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Date : 20150610


Dossier : A-44-15

Référence : 2015 CAF 142

CORAM :

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE RYER

LE JUGE RENNIE

 

 

ENTRE :

DIANNE BENNETT ET JOHN KING

demandeurs

et

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défenderesse

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 3 juin 2015.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 10 juin 2015.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE TRUDEL

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE RYER

LE JUGE RENNIE

 


Date : 20150610


Dossier : A-44-15

Référence : 2015 CAF 142

CORAM :

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE RYER

LE JUGE RENNIE

 

 

ENTRE :

DIANNE BENNETT ET JOHN KING

demandeurs

et

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défenderesse

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE TRUDEL

[1]               Notre Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision, datée du 11 août 2014, par laquelle la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la Commission) a rejeté les plaintes déposées par les demandeurs contre l’Alliance de la fonction publique du Canada (l’Alliance ou l’agent négociateur) au motif qu’elles étaient hors délai. La Commission a rendu cette décision sans avoir tenu d’audience. Les motifs de la Commission sont répertoriés sous la référence 2014 CRTFP 75.

[2]               Devant notre Cour, les demandeurs soulèvent une multitude de questions, dont une question relative à la Charte, mais je suis d’avis que seules deux questions importent en l’espèce, à savoir : (1) la Commission a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu que les plaintes des demandeurs étaient prescrites? (2) la Commission a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a décidé de trancher l’affaire sans tenir d’audience? Je propose de répondre à ces deux questions par la négative.

[3]               Peu de faits sont nécessaires à la compréhension des questions en litige et à l’appréciation de la décision de la Commission. M. King était agent des services frontaliers. Il était également président de la section locale 024, un élément de l’agent négociateur. Il a affiché des déclarations sur le site Web de la section locale 024 qui ont mené à sa suspension, puis à son licenciement en novembre 2007.

[4]               M. King a contesté sans succès sa suspension et son licenciement par voie de grief à tous les niveaux, et la dernière étape de ces démarches a été le rejet de sa demande d’autorisation de se pourvoir devant la Cour suprême à l’encontre de l’arrêt de la Cour (King c. Canada (Procureur général), 2013 CAF 131, [2013] A.C.F. no 551, autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée avec dépens, 35479 (30 janvier 2014)).

[5]               Tout au long des instances administratives et judiciaires, M. King a été représenté par avocat. De fait, l’agent négociateur a retenu les services de M. Andrew Raven pour représenter M. King au cours de la procédure de règlement des griefs. M. Raven est demeuré l’avocat inscrit au dossier jusqu’à ce que vienne le temps de déposer la demande d’autorisation de pourvoi devant la Cour suprême du Canada. C’est alors que M. King a avisé l’Alliance de son intention d’exercer son droit d’être représenté par l’avocat de son choix. M. King proposait que l’Alliance [traduction] « ne s’ingère pas ni n’ait recours » à M. Raven comme avocat au dossier.

[6]               L’Alliance a pris acte de la décision de M. King de continuer à faire valoir ses griefs à ses propres frais. En conséquence, elle n’a pris aucune autre mesure.

[7]               Tel que signalé précédemment, la Cour suprême du Canada a refusé l’autorisation de pourvoi. Les demandeurs ont par la suite déposé les présentes plaintes auprès de la Commission le 22 avril 2014.

[8]               Les demandeurs affirment que la Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte des droits que confère aux membres de la section locale 024 pris individuellement le régime législatif de négociation collective. À leur avis, la Commission [traduction] « a manqué à son obligation d’équité […] lorsqu’elle a rejeté, sans tenir d’audience, une cause dans laquelle il y avait une preuve solide à première vue selon laquelle [l’Alliance] avait omis de représenter équitablement Mme Bennett et M. King » (mémoire des faits et du droit des demandeurs, au paragraphe 9). En particulier, ils affirment que la Commission n’aurait pas dû rejeter les plaintes au motif qu’elles étaient hors délai sans aviser les demandeurs de son intention de ce faire sur le fondement de leurs observations écrites ni leur donner la possibilité de présenter d’autres observations.

[9]               À mon avis, ces arguments ne sauraient être retenus. Les plaintes de pratiques déloyales de travail ont été déposées en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 2 (la Loi). Le paragraphe 190(2) dispose que les plaintes prévues au paragraphe (1) « doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu — ou, selon la Commission, aurait dû avoir — connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu ».

[10]           Par des motifs exhaustifs, la Commission a conclu que les plaintes se rapportaient principalement, sinon entièrement, à des faits et des violations allégués qui remontaient à l’époque de la suspension et du licenciement de M. King en 2007 (motifs de la Commission, au paragraphe 39). Les plaintes relevaient donc du paragraphe 190(2) de la Loi et étaient hors délai.

[11]           La Commission a conclu que M. King et les membres de la section locale 024 savaient ou auraient dû savoir que M. King avait été suspendu et licencié en 2007 (motifs de la Commission, au paragraphe 37). Le dossier va clairement dans le sens de cette conclusion.

[12]           La Commission a également conclu que M. King savait que l’Alliance n’avait pas déposé de plainte relative à des pratiques de travail déloyales contre l’employeur (ibidem, au paragraphe 38). Au vu du dossier, cette conclusion est raisonnable. Dans la décision sur le grief qu’elle a rendue en 2010, la Commission affirme clairement ce fait (King c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2010 CRTFP 125, 2010] C.R.T.F.P.C. n136, au paragraphe 178). Il en est également question dans des courriels échangés entre le président national de l’Alliance et M. King en date des 29 novembre 2012 et 18 janvier 2013 (voir dossier des demandeurs, volume 1, aux pages 118 et 120). En outre, il ressort du dossier que le moyen fondé sur la Charte que les demandeurs font maintenant valoir a fait l’objet d’un examen complet au cours de la procédure de grief (voir King c. Canada (Procureur général), 2012 CF 488, [2012] A.C.F. no 537, aux paragraphes 158 et suivants).

[13]           Néanmoins, les considérations qui précèdent ne tranchent pas entièrement l’affaire puisque les demandeurs allèguent que l’Alliance a omis de présenter quelque observation que ce soit pour le compte de Mme Bennett relativement à la destitution de M. King du poste de représentant des membres de la section locale 024. Dans son affidavit, Mme Bennett déclare ceci :

[traduction] 17.       Ce n’est que lorsque la question des droits associatifs et collectifs a été portée à mon attention après le 31 janvier 2014 et m’a été expliquée par M. King, après que celui-ci a reçu avis du rejet de sa demande d’autorisation de pourvoi devant la Cour suprême du Canada, que j’ai appris que l’AFPC n’avait déposé que des griefs contre l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), et non la plainte, contrairement à ce qu’avait affirmé le syndicat, et je comprends que ces mesures peuvent paraître indissociables, mais que ce sont des recours distincts devant la Commission.

18.       C’est lorsque j’ai appris que l’AFPC n’avait pas fait valoir mes droits associatifs et collectifs, ni mon droit à ce que l’employeur n’entrave pas les actions de mes représentants syndicaux, que j’ai décidé de déposer la présente plainte.

(Dossier des demandeurs, volume 1, onglet 4, à la page 31).

[14]           La Commission a conclu que les membres de la section locale 024 savaient ou auraient dû savoir en 2007 que leur représentant avait été suspendu puis licencié en raison d’actes posés en cette qualité. Encore une fois, le dossier va dans le sens de cette conclusion. Mme Bennett, alors connue sous le nom de Dianne Farkas, comptait parmi les délégués syndicaux de la section locale 024. Elle recevait souvent une copie des courriels échangés entre M. King et l’Alliance. Fait à noter, en juin 2012, M. King a voulu que Mme Bennett assiste à une téléconférence avec M. Raven ayant pour objet de discuter des préoccupations de M. King au sujet de la façon dont l’Alliance instruisait son dossier (dossier des demandeurs, volume 1, à la page 112).

[15]           En conséquence, je ne retiens pas les arguments des demandeurs concernant précisément la connaissance qu’avait Mme Bennett des événements pertinents ayant donné lieu aux plaintes. Je suis également consciente que la plainte de Mme Bennett est, en réalité, celle de M. King, qui s’était plaint à la fois comme membre et comme représentant de la section locale 024. La plainte de M. King est le seul document joint au formulaire de plainte de Mme Bennett (formulaire 16).

[16]           Pour ce qui concerne la question des dépens relatifs à l’instance devant la Cour suprême du Canada, je retiens l’observation suivante de la Commission :

[39] Le fait de tenter de dissimuler l’essence de leur plainte en faisant référence à une question […] qui constituait le tout dernier événement d’une longue chronologie d’événements remontant à 2007 équivaudrait à mettre la charrue avant les bœufs.

[17]           Si le paragraphe 190(2) de la Loi pouvait être contourné de cette manière, cette disposition serait vidée de tout son sens.

[18]           Je conclus donc que la Commission n’a commis aucune erreur en concluant que les plaintes étaient prescrites.

[19]           Je passe maintenant à la question de savoir si la Commission a manqué à son obligation d’équité procédurale envers les demandeurs lorsqu’elle a décidé de ne pas tenir d’audience avant de statuer sur les plaintes sur le fondement du paragraphe 190(2).

[20]           L’article 41 de la Loi, qui était en vigueur aussi bien lorsque les plaintes ont été déposées que lorsque la Commission a rendu sa décision, autorisait expressément la Commission à trancher une affaire sur le seul fondement d’observations écrites.

[21]           Après avoir examiné le dossier, la Commission a jugé qu’il n’était pas nécessaire de tenir une audience pour statuer sur l’objection préliminaire de la défenderesse selon laquelle les plaintes étaient hors délai. Une grande retenue judiciaire s’impose à l’égard de cette conclusion de la Commission (Bremsak c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2012 CAF 91, [2012] A.C.F. no 528, au paragraphe 10). Il ne s’agit pas d’une situation où les demandeurs ont été privés de leur droit de présenter des observations au sujet de l’objection préliminaire soulevée par la défenderesse. En conséquence, la Commission n’a commis aucune erreur de droit en intervenant comme elle l’a fait. Je conclus qu’il n’y a eu aucune atteinte au droit à l’équité procédurale des demandeurs.

[22]           En conséquence, je propose de rejeter la demande de contrôle judiciaire avec dépens.

« Johanne Trudel »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

C. Michael Ryer »

« Je suis d’accord.

Donald J. Rennie »

TRADUCTION


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

NOMS DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-44-15

 

 

INTITULÉ :

DIANNE BENNETT ET JOHN KING c ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 3 JUIN 2015

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE TRUDEL

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE RYER

LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 10 JUIN 2015

 

COMPARUTIONS :

Richard C. Edwards

 

POUR LES DEMANDEURS

DIANNE BENNETT ET JOHN KING

 

Paul Cavalluzzo

 

POUR L’INTIMÉE L’ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

 

 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Richard C. Edwards

Craven (Saskatchewan)

POUR LES DEMANDEURS

DIANNE BENNETT ET JOHN KING

Cavalluzzo Shilton McIntyre Cornish LLP

Toronto (Ontario)

POUR L’INTIMÉE L’ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

 

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