Group Inc. et Home Depot of Canada Inc. c Decor Grates Incorporated, 2015 CAF 100.) Au paragraphe 36 de cet arrêt, la Cour suprême du Canada a jugé que les conclusions mixtes de fait et de droit, desquelles aucune question de droit n’est facilement isolable, peuvent être infirmées seulement si l’existence d’une erreur manifeste et dominante peut être établie. Au même paragraphe, la Cour a conclu que les questions de droit sont assujetties à la norme de contrôle de la décision correcte.
[8]
Devant la Cour, M. Horseman affirme que la décision du juge est fondée sur deux erreurs de droit que nous présumons être, pour les besoins des présents motifs, des questions de droit facilement isolables. Ainsi, si l’une ou l’autre de ces erreurs est établie, nous pouvons intervenir et annuler la décision.
[9]
M. Horseman affirme que le juge a commis une erreur de droit en concluant que les dispositions relatives aux appels figurant aux articles 57 à 60 du règlement électoral lui offraient quelque recours que ce soit – encore moins un recours adéquat – à l’égard de la décision de M. Twinn de rejeter sa candidature au poste de chef de la bande à l’élection.
[10]
M. Horseman soutient qu’il ne pouvait pas interjeter appel de la décision de M. Twinn en vertu du règlement électoral parce qu’au moment de la décision de M. Twinn, de même qu’au moment où M. Horseman a déposé sa demande de contrôle judiciaire, la bande n’avait désigné aucun président au comité d’appel, au sens de l’article 58 du règlement électoral. À toutes les dates pertinentes, selon M. Horseman, le poste de président du comité d’appel était vacant. M. Horseman ajoute que la nomination de Me Craig Neuman, c.r. à ce poste était invalide. Il explique que la résolution du conseil de bande, datée du 21 octobre 2013, qui a autorisé la nomination de Me Neuman était invalide parce qu’elle a été adoptée par le conseil de bande après la date à laquelle l’élection a été déclenchée, alors que le conseil de bande n’était plus habilité à agir.
[11]
Nous ne pouvons retenir ces arguments.
[12]
Nous ne sommes pas d’accord avec M. Horseman lorsqu’il soutient que la dissolution du Parlement peut avoir des conséquences déterminantes sur la validité de la résolution par laquelle le conseil de bande a désigné Me Neuman au poste de président du comité d’appel. La validité de cette résolution est plutôt déterminée par le règlement électoral, qui a été pris par la bande.
[13]
L’article 9 du règlement électoral est ainsi rédigé :
[traduction]
9. Sous réserve du présent règlement, chaque conseiller demeure en poste pendant une période d’environ QUATRE (4) ans débutant à la date à laquelle il est déclaré élu et se terminant à la date à laquelle il est déclaré réélu ou son successeur est déclaré élu.
[14]
En vertu de cette disposition, le mandat du conseiller prend fin à la date de sa réélection ou à la date de l’élection de son successeur. Ainsi, les conseillers de la bande qui ont adopté la résolution visant à nommer Me Neuman comme président du comité d’appel, le 21 octobre 2013, n’avaient pas moins de pouvoir du seul fait que l’élection devait avoir lieu le 30 octobre 2013. Il s’ensuit que la nomination de Me Neuman au poste de président du comité d’appel n’était pas [traduction] « nulle et non avenue »
comme l’a affirmé M. Horseman.
[15]
De plus, l’alinéa 57b) du règlement électoral, reproduit ci-dessous, dispose qu’un avis d’appel doit être déposé auprès du conseil de bande, et non auprès du président du comité d’appel, dans les 30 jours suivant l’élection en cause. Ainsi, il importait peu que ce poste ait été vacant avant le 30 octobre 2013, date de l’élection, étant donné qu’un avis d’appel aurait pu être déposé à tout moment dans les 30 jours suivant cette date. Lorsque M. Horseman a déposé sa demande de contrôle judiciaire le 16 octobre 2013, il lui était impossible de savoir que le poste vacant de président du comité d’appel ne serait pas pourvu au moyen d’une résolution valide du conseil de bande après la date de l’élection, mais dans les 30 jours suivant cette date.
[16]
M. Horseman affirme qu’indépendamment des arguments dont nous avons fait état ci-dessus et que nous avons rejetés, le juge a commis une erreur de droit lorsqu’il a conclu que le règlement électoral lui conférait un droit d’appel. M. Horseman affirme qu’il n’avait aucun droit d’appel parce que les droits d’appel prévus à l’article 57 du règlement électoral sont conférés uniquement aux candidats à l’élection. Or, par suite de la décision de M. Twinn du 11 octobre, M. Horseman n’était pas candidat. Cette disposition est ainsi rédigée :
[traduction]
57. a) Tout candidat ou tout électeur qui a voté peut interjeter appel dans les TRENTE (30) jours de la date de l’élection pour l’un ou l’autre des motifs suivants :
(i) une ou plusieurs personnes étaient inadmissibles à se porter candidates;
(ii) une contravention au présent règlement a pu influer sur les résultats de l’élection;
b) Dans le délai prévu à l’alinéa a), l’appelant doit déposer auprès du conseil un avis d’appel dans lequel sont indiqués les motifs d’appel, la ou les dispositions du présent règlement sur lesquels l’appel est fondé et les faits allégués, ET une déclaration sous serment attestant ces faits, et, d’autre part, l’appelant doit verser le dépôt exigé à l’alinéa 57c). L’avis d’appel doit également indiquer l’adresse à laquelle le comité d’appel peut envoyer des avis à l’appelant.
c) Au moment du dépôt de l’avis d’appel, l’appelant verse à la Première Nation un dépôt de MILLE DOLLARS (1 000 $) au titre des frais de l’appel. Si le dépôt n’est pas ainsi versé, l’avis d’appel sera de nul effet.
d) Si l’appel est accueilli, le dépôt sera remboursé à l’appelant.
[Non souligné dans l’original.]
[17]
Nous ne pouvons souscrire à cette affirmation étant donné que l’alinéa 57a) du règlement électoral comporte les termes [TRADUCTION] « […] ou tout électeur qui a voté […] »
. À l’évidence, la procédure d’appel était ouverte aux candidats et aux électeurs qui avaient voté à l’élection.
[18]
Le dossier dont disposait le juge, notamment l’affidavit de M. Horseman, ne comporte aucun élément de preuve établissant que M. Horseman, un ancien chef de la bande, n’était pas un électeur au sens du règlement électoral, c’est‑à‑dire, pour l’essentiel, un membre de la bande âgé de plus de 18 ans, ou qu’il n’avait pas voté à l’élection.
[19]
En outre, compte tenu de l’arrêt de notre Cour, Wolfe c Ermineskin, 2001 CAF 199, même s’il avait pu être démontré que M. Horseman n’avait aucun droit d’appel en vertu de l’article 57 du règlement électoral parce qu’il n’avait pas voté à l’élection, le dossier ne comporte aucun élément de preuve indiquant qu’il a pris des mesures pour vérifier si un autre candidat, ou encore un électeur qui, lui, avait voté à l’élection, aurait été prêt à déposer un avis d’appel exposant ses préoccupations et ses motifs d’appel. En conséquence, nous ne pouvons retenir l’affirmation de M. Horseman selon laquelle il ne pouvait pas se prévaloir du mécanisme d’appel prévu au règlement électoral.
[20]
En conclusion, nous ne sommes pas convaincus que le juge a commis les erreurs de droit alléguées par M. Horseman. C’est pourquoi nous ne voyons aucune raison d’intervenir dans la décision du juge de refuser d’instruire la demande de contrôle judiciaire de M. Horseman, et l’appel sera donc rejeté avec dépens.
« C. Michael Ryer »
j.c.a.
Traduction certifiée conforme
Mario Lagacé, jurilinguiste
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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A-364-14
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INTITULÉ :
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RICHARD HORSEMAN c DUSTIN TWINN, FONCTIONNAIRE ÉLECTORAL DE LA HORSE LAKE FIRST NATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Vancouver (Colombie-Britannique)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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le 13 mai 2015
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MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :
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LA JUGE GAUTHIER
LE JUGE RYER
LE JUGE NEAR
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PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :
|
LE JUGE RYER
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COMPARUTIONS :
Priscilla Kennedy
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POUR L’APPELANT
|
Robert McLennan
Lindsay Samson
|
POUR L’INTIMÉ
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
DLA Piper (Canada) LLP
Avocats
Edmonton (Alberta)
|
POUR L’APPELANT
|
Alexander Holburn Beudin + Lang, LLP
Avocats
Vancouver (Colombie-Britannique)
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POUR L’INTIMÉ
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