Date : 20150702
Dossiers : A-189-14
A-195-14
Référence : 2015 CAF 157
CORAM : |
LA JUGE GAUTHIER LE JUGE RYER LE JUGE NEAR |
Dossier : A-189-14 |
ENTRE : |
ABB INC. et CG POWER SYSTEMS CANADA INC. |
demanderesses |
et |
HYUNDAI HEAVY INDUSTRIES CO., LTD., HYUNDAI CANADA INC., HYOSUNG CORPORATION, HICO AMERICA SALES AND TECHNOLOGY, INC., REMINGTON SALES CO. et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA |
défendeurs |
Dossier : A-195-14 |
ET ENTRE : |
HYUNDAI HEAVY INDUSTRIES CO., LTD. et HYUNDAI CANADA INC. |
demanderesses |
et |
ABB INC., CG POWER SYSTEMS CANADA INC., REMINGTON SALES CO., HYOSUNG CORPORATION, HICO AMERICA SALES AND TECHNOLOGY, INC. et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA |
défendeurs |
Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 23 juin 2015.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 2 juillet 2015.
MOTIFS DU JUGEMENT : |
LA JUGE GAUTHIER |
Y ONT SOUSCRIT : |
LE JUGE RYER LE JUGE NEAR |
Date : 20150702
Dossiers : A-189-14
A-195-14
Référence : 2015 CAF 157
CORAM : |
LA JUGE GAUTHIER LE JUGE RYER LE JUGE NEAR |
Dossier : A-189-14 |
ENTRE : |
ABB INC. et CG POWER SYSTEMS CANADA INC. |
demanderesses |
et |
HYUNDAI HEAVY INDUSTRIES CO., LTD., HYUNDAI CANADA INC., HYOSUNG CORPORATION, HICO AMERICA SALES AND TECHNOLOGY, INC., REMINGTON SALES CO. et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA |
défendeurs |
Dossier : A-195-14 |
ET ENTRE : |
HYUNDAI HEAVY INDUSTRIES CO., LTD. et HYUNDAI CANADA INC. |
demanderesses |
et |
ABB INC., CG POWER SYSTEMS CANADA INC., REMINGTON SALES CO., HYOSUNG CORPORATION, HICO AMERICA SALES AND TECHNOLOGY, INC. et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA |
défendeurs |
MOTIFS DU JUGEMENT
LA JUGE GAUTHIER
[1] Le 6 mars 2014, le président de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a rendu une décision définitive de dumping en application de l'alinéa 41.1(1)a) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, L.R.C. 1985, ch. S‑15 (LMSI), relativement à certains transformateurs de puissance importés de la République de Corée.
[2] Il s'agissait de la seconde fois où le président devait rendre une telle décision à l'égard de ces transformateurs. La première décision, du 22 octobre 2012, a été l'objet d'une demande de contrôle judiciaire par Hyundai Heavy Industries Co., Ltd. (HHI) et Hyundai Canada Inc. (HC). En fin de compte, la Cour a infirmé cette première décision définitive (DD) et a renvoyé l'affaire au président en vue d'une nouvelle décision conformément à ses motifs : Hyundai Heavy Industries Co., Ltd. c. ABB Inc., 2013 CAF 284, [2015] 1 R.C.F. 389 (HHI c. ABB).
[3] Dans l'arrêt HHI c. ABB, la principale question soumise à la Cour était le montant des bénéfices dont le président s'était servi en vue de déterminer le prix à l'exportation des transformateurs de puissance pour l'application de l'article 25 de la LMSI. Plus précisément, les demanderesses contestaient le fait que le président avait inclus dans ce calcul des données relatives aux bénéfices d'ABB Inc. (ABB) et de CG Power Systems Canada Inc. (CG), parce que ces parties étaient des fabricants et que, de ce fait, elles ne se situaient pas au même niveau ou presque du circuit de distribution que HC.
[4] Deux demandes de contrôle judiciaire ont été déposées à l'égard de la nouvelle décision que le président a rendue le 6 mars 2014, soit la nouvelle décision définitive de dumping (NDD) : ABB et CG ont déposé une demande dans le dossier A‑189‑14, et HHI et HC ont déposé une demande dans le dossier A‑195‑14. Les deux demandes ont été entendues consécutivement.
[5] Comme les demandes concernent le même dossier administratif et portent sur des questions connexes, je traiterai des deux dans les présents motifs, et une copie de ces derniers sera versée dans chaque dossier (A‑189‑14 et A‑195‑14).
[6] Pour les raisons qui suivent, je propose de rejeter les deux demandes.
I. Le contexte
[7] ABB et CG fabriquent des transformateurs de puissance au Canada. ABB vend également des transformateurs de puissance qu'elle importe d'une société étrangère associée. Le 2 mars 2012, ABB et CG ont déposé conjointement une plainte dans laquelle elles alléguaient qu'il y avait dumping de transformateurs de puissance originaires ou exportés de la Corée et que [TRADUCTION] « le dumping a causé un dommage et menace de causer un dommage à la branche de production nationale qui produit de telles marchandises » (A‑195‑14, dossier de demande, vol. 1, onglet 6, p. 100).
[8] Comme il a été mentionné plus tôt, le 22 octobre 2012, à la suite d'une enquête, le président a rendu une décision définitive positive de dumping en application de l'alinéa 41(1)a) de la LMSI, concluant que les marchandises de HHI avaient été l'objet d'un dumping d'une marge de 15,5 % (exprimée en pourcentage du prix à l'exportation).
[9] Le 20 novembre 2012, le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) a rendu une décision en application du paragraphe 43(1) de la LMSI, à savoir que ce dumping a causé un dommage sensible à la branche de production canadienne.
[10] Après que la Cour eut infirmé la DD dans l'arrêt HHI c. ABB, le président a rouvert l'enquête et a rendu la décision qui fait l'objet du présent contrôle. Dans la NDD, le président a conclu que les marchandises de HHI avaient fait l'objet d'un dumping d'une marge de 9,1 % (exprimée en pourcentage du prix à l'exportation).
[11] Au paragraphe 3 de l'arrêt HHI c. ABB, la Cour a expliqué ce qu'est le dumping :
[3] Les marchandises importées au Canada font l'objet d'un « dumping » (au sens du paragraphe 2(1) de la LMSI) lorsque leur valeur normale dépasse leur prix à l'exportation. Le paragraphe 2(1) définit la marge de dumping comme la différence entre ces deux montants. La valeur normale est déterminée conformément aux articles 15 à 23.1 et 30 de la LMSI, et le prix à l'exportation suivant les articles 24 à 28 et 30. Si la valeur normale ou le prix à l'exportation ne peuvent être établis selon ces dispositions, ils le sont selon les modalités fixées par le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (article 29 de la LMSI).
[12] Dans la présente affaire, la valeur normale des marchandises a été déterminée conformément à l'alinéa 19b) de la LMSI. Cette valeur est fondée sur la somme des coûts de production, un montant raisonnable pour les frais, notamment les frais administratifs et les frais de vente, ainsi qu'un montant raisonnable pour les bénéfices. Aucune des demanderesses n'a contesté la valeur normale dont le président s'est servi (pas plus que dans l'arrêt HHI c. ABB). C'est plutôt le prix à l'exportation des marchandises qui est en litige.
[13] Dans les deux demandes, les parties soutiennent que le président a commis une erreur dans le calcul du prix à l'exportation selon la méthode des déductions décrite à l'article 25 de la LMSI. Il est donc utile de définir l'expression « prix à l'exportation par déductions » et de décrire le calcul que le président a fait.
[14] Lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, les opérations pertinentes concernent un importateur affilié à l'exportateur et que le prix à l'exportation — habituellement calculé d'après la méthode à l'article 24 de la LMSI — est considéré comme « sujet à caution » aux termes de l'alinéa 25(1)b) de la LMSI, la marge de dumping est calculée à partir d'un prix à l'exportation par déductions, conformément aux alinéas 25(1)c), d) ou e). En l'espèce, le président a eu recours à l'alinéa 25(1)d) de la LMSI, qui vise les marchandises importées pour une étape ultérieure de fabrication, pour montage ou pour conditionnement au Canada ou comme biens entrant dans la fabrication ou la production au Canada d'autres marchandises. Les parties ne contestent pas qu'il s'agissait de la méthode appropriée.
[15] Aux termes de l'alinéa 25(1)d), le prix à l'exportation par déductions est le prix de vente des marchandises après les opérations mentionnées au paragraphe précédent, ou le prix de vente des marchandises dans la fabrication desquelles elles ont été incorporées, moins tous les frais engagés pour leur préparation, leur expédition, leur exportation et leur revente au Canada, y compris les droits applicables et, comme il est précisé au sous‑alinéa 25(1)d)(i), un montant pour les bénéfices réalisés sur leur vente.
[16] Les articles 21 et 22 du Règlement sur les mesures spéciales d'importation, DORS/84‑927 (RMSI), expliquent comment calculer les bénéfices pour l'application du sous‑alinéa 25(1)d)(i). L'article 21 dispose que l'expression « un montant pour les bénéfices » s'entend du « montant égal aux bénéfices qui seraient réalisés dans le cours ordinaire des affaires lors de la vente des marchandises ». L'alinéa 22a), que le président a appliqué en l'espèce, dispose que ce montant est « le montant des bénéfices qui découlent généralement de la vente de marchandises similaires au Canada par des vendeurs se situant au même niveau ou presque du circuit de distribution » (en anglais : « at the same or substantially the same trade level ») que l'importateur, à des acheteurs se trouvant au Canada qui ne sont pas associés à ces vendeurs; autrement dit, il s'agit de la marge bénéficiaire moyenne réalisée sur les ventes au Canada par de tels vendeurs.
[17] Dans la demande A‑195‑14, HHI et HC demandent à la Cour d'infirmer la NDD du président et de prescrire que la nouvelle marge de dumping soit calculée sur le fondement du dossier administratif existant (sans autre enquête) et en prenant pour base que l'expression « au même niveau ou presque du circuit de distribution » exclut les données relatives aux bénéfices d'ABB et de CG à titre de fabricants canadiens de marchandises semblables.
[18] Dans la demande A‑189‑14, ABB et CG demandent à la Cour d'infirmer la NDD du président et de prescrire que la nouvelle marge de dumping soit calculée à partir d'un prix à l'exportation par déductions dont sont exclues les données relatives aux bénéfices de HC et de HICO America Sales and Technology Inc. (HICO), car ces deux sociétés sont associées au fabricant coréen duquel elles importent des marchandises (HICO importe des marchandises d'un exportateur coréen qui, a‑t‑il aussi été conclu dans la NDD, a procédé au dumping de transformateurs de puissance aux termes de l'alinéa 41.1(1)a) de la LMSI).
[19] Cela signifie que si l'on faisait droit aux deux demandes, le président n'aurait pas assez de données à partir desquelles calculer le montant des bénéfices en vertu du sous‑alinéa 25(1)d)(i) et qu'il lui faudrait donc procéder sur le fondement de l'article 29 de la LMSI. Cet article permet de déterminer le montant pour les bénéfices selon les modalités que fixe le ministre.
[20] Cela dit, je vais maintenant examiner les questions en litige que soulève chacune des demandes.
II. A-195-14
[21] Dans leurs observations écrites, HHI et HC allèguent trois motifs de contrôle :
i. le président ne s'est pas conformé aux directives que la Cour a données dans l'arrêt HHI c. ABB;
ii. la décision du président était déraisonnable quant au fond à cause d'autres erreurs commises dans la NDD (voir les paragraphes 55 à 71 du mémoire de HHI et de HC);
iii. le président a manqué à l'équité procédurale en faisant abstraction d'éléments de preuve manifestement cruciaux et en suscitant une crainte raisonnable de partialité.
[22] À l'audience, HHI et HC ont confirmé qu'elles se fonderaient uniquement sur leurs allégations de non-respect des directives et de partialité, dont elles ont traité lors de leurs plaidoiries. Je n'analyserai donc que ces questions‑là.
[23] Les parties conviennent que le président a droit à une certaine déférence pour ce qui est des questions mixtes de fait et de droit et, en général, des questions qui mettent en cause l'interprétation de sa loi constitutive (la LMSI) et du règlement connexe (le RMSI).
[24] Je conviens que la norme de la décision raisonnable s'applique aux questions mixtes de fait et de droit et qu'elle s'applique en principe aux questions de droit mettant en cause l'interprétation de la loi constitutive du décideur, sauf si la question pertinente se range dans l'une des catégories auxquelles la norme de la décision correcte s'applique encore : Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, aux paragraphes 54 à 61; Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers' Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654, aux paragraphes 30 et 34; Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559, au paragraphe 50. Aucune de ces exceptions ne s'applique ici.
[25] Le fait de savoir si, dans le cas d'une enquête particulière, des vendeurs particuliers se situent au même niveau ou presque du circuit de distribution qu'un importateur est une question mixte de fait et de droit. Même si l'interprétation des mots « même niveau ou presque du circuit de distribution » peut être considérée comme une question de droit isolable, elle relève nettement de l'expertise que détient le président pour ce qui est d'interpréter la LMSI et le RMSI.
[26] Cependant, HHI et HC font valoir qu'en l'espèce, c'est la norme de la décision correcte qui s'applique pour une raison quelconque parce que le président était juridiquement tenu d'appliquer ce que la Cour lui avait prescrit de faire dans l'arrêt HHI c. ABB.
[27] Il ne fait aucun doute que dans les affaires où les directives que donne la Cour ont trait à une question de droit, le décideur est tenu par la règle du stare decisis d'appliquer le droit conformément à la conclusion de la Cour. En revanche, quand la question à propos de laquelle la Cour donne une directive au décideur est une question mixte de fait et de droit, le fait que l'on a donné des directives ne peut changer la norme de contrôle qui s'applique à une telle question si le décideur s'est conformé par ailleurs à ce que la Cour lui a prescrit de faire. Cela est particulièrement vrai en l'espèce, où une nouvelle enquête a été menée et où la NDD a été établie sur le fondement d'un dossier différent, qui contenait des données supplémentaires sur les bénéfices.
A. Le respect des directives de la Cour
[28] HHI et HC soutiennent que le président a commis une erreur en ne suivant pas les directives que la Cour avait données dans l'arrêt HHI c. ABB, et ce, pour les raisons suivantes :
i. il a simplement appliqué de nouveau le raisonnement rejeté par la Cour en concluant qu'ABB, CG, HC et HICO se situaient au même niveau du circuit de distribution du fait de leurs fonctions de vente semblables;
ii. il a omis de prendre en considération le double comptage des bénéfices de fabrication au moment de déterminer si ABB et CG se situaient au même niveau du circuit de distribution que HC et HHI;
iii. il a omis d'exclure les bénéfices d'ABB et de CG au moment de calculer la marge bénéficiaire moyenne applicable, après avoir déterminé qu'aucune rectification visant à tenir compte de leurs bénéfices de fabrication n'était possible en vertu de la LMSI ou du RMSI.
[29] Dans l'arrêt Canada (Commissaire de la concurrence) c. Supérieur Propane Inc., 2003 CAF 53, [2003] 3 C.F. 529 (Supérieur Propane), la Cour a adopté une démarche analytique en cinq étapes pour déterminer si le décideur, dans la décision qu'il avait rendue à la suite du réexamen, s'était conformé aux directives de la Cour (Supérieur Propane, au paragraphe 10). Dans la décision antérieure, la Cour avait conclu que le Tribunal de la concurrence avait commis une erreur de droit dans son interprétation de l'article 96 de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, ch. C‑34 (Supérieur Propane, aux paragraphes 16 et 18) et elle lui avait fourni des instructions détaillées et quelque peu complexes quant à la manière de procéder lors du réexamen. La présente affaire est plus simple. Je mettrai donc l'accent sur les conclusions et les directives de la Cour, ainsi que sur les mesures que le président a prises par la suite.
1) Les conclusions et les directives de la Cour
[30] Dans la DD, le président n'a pas expliqué pourquoi il avait utilisé les données relatives aux bénéfices de deux fabricants canadiens (ABB et CG), à l'exception de deux phrases qui figurent à l'annexe 2 de la décision (voir le paragraphe 12 de l'arrêt HHI c. ABB). La Cour a signalé que ces deux phrases étaient essentiellement tirées d'un passage du Guide LMSI.
[31] Il est utile de reproduire ici le passage intégral du Guide LMSI que la Cour a cité au paragraphe 13 de l'arrêt HHI c. ABB, car il situe le contexte dans lequel s'inscrivent les conclusions de la Cour :
Circuit de distribution
Lorsque nous prenons en considération l'expression « même niveau ou presque du circuit de distribution », il ne faudrait pas éliminer une entreprise de la base de données de façon arbitraire, simplement à cause de sa désignation, par exemple « distributeur » ou « fabricant ». Il faudrait plutôt examiner attentivement les activités qu'exerce cette entreprise dans l'industrie, tout particulièrement en ce qui a trait à la vente et à la distribution. Dans la majorité des industries, il conviendrait d'utiliser des données tant des fabricants que des importateurs, car leurs ventes et fonctions de distribution auront vraisemblablement des similitudes marquées. Nous reconnaissons que, dans certains cas, il est raisonnable que des entreprises de différents niveaux du circuit de distribution s'attendent à des bénéfices de niveaux différents. Par exemple, un fabricant qui effectue lui‑même les fonctions de distribution (comparativement à un distributeur qui achète d'un manufacturier et qui revend les marchandises) peut probablement s'attendre à une marge bénéficiaire supérieure à celle du distributeur étant donné qu'une partie des bénéfices peut raisonnablement être attribuée à l'opération de fabrication.
Il pourrait néanmoins avoir lieu d'inclure un tel fabricant et de le considérer au même niveau ou presque dans le circuit de distribution que l'importateur ou le distributeur, vu les fonctions réellement remplies. Les sociétés au Canada sont généralement considérées au même niveau ou presque dans le circuit de distribution lorsqu'elles font des ventes aux mêmes clients et se disputent, en concurrence directe, les mêmes clients sur le marché. Lorsque les considérations ci‑dessus touchant le niveau dans le circuit de distribution existent, le dossier doit expliquer clairement les motifs de la décision.
[Non souligné dans l'original.]
[32] Les motifs que la Cour a exposés dans l'arrêt HHI c. ABB concordent, à mon avis, dans une très large mesure avec le Guide, lequel reflète la démarche que l'ASFC suit depuis de nombreuses années.
[33] La Cour a infirmé la DD parce que le président n'avait pas expliqué de manière suffisante pourquoi, dans cette affaire en particulier, il était utile d'inclure les deux fabricants canadiens qui avaient déposé la plainte en vue de déterminer le montant des bénéfices de l'importateur‑distributeur pour lequel on déterminait les prix à l'exportation.
[34] La brève mention du fait que ces fabricants vendaient leurs marchandises aux mêmes utilisateurs finaux a été jugée insuffisante.
[35] Selon mon interprétation de l'arrêt HHI c. ABB, il ne ressortait pas clairement du dossier dont la Cour était saisie que l'on avait pris soin de déterminer si le montant des bénéfices d'une société qui, à la fois, fabriquait la marchandise et la vendait à des utilisateurs finaux devait servir à établir le montant des bénéfices d'une société qui se contentait d'importer la marchandise et de la vendre à des utilisateurs finaux (voir le paragraphe 17 de l'arrêt HHI c. ABB).
[36] La Cour mentionne également qu'il n'y avait aucune indication que l'on avait rectifié les données relatives aux bénéfices d'ABB et de CG en vue de tenir compte des bénéfices attribuables à leur fonction de fabrication, pas plus qu'on avait justifié cette omission (voir le paragraphe 20 de l'arrêt HHI c. ABB). Il aurait fallu donner d'autres explications, car, au vu des faits particuliers dont la Cour était saisie (voir le paragraphe 22 de l'arrêt HHI c. ABB), il était nécessaire que le président prenne au moins en considération la question du double comptage des bénéfices de fabrication (voir le paragraphe 21 de l'arrêt HHI c. ABB).
[37] Cependant, dans l'arrêt HHI c. ABB, rien n'indique que l'on ait demandé à la Cour de déterminer si, en fait, le régime légal autorisait à rectifier les données relatives aux bénéfices qu'une partie fournissait (voir le paragraphe 20 de l'arrêt HHI c. ABB). La Cour n'a pas examiné ce qu'il fallait faire s'il était impossible de procéder à une rectification.
[38] La Cour a donc prescrit au président de prendre soin de déterminer si les fabricants canadiens se situaient au même niveau ou presque du circuit de distribution que l'importateur‑distributeur en question et, dans l'affirmative, de donner de plus amples explications à l'appui de cette conclusion, compte tenu des problèmes possibles que la Cour avait relevés.
[39] Je ne conviens pas avec HHI et HC que la Cour a prescrit un résultat particulier à quelque égard que ce soit, étant donné que le président devait rouvrir l'enquête et rendre une nouvelle décision définitive en se basant sur des éléments de preuve différents de ceux qui avaient été soumis à la Cour.
2) Le président s'est-il conformé aux directives de la Cour?
[40] Après avoir examiné le dossier avec soin, y compris les mémoires confidentiels auxquels les parties se sont reportées, les observations que les parties ont faites au président et la NDD elle‑même, je suis convaincue que l'on a effectivement pris soin de déterminer s'il était approprié que le président utilise les données relatives aux bénéfices des fabricants canadiens, conformément au paragraphe 17 de l'arrêt HHI c. ABB.
[41] Il est évident que le président a conclu que le fait que les deux fabricants canadiens distribuaient eux-mêmes leurs produits aux mêmes utilisateurs finaux que l'importateur‑distributeur était un facteur important. À mon avis, il ne pouvait pas éviter d'accorder de l'importance à ce facteur, au vu du libellé de l'article 22 du RMSI lui‑même, qui met l'accent sur le niveau du circuit de distribution (en anglais : « the level of trade »), c'est‑à‑dire les clients auxquels on vend le produit.
[42] Je ne conviens pas avec HHI et HC que le président a omis de fournir les explications supplémentaires qu'exigeait la Cour quant à la raison pour laquelle, dans cette affaire en particulier ainsi que dans les circonstances suivant la nouvelle enquête, il était approprié d'inclure ces données.
[43] Aux paragraphes 78 à 89 de la NDD (et, de manière plus détaillée, aux pages 26 à 31 de l'annexe 2 de la NDD), le président explique notamment que : (i) l'industrie des transformateurs de puissance au Canada est unique; (ii) les transformateurs de puissance en question sont des biens d'équipement que les services publics d'électricité et les grands clients du secteur industriel achètent par l'intermédiaire d'un processus d'approvisionnement; (iii) la nature de l'industrie des transformateurs de puissance est telle qu'il n'existe pas de distributeurs indépendants de gros transformateurs de puissance comme ceux visés par l'enquête; (iv) les fabricants ne produisent pas de transformateurs à moins d'avoir réalisé une vente (c'est‑à‑dire que les fabricants et les distributeurs ne tiennent aucun stock); (v) pour l'utilisateur final ou l'acheteur se trouvant au Canada, tous les fournisseurs de transformateurs de puissance semblent se situer au même niveau du circuit de distribution, car les fournisseurs sont tous parfaitement intégrés, de la conception aux travaux de garantie, en passant par la production, la livraison et l'installation.
[44] Pour ce qui est de la nécessité de rectifier les bénéfices des deux fabricants canadiens qui sont inclus dans les calculs, ou, du moins, d'expliquer pourquoi aucune rectification de cette nature n'a été effectuée, le président explique que le RMSI ne prévoit pas de rectification pour tenir compte de différences dans le niveau des bénéfices prévu par des vendeurs qui se situent, par ailleurs, au « même niveau ou presque du circuit de distribution ». Par contraste, il est possible de rectifier la valeur normale, mais uniquement dans les limites que fixe l'article 9 du RMSI.
[45] Le président explique aussi pourquoi, pour des raisons de principe, l'ASFC ne pouvait pas rectifier les montants pour les bénéfices effectivement déclarés par ABB et CG sur leurs ventes de marchandises similaires au Canada (paragraphe 87 de la NDD).
[46] Le président a bel et bien pris en considération l'allégation de double comptage : voir la page 29 de l'annexe 2 de la NDD, où il signale, une fois de plus, la distinction qui existe entre les concepts de la valeur normale et du prix à l'exportation et l'absence de dispositions portant sur les variations du prix à l'exportation selon le niveau du circuit de distribution.
[47] Enfin, le président explique que ce sont les données additionnelles recueillies lors de la seconde enquête qui ont réduit le montant des bénéfices utilisé pour calculer le prix à l'exportation par déductions (8,69 % par opposition à 12,55 %, voir le paragraphe 89 de la NDD). En fait, il ressort clairement du dossier que les données additionnelles sur lesquelles le président s'est fondé dans la NDD ont sensiblement changé les faits décrits au paragraphe 22 de l'arrêt HHI c. ABB.
[48] Je signale par ailleurs que les renseignements confidentiels auxquels les parties ont fait référence à l'audience tenue devant nous donnent à penser que, dans cette industrie particulière, il est possible que la présomption générale selon laquelle un fabricant‑distributeur peut s'attendre à une marge bénéficiaire plus élevée que celle d'un importateur‑distributeur ne s'applique pas. Il ressort du dossier qui nous a été soumis qu'en plus de la disparité marquée dans les marges bénéficiaires des fabricants canadiens en cause, la marge bénéficiaire d'un importateur‑distributeur peut, dans certains cas, être supérieure à celle d'un fabricant‑distributeur (A‑195‑14, dossier de demande, vol. 3, onglet 1, à la page 553; A‑195‑14, recueil confidentiel des intimés, onglet 2D).
[49] Je suis convaincue que le président s'est conformé aux directives que la Cour a données dans l'arrêt HHI c. ABB. Il ne s'est pas limité à suivre les directives en parole seulement, pas plus qu'il n'y a désobéi (Supérieur Propane, au paragraphe 59). On ne m'a pas convaincue que, au vu du dossier qui nous a été soumis et compte tenu des explications supplémentaires du président, sa décision concernant le niveau du circuit de distribution est déraisonnable parce qu'il a omis de tenir compte des directives de la Cour. En fait, si l'on considère la totalité des données sur les bénéfices qu'il a utilisées, il me semble que sa méthode a aplani les données aberrantes lors du calcul, ce qui a permis d'obtenir un résultat qui peut se justifier au regard des faits et du droit.
B. La partialité
[50] HHI et HC affirment que, dans la présente affaire, la conduite du président suscite une crainte raisonnable de partialité. Il s'agit là d'une question nouvelle. Elle n'aurait pas pu être soulevée devant le président, car elle est fondée sur certaines des conclusions que celui‑ci a tirées dans la NDD, ainsi que sur des commentaires faits dans certains documents confidentiels qui ont été communiqués par la suite aux demanderesses. La Cour doit donc évaluer s'il y a bel et bien eu un manquement à l'équité procédurale qui justifierait une intervention de sa part.
[51] Nul ne conteste le critère qui permet de déterminer s'il existe une crainte raisonnable de partialité. Il s'agit de savoir si une personne raisonnable et bien renseignée, qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, viendrait à la conclusion que, selon toute vraisemblance, le décideur, consciemment ou non, ne rendrait pas une décision juste : R. c. S. (R.D.), [1997] 3 R.C.S. 484, au paragraphe 111 (S. (R.D.)); Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 46.
[52] Les demanderesses font tout d'abord valoir que le refus du président de suivre les directives données par la Cour dans l'arrêt HHI c. ABB, y compris le fait d'avoir omis de prendre en compte la question du double comptage des bénéfices de fabrication, témoigne d'une fermeture d'esprit et suscite une crainte raisonnable de partialité (paragraphes 86, 97 et 98 du mémoire de HHI et de HC, A‑195‑14, dossier de demande, vol. 8).
[53] De plus, selon HHI et HC, la partialité ressort clairement de l'affirmation du président, au paragraphe 80 de la NDD, selon laquelle l'article 22 a pour objectif de garantir que « l'importateur associé touche des bénéfices qui soient représentatifs de ceux touchés dans le marché canadien, en vue d'éliminer le possible dumping secondaire et ses effets dommageables sur les producteurs canadiens ». Les demanderesses signalent que seul le TCCE peut déterminer si un dumping particulier est dommageable aux producteurs nationaux (voir le paragraphe 9 des présents motifs) et que le dumping ne cause pas forcément des dommages à des producteurs nationaux (paragraphes 87 à 90 du mémoire de HHI et de HC, A‑195‑14, dossier de demande, vol. 8).
[54] HHI et HC invoquent également deux notes de service confidentielles qui, d'après elles, dénotent aussi l'existence d'une partialité. La première note de service est un document que le directeur général adjoint de la Direction des droits antidumping et compensateurs de l'ASFC a envoyé au vice‑président de l'ASFC. Sous la rubrique [TRADUCTION] « Analyse de la situation », le directeur général adjoint formule des commentaires sur la réaction publique prévue à la NDD. Les demanderesses allèguent que ces commentaires étayent la conclusion selon laquelle le président a cherché à avantager illégalement le secteur national. Elles soutiennent de plus que, dans cette note de service, un autre passage illustre l'empressement du président à défendre la NDD, soit une attitude indûment antagoniste (Canada (Procureur général) c. Quadrini, 2010 CAF 246, au paragraphe 16; Northwestern Utilities Ltd. et autre c. Edmonton, [1979] 1 R.C.S. 684, à la page 709). Enfin, elles font valoir que la partialité ressort clairement de la note de service confidentielle du gestionnaire adjoint de la Direction des droits antidumping et compensateurs, qui résume l'arrêt HHI c. ABB de la Cour.
[55] Le fardeau d'établir une crainte raisonnable de partialité incombe à la personne qui l'allègue, et le seuil relatif à la partialité apparente est élevé (S. (R.D.), aux paragraphes 113 et 114).
[56] Étant donné que je suis convaincue que le président a suivi les directives de la Cour et qu'on ne m'a pas persuadée que sa décision concernant le niveau du circuit de distribution est déraisonnable au regard de l'arrêt HHI c. ABB, il est évident que les principales allégations sur lesquelles se fondent HHI et HC ne peuvent étayer une conclusion de crainte raisonnable de partialité.
[57] Aucune des autres allégations déjà décrites n'atteint le seuil élevé décrit ci‑dessus. Chacune dépend d'une interprétation sélective et non contextuelle des documents pertinents et tire de ces derniers des inférences injustifiées.
C. Conclusion
[58] Au vu de ce qui précède, il y a lieu selon moi de rejeter la demande, avec dépens.
III. A-189-14
[59] ABB et CG soulèvent deux motifs de contrôle. Premièrement, elles allèguent que le président a commis une erreur dans son calcul du prix à l'exportation par déductions en se servant des données relatives aux bénéfices de HC et de HICO. Deuxièmement, elles allèguent que le président a commis une erreur en omettant de conclure à l'existence d'un dumping ciblé. Ces deux points mettent en cause des questions mixtes de fait et de droit et sont soumis à la norme de la décision raisonnable. Encore une fois, même si l'on peut considérer que l'interprétation de l'article 22 du RMSI est une question de droit isolable, il n'est pas contesté que cette question serait contrôlée elle aussi selon la norme de la décision raisonnable.
[60] À titre d'argument préliminaire, HHI et HC affirment que le principe de la préclusion découlant d'une question tranchée et la règle du stare decisis empêchent ABB et CG d'invoquer les arguments énumérés ci-dessus, car l'arrêt HHI c. ABB est une décision judiciaire antérieure et définitive qui porte sur les mêmes questions et qu'ABB et CG n'ont pas contesté la DD pour les raisons qu'elles invoquent maintenant.
[61] Cet argument préliminaire a été l'objet d'une longue discussion à l'audience, et de telles considérations sont effectivement importantes si l'on veut éviter une série de contrôles judiciaires dans lesquels sont invoqués des arguments qu'il aurait fallu soulever à la première occasion, mais il ne convient pas, selon moi, de trancher la présente demande sur le fondement d'une règle consacrant le caractère définitif des décisions judiciaires, car il est clair que, de toute façon, aucun des arguments des demanderesses ne peut être retenu sur le fond. En fait, je conviens avec HHI et HC qu'ABB et CG n'ont pas établi que le président a commis une erreur susceptible de contrôle en rejetant leurs arguments sur ces questions.
A. Le calcul du prix à l'exportation par déductions
[62] S'étant fondées dans une très large mesure sur le Guide LMSI dans le dossier A‑195‑14 à l'appui de l'inclusion, par le président, de leurs bénéfices dans son calcul du prix à l'exportation par déductions, ABB et CG ont reconnu avec franchise que l'argument qu'elles invoquent dans la présente demande, lequel est exposé dans leur mémoire, va très nettement à l'encontre de la pratique que suit l'ASFC depuis de nombreuses années et qui est décrite dans le Guide LMSI à la section 5.10.2.3. Ce dernier indique expressément que « les renseignements relatifs à l'importateur pour lequel on détermine le prix à l'exportation devraient être inclus », de même que « les renseignements provenant des entreprises qui importent d'exportateurs liés ».
[63] À l'audience, ABB et CG ont confirmé qu'elles ne contestent que l'inclusion des données relatives aux bénéfices de HC et de HICO à cause des circonstances spéciales de l'espèce, dans lesquelles ces données revêtent plus d'importance dans le calcul général de la marge bénéficiaire moyenne des vendeurs qui se situent au même niveau ou presque du circuit de distribution. Il s'agit donc d'un cas spécial dans lequel il n'y a pas lieu de suivre le Guide LMSI. Elles signalent que ce serait particulièrement crucial si la Cour en venait à exclure les données relatives aux bénéfices d'ABB et de CG, comme il était demandé dans le dossier A‑195‑14.
[64] Dans de telles circonstances, disent ABB et CG, le fait que HC et HICO aient un lien de dépendance avec l'exportateur (et n'achètent donc pas de marchandises dans le cours ordinaire des affaires) et que les prix à l'exportation des marchandises qu'elles ont importées sont réputés sujets à caution aux termes de l'alinéa 25(1)b), il serait contraire à l'objet de l'article 25 de la LMSI d'inclure les données relatives aux bénéfices de ces importateurs par la voie de l'article 22 du RMSI. En fait, d'après ABB et CG, ces données favoriseraient un dumping occulte, plutôt que de le prévenir.
[65] Le président fait référence à cette question aux pages 26 à 29 de l'annexe 2 de la NDD, sous le titre général suivant : « Méthode de détermination du montant pour les bénéfices aux fins du calcul des prix à l'exportation conformément à l'article 25 », où il traite également de l'argument de HHI et de HC selon lequel il ne faudrait pas prendre en compte les données des fabricants-distributeurs.
[66] En fait, bien qu'il repose sur une justification différente, l'argument d'ABB et de CG reflète celui qu'invoquent HHI et HC dans le dossier A‑195‑14, et remet plutôt en question les vendeurs qui sont situés à l'extrémité opposée de ce qui pourrait constituer le « même niveau ou presque du circuit de distribution ».
[67] En fait, à mon avis, cela renforce le bien‑fondé de la méthode exposée dans le Guide LMSI. Celui-ci souligne que le montant pour les bénéfices qui est calculé en vertu de l'article 22 du RMSI ne sera pas un « chiffre précis établi de façon concluante », étant donné qu'il y aura des différences dans les bénéfices réels réalisés par chaque vendeur et que le niveau des bénéfices peut fluctuer considérablement. Le Guide indique donc que c'est à partir d'une base de données la plus large possible et en donnant à l'expression « au même niveau ou presque du circuit de distribution » une interprétation large que l'on obtient de la meilleure façon des bénéfices représentatifs (dossier de demande, vol. 1, page 129). Il ne faut pas non plus perdre de vue que le président est tenu de rendre sa décision définitive dans un délai très restreint. Cette approche pratique semble garantir que le chiffre moyen ne favorise pas une partie ou une autre.
[68] Même si les demanderesses soutiennent le contraire, le libellé de la LMSI et du RMSI renforce selon moi le bien-fondé de la méthode que le président a suivie. L'article 22 du RMSI est axé sur les bénéfices réalisés lors de la vente de marchandises à des « acheteurs se trouvant au Canada et qui ne sont pas associés » aux vendeurs. Il n'est pas obligatoire de prendre en compte les transactions antérieures. L'alinéa 25(1)b) de la LMSI traite de la caution dont il faut faire preuve à l'égard du prix à l'exportation (le prix auquel HC et HICO ont acheté leurs transformateurs de puissance). Là encore, cela est bien différent du prix auquel HC et HICO ont vendu leurs transformateurs à des acheteurs canadiens qui ne leur sont pas associés.
[69] On ne m'a pas convaincue que la manière dont le président interprète l'article 22 du RMSI et sa décision d'utiliser les données relatives aux bénéfices de HC et de HICO sont déraisonnables.
B. Le dumping ciblé
[70] ABB et CG soutiennent que l'omission du président de conclure à un dumping ciblé est déraisonnable, car il n'a fourni aucune explication ou, sinon, une explication insuffisante pour s'abstenir d'appliquer le paragraphe 30.2(2) de la LMSI en vue de déterminer la marge de dumping lorsqu'il existe des preuves de dumping ciblé, ce qui, d'après les demanderesses, est le cas en l'espèce. Je ne suis pas d'accord avec elles.
[71] Il y a dumping ciblé quand des exportateurs vendent des marchandises à un prix inférieur à la valeur normale à un sous‑ensemble d'acheteurs, dans un sous‑ensemble de régions, ou pour un sous‑ensemble de périodes. L'ampleur de ce dumping est donc dissimulée par les autres ventes.
[72] La question du dumping ciblé qui a été invoquée dans la plainte d'ABB et de CG a été analysée de nouveau lors du processus de réexamen. Il a été signalé que l'industrie des transformateurs de puissance est unique, que la taille et la valeur de ce type de transformateur peuvent varier considérablement et que même pour un transformateur de même taille il peut y avoir d'importantes variations dans les coûts, suivant les besoins du client. Après avoir procédé à une nouvelle analyse au sujet du dumping ciblé, l'ASFC a conclu qu'il n'y avait aucune preuve d'un tel dumping : voir la note de service résumant la décision de la Cour dans l'arrêt HHI c. ABB (dossier de demande, vol. 6, onglet 8O).
[73] La marge de dumping est généralement calculée, comme cela a été le cas en l'espèce, de la manière indiquée au paragraphe 30.2(1) de la LMSI. Ce paragraphe indique que, sous réserve du paragraphe 30.2(2), la marge de dumping est égale à zéro ou, s'il est positif, au résultat obtenu en retranchant la moyenne pondérée du prix à l'exportation des marchandises de la moyenne pondérée de la valeur normale des marchandises. Le paragraphe 30.2(2) offre une méthode par laquelle le président peut calculer la marge de dumping en cas de dumping ciblé.
[74] Le président n'est pas tenu d'appliquer le paragraphe 30.2(2). Il peut toutefois le faire s'il estime qu'il existe d'importantes variations dans les prix, et cette détermination est un exercice à fort contenu factuel. Des variations dans les prix de transactions particulières ont été relevées, mais elles n'ont pas été considérées comme importantes, pas plus que le président ne s'est dit convaincu qu'elles constituaient une preuve de dumping ciblé (voir la page 32 de l'annexe 2 de la NDD). Le paragraphe 30.2(2) n'a pas été appliqué.
[75] Je conviens avec HHI et HC que, en fait, ce qu'ABB et CG demandent maintenant à la Cour de faire, c'est soupeser à nouveau les éléments de preuve. Ce n'est pas le rôle qui incombe à la Cour selon la norme de contrôle applicable, surtout si l'on considère que même s'il y avait d'importantes variations dans les prix, le président peut néanmoins avoir jugé plus approprié de calculer la marge de dumping selon les dispositions du paragraphe 30.2(1). On ne m'a pas convaincue que le président a commis une erreur susceptible de contrôle en omettant de conclure à l'existence d'un dumping ciblé.
C. Conclusion
[76] Je propose donc de rejeter la présente demande, avec dépens.
« Johanne Gauthier »
j.c.a.
« Je suis d'accord.
C.M. Ryer, j.c.a. »
« Je suis d'accord.
D.G. Near, j.c.a. »
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE D'UNE DÉCISION DU PRÉSIDENT DE L'AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA DU 6 MARS 2014, DOSSIER NO 4214‑35
DOSSIER : |
A-189-14
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INTITULÉ : |
ABB INC. et CG POWER SYSTEMS CANADA INC. c. HYUNDAI HEAVY INDUSTRIES CO., LTD. et autres |
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ET DOSSIER : |
A-195-14
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INTITULÉ : |
HYUNDAI HEAVY INDUSTRIES CO., LTD. et HYUNDAI CANADA INC. c. ABB INC. et autres |
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LIEU DE L'AUDIENCE : |
Ottawa (Ontario) |
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DATE DE L'AUDIENCE : |
LE 23 JuIN 2015 |
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MOTIFS DU JUGEMENT : |
La JUGE GAUTHIER |
|
Y ONT SOUSCRIT : |
LE JUGE RYER LE JUGE NEAR |
|
DATE DES MOTIFS : |
LE 2 JuILLET 2015 |
COMPARUTIONS :
Christopher Kent Christopher McLeod |
POUR LES DEMANDERESSES ABB Inc. et CG Power Systems Canada Inc. |
Darrel H. Pearson George W.H. Reid |
POUR LES DÉFENDERESSES Hyundai Heavy Industries Co., Ltd. et Hyundai Canada Inc. |
Andrew Gibbs Kirk Shannon |
POUR LE DÉFENDEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Cassidy Levy Kent (Canada) LLP Ottawa (Ontario) |
POUR LES DEMANDERESSES ABB Inc. et CG Power Systems Canada Inc. |
Bennett Jones LLP Toronto (Ontario) |
POUR LES DÉFENDERESSES Hyundai Heavy Industries Co., Ltd. et Hyundai Canada Inc. |
William F. Pentney Sous-procureur général du Canada Ottawa (Ontario) |
POUR LE DÉFENDEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA |