Dossier : A-323-14
Référence : 2015 CAF 204
CORAM : |
LE JUGE NADON LE JUGE PELLETIER LA JUGE GAUTHIER
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ENTRE : |
LOUIS-FRED MARTIN |
appelant |
et |
SA MAJESTÉ LA REINE |
intimée |
Audience tenue à Montréal (Québec), le 14 septembre 2015.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 23 septembre 2015.
MOTIFS DU JUGEMENT : |
LE JUGE NADON |
Y ONT SOUSCRIT : |
LE JUGE PELLETIER LA JUGE GAUTHIER |
Date : 20150923
Dossier : A-323-14
Référence : 2015 CAF 204
CORAM : |
LE JUGE NADON LE JUGE PELLETIER LA JUGE GAUTHIER
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ENTRE : |
LOUIS-FRED MARTIN |
appelant |
et |
SA MAJESTÉ LA REINE |
intimée |
MOTIFS DU JUGEMENT
LE JUGE NADON
[1] Il s’agit d’un appel d’une décision du juge Boyle (le Juge) de la Cour canadienne de l’impôt (la Cour canadienne), en date du 19 juin 2014, 2014 CCI 200, rejetant l’appel de l’appelant déposé à l’encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, c. 1 (5e supp.) (la Loi), pour l’année d’imposition 2010.
[2] Plus particulièrement, le Juge a conclu que l’appelant n’avait pas droit à une déduction de 14 000$ à titre de perte de revenus pour son année d’imposition 2010 et qu’il n’avait pas droit à une perte en capital de 14 800 000$ pour cette même année.
[3] Le litige fiscal en l’instance résulte du fait que l’appelant, qui travaillait depuis 2005 pour l’entreprise de conseils financiers Promutuel, a perdu son emploi, en juin 2010, suite à l’acquisition de son employeur par le cabinet de courtage Peak.
[4] Malheureusement pour l’appelant, il lui a été impossible de trouver un emploi auprès d’un autre cabinet de courtage et il n’a pu obtenir l’approbation nécessaire des autorités provinciales pour devenir conseiller financier indépendant ou pour établir son propre cabinet. Comme conséquence de ce qui précède, la clientèle que desservait l’appelant ne l’a pas suivi et elle a continué de faire affaires avec Peak.
[5] Selon l’appelant, Peak lui a volé la clientèle qu’il desservait depuis plusieurs années.
[6] Voilà la toile de fond du litige devant le Juge et devant nous.
[7] Quant à la perte de revenus qu’il aurait subie durant l’année d’imposition 2010, l’appelant expliquait devant la Cour canadienne que la somme de 14 000$ représentait un revenu net de 2 000$ par mois que la clientèle qui était la sienne, alors qu’il travaillait pour Promutuel, lui aurait permis de générer de juin à décembre 2010.
[8] En d’autres mots, le revenu de 14 000$ était le revenu, selon l’appelant, qu’il aurait pu gagner s’il avait continué à travailler comme conseiller financier après avoir quitté son ancien employeur.
[9] Le Juge s’est dit d’avis que la perte réclamée par l’appelant ne constituait pas une perte fiscale au sens de la Loi. Selon le Juge, puisqu’il ne pouvait y avoir de perte de revenus que dans la mesure où les dépenses encourues par le contribuable au cours d’une année excédaient les revenus pour cette même année, la réclamation de l’appelant devait être rejetée au motif que ce dernier n’avait gagné aucun revenu durant l’année d’imposition 2010. Par conséquent, le revenu de 14 000$, anticipé par l’appelant mais non gagné, ne pouvait donner lieu à une déduction pour perte de revenus. En d’autres mots, pas de revenu, pas de dépenses admissibles.
[10] Quant à la perte en capital, l’appelant argumentait devant le Juge que la perte de sa clientèle constituait la perte d’un bien de valeur. Selon l’appelant, cette perte était égale à la différence entre la valeur de sa clientèle, soit une valeur calculée en tenant compte des revenus qu’elle pouvait générer, et le fait que suite à son départ de Peak, il n’avait reçu aucune compensation à l’égard de cette clientèle.
[11] En outre, l’appelant soumettait au Juge que sa perte en capital était plus élevée, compte tenu que l’on devait ajouter à la perte subie tous les frais afférents à la disposition de son bien (le vol) qu’il avait dû subir. Parmi ces frais, il était nécessaire d’inclure la valeur de ses propres biens, y compris sa maison et d’autres biens saisis ou perdus suite à son insolvabilité.
[12] Selon l’appelant, le prix de base rajusté de sa perte en capital se chiffrait à 800 000$, somme qu’il augmentait à 14 800 000$ suite au dépôt de sa déclaration d’impôt pour l’année d’imposition 2010.
[13] Voici comment le Juge explique le tout aux paragraphes 7 et 8 de ses motifs :
[7] Dans le calcul de sa perte en capital, pour refléter la perte de sa clientèle ayant une valeur importante, M. Martin a estimé que le prix de base rajusté était de 800 000 $. En utilisant un taux de rendement du capital investi qu’il a présumé être de 3 p. 100, il a déterminé qu’il aurait eu besoin de 800 000 $ pour générer les revenus prévus de 24 000 $ qui ont été perdus. Comme il n’avait rien reçu de Peak ou de qui que ce soit d’autre pour sa clientèle, M. Martin a déduit une perte en capital de 800 000 $ dans sa déclaration de revenus pour 2010. Il prétend qu’on devrait lui rembourser sa perte en capital et non simplement lui permettre de la porter en réduction de gains en capital ultérieurs.
[8] Après avoir produit sa déclaration de revenus pour 2010, M. Martin a cherché à déduire la somme de 14 000 000 $ au titre des frais afférents à la disposition de son ancienne clientèle, ainsi qu’à augmenter sa perte en capital du même montant, le faisant passer de 800 000 $ à 14 800 000 $. M. Martin a procédé de la manière suivante pour arriver à une somme de 14 000 000 $ au titre des frais afférents à la disposition. Il a estimé que la valeur de ses biens qui avaient été saisis ou perdus en raison de la perte de sa clientèle et des revenus qu’elle générait pour lui s’élevait à 2 000 000 $. Cela comprenait la valeur de sa maison, de sa maison de campagne, de sa collection de voitures, de ses livres, ainsi que de l’ensemble de ses autres collections et effets personnels. Comme je l’ai déjà mentionné, les biens ont été saisis en raison des difficultés financières qu’il a éprouvées. M. Martin a par la suite multiplié par sept la valeur des biens qu’il avait perdus, soit 2 000 000 $ en se fondant sur l’exhortation proverbiale selon laquelle les voleurs doivent faire une restitution au septuple de ce qu’ils ont volé.
[14] Le Juge a rejeté les prétentions de l’appelant pour conclure que cette perte n’était pas admissible comme perte en capital.
[15] En premier lieu, il n’était point évident pour le Juge que la clientèle desservie par l’appelant constituait un bien qui lui appartenait et donc sujet à être vendu. À cet égard, le Juge rappelait qu’en général une perte en capital représentait une perte résultant de la disposition d’un bien appartenant à un contribuable.
[16] En deuxième lieu, le Juge rappelait que le prix de base rajusté d’un bien en capital, résultant de sa disposition, reflétait généralement les sommes, après impôts payés, déboursées par un contribuable pour le bien ainsi qu’à l’égard de son amélioration. Ceci, selon le Juge, résultait clairement des articles 53 et 54 de la Loi. Par conséquent, le Juge était satisfait que la Loi ne permettait aucunement de fixer le coût d’un bien sur la base de sa valeur marchande puisqu’une telle approche éliminerait toute possibilité de réaliser un gain en capital aux fins de la Loi.
[17] Par la suite, le Juge notait le fait que l’appelant n’avait jamais acheté sa clientèle, ajoutant que les dépenses engagées par ce dernier pour construire sa clientèle avaient été déduites et admises comme dépenses d’entreprise durant les années au cours desquelles les dépenses avaient été engagées.
[18] Finalement, au paragraphe 13 de ses motifs, le Juge concluait que le but des dispositions de la Loi portant sur les concepts de perte de revenus et de capital n’était pas de permettre le dédommagement d’un contribuable en raison de pertes financières résultant de vols ou de violations contractuelles. Or selon lui, tel semblait être le but de l’appel de l’appelant à l’égard de la cotisation établie en l’instance pour son année d’imposition 2010.
[19] À mon avis, une lecture attentive du mémoire de l’appelant confirme hors de tout doute la pensée du Juge que l’on retrouve au paragraphe 13 de ses motifs. Plus particulièrement, le mémoire de l’appelant ne s’adresse aucunement aux questions véritablement en litige devant le Juge et devant nous dans cet appel, soit la déductibilité de perte de revenus et de capital au sens de la Loi. Il est important de noter que devant nous, lors de l’audition, l’appelant a continué de prétendre qu’il avait droit à un remboursement ou à un dédommagement en raison des pertes financières qu’il avait subies suite à son départ de Peak.
[20] Il appert clairement que ce que l’appelant recherche en l’instance est un remboursement des pertes qu’il a subies suite à la rupture de son contrat d’emploi avec Peak et du « vol » de sa clientèle. Il ne peut faire de doute que la Cour canadienne n’a aucune compétence à l’égard d’une telle réclamation et qu’elle ne peut ordonner le remboursement que recherche l’appelant.
[21] En conclusion, le Juge a conclu comme il l’a fait en raison des dispositions particulières de la Loi et des principes comptables généralement reconnus. L’appelant ne m’a pas convaincu que le Juge a commis soit une erreur de droit ou une erreur dans l’appréciation des faits qui étaient devant lui.
[22] Par conséquent, je rejetterais l’appel avec dépens.
« M Nadon »
j.c.a.
«Je suis d’accord.
J.D. Denis Pelletier, j.c.a.»
«Je suis d’accord.
Johanne Gauthier, j.c.a.»
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Dossier : |
A-323-14 |
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INTITULÉ : |
LOUIS-FRED MARTIN c. SA MAJESTÉ LA REINE
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LIEU DE L’AUDIENCE : |
Montréal (Québec)
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DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 14 septembre 2015
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MOTIFS DU JUGEMENT : |
LE JUGE NADON
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Y ONT SOUSCRIT : |
LE JUGE PELLETIER LA JUGE GAUTHIER |
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DATE DES MOTIFS : |
LE 23 SEPTEMBRE 2015
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COMPARUTIONS :
Louis-Fred Martin
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Pour l'appelant (se représentant lui-même)
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Mounes Ajadi
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Pour l'intimée SA MAJESTÉ LA REINE
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Ministère de la Justice Bureau régional du Québec Montréal (Québec) |
Pour l'intimée SA MAJESTÉ LA REINE
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