Dossier : A-166-14
Référence : 2015 CAF 125
CORAM : |
LE JUGE NADON LE JUGE WEBB LE JUGE BOIVIN
|
ENTRE : |
SUCCESSION DE STANLEY VINE |
appelante |
et |
SA MAJESTÉ LA REINE |
intimée |
Audience tenue à Toronto (Ontario), le 27 janvier 2015.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 19 mai 2015.
MOTIFS DU JUGEMENT : |
LE JUGE WEBB |
Y ONT SOUSCRIT : |
LE JUGE NADON LE JUGE BOIVIN |
Date : 20150519
Dossier : A-166-14
Référence : 2015 CAF 125
CORAM : |
LE JUGE NADON LE JUGE WEBB LE JUGE BOIVIN
|
ENTRE : |
SUCCESSION DE STANLEY VINE |
appelante |
et |
SA MAJESTÉ LA REINE |
intimée |
MOTIFS DU JUGEMENT
LE JUGE WEBB
[1] Le présent appel découle de la nouvelle cotisation établie par le ministre du Revenu national (le ministre) à l’égard de la succession de Stanley Vine (la succession) en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la Loi) relativement à la dernière déclaration de revenu de Stanley Vine. Cette nouvelle cotisation a été établie après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation. Le ministre a inclu dans le revenu un montant au titre de la récupération de la déduction pour amortissement découlant de la disposition réputée de la participation du défunt Stanley Vine dans l’immeuble situé au 3000, avenue Victoria Park, à Toronto (l’immeuble Victoria Park) et a majoré la juste valeur marchande d’un autre immeuble (l’immeuble Wilson). Par souci de commodité, la récupération de la déduction pour amortissement découlant de la disposition réputée de la participation de Stanley Vine dans l’immeuble Victoria Park sera appelée ci-après la « récupération relative à l’immeuble Victoria Park ».
[2] La succession a interjeté appel de la nouvelle cotisation devant la Cour canadienne de l’impôt au motif que le ministre ne pouvait pas établir de nouvelle cotisation à l’égard de la succession pour la récupération relative à l’immeuble Victoria Park et qu’il n’avait pas correctement déterminé la juste valeur marchande de l’immeuble Wilson. Dans sa décision, publiée sous la référence 2014 CCI 64, la juge Campbell a accueilli l’appel interjeté relativement à la détermination de la juste valeur marchande de l’immeuble Wilson, mais a rejeté l’appel portant sur la question de savoir si le ministre pouvait établir la nouvelle cotisation à l’égard de la récupération relative à l’immeuble Victoria Park.
[3] La succession a interjeté appel de la décision devant notre Cour et la seule question en litige est de savoir si le ministre pouvait établir une nouvelle cotisation à l’égard de la succession pour la récupération relative à l’immeuble Victoria Park étant donné que la nouvelle cotisation a été établie après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation.
[4] Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis de rejeter l’appel avec dépens.
Contexte
[5] Stanley Vine est décédé le 1er juillet 2003. Tout juste avant sa mort, il possédait plusieurs éléments d’actif, notamment des actions dans des sociétés privées et une participation indivise de 50 % dans l’immeuble Victoria Park, qui était un bien locatif. Le seul revenu de location déclaré dans la déclaration finale de revenu de Stanley Vine est sa participation de 50 % dans le revenu de location net provenant de l’immeuble Victoria Park.
[6] Par application du paragraphe 70(5) de la Loi, il y a eu disposition réputée de la totalité des biens de Stanley Vine immédiatement avant son décès, ce qui comprendrait les actions des sociétés privées et sa participation de 50 % dans l’immeuble Victoria Park.
[7] Étant donné la relation de longue date qui existait entre le cabinet Mintz & Partners (le cabinet Mintz) et Stanley Vine, la succession a retenu les services du cabinet Mintz pour préparer la dernière déclaration de revenu de Stanley Vine. À cette fin, le cabinet Mintz a dû déterminer la juste valeur marchande de plusieurs biens – ceux qui étaient détenus par diverses sociétés et l’immeuble Victoria Park. Dans le cas d’un bien immobilier détenu par une société, dès lors que sa juste valeur marchande était établie, la juste valeur marchande des actions détenues par Stanley Vine pouvait être déterminée. Nul ne conteste que Stanley Vine possédait des actions dans diverses sociétés privées à titre d’immobilisations. Par conséquent, tout gain ou perte résultant de la disposition réputée de ces actions ne pouvait que donner lieu à un gain en capital ou à une perte en capital aux fins de la Loi.
[8] Toutefois, la participation de Stanley Vine dans l’immeuble Victoria Park n’était pas détenue par une société. La succession reconnaît que Stanley Vine détenait directement une participation bénéficiaire de 50 % dans l’immeuble Victoria Park et qu’il n’était pas membre d’une société de personnes qui était propriétaire de cet immeuble. M. Vine avait demandé une déduction pour amortissement à l’égard de cet immeuble dans ses déclarations de revenus antérieures. Il a été déterminé que la juste valeur marchande était supérieure au prix de base rajusté (c.-à-d., le coût en capital) de cet immeuble. Par conséquent, comme l’a reconnu la succession, la disposition réputée de cet immeuble a donné lieu à la fois à une récupération de la déduction pour amortissement (paragraphe 13(1) de la Loi) et à un gain en capital (paragraphe 39(1) de la Loi).
[9] Les représentants du cabinet Mintz qui ont évalué les biens n’ont pas bien compris l’importance de la propriété de l’immeuble Victoria Park au regard de la Loi. Ils ont traité l’immeuble Victoria Park, pour l’application de la Loi, comme s’il était détenu par une société de personnes dont Stanley Vine était membre. Si tel avait été le cas, Stanley Vine aurait été réputé avoir disposé d’une participation dans une société de personnes, ce qui n’aurait donné lieu qu’à un gain en capital sans récupération de la déduction pour amortissement.
[10] La dernière déclaration de revenu de Stanley Vine a été préparée et produite à partir de l’hypothèse que seuls les gains en capital devaient être déclarés à la suite de la disposition réputée de ses divers biens. Aucun montant n’a été inclus au titre de la récupération de la déduction pour amortissement dans l’état des loyers de biens immobiliers jointe à sa dernière déclaration de revenu. L’annexe 3 de la dernière déclaration comprenait les renseignements suivants :
3. Unités de fonds commun de placement, actions déterminées de petites sociétés visées par un report et autres actions, y compris les actions cotées à la bourse
[…]
Nom du fonds ou de la société et catégorie |
Produit de disposition |
Prix de base rajusté |
Gain (ou perte)… |
Lilliana Buildings Ltd. |
585 000 |
57 000 |
528 000 |
Korvin Developments Limited |
54 000 |
12 000 |
42 000 |
Thistle Construction Limited |
401 000 |
99 000 |
302 000 |
1429806 Ontario Ltd. |
770 000 |
[vide] |
770 000 |
Leadway Apartments Limited |
9 111 000 |
493 000 |
8 618 000 |
Kleinberg Recreation Centre Limited |
16 000 |
[vide] |
16 000 |
Thistle Construction Ltd. – actions privilégiées |
2 000 |
2 000 |
[vide] |
Kilbarry Holding Corporation |
34 160 800 |
8 553 000 |
25 607 800 |
Total |
45 099 800 |
Gain (ou perte) |
38 798 800 |
4. Biens immeubles, biens amortissables et autres biens
Adresse ou désignation officielle |
Produit de disposition |
Prix de base rajusté |
Gain (ou perte)… |
Dumor Construction – 33,3 % Plaza |
[vide] |
218 000 |
(218 000) |
Total |
Gain (ou perte) |
(218 000) |
[11] Les colonnes « Nombre » et « Dépenses effectuées » du tableau de la section 3 ont été omises étant donné qu’elles sont vides dans la déclaration. Les colonnes de l’année d’acquisition des deux tableaux des sections 3 et 4 ont été omises étant donné que, même si l’année d’acquisition inscrite pour les actions de la Kilbarry Holding Corporation est 1071, l’année d’acquisition de tous les autres biens est 1971.
[12] La somme des gains énumérés dans le tableau de la section 3 est de 35 883 800 $ et non de 38 798 800 $ comme indiqué dans le tableau. La différence est de 2 915 000 $, ce qui est le montant qui a été déterminé comme étant le gain en capital qui aurait été réalisé si Stanley Vine avait eu une participation dans une société de personnes propriétaire de l’immeuble Victoria Park. Comme l’a reconnu la succession, la part de Stanley Vine quant à la récupération de la déduction pour amortissement découlant de la disposition réputée de sa participation dans l’immeuble Victoria Park était de 1 995 367 $ et le gain en capital relatif à cette disposition réputée était de 1 073 950 $. On ne sait pas trop comment ce montant fictif de 2 915 000 $ a été déterminé.
[13] Le ministre a établi, le 7 juin 2004, une cotisation à l’égard de la dernière déclaration, telle qu’elle avait été produite.
[14] Au cours de la première année d’imposition de la succession, celle-ci a réalisé une perte en capital par suite de la disposition des actions de la Kilbarry Holding Corporation. Comme la succession voulait se prévaloir du choix offert par le paragraphe 164(6) de la Loi afin que la perte en capital soit réputée être une perte en capital de Stanley Vine à l’égard de sa dernière année d’imposition, elle devait produire une dernière déclaration de revenu modifiée en vertu de l’alinéa 164(6)e) de la Loi. Alors qu’ils préparaient cette déclaration modifiée, les représentants du cabinet Mintz ont constaté que la récupération relative à l’immeuble Victoria Park n’avait pas été incluse dans la dernière déclaration de revenu. Ils ont aussi remarqué que le tableau figurant à la section 4 de l’annexe 3 ne comportait aucune référence au gain en capital relatif à l’immeuble Victoria Park.
[15] Une dernière déclaration modifiée des revenu de Stanley Vine a été préparée et produite. Dans cette déclaration modifiée, la récupération de la déduction pour amortissement de 3 990 733 $ a été incluse dans l’état des loyers de biens immeubles (avant le rajustement du revenu net visant à tenir compte de la participation à 50 % de Stanley Vine dans l’immeuble Victoria Park). Comme la moitié du revenu de location net avait été ajoutée à son revenu, la récupération de la déduction pour amortissement de 1 995 367 $ a été incluse dans son revenu.
[16] Le tableau de la section 4 a aussi été modifié pour inclure le gain en capital de 1 073 950 $ découlant de la disposition réputée de sa participation dans l’immeuble Victoria Park. Toutefois, la personne qui a préparé la déclaration modifiée n’a pas remarqué que la somme totale indiquée comme gain en capital dans le tableau de la section 3 était de 2 915 000 $ plus élevée que la somme des montants énumérés dans cette section. Le tableau de la section 3 n’a été modifié que pour tenir compte de la perte en capital de 34 148 186 $ qui découlait de la disposition des actions de la Kilbarry Holding Corporation. Par conséquent, le gain net déclaré dans le tableau de la section 3 était de 4 650 614 $, mais la somme des montants indiqués dans ce tableau était de 1 735 614 $. La différence (2 915 000 $) était la même que celle qui figurait dans la déclaration initiale.
[17] La déclaration modifiée a été déposée le 28 septembre 2004.
[18] Il semble que l’Agence des douanes et du revenu du Canada (devenue l’Agence du revenu du Canada) ait procédé à une vérification de la dernière déclaration de revenu de Stanley Vine en 2005. Le 20 mai 2005, le vérificateur de l’ADRC a écrit à la succession pour lui demander de fournir certains renseignements. Dans sa réponse du 31 août 2005, le cabinet Mintz a indiqué que [traduction] « la disposition réputée du 3000, avenue Victoria Park, a d’abord été omise dans la dernière déclaration des contribuables décédés [sic], mais a ensuite été déclarée dans la dernière déclaration modifiée du contribuable décédé (déclaration conforme au paragraphe 164(6)) ». Pour démontrer que la déclaration modifiée comprenait un montant pour la disposition réputée de l’immeuble Victoria Park, une copie de l’annexe 3 modifiée a été jointe à la lettre. L’annexe 3 n’énumère que les gains et les pertes en capital. La récupération relative à l’immeuble Victoria Park n’est pas incluse dans l’annexe 3. Le fait de ne joindre que l’annexe 3 modifiée laisse croire que la seule conséquence découlant du défaut de tenir compte de la disposition réputée de l’immeuble Victoria Park était qu’un gain en capital additionnel aurait dû être déclaré. La lettre ne contient aucune mention expresse du défaut d’inclure la récupération relative à l’immeuble Victoria Park dans la déclaration initiale ou du fait qu’elle a été incluse dans la déclaration modifiée, non plus qu’elle ne précise que l’état des loyers de biens immeubles modifié (qui devrait tenir compte de la récupération relative à l’immeuble Victoria Park) était joint à la lettre.
[19] Un document daté du 8 mai 2007 a été déposé pour renoncer à l’application de la période normale de nouvelle cotisation pour la dernière année d’imposition de Stanley Vine à l’égard de la « sous-section C – Gains en capital imposables et pertes en capital déductibles ». Puis, le 22 mai 2007, un représentant du cabinet Mintz a téléphoné à l’Agence du revenu du Canada pour discuter de l’erreur de calcul commise dans l’annexe 3 de la dernière déclaration de revenu de Stanley Vine. Le 25 mai 2007, le représentant du cabinet Mintz a écrit à l’Agence du revenu du Canada pour confirmer la conversation du 22 mai et le fait que le montant déclaré comme total des gains en capital à l’annexe 3 était de 2 915 000 $ supérieur à la somme des gains et des pertes énumérés dans le tableau de la section 3.
[20] Le 1er juin 2009, la dernière déclaration de revenu de Stanley Vine a fait l’objet d’une nouvelle cotisation prévoyant notamment ce qui suit :
• la part de revenus nets de Stanley Vine découlant de l’immeuble Victoria Park a été révisée afin de tenir compte de la récupération relative à l’immeuble Victoria Park selon la déclaration modifiée;
• la juste valeur marchande de la participation de Stanley Vine dans l’immeuble Victoria Park a été majorée à 7 000 000 $;
• le montant total de gains en capital, tel que déterminé aux fins de la section 3 de l’annexe 3, a été réduit de 2 915 000 $.
[21] Bien que la succession se soit d’abord opposée (sans succès) à la juste valeur marchande établie à l’égard de l’immeuble Victoria Park, en appel devant la Cour canadienne de l’impôt, la seule question qu’elle a soulevée relativement à l’immeuble Victoria Park a été de savoir si le ministre pouvait établir une nouvelle cotisation, le 1er juin 2009, pour inclure la récupération relative à l’immeuble Victoria Park. La question de la juste valeur marchande dont était saisie la Cour canadienne de l’impôt visait l’immeuble Wilson.
Disposition législative autorisant le ministre à établir une nouvelle cotisation
[22] Le paragraphe 152(4) de la Loi autorise le ministre, dans certains cas, à établir une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation. Voici les parties pertinentes :
(4) Le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l’impôt pour une année d’imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités, qui sont payables par un contribuable en vertu de la présente partie […]. Pareille cotisation ne peut être établie après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année que dans les cas suivants : a) le contribuable ou la personne produisant la déclaration : (i) soit a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi, […] |
(4) The Minister may at any time make an assessment, reassessment or additional assessment of tax for a taxation year, interest or penalties, if any, payable under this Part by a taxpayer […], except that an assessment, reassessment or additional assessment may be made after the taxpayer’s normal reassessment period in respect of the year only if (a) the taxpayer or person filing the return (i) has made any misrepresentation that is attributable to neglect, carelessness or wilful default or has committed any fraud in filing the return or in supplying any information under this Act, or … |
Décision de la juge de la Cour canadienne de l’impôt
[23] Au début de son analyse, la juge de la Cour canadienne de l’impôt (la juge de la Cour de l’impôt) a formulé les observations suivantes sur le fardeau de la preuve :
27 Le ministre peut établir une nouvelle cotisation après la période normale de nouvelle cotisation si, au vu de la preuve, le contribuable a fait dans sa déclaration une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire. Le ministre a le fardeau de prouver qu'il peut établir une nouvelle cotisation après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation en prouvant qu'un contribuable a fait une présentation erronée des faits lors de la production de sa déclaration et que cette présentation erronée est imputable à la négligence, l'inattention ou l'omission volontaire.
[...]
29 Si le ministre établit qu'il est en droit d'établir une nouvelle cotisation après l'expiration de la période normale, c'est alors au contribuable qu'il incombe de montrer que le fait de ne pas avoir inclus le montant dans la déclaration n'était pas attribuable à une présentation erronée des faits commise par négligence, inattention ou omission volontaire […]
[24] D’abord, la juge de la Cour de l’impôt a souligné qu’il incombait au ministre d’établir les faits requis pour justifier une nouvelle cotisation après la période normale de nouvelle cotisation. Elle semble ensuite suggérer que, si le ministre réussit à établir les faits, c’est alors au contribuable qu’incombe le fardeau de la preuve. À mon avis, la première description est correcte (Mensah c. La Reine, 2008 CCI 378, [2008] A.C.I. no 302, au paragraphe 8, et Nesbitt c. La Reine, [1996] A.C.F. no 1470, 206 N.R. 188 [Nesbitt], au paragraphe 5). En l’espèce, il n’y a aucune allégation de fraude. Par conséquent, il incombe au ministre de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que le contribuable ou la personne ayant produit la déclaration :
a) a fait une présentation erronée des faits;
b) qu’une telle présentation erronée est imputable à la négligence, à l’inattention ou à une omission volontaire.
[25] Comme dans toute affaire civile, s’il incombe à une personne de démontrer certains faits, la question à laquelle doit répondre le juge des faits est de savoir si, selon l’ensemble de la preuve admise pendant l’audience, cette personne a démontré, selon la prépondérance des probabilités, l’existence de tels faits. Il n’y a pas d’inversion du fardeau de la preuve.
[26] En l’espèce, la juge de la Cour de l’impôt a conclu que le défaut d’inclure la récupération relative à l’immeuble Victoria Park dans la dernière déclaration de revenu de Stanley Vine était une présentation erronée des faits. La juge de la Cour de l’impôt a ajouté que la « jurisprudence est partagée en ce qui a trait au fait de savoir si un contribuable peut faire valoir avec succès qu'à cause de la négligence de son comptable, il n'est pas responsable de la présentation erronée de fait » (paragraphe 37). Se fondant sur la décision du juge Hogan dans Aridi c. La Reine, 2013 CCI 74, 2011 DTC 1189 [Aridi], elle a ensuite conclu que le ministre devait établir que les exécuteurs de la succession avaient fait preuve de négligence ou d’inattention en produisant la déclaration telle qu’elle avait été préparée. Elle a conclu que les exécuteurs n’avaient pas satisfait à la norme de la diligence raisonnable et que, par conséquent, le ministre pouvait établir une nouvelle cotisation à l’égard de la dernière déclaration de revenu de Stanley Vine pour inclure la récupération relative à l’immeuble Victoria Park.
Questions en litige
[27] Dans son mémoire des faits et du droit, la succession a indiqué que [traduction] « le présent appel soulève les questions suivantes :
a) Peut-on affirmer que la [succession] a fait une « présentation erronée des faits », au sens du sous-alinéa 152(4)a)(i) de la [Loi], alors qu’elle a produit en temps opportun une déclaration modifiée (comme l’exige le paragraphe 152(6) de la [Loi]) afin de corriger une erreur commise dans la déclaration initiale?
b) Si l’on peut affirmer que la [succession] a fait une telle présentation erronée des faits,
(i) la présentation erronée des faits est-elle imputable à la conduite de la [succession]?
(ii) la conduite de la [succession] est-elle assimilable à de la négligence ou à de l’inattention?
(iii) le montant net de revenus non déclarés (compte tenu du montant déclaré dans la déclaration initiale qui n’aurait pas dû être déclaré) est-il le seul montant que le ministre peut inclure dans le revenu par voie de nouvelle cotisation après l’expiration de la « période normale de nouvelle cotisation », au sens du paragraphe 152(3.1) de la [Loi]. »
Norme de contrôle
[28] Dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235, 2002 CSC 33, la Cour suprême du Canada a confirmé que la norme de contrôle applicable aux questions de droit soulevées en appel de décisions de tribunaux inférieurs est celle de la décision correcte. Les conclusions de fait (y compris les inférences de fait) seront maintenues à moins qu’il ne soit prouvé que le juge a commis une erreur manifeste et dominante. Quant aux questions mixtes de fait et de droit, la norme de la décision correcte s’appliquera à toute question de droit isolable, sinon le critère de l’erreur manifeste et dominante s’appliquera. Une erreur est manifeste si elle est facilement décelable, et elle est dominante si elle a pour effet de modifier l’issue de la cause.
La succession a-t-elle fait une présentation erronée des faits?
[29] Comme l’a reconnu la succession, la dernière déclaration de revenu de Stanley Vine, comme elle a été initialement produite, ne comprenait pas la récupération relative à l’immeuble Victoria Park. Par conséquent, une présentation erronée des faits a été faite dans cette déclaration. Toutefois, la succession soutient que cette présentation erronée des faits a été corrigée par la production d’une déclaration modifiée, et donc qu’une fois cette déclaration modifiée produite, on ne pouvait plus affirmer qu’il y avait eu présentation erronée des faits quant à la récupération manquante de la déduction pour amortissement.
[30] Dans son mémoire des faits et du droit, la succession a affirmé qu’elle était tenue de produire la déclaration modifiée aux termes du paragraphe 152(6) de la Loi. La disposition prévoit notamment ce qui suit :
(6) Lorsqu’un contribuable a produit la déclaration de revenu exigée par l’article 150 pour une année d’imposition et que, par la suite, une somme est demandée pour l’année par lui ou pour son compte à titre de : […] h) déduction à cause d’un choix pour une année d’imposition ultérieure effectué par son représentant légal en vertu de l’alinéa 164(6)c) ou d), en présentant au ministre, au plus tard le jour où le contribuable est tenu, ou le serait s’il était tenu de payer de l’impôt en vertu de la présente partie pour cette année d’imposition ultérieure, de produire en vertu de l’article 150 une déclaration de revenu pour cette année d’imposition ultérieure, un formulaire prescrit modifiant la déclaration, le ministre doit fixer de nouveau l’impôt du contribuable pour toute année d’imposition pertinente (autre qu’une année d’imposition antérieure à l’année donnée) afin de tenir compte de la déduction demandée. |
(6) Where a taxpayer has filed for a particular taxation year the return of income required by section 150 and an amount is subsequently claimed by the taxpayer or on the taxpayer’s behalf for the year as … (h) a deduction by virtue of an election for a subsequent taxation year under paragraph 164(6)(c) or 164(6)(d) by the taxpayer’s legal representative by filing with the Minister, on or before the day on or before which the taxpayer is, or would be if a tax under this Part were payable by the taxpayer for that subsequent taxation year, required by section 150 to file a return of income for that subsequent taxation year, a prescribed form amending the return, the Minister shall reassess the taxpayer’s tax for any relevant taxation year (other than a taxation year preceding the particular taxation year) in order to take into account the deduction claimed. |
[31] La disposition n’oblige pas la succession à produire une déclaration modifiée, mais prévoit plutôt les conséquences qui découleraient du dépôt du formulaire prescrit (en l’espèce, la déclaration modifiée). L’événement à l’origine de la préparation et de la production de la déclaration modifiée était la réalisation d’une perte en capital par la succession et le désir de la reporter rétrospectivement dans la dernière déclaration de revenu de Stanley Vine, comme le prévoit le paragraphe 164(6) de la Loi. Selon cette disposition, la succession était tenue de produire une déclaration modifiée comme le prévoit l’alinéa 164(6)e) de la Loi. Le paragraphe 164(6) de la Loi dispose, en partie :
(6) Lorsque, au cours de l’administration de la succession assujettie à l’imposition à taux progressifs d’un contribuable, les représentants légaux du contribuable ont, durant la première année d’imposition de la succession : |
(6) If in the course of administering the graduated rate estate of a taxpayer, the taxpayer’s legal representative has, within the first taxation year of the estate, |
a) soit disposé d’immobilisations de la succession de telle sorte que le total des sommes dont chacune représente une perte en capital à la disposition d’un bien excède le total des sommes dont chacune représente un gain en capital sur la disposition d’un bien; |
(a) disposed of capital property of the estate so that the total of all amounts each of which is a capital loss from the disposition of a property exceeds the total of all amounts each of which is a capital gain from the disposition of a property, or |
[…] |
… |
les règles suivantes s’appliquent, malgré les autres dispositions de la présente loi : |
notwithstanding any other provision of this Act, the following rules apply: |
c) la partie que le représentant légal choisit, selon les modalités et dans le délai réglementaires, d’une ou de plusieurs pertes en capital de la succession résultant de la disposition de biens au cours de l’année et dont le total ne dépasse pas l’excédent visé à l’alinéa a) est réputée représenter, sauf pour l’application du paragraphe 112(3) et du présent alinéa, des pertes en capital du contribuable décédé résultant de la disposition des biens par celui-ci au cours de sa dernière année d’imposition, et non des pertes en capital de la succession résultant de la disposition de ces biens; |
(c) such parts of one or more capital losses of the estate from the disposition of properties in the year (the total of which is not to exceed the excess referred to in paragraph 164(6)(a)) as the legal representative so elects, in prescribed manner and within a prescribed time, are deemed (except for the purpose of subsection 112(3) and this paragraph) to be capital losses of the deceased taxpayer from the disposition of the properties by the taxpayer in the taxpayer’s last taxation year and not to be perte en capitales of the estate from the disposition of those properties, |
d) la partie de toute déduction visée à l’alinéa b) (ne dépassant pas le montant qui, sans le présent paragraphe, correspondrait au total de la perte autre qu’une perte en capital et de la perte agricole de la succession pour sa première année d’imposition) que le représentant légal choisit, selon les modalités et dans le délai réglementaires, est déductible dans le calcul du revenu du contribuable pour l’année d’imposition où celui-ci est décédé, et non pas déductible dans le calcul de toute perte de la succession pour la première année d’imposition de la succession; |
(d) such part of the amount of any deduction described in paragraph 164(6)(b) (not exceeding the amount that, but for this subsection, would be the total of the non-capital loss and the farm loss of the estate for its first taxation year) as the legal representative so elects, in prescribed manner and within a prescribed time, shall be deductible in computing the income of the taxpayer for the taxpayer’s taxation year in which the taxpayer died and shall not be an amount deductible in computing any loss of the estate for its first taxation year, |
e) pour donner effet aux règles indiquées aux alinéas c) et d), le représentant légal doit produire, au plus tard à la date prescrite pour la présentation du choix prévu à ces alinéas, une déclaration de revenu modifiée au nom du contribuable décédé pour l’année d’imposition où celui-ci est décédé; |
(e) the legal representative shall, at or before the time prescribed for filing the election referred to in paragraphs 164(6)(c) and 164(6)(d), file an déclaration modifiée of income for the deceased taxpayer for the taxpayer’s taxation year in which the taxpayer died to give effect to the rules in those paragraphs, and |
f) aucun montant n’est déductible au titre d’un montant visé à l’alinéa c) ou d) dans le calcul du revenu imposable du contribuable décédé pour une année d’imposition antérieure à l’année où il est décédé. |
f) in computing the taxable income of the deceased taxpayer for a taxation year preceding the year in which the taxpayer died, no amount may be deducted in respect of an amount referred to in paragraph 164(6)(c) or 164(6)(d). |
(mon souligné) |
(my emphasis added) |
[32] La déclaration modifiée prévue à l’alinéa 164(6)e) de la Loi est une déclaration modifiée visant à « donner effet aux règles » indiquées aux alinéas c) et d). Ces alinéas visent les pertes qui doivent être reportées rétrospectivement dans la dernière déclaration de revenu d’une personne décédée, et non la correction des erreurs commises dans cette déclaration de revenu. La lettre d’accompagnement (du 28 septembre 2004) qui a été envoyée à l’Agence du revenu du Canada mentionne simplement [traduction] « le remboursement découlant de la modification (qui se rapporte au choix du paragraphe 164(6)) à l’égard de la dernière déclaration de Stanley Vine […] ». La lettre laisse entendre que la déclaration modifiée ne rend compte que du report rétrospectif des pertes, qui est la seule modification pouvant être apportée à la déclaration en vertu de l’alinéa 164(6)e) de la Loi. L’argument selon lequel la déclaration modifiée, déposée en application de l’alinéa 164(6)e) de la Loi, a annulé en l’espèce la présentation erronée faite dans la déclaration initiale n’est pas fondé.
[33] Les principes énoncés par notre Cour dans la décision Nesbitt sont aussi applicables :
8 Même en supposant que l'on puisse considérer que la lettre du 6 août 1986 prouve que le ministre était au courant à cette date-là (deux mois avant l'expiration du délai de prescription de quatre ans) des faits véridiques et qu'il y avait eu présentation erronée de faits, je ne crois pas que cela soit utile à l'appelant. Il me semble que l'un des objets du paragraphe 152(4) est de favoriser l'établissement soigné et exact des déclarations de revenus. C'est au moment où la déclaration est produite que l'on peut déterminer s'il y a eu ou non présentation erronée de faits par négligence ou inattention en remplissant la déclaration. Des faits ont été présentés erronément s'il se trouve un élément inexact dans la déclaration, du moins un élément qui est important pour les fins de la déclaration ainsi que de toute nouvelle cotisation ultérieure. Cela demeure une présentation erronée de fait même si le ministre pourrait relever ou relève effectivement l'erreur dans la déclaration en procédant à une analyse attentive des documents justificatifs. Le caractère autodéclaratif du système fiscal serait miné si les contribuables pouvaient remplir avec négligence les déclarations tout en fournissant dans les documents de travail des données de base exactes, en espérant que le ministre ne trouve pas l'erreur mais que, si cela arrivait dans les quatre années suivantes, la pire conséquence serait l'établissement d'une nouvelle cotisation exacte à ce moment-là.
9 Il importe donc peu que le ministre ait pu, malgré la représentation erronée de faits dans la déclaration, déterminer les faits véridiques avant l'expiration du délai de prescription. Au moment où elle a été produite, et par la suite, la déclaration fautive constituait une présentation erronée de faits au sens du sous-alinéa 152(4)a)(i) de la Loi.
[34] Même si, malgré le texte de la lettre d’accompagnement, le ministre avait pu examiner la déclaration modifiée et découvrir que la récupération relative à l’immeuble Victoria Park était maintenant incluse dans la dernière déclaration de revenu de Stanley Vine, il y a quand même eu présentation erronée des faits dans la dernière déclaration de revenu initiale de Stanley Vine qui a été produite.
[35] Par conséquent, lorsqu’elle a produit la dernière déclaration de revenu de Stanley Vine, la succession a fait une présentation erronée des faits.
La conduite de la succession
[36] Bien que la succession ait posé deux questions – si la présentation erronée des faits était imputable à la conduite de la succession et si cette conduite était assimilable à de la négligence ou à de l’inattention – il est plus efficace de répondre en même temps aux deux questions.
[37] Comme je l’ai déjà mentionné, l’alinéa 152(4)a) de la Loi dispose que le ministre peut établir une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation dans le cas suivant :
[…] le contribuable ou la personne produisant la déclaration :
(i) soit a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi […]
[38] Dans l’affaire Aridi, la Couronne a soutenu que la personne produisant la déclaration pouvait être le comptable l’ayant préparée. Le juge Hogan a analysé la question et a déterminé que la personne produisant la déclaration ne s’entend pas du comptable ou de tout autre professionnel qui prépare la déclaration pour la personne qui est tenue de produire une telle déclaration en vertu de la Loi. Après être arrivé à cette conclusion, il a ajouté ce qui suit :
34 Cependant, la négligence du comptable n’est pas le facteur qui permet de passer outre au délai de prescription au sous-alinéa 152(4)a)(i) de la LIR. C’est la négligence du contribuable au moment de la présentation qui doit être analysée. Le contribuable peut-il établir sa propre prudence et diligence et affirmer que la présentation erronée est imputable à la négligence de son comptable? L’appelant prétend que oui. L’intimée prétend que non.
[39] Se fondant sur la décision du juge Hogan dans l’affaire Aridi, la juge de la Cour de l’impôt a conclu que la succession était la personne produisant la déclaration et donc que la présentation erronée des faits devait être une présentation erronée faite par la succession. Elle a aussi conclu qu’une telle présentation erronée des faits devait être assimilable à la négligence, à l’inattention ou à l’omission volontaire de la succession. Comme l’a reconnu la juge de la Cour de l’impôt, la jurisprudence est partagée sur la question de savoir si la négligence, l’inattention ou l’omission volontaire doit être le fait de la personne produisant la déclaration ou si une telle conduite par une autre personne (par exemple le comptable qui a préparé la déclaration) serait suffisante pour permettre au ministre d’établir une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation.
[40] Dans la décision College Park Motors Ltd. c. La Reine, 2009 CCI 409, [2009] A.C.I. no 316, le juge Bowie a fait les observations suivantes sur la question de savoir si le ministre peut établir une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation si le comptable a été négligent :
13 Dans l’examen de cette question, il importe de se rappeler que le sous-alinéa 152(4)a)(i) vise simplement à préserver le droit du ministre d’établir une nouvelle cotisation lorsque le contribuable n’a pas divulgué tout ce qu’il aurait dû divulguer aussi exactement qu’il aurait dû le faire et qu’il a, ce faisant, privé le ministre de la possibilité d’établir avec précision l’obligation fiscale totale du contribuable lors du premier avis de cotisation. Elle n’a nullement pour objet d’établir une quelconque culpabilité de la part du contribuable. D’autres dispositions de la Loi sont en place pour cela*. M. Wintermute invoque le passage suivant d’une décision que j’ai rendue de vive voix* :
Il se peut bien qu'il y ait des circonstances où l'on présente des faits d'une manière déformée en se fiant à l'avis d'un comptable ou d'un autre spécialiste, où il était raisonnable de s'y fier et où la négligence de ce conseiller professionnel n'a pas pour effet d'établir qu'il y a eu présentation erronée des faits aux fins du paragraphe 152(4). Je suis toutefois convaincu que tel n'est pas le cas en l'espèce, [...]
Ce passage est clairement une remarque incidente. Qui plus est, cet énoncé n’est compatible ni avec la décision du juge Heald dans Nesbitt v. Canada* ni avec celle du juge Bowman (plus tard juge en chef) dans Snowball v. The Queen*. Dans cette dernière décision, le juge Bowman a expliqué l’importante différence qui existe relativement à l’effet de la négligence du comptable ou d’une autre personne ayant préparé la déclaration de revenus d’un contribuable entre les cas où une cotisation est établie passé l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation et les cas où le ministre impose une pénalité sous le régime du paragraphe 163(2) :
Quoi qu'il en soit, même si M. Cockburn a fait preuve de négligence, cela ne constitue pas une réponse en ce qui concerne une cotisation par ailleurs prescrite en application du sous-alinéa 152(4)a)(i). À vrai dire, la négligence d'un comptable peut constituer un moyen de défense lorsqu'une pénalité est imposée en application du paragraphe 163(2) : Udell v. M.N.R., 70 D.T.C. 6019 (C. de l'É.). Le sous‑alinéa 152(4)a)(i) n'est pas une disposition pénale. Son but est tout à fait différent de celui du paragraphe 163(2). La négligence commise par la personne qui prépare une déclaration de revenu continue à avoir les mêmes conséquences aux termes du sous‑alinéa 152(4)a)(i), qu'il s'agisse de la négligence du contribuable personnellement, ou de celle du comptable ou de toute autre personne qui a préparé la déclaration de revenu à titre de mandataire. Dans Nesbitt v. The Queen, 96 D.T.C. 6045, le juge Heald a statué que le contribuable ne peut pas se protéger contre l'effet du sous-alinéa 152(4)a)(i) en blâmant son comptable. Les mêmes considérations s'appliquent en l'espèce*.
La décision du juge Heald dans Nesbitt*a été confirmée par la Cour d’appel fédérale, mais cette dernière n’a pas fait de commentaire sur ce point.
[Soulignement ajouté.]
[* Notes en bas de page omises.]
[41] Alors que dans la décision Aridi, le juge Hogan cite la décision College Park, il ne fait pas référence à ce passage en particulier.
[42] Dans la décision récente Francis & Associates c. La Reine, [2014] A.C.I. no 117, [2014] CCI 137, le juge Bocock s’est exprimé comme suit :
[traduction]
24 En l’espèce, les appelants ont attribué les erreurs commises dans les déclarations initiales à leur aide-comptable, M. Von Bloedau. Comme l’a statué le juge Bowman (tel était alors son titre) de notre Cour dans l’arrêt Snowball v. R., [1996] 2 C.T.C. 25, le fait de s’en remettre à un comptable, ou en l’espèce à un aide-comptable, négligent n’est pas un moyen de défense opposable à une allégation de négligence ou d’inattention. Le contribuable a indirectement fait preuve de négligence, d’inattention ou d’omission volontaire par l’entremise de son mandataire dans la préparation et la production des déclarations de revenus.
[43] Il me semble que le texte de l’alinéa 152(4)a) de la Loi peut avoir plus d’un sens. L’une des interprétations que l’on peut donner aux termes « par négligence, inattention ou omission volontaire » de cette disposition est qu’ils ne s’appliquent qu’à la « présentation erronée des faits » et non à la personne qui produit la déclaration. Par conséquent, une présentation erronée des faits pourrait être faite « par négligence, inattention ou omission volontaire » que ce soit la personne ayant produit la déclaration ou une autre personne qui a agi par négligence, inattention ou omission volontaire en faisant la présentation erronée des faits.
[44] En revanche, ces mots pourraient vouloir dire que la personne qui a produit la déclaration doit être celle qui a fait preuve de négligence, d’inattention ou d’omission volontaire. En général, « l’interprétation d’une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi dans son ensemble » (Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601, au paragraphe 10).
[45] Dans la décision Aridi, le principal argument de la Couronne portait sur l’interprétation à donner aux mots « la personne produisant la déclaration ». En ce qui concerne la question de savoir si la seule négligence du comptable pouvait permettre au ministre d’établir une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation, le juge Hogan a constaté que, dans chacune des décisions qu’il a examinées, le tribunal a aussi conclu que le contribuable avait fait preuve d’inattention ou d’une « certaine négligence » (paragraphes 43 et 44). Il semble, selon lui, que, comme cette conclusion a été tirée dans chacune de ces autres décisions, le résultat aurait été différent si on avait conclu que seul le comptable avait fait preuve de négligence, d’inattention ou d’omission volontaire.
[46] Il n’est pas contesté que si la succession avait fait preuve d’inattention ou de négligence, cela suffirait à justifier l’établissement de la nouvelle cotisation à l’égard de la dernière déclaration de revenu de Stanley Vine après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation. C’est sur ce raisonnement que la juge de la Cour de l’impôt a fondé sa décision dans cette affaire. Étant donné que, pour les motifs qui suivent, je suis d’avis de rejeter l’appel sur ce point, il n’est pas nécessaire que je décide si les observations formulées par le juge Hogan au paragraphe 34 de la décision Aridi sont bien fondées ou si cette question d’interprétation législative a été tranchée de manière concluante du fait que notre Cour a souscrit à ces observations dans l’arrêt Vachon c. Canada, 2014 CAF 224, [2014] A.C.F. no 1072, au paragraphe 4.
[47] Comme l’a dit la juge de la Cour de l’impôt, pour déterminer si la personne ayant produit une déclaration qui a été préparée par une autre personne a fait preuve d’inattention ou de négligence, la diligence dont elle doit avoir fait preuve doit être celle dont ferait preuve [traduction] « une personne sage et prudente » (Angus c. La Reine, [1996] A.C.I. no 883, 96 D.T.C. 1824, au paragraphe 29, cité dans les motifs de la juge de la Cour de l’impôt, au paragraphe 39). M. Glowinsky était le gendre de Stanley Vine et l’un des exécuteurs de la succession. Il était aussi président de la société de gestion des biens immobiliers qui appartenaient à Stanley Vine. À l’annexe 3 de la dernière déclaration de revenu sont énumérées huit sociétés. La juge de la Cour de l’impôt a conclu que M. Glowinsky aurait dû savoir quels biens appartenaient à Stanley Vine. Nul ne conteste que l’immeuble Victoria Park n’appartenait pas à l’une des sociétés énumérées à l’annexe 3 et que l’annexe 3 ne contient aucune mention de la participation de Stanley Vine dans l’immeuble Victoria Park.
[48] En tant que personne sage et prudente, M. Glowinsky aurait dû examiner la déclaration et remarquer qu’il n’y était pas fait mention de l’immeuble Victoria Park. Cette absence aurait dû susciter des questions, comme cela aurait dû être le cas, selon le juge Bowie, dans l’affaire College Park. La succession a fait valoir que la juge de la Cour de l’impôt n’aurait pas dû conclure que, si des questions avaient été soulevées quant à la raison pour laquelle il n’y avait aucune mention de l’immeuble Victoria Park, le défaut d’inclure la récupération de la déduction pour amortissement aurait nécessairement été découvert. La succession a fait valoir que, dans l’esprit de certains représentants du cabinet Mintz, la différence entre le total des gains en capital figurant au tableau de la section 3 de l’annexe 3 et le total réel des montants qui y sont énumérés (2 915 000 $) correspondait au montant déterminé au titre du gain en capital découlant de la disposition réputée de l’immeuble Victoria Park. Par conséquent, la succession a soutenu qu’il y a lieu d’inférer que la réponse à toute question relative à l’immeuble Victoria Park aurait été que le gain lié à la disposition réputée de cet immeuble était déjà inclus dans le montant total déclaré.
[49] Dans l’arrêt H.L. c. Canada, 2005 CSC 25; [2005] 1 R.C.S. 301, le juge Fish, s’exprimant au nom de la majorité de la Cour suprême du Canada, a dit ce qui suit :
74 Je m’explique. Il n’est pas rare que des inférences différentes puissent raisonnablement être tirées des faits que le juge de première instance a tenus pour directement établis. L’examen en appel consiste à déterminer si les inférences du juge sont « raisonnablement étayées par la preuve ». Si elles le sont, le tribunal de révision ne peut soupeser la preuve à nouveau en substituant à l’inférence raisonnable retenue par le juge sa propre inférence tout aussi convaincante, sinon plus. Là encore, cette règle fondamentale est parfaitement compatible avec les motifs majoritaires et ceux de la minorité dans Housen.
[50] La question est de savoir si l’inférence selon laquelle la non‑inclusion de la récupération de la déduction pour amortissement aurait été découverte est raisonnablement étayée par la preuve. Comme aucune question n’a été posée au sujet de l’immeuble Victoria Park, cela n’est qu’une hypothèse. Toutefois, il me semble que la meilleure indication de ce qui aurait probablement été la réponse à ces questions est la réponse du cabinet Mintz lorsque la déclaration a été examinée en ce qui a trait au choix de reporter rétrospectivement la perte en capital. Le cabinet Mintz a répondu que non seulement la récupération de la déduction pour amortissement n’était pas incluse, mais également qu’aucun montant n’avait été déclaré au titre du gain en capital relatif à l’immeuble Victoria Park. La déclaration modifiée faisait état d’un montant pour la récupération de la déduction pour amortissement et d’un montant pour le gain en capital. Ce n’est que plus de deux ans et demi plus tard que l’on a découvert que le total des gains en capital de la dernière déclaration de revenu initiale avait été surestimé de 2 915 000 $. La preuve appuie raisonnablement l’inférence selon laquelle si des questions avaient été soulevées pour savoir pourquoi l’immeuble Victoria Park ne figurait pas dans la liste, l’erreur relative à la récupération de la déduction pour amortissement non déclarée aurait été découverte.
[51] Par conséquent, je ne modifierais pas la conclusion de la juge de la Cour de l’impôt selon laquelle la succession n’a pas fait preuve de la diligence requise dans l’examen de la dernière déclaration de revenu initiale de Stanley Vine qu’elle a produite.
Montant de la nouvelle cotisation
[52] La dernière question posée par la succession a trait au paragraphe 152(4.01) de la Loi. Cette question n’a pas été soulevée devant la juge de la Cour de l’impôt ni ne figurait dans l’avis d’appel devant notre Cour.
[53] La question est de savoir si le paragraphe 152(4.01) de la Loi limite le montant de la cotisation que le ministre peut établir en l’espèce. Le paragraphe est ainsi libellé :
(4.01) Malgré les paragraphes (4) et (5), la cotisation, la nouvelle cotisation ou la cotisation supplémentaire à laquelle s’appliquent les alinéas (4)a), b), b.1) ou c) relativement à un contribuable pour une année d’imposition ne peut être établie après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année que dans la mesure où il est raisonnable de considérer qu’elle se rapporte à l’un des éléments suivants: a) en cas d’application de l’alinéa (4)a) : (i) une présentation erronée des faits par le contribuable ou par la personne ayant produit la déclaration de revenu de celui-ci pour l’année, effectuée par négligence, inattention ou omission volontaire ou attribuable à quelque fraude commise par le contribuable ou cette personne lors de la production de la déclaration ou de la communication de quelque renseignement sous le régime de la présente loi, […] (mon souligné) |
(4.01) Notwithstanding subsections (4) and (5), an assessment, reassessment or additional assessment to which paragraph (4)(a), (b), (b.1) or (c) applies in respect of a taxpayer for a taxation year may be made after the taxpayer's normal reassessment period in respect of the year to the extent that, but only to the extent that, it can reasonably be regarded as relating to, (a) where paragraph (4)(a) applies to the assessment, reassessment or additional assessment, (i) any misrepresentation made by the taxpayer or a person who filed the taxpayer's return of income for the year that is attributable to neglect, carelessness or wilful default or any fraud committed by the taxpayer or that person in filing the return or supplying any information under this Act, or … (emphasis added) |
[54] La succession soutient qu’elle a déclaré un gain en capital additionnel de 2 915 000 $ dans la dernière déclaration de revenu initiale. La moitié de ce montant aurait été déclaré comme revenu, soit 1 457 500 $. Le montant qui aurait dû être inclus dans le revenu était de 1 995 367 $, pour la récupération de la déduction pour amortissement, et de 536 985 $ (la moitié de 1 073 970 $), au titre du gain en capital imposable, soit un total de 2 532 352 $. La différence entre ces deux montants est de 2 532 352 $ - 1 457 500 $ = 1 074 852 $. La succession fait valoir que la nouvelle cotisation fondée sur la présentation erronée des faits devrait être limitée à 1 074 852 $ (et non au plein montant de la récupération de la déduction pour amortissement de 1 995 367 $).
[55] La première question qui se pose est de savoir s’il est exact que la succession a déclaré 2 915 000 $ à titre de gain en capital à l’égard de la disposition réputée de la participation de Stanley Vine dans la dernière déclaration de revenu initiale, comme l’a soutenu la succession au paragraphe 7 de son mémoire des faits et du droit. Comme je l’ai déjà mentionné, l’annexe 3 de la dernière déclaration de revenu ne contient aucune mention de l’immeuble Victoria Park. Un tiers qui examinerait cette annexe croirait qu’il y a eu une simple erreur dans le calcul du total des gains en capital réalisés. La juge de la Cour de l’impôt aurait dû tirer une conclusion de fait précise à cet égard. Comme l’audience devant la Cour de l’impôt a porté sur le défaut de déclarer la récupération relative à l’immeuble Victoria Park, il ne serait pas approprié d’interpréter les observations de la juge de la Cour de l’impôt à l’égard de la déclaration du gain en capital dans la déclaration initiale comme étant des conclusions ou des constatations selon lesquelles la succession avait déclaré le gain en capital découlant de la disposition réputée de la participation de Stanley Vine dans l’immeuble Victoria Park aux fins de ce nouvel argument, lequel n’a pas été soulevé devant la juge de la Cour de l’impôt.
[56] Au début de sa plaidoirie, l’avocat de la succession a reconnu que cette nouvelle question n’avait pas été soulevée dans l’avis d’appel devant notre Cour et il a indiqué qu’il ne se fonderait pas sur cette question. Étant donné qu’il soulève des questions concernant le montant qui a été déclaré dans la déclaration initiale et l’interprétation d’une disposition qui n’a été ni débattue devant la juge de la Cour de l’impôt ni soulevée dans l’avis d’appel devant la Cour, ce nouvel argument ne sera pas examiné.
Conclusion
[57] Par conséquent, je suis d’avis de rejeter l’appel avec dépens.
« Wyman W. Webb »
j.c.a.
« Je suis d’accord
Marc Nadon, j.c.a. »
« Je suis d’accord
Richard Boivin, j.c.a. »
Traduction certifiée conforme
Édith Malo, LL.B.
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
A-166-14
|
|
|
INTITULÉ : |
SUCCESSION DE STANLEY VINE c. SA MAJESTÉ LA REINE
|
|
|
lieu de l’audience : |
Toronto (Ontario)
|
||
DATE DE L’AUDIENCE : |
le 27 JANVIER 2015
|
||
MOTIFS DU JUGEMENT : |
LE JUGE WEBB
|
||
y ont souscrit : |
LE JUGE NADON LE JUGE BOIVIN
|
||
DATE des motifs : |
le 19 MAI 2015
|
||
COMPARUTIONS :
David C. Nathanson Adrienne K. Woodyard |
POUR L’APPELANTE
|
Christopher M. Bartlett |
pour l’intimée
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Davis LLP Toronto (Ontario)
|
POUR L’APPELANTE
|
William F. Pentney Sous-procureur général du Canada Ottawa (Ontario)
|
pour l’intimée
|