Date : 20150618
Dossier : A-401-14
Référence : 2015 CAF 149
CORAM : |
LA JUGE DAWSON LE JUGE RYER LE JUGE WEBB |
ENTRE : |
RAKUTEN KOBO INC. |
appelante |
et |
LE COMMISSAIRE DE LA CONCURRENCE, HACHETTE BOOK GROUP CANADA LTD., HACHETTE BOOK GROUP, INC., HACHETTE DIGITAL INC., HARPERCOLLINS CANADA LIMITED, HOLTZBRINCK PUBLISHERS, LLC et SIMON & SCHUSTER CANADA, UNE DIVISION DE CBS CANADA HOLDINGS CO. |
intimés |
Audience tenue à Toronto (Ontario), le 18 juin 2015.
Jugement rendu à l'audience à Toronto (Ontario), le 18 juin 2015.
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : |
LA JUGE DAWSON |
Date : 20150618
Dossier : A-401-14
Référence : 2015 CAF 149
CORAM : |
LA JUGE DAWSON LE JUGE RYER LE JUGE WEBB |
ENTRE : |
RAKUTEN KOBO INC. |
appelante |
et |
LE COMMISSAIRE DE LA CONCURRENCE, HACHETTE BOOK GROUP CANADA LTD., HACHETTE BOOK GROUP, INC., HACHETTE DIGITAL INC., HARPERCOLLINS CANADA LIMITED, HOLTZBRINCK PUBLISHERS, LLC et SIMON & SCHUSTER CANADA, UNE DIVISION DE CBS CANADA HOLDINGS CO. |
intimés |
MOTIFS DU JUGEMENT
(Prononcés à l'audience à Toronto (Ontario), le 18 juin 2015.)
LA JUGE DAWSON
[1] En 2012, le commissaire de la concurrence a mené une enquête sur l'industrie du livre numérique au Canada. L'enquête s'est soldée par la conclusion d'un consentement entre le commissaire et les quatre éditeurs qui sont intimés dans le présent appel. Le consentement indique qu'il répond aux préoccupations du commissaire selon lesquelles les éditeurs intimés ont adopté un comportement qui a empêché ou diminué sensiblement la concurrence.
[2] Le paragraphe 106(2) de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, ch. C‑34 (la Loi), permet à toute personne directement touchée par le consentement de demander au Tribunal de la concurrence d'en annuler ou d'en modifier des modalités. Le Tribunal peut accueillir la demande s'il conclut que le demandeur a établi que « les modalités [du consentement] ne pourraient faire l'objet d'une ordonnance du Tribunal ».
[3] L'appelante, Rakuten Kobo Inc., un détaillant de livres numériques, soutient avoir été touchée directement par le consentement parce que celui‑ci modifiait les liens contractuels existants entre Kobo et les éditeurs intimés. Elle a donc présenté une demande fondée sur le paragraphe 106(2) de la Loi, dans laquelle elle sollicitait une ordonnance en annulation ou en modification du consentement. Selon l'un des motifs invoqués par Kobo pour justifier l'annulation, on ne pouvait conclure le consentement parce qu'il n'y avait eu aucune violation de la Loi.
[4] Par conséquent, la demande de Kobo a soulevé la question d'interprétation légale suivante : le membre de phrase « les modalités [du consentement] ne pourraient faire l'objet d'une ordonnance du Tribunal » permet‑il d'examiner le bien‑fondé du litige sous‑jacent de façon à établir si le bien‑fondé justifierait une ordonnance? Subsidiairement, le Tribunal doit‑il se limiter, notamment, à établir s'il a compétence pour rendre une ordonnance dont les modalités seraient celles du consentement?
[5] Par conséquent, le commissaire a saisi le Tribunal d'une question de droit. La question était la suivante :
[TRADUCTION]
Quelles sont la nature et la portée de la compétence du Tribunal en vertu du paragraphe 106(2)? À cet égard, quel est le sens des mots « les modalités ne pourraient faire l'objet d'une ordonnance du Tribunal » au paragraphe 106(2) de la Loi?
[6] Pour les motifs dont la référence est 2014 CACT 14, le Tribunal a notamment conclu que le paragraphe 106(2) l'autorise à déterminer si les modalités d'un consentement relèvent d'un ou de plusieurs types précis d'ordonnances qu'il est en mesure de rendre. La Cour est maintenant saisie d'un appel interjeté par Kobo à l'encontre de cette décision.
[7] Nous sommes tous d'avis que l'appel devrait être rejeté, essentiellement pour les motifs exprimés par le Tribunal. Pour arriver à cette conclusion, nous avons examiné chacune des erreurs invoquées par Kobo. Pour les motifs qui suivent, nous avons conclu que le Tribunal n'a pas commis d'erreur comme l'affirme Kobo.
[8] En premier lieu, le Tribunal n'a pas omis de tenir compte du but recherché par le législateur lorsque ce dernier a inséré le paragraphe 106(2) dans le nouveau régime de consentement. Le Tribunal a examiné soigneusement et entièrement l'historique législatif et le témoignage fait devant le comité parlementaire compétent. Cet historique et ce témoignage soutenaient largement la conclusion du Tribunal portant que les modifications apportées aux articles 105 et 106 de la Loi visaient à simplifier le rôle de surveillance du Tribunal ainsi qu'à éviter la nécessité de tenir un procès. Le Tribunal n'a pas commis d'erreur en interprétant le paragraphe 106(2) sous cet angle.
[9] En deuxième lieu, le Tribunal n'a pas omis de prendre en compte ce que Kobo qualifie de seuil élevé au regard de la qualité pour agir et de l'exigence pour un demandeur d'établir sa thèse lorsqu'il a tenu compte de la portée de l'examen en vertu du paragraphe 106(2). Les concepts de la qualité pour agir, du fardeau de la preuve et de la nature justiciable sont des questions distinctes. De plus, le Tribunal n'a pas commis d'erreur lorsqu'il a comparé la portée de l'examen à l'égard d'une personne directement touchée avec la portée de l'examen prévu à l'alinéa 106(1)a) et au paragraphe 106.1(6) de la Loi.
[10] En troisième lieu, nous ne sommes pas persuadés que le législateur avait l'intention que toutes les contestations de tiers soient examinées conformément au paragraphe 106(2). Même dans le cas où le Tribunal a des pouvoirs de contrôle en vertu de la Loi, un contrôle judiciaire est possible (Air Canada c. Canada (Commissaire de la concurrence), 2002 CAF 121, [2002] 4 R.C.F. 598, au paragraphe 40).
[11] En quatrième lieu, le Tribunal n'a pas pris connaissance d'office de faits qui ne se prêtent pas à la connaissance d'office. Le Tribunal pouvait se fonder sur sa propre expérience au sujet du régime légal antérieur et faire des déductions logiques à partir de cette expérience. De la même manière, le Tribunal pouvait faire des déductions logiques relativement aux conséquences qui s'en suivraient s'il interprétait le paragraphe 106(2) de la manière souhaitée par Kobo. En outre, l'historique législatif dont disposait le Tribunal incluait un commentaire selon lequel l'ancien processus en matière d'ordonnance était lent, incertain et coûteux, de sorte qu'il a peu été utilisé.
[12] Enfin, le Tribunal n'a pas commis d'erreur lorsque, dans son analyse contextuelle, il a conclu que l'interprétation que Kobo propose de donner au paragraphe 106(2) pourrait permettre à une partie de contourner l'interdiction à l'accès privé prévu au paragraphe 103.1(4) de la Loi. Essentiellement, une partie qui pourrait demander l'autorisation d'exercer un recours contre certaines pratiques restrictives du commerce, mais qui se plaint plutôt au commissaire, ne peut ensuite demander l'autorisation d'exercer son propre recours si le commissaire commence à enquêter sur la plainte, interrompt une enquête sur la plainte ou présente une demande au Tribunal relativement à la plainte. Selon l'interprétation faite par Kobo du paragraphe 106(2), le plaignant pourrait demander un examen élargi si le commissaire a réglé la plainte au moyen d'un consentement. Le fait qu'un recours fondé sur le paragraphe 106(2) soit discrétionnaire ne réfute pas l'analyse contextuelle du Tribunal.
[13] Pour ces motifs, l'appel sera rejeté avec dépens.
« Eleanor R. Dawson »
j.c.a.
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
A-401-14
|
|
INTITULÉ : |
RAKUTEN KOBO INC. c. LE COMMISSAIRE DE LA CONCURRENCE, HACHETTE BOOK GROUP CANADA LTD., HACHETTE BOOK GROUP, INC., HACHETTE DIGITAL INC., HARPERCOLLINS CANADA LIMITED, HOLTZBRINCK PUBLISHERS, LLC et SIMON & SCHUSTER CANADA, UNE DIVISION DE CBS CANADA HOLDINGS CO.
|
|
LIEU DE L'AUDIENCE : |
Toronto (Ontario)
|
|
DATE DE L'AUDIENCE : |
LE 18 JUIN 2015
|
|
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : |
LA JUGE DAWSON LE JUGE RYER LE JUGE WEBB
|
|
PRONONCÉS À L'AUDIENCE PAR : |
LA JUGE DAWSON |
COMPARUTIONS :
Nikiforos Iatrou Scott McGrath Bronwyn Roe
|
POUR L'APPELANTE
|
John Syme Jonathan Chaplan
|
POUR L'INTIMÉ LE COMMISSAIRE DE LA CONCURRENCE |
Linda Plumpton
|
pour les intiméEs HACHETTE BOOK GROUP CANADA LTD., HACHETTE BOOK GROUP, INC., HACHETTE DIGITAL INC.
|
Katherine L. Kay
|
POUR L'INTIMÉE HARPERCOLLINS CANADA LIMITED
|
Randal Hughes
|
POUR l'INTIMÉE HOLTZBRINCK PUBLISHERS, LLC
|
Mahmud Jamal
|
POUR L'INTIMÉE SIMON & SCHUSTER CANADA, UNE DIVISION DE CBS CANADA HOLDINGS CO.
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
WeirFoulds LLP Avocats Toronto (Ontario)
|
POUR L'APPELANTE
|
Services juridiques – Bureau de la concurrence Gatineau (Québec)
|
POUR L'INTIMÉ LE COMMISSAIRE DE LA CONCURRENCE |
Torys LLP Avocats Toronto (Ontario)
|
POUR LES INTIMÉeS HACHETTE BOOK GROUP CANADA LTD., HACHETTE BOOK GROUP, INC., HACHETTE DIGITAL INC.
|
Stikeman Elliott, S.E.N.C.R.L., s.r.l. Avocats Toronto (Ontario)
|
POUR L'INTIMÉE HARPERCOLLINS CANADA LIMITED
|
Bennett Jones LLP Avocats Toronto (Ontario)
|
POUR L'INTIMÉE HOLTZBRINCK PUBLISHERS, LLC
|
Osler, Hoskin & Harcourt, S.E.N.C.R.L., s.r.l. Avocats Toronto (Ontario)
|
POUR L'INTIMÉE SIMON & SCHUSTER CANADA, UNE DIVISION DE CBS CANADA HOLDINGS CO. |