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Date : 20151216


Dossier : A-511-14

Référence : 2015 CAF 288

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

 

ENTRE :

AGRACITY LTD

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 30 septembre 2015.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 16 décembre 2015.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE WEBB

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE NEAR

 


Date : 20151216


Dossier : A-511-14

Référence : 2015 CAF 288

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

 

ENTRE :

AGRACITY LTD

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE WEBB

[1]               La principale question en litige dans le présent appel est celle de savoir si Sa Majesté peut déposer des actes de procédure contradictoires dans des appels interjetés par des contribuables différents devant la Cour canadienne de l'impôt. Le juge C. Miller de la Cour canadienne de l'impôt a accueilli en partie la requête présentée par AgraCity Ltd. (AgraCity) en vue de faire radier certains passages de la réponse déposée par Sa Majesté (dans le dossier 2014‑1537(IT)G). AgraCity interjette appel de la décision refusant de retrancher d'autres passages de la réponse qu'AgraCity cherchait à faire radier, faisant valoir que les passages en question étaient incompatibles avec une autre réponse que Sa Majesté avait déposée dans l'appel interjeté par un autre contribuable. AgraCity interjette également appel de l'ordonnance lui enjoignant de signifier et de déposer une liste de documents conformément à l'article 82 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) (les Règles).

[2]               Sa Majesté a formé un appel incident de l'ordonnance en radiation ou en remaniement de certains passages de sa réponse. La principale question en litige dans l'appel incident est celle de savoir si les renvois aux alinéas 247(2)a) et 247(2)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la Loi), auraient dû être supprimés.

[3]               Pour les motifs qui suivent, je rejetterais l'appel d'AgraCity et j'accueillerais en partie l'appel incident de Sa Majesté.

Le contexte

[4]               La présente instance en est à l'étape des actes de procédure devant la Cour canadienne de l'impôt. Les faits précis de l'affaire ne sont pas clairs et ils sont contestés. Il semble qu'il ne soit pas contesté que des agriculteurs canadiens souhaitaient acheter un herbicide appelé ClearOut, qui devait être importé au Canada. Ce qu'on ne sait pas avec certitude, c'est qui vendait le ClearOut.

[5]               En l'espèce, trois sociétés nous intéressent :

           AgraCity, qui appartient en propriété exclusive à Jason Mann;

           101072498 Saskatchewan Ltd. (Sask. Ltd), qui appartient indirectement à Jason Mann et à son frère, James Mann;

           NewAgco‑Barbados, société constituée en personne morale sous le régime des lois de la Barbade, qui appartient en propriété exclusive à Sask. Ltd.

[6]               Au cours des années d'imposition visées par l'appel, NewAgco‑Barbados a déclaré avoir réalisé d'importants profits grâce à la vente de ClearOut et avoir versé des sommes importantes à AgraCity à titre de frais de service pour la vente de ClearOut.

[7]               Dans la réponse qu'elle a déposée dans l'appel interjeté par AgraCity devant la Cour canadienne de l'impôt, Sa Majesté a fait valoir que NewAgco‑Barbados n'avait vendu aucun produit ClearOut et qu'elle n'aurait donc dû avoir droit à aucun des profits réalisés grâce à la vente de ClearOut. Sa Majesté a conclu, en vertu de l'article 247 de la Loi, que la juste valeur marchande des services fournis par AgraCity correspondait au montant payé par NewAgco‑Barbados, majoré du profit net que NewAgco‑Barbados avait déclaré en raison de la vente de ClearOut, et elle avait donc dans les faits réattribué à AgraCity la totalité des profits déclarés par NewAgco‑Barbados grâce à la vente de ClearOut à AgraCity.

[8]               Dans la réponse qu'elle a déposée dans l'appel interjeté par Sask. Ltd devant la Cour canadienne de l'impôt, Sa Majesté a soutenu que NewAgco‑Barbados avait acheté le produit ClearOut et l'avait vendu à AgraCity. Ainsi que le juge de la Cour de l'impôt l'a fait observer, les actes de procédure déposés par Sa Majesté dans l'appel d'AgraCity et dans celui de Sask. Ltd sont irréconciliables.

[9]               La seule réponse faisant l'objet du présent appel est celle qui a été déposée dans l'appel interjeté par AgraCity devant la Cour canadienne de l'impôt.

La décision de la Cour canadienne de l'impôt

[10]           Le juge de la Cour de l'impôt a jugé que Sa Majesté pouvait déposer, à l'égard de l'appel d'un contribuable, une réponse qui était incompatible avec celle produite relativement à l'appel d'un autre contribuable. Par conséquent, le juge a rejeté la requête présentée par AgraCity en vue de faire radier tous les passages de la réponse qui seraient incompatibles avec la réponse que Sa Majesté avait déposée dans l'appel de Sask. Ltd.

[11]           Le juge de la Cour de l'impôt a toutefois supprimé certains paragraphes se rapportant au prix de transfert. Dans sa réponse, le ministre invoquait à la fois l'alinéa 247(2)a) et l'alinéa 247(2)b) de la Loi pour rajuster le montant à inclure dans le revenu d'AgraCity en vertu de l'alinéa 247(2)c) (si seul l'alinéa 247(2)a) s'appliquait) ou en vertu de l'alinéa 247(2)d) (si l'alinéa 247(2)b) s'appliquait). Le juge de la Cour de l'impôt a conclu que, comme le ministre avait tenu pour acquis qu'aucun produit n'avait été vendu par NewAgco‑Barbados, les dispositions des alinéas 247(2)a) et 247(2)c) de la Loi ne pouvaient s'appliquer. Il a donc retranché les paragraphes de la réponse dans lesquels on renvoyait aux alinéas en question.

[12]           Le juge de la Cour de l'impôt a également supprimé certains passages qui constituaient selon lui des conclusions de droit et a ordonné à Sa Majesté de déposer une réponse modifiée dans laquelle l'alinéa 14d) serait déplacé et de préciser les faits sur lesquels elle fondait l'imposition de la pénalité en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi.

[13]           Le juge de la Cour de l'impôt a également ordonné aux parties de signifier et de déposer une liste de documents conformément à l'article 82 des Règles.

[14]           Bien que le juge de la Cour de l'impôt ait également ordonné que les parties soumettent un échéancier pour les diverses mesures qu'il restait à prendre et que l'appel d'AgraCity soit entendu avec celui de Sask. Ltd sur preuve commune, aucune des parties n'a interjeté appel de cette ordonnance.

[15]           Comme nous l'avons déjà signalé, AgraCity a interjeté appel et Sa Majesté a formé un appel incident devant notre Cour.

Les normes de contrôle

[16]           Les normes de contrôle applicables sont celles qui ont été énoncées dans l'arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235 (Decor Grates Inc. c. Imperial Manufacturing Group Inc., 2015 CAF 100, [2016] 1 R.C.F. 246). Dans l'arrêt Housen c. Nikolaisen, la Cour suprême du Canada a confirmé que la norme de contrôle applicable aux appels interjetés de décisions rendues par des cours de juridiction inférieure sur des questions de droit est celle de la décision correcte. Les conclusions de fait, y compris les inférences de fait, seront maintenues à moins qu'il soit démontré que le juge de la Cour de l'impôt a commis une erreur manifeste et dominante. Dans le cas des questions mixtes de fait et de droit, c'est la norme de la décision correcte qui s'applique s'il est possible de dégager une question de droit; sinon, c'est la norme de l'erreur manifeste et dominante qui s'applique. Une erreur est considérée comme manifeste si elle est évidente et elle est qualifiée de dominante si elle change le résultat.

Les questions en litige

[17]           Les questions soulevées par l'appel et l'appel incident sont celles de savoir si le juge de la Cour de l'impôt a commis une erreur :

(a)      en ne supprimant pas tous les passages de la réponse qui sont incompatibles avec la thèse exposée par Sa Majesté dans la réponse qu'elle a déposée dans l'appel de Sask. Ltd;

(b)      en ordonnant à chaque partie de déposer et de signifier une liste de documents conformément à l'article 82 des Règles;

(c)      en supprimant de la réponse les paragraphes qui se rapportent aux alinéas 247(2)a) et 247(2)c) de la Loi;

(d)     en supprimant de la réponse les paragraphes que le juge de la Cour de l'impôt a qualifiés de conclusions de droit ou en ordonnant à Sa Majesté de les insérer ailleurs dans sa réponse;

(e)      en ordonnant à Sa Majesté de remanier sa réponse en ce qui concerne l'imposition de pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi.

Thèses incompatibles

[18]           AgraCity soutient que, dans sa réponse, Sa Majesté ne peut invoquer des faits qui contredisent ceux qu'elle a invoqués dans la réponse qu'elle a déposée dans l'appel de Sask. Ltd. Je ne puis retenir la thèse d'AgraCity.

[19]           Bien qu'elles soient des personnes liées au sens de la Loi, AgraCity et Sask. Ltd sont deux entités distinctes. Le ministre du Revenu national (le ministre) établit une cotisation ou une nouvelle cotisation à l'égard de chaque contribuable en vertu de l'article 152 de la Loi. Comme chaque contribuable fait l'objet d'une cotisation (ou d'une nouvelle cotisation) distincte, il est possible qu'il en résulte des cotisations incompatibles (Tossell c. La Reine, 2005 CAF 263, [2005] A.C.F. no 1269 (QL), au paragraphe 4). Si le ministre a établi des cotisations incompatibles, les actes de procédure seront nécessairement incompatibles si les contribuables interjettent appel devant la Cour canadienne de l'impôt. En l'espèce, Sa Majesté reconnaît que les cotisations et, partant, les actes de procédure sont incompatibles et Sa Majesté ne cherche pas à faire confirmer les deux cotisations.

[20]           Bien que Sa Majesté ait admis certains faits dans la réponse qu'elle a déposée dans l'appel de Sask. Ltd, ces aveux ne valent que pour cet appel et ne concernent pas l'appel d'AgraCity (Lederman, Bryant et Fuerst, The Law of Evidence in Canada, 4e éd. (Canada, LexisNexis Canada Inc., 2014), au paragraphe 19.6). Comme les appels seront entendus sur preuve commune, il est préférable de laisser au juge du procès, qui entendra toute la preuve et qui décidera quels faits ont été établis, le soin de décider quelle incidence auront les aveux sur l'issue des appels en question.

[21]           Je rejetterais l'appel d'AgraCity sur cette question.

Communication intégrale — Article 82 des Règles

[22]           Les Règles comportent deux articles au sujet de la communication de documents dans une instance introduite devant la Cour canadienne de l'impôt : l'article 81 (communication partielle) et l'article 82 (communication intégrale). L'article 81 prévoit que les parties doivent produire et signifier l'une à l'autre une liste des documents qui pourraient servir à établir une allégation de fait de la partie ou à réfuter une allégation de fait de la partie adverse. Par conséquent, la liste de documents produite en vertu de l'article 81 par une partie peut omettre un document pertinent qu'une partie n'a pas l'intention de produire à l'audience devant la Cour de l'impôt.

[23]           Si les parties en conviennent ou si la Cour de l'impôt le leur ordonne, chacune d'entre elles sera tenue de produire une liste de tous les documents pertinents conformément à l'article 82 des Règles. En l'espèce, Sa Majesté a présenté une requête en vue d'obtenir une ordonnance en communication intégrale en vertu de l'article 82 des Règles, et sa requête a été accueillie.

[24]           Le principal argument invoqué par AgraCity pour interjeter appel de l'ordonnance en communication intégrale était que Sa Majesté avait formulé des thèses contradictoires dans la réponse qu'elle avait déposée relativement à l'appel d'AgraCity et dans la réponse qu'elle avait déposée dans l'appel de Sask. Ltd. AgraCity soutenait également qu'il était prématuré d'ordonner la communication intégrale.

[25]           Comme nous l'avons déjà indiqué, Sa Majesté peut déposer des actes de procédure incompatibles à l'égard de deux contribuables différents. Il faut se rappeler que les opérations en question ont été effectuées par AgraCity, Sask. Ltd et d'autres sociétés liées et qu'il ne s'agit pas d'opérations effectuées par le ministre. Le ministre ne peut recueillir des renseignements au sujet de ces opérations qu'à partir de ce que l'on découvre lors de la vérification de ces sociétés. Le dépôt d'actes de procédure contradictoires par Sa Majesté indiquerait que ce qui s'est réellement passé entre les diverses sociétés est loin d'être clair. La divulgation de tous les documents pertinents pourrait fort bien aider à clarifier ce qui s'est effectivement produit. Par conséquent, je n'accepte pas l'argument d'AgraCity suivant lequel l'existence d'actes de procédure contradictoires devrait constituer un motif justifiant l'infirmation de la décision du juge de la Cour de l'impôt de faire droit à la requête en communication intégrale en vertu de l'article 82 des Règles.

[26]           AgraCity affirme également que l'ordonnance n'aurait pas dû être rendue étant donné qu'il n'y avait pas encore eu clôture des actes de procédure et qu'aucune liste de documents n'avait été produite conformément à l'article 81 des Règles. AgraCity cite la décision Long c. La Reine, 2010 CCI 197, dans laquelle la juge Campbell avait refusé de faire droit à la demande présentée par l'appelant en vertu de l'article 82 des Règles. La juge Campbell avait déclaré ce qui suit :

[TRADUCTION]

30        L'argument le plus convaincant militant contre la communication intégrale à cette étape‑ci concerne le moment où la requête est présentée. L'appelant a déposé la présente requête à la clôture des actes de procédure, mais avant que toute autre démarche ait été entreprise pour faire progresser l'instance. Même si la présentation de la requête prévue à l'article 82 des Règles n'est assujettie à aucune limite de temps, un des facteurs dont il y a lieu de tenir compte est l'état d'avancement de l'instance, surtout lorsqu'aucune des étapes préliminaires n'a encore commencé. En fait, certains des documents précis que l'appelant réclame en vertu de l'article 82 des Règles peuvent être produits à l'occasion de la présentation de la liste partielle de documents prévue à l'article 81 des Règles.

[27]           Cette décision a été confirmée en appel (2011 CAF 85).

[28]           Ainsi que la juge Campbell le fait observer : [TRADUCTION] « la présentation de la requête prévue à l'article 82 des Règles n'est assujettie à aucune limite de temps ». Elle a toutefois estimé que l'état d'avancement de l'instance était un facteur pertinent dans cette affaire. Dans le cas qui nous occupe, le juge de la Cour canadienne de l'impôt a également tenu compte des observations que j'ai formulées dans la décision Imperial Tobacco Canada Ltd. c. La Reine, 2012 TCC 135, au paragraphe 25, suivant lesquelles l'intérêt de la justice constitue également un facteur important.

[29]           À mon avis, le juge de la Cour de l'impôt n'a pas commis d'erreur en mettant en balance l'intérêt de la justice et le moment de la présentation de la requête. Ainsi que le juge l'a fait observer, AgraCity ou des personnes liées à AgraCity avaient par le passé souvent tardé à communiquer des renseignements et le juge n'était [TRADUCTION] « pas convaincu qu'attendre constituait une façon expéditive de procéder en l'espèce ».

[30]           Le fait d'obliger AgraCity à communiquer intégralement tous les documents à cette étape‑ci de l'instance pourrait fort bien contribuer à aider à déterminer, avant l'enquête préalable, ce qui s'est passé entre les diverses sociétés au cours des années en question et à abréger les interrogatoires préalables et diminuer le nombre d'engagements à fournir lors de l'examen préalable.

[31]           Par conséquent, je rejetterais l'appel d'AgraCity sur cette question.

Alinéas 247(2)a) et 247(2)c) de la Loi

[32]           Le paragraphe 247(2) de la Loi dispose :

247(2) Lorsqu'un contribuable ou une société de personnes et une personne non-résidente avec laquelle le contribuable ou la société de personnes, ou un associé de cette dernière, a un lien de dépendance, ou une société de personnes dont la personne non-résidente est un associé, prennent part à une opération ou à une série d'opérations et que, selon le cas :

247(2) Where a taxpayer or a partnership and a non-resident person with whom the taxpayer or the partnership, or a member of the partnership, does not deal at arm's length (or a partnership of which the non-resident person is a member) are participants in a transaction or a series of transactions and

a) les modalités conclues ou imposées, relativement à l'opération ou à la série, entre des participants à l'opération ou à la série diffèrent de celles qui auraient été conclues entre personnes sans lien de dépendance,

(a) the terms or conditions made or imposed, in respect of the transaction or series, between any of the participants in the transaction or series differ from those that would have been made between persons dealing at arm's length, or

b) les faits suivants se vérifient relativement à l'opération ou à la série :

(b) the transaction or series

(i) elle n'aurait pas été conclue entre personnes sans lien de dépendance,

(i) would not have been entered into between persons dealing at arm's length, and

(ii) il est raisonnable de considérer qu'elle n'a pas été principalement conclue pour des objets véritables, si ce n'est l'obtention d'un avantage fiscal,

(ii) can reasonably be considered not to have been entered into primarily for bona fide purposes other than to obtain a tax benefit,

les montants qui, si ce n'était le présent article et l'article 245, seraient déterminés pour l'application de la présente loi quant au contribuable ou la société de personnes pour une année d'imposition ou un exercice font l'objet d'un redressement de façon qu'ils correspondent à la valeur ou à la nature des montants qui auraient été déterminés si :

any amounts that, but for this section and section 245, would be determined for the purposes of this Act in respect of the taxpayer or the partnership for a taxation year or fiscal period shall be adjusted (in this section referred to as an “adjustment”) to the quantum or nature of the amounts that would have been determined if,

c) dans le cas où seul l'alinéa a) s'applique, les modalités conclues ou imposées, relativement à l'opération ou à la série, entre les participants avaient été celles qui auraient été conclues entre personnes sans lien de dépendance;

(c) where only paragraph 247(2)(a) applies, the terms and conditions made or imposed, in respect of the transaction or series, between the participants in the transaction or series had been those that would have been made between persons dealing at arm's length, or

d) dans le cas où l'alinéa b) s'applique, l'opération ou la série conclue entre les participants avait été celle qui aurait été conclue entre personnes sans lien de dépendance, selon des modalités qui auraient été conclues entre de telles personnes.

(d) where paragraph 247(2)(b) applies, the transaction or series entered into between the participants had been the transaction or series that would have been entered into between persons dealing at arm's length, under terms and conditions that would have been made between persons dealing at arm's length.

[33]           Il ressort implicitement des motifs du juge de la Cour de l'impôt qu'il a conclu que, comme Sa Majesté avait tenu pour acquis que NewAgco‑Barbados n'avait vendu aucun produit, l'alinéa 247(2)a) de la Loi ne pouvait s'appliquer, étant donné qu'aucune personne sans lien de dépendance n'aurait conclu d'entente en vue de fournir des services à NewAgco‑Barbados pour la vente d'un produit qui n'allait pas être vendu par cette dernière. Comme nous l'avons déjà indiqué, la thèse exposée par Sa Majesté dans sa réponse à l'appel d'AgraCity est qu'AgraCity a droit à tous les profits découlant de la vente de ClearOut.

[34]           Toutefois, la présente affaire a été tranchée avant que notre Cour ne rende le jugement Cameco Corp. c. La Reine, 2015 CAF 143, [2015] A.C.F. no 774 (QL). Dans cette affaire, Sa Majesté alléguait que la société non résidente n'avait fourni aucun service et que le montant que la société résidente aurait dû payer pour les services était par conséquent nul. Pour confirmer la décision du juge de la Cour de l'impôt de ne pas supprimer les passages dans lesquels il était renvoyé aux alinéas 247(2)a) et 247(2)c), notre Cour a déclaré ce qui suit :

51        La jurisprudence n'a pas à ce jour déterminé où s'arrêtent les alinéas 247(2)a) et c) et où commencent les alinéas 247(2)b) et d), et je retiens l'opinion de la Couronne selon laquelle il serait inapproprié de tenter de régler ce point dans le cadre d'une requête en radiation (Hunt, aux paragraphes 18, 28 et 43). Il est préférable de laisser au juge du procès le soin de rechercher, à la lumière de l'ensemble des preuves, si un prix nul peut donner lieu à l'application des alinéas 247(2)a) et c) — en plus des alinéas 247(2)b) et d) (motifs, au paragraphe 27).

[35]           Dans l'affaire Cameco, Sa Majesté affirmait que tous les services avaient été fournis par la société résidant au Canada et que cette société n'aurait donc dû ne rien payer à la société non résidente. Selon Sa Majesté, l'effet net était que la société non résidente n'avait droit à aucun profit relativement aux opérations en cause.

[36]           Même si, dans l'affaire Cameco, la question en litige était de savoir si la société résidant au Canada n'aurait dû ne rien payer tandis qu'en l'espèce, le débat porte plutôt sur la question de savoir si la société résidant au Canada aurait dû recevoir la totalité des montants découlant de la vente de ClearOut, dans les deux cas, le résultat net est que la totalité des profits serait attribuée à la société résidant au Canada. Dans les deux affaires, Sa Majesté affirmait que les alinéas 247(2)a) et 247(2)c) de la Loi permettaient d'attribuer la totalité des profits à la société résidant au Canada. Tout comme dans l'affaire Cameco, il me semble qu'à cette étape‑ci de l'instance, les paragraphes de la réponse se rapportant aux alinéas 247(2)a) et 247(2)c) de la Loi n'auraient pas dû être radiés et que le juge de la Cour de l'impôt a commis une erreur en les supprimant.

[37]           Par conséquent, j'accueillerais l'appel de Sa Majesté relatif à la partie de l'ordonnance radiant l'alinéa 15a) et le paragraphe 17 de la réponse.

Conclusions de droit

[38]           Le juge de la Cour canadienne de l'impôt a supprimé l'alinéa 14c) ainsi que la première phrase de l'alinéa 14h) de la réponse au motif que cet alinéa et cette phrase énonçaient des conclusions de droit.

[39]           L'alinéa 14c) et la première phrase de l'alinéa 14h) de la réponse étaient ainsi libellés :

[TRADUCTION]

14.       Le sous‑procureur général du Canada allègue également les faits suivants à l'appui des nouvelles cotisations faisant l'objet du présent appel :

[...]

c)         la série d'opérations en question n'aurait pas été conclue entre des personnes sans lien de dépendance étant donné qu'aucune personne sans lien de dépendance n'aurait accepté les risques que comportait cette série d'opérations tout en renonçant aux avantages que comportait cette même série d'opérations, compte tenu des fonctions limitées exercées par NewAgco‑Barbados, de son manque d'éléments d'actif et du fait qu'elle ne comptait aucun employé;

[...]

h)         la série d'opérations conclues par AgraCity équivaut à un trompe‑l'œil ou à un artifice conçu pour faire croire au ministre que c'était NewAgco‑Barbados, et non AgraCity, qui exploitait une entreprise et qui s'exposait à des risques véritables [...]

[40]           Il me semble que ces deux alinéas soulèvent des questions mixtes de fait et de droit. L'alinéa c) obligerait le juge à décider ce que des personnes sans lien de dépendance feraient en pareil cas, ce qui l'amènerait à se prononcer sur la norme à utiliser et à appliquer ensuite cette norme aux faits. De plus, la question de savoir si les faits permettraient de conclure que cette série d'opérations constitue un trompe‑l'œil est également une question mixte de fait et de droit. Ces énoncés ne peuvent être qualifiés de faits.

[41]           Dans les arrêts R. c. Anchor Pointe Energy Ltd., 2003 CAF 294, et Banque Canadienne Impériale de Commerce c. La Reine, 2013 CAF 122, notre Cour a insisté sur l'exigence que les hypothèses de fait soient limitées aux faits et qu'elles ne comportent pas des énoncés mixtes de fait et de droit. Les faits doivent être dégagés des énoncés en question. En l'espèce, le paragraphe 14 de la réponse n'indique pas sur quelles hypothèses de fait repose la nouvelle cotisation établie par le ministre, mais il indique qu'il expose des faits. Qualifier un énoncé d'énoncé de fait ou d'énoncé mixte de fait et de droit ne change rien à sa nature simplement parce qu'on précise que les faits en question sont des faits complémentaires et qu'on ne déclare pas qu'il s'agit d'hypothèses de fait. La Cour ne devrait pas fermer les yeux sur le fait que Sa Majesté a erronément qualifié d'énoncés de fait des énoncés mixtes de fait et de droit parce que Sa Majesté les a assimilés à des faits complémentaires.

[42]           En tout état de cause, la conclusion suivant laquelle une personne sans lien de dépendance n'aurait pas conclu ces opérations est reprise à l'alinéa 15b) et au paragraphe 18 de la réponse, bien que Sa Majesté n'y précise pas les faits sur lesquels elle se fonde pour tirer cette conclusion. La conclusion suivant laquelle la série d'opérations équivaut à un trompe-l'œil est également reprise à l'alinéa 15c) et au paragraphe 19 de la réponse.

[43]           Je rejetterais l'appel interjeté par Sa Majesté à l'encontre de l'ordonnance radiant l'alinéa 14c) et la première phrase de l'alinéa 14h) de la réponse.

[44]           Le juge de la Cour de l'impôt a également ordonné que l'alinéa 14d) de la réponse soit incorporé à l'alinéa 15b). Comme ce paragraphe se trouvera quand même dans la réponse, bien qu'à un endroit différent, et comme Sa Majesté n'a pas démontré en quoi le déplacement de ce paragraphe lui causera un préjudice, je suis d'avis de ne pas modifier ce volet de l'ordonnance du juge de la Cour de l'impôt.

Pénalités

[45]           Au paragraphe 31 de ses motifs, le juge de la Cour de l'impôt déclare ce qui suit :

[TRADUCTION]

[31]      Je ne suis pas disposé à radier ces passages; je vais laisser à l'intimée suffisamment de temps — deux semaines — pour les remanier et préciser si les pénalités découlent du fait d'avoir omis sciemment de déclarer des revenus, ou de l'omission de déclarer des revenus dans des circonstances équivalant à faute lourde, ou, si elles découlent des deux, pour présenter des allégations subsidiaires. Si une faute lourde est en cause, les actes de procédure devraient préciser la nature des circonstances et préciser si c'est effectivement la raison pour laquelle l'intimée a formulé les hypothèses que l'on trouve aux alinéas 13b) et 13c), bien que, fait intéressant, ces hypothèses soient postérieures à la présumée fausse déclaration.

[46]           Voici ce que j'ai déclaré dans l'arrêt R. c. O'Dwyer, 2013 CAF 200 :

31        Pour indiquer le fondement sur lequel repose l'imposition de la pénalité, le ministre devrait clairement énoncer le rôle que Thomas O'Dwyer aurait joué et ne pas simplement reprendre toutes les combinaisons possibles qui respecteraient les conditions prévues par la loi pour imposer la pénalité. Tout contribuable à qui une pénalité a été imposée devrait en connaître la raison. La simple répétition des diverses combinaisons de possibilités qui pourraient donner lieu à l'imposition de la pénalité n'indique pas au contribuable l'action précise (qui entraînerait l'imposition de la pénalité) qu'il aurait commise.

[47]           Je suis d'accord avec le juge de la Cour de l'impôt pour dire que cet extrait du jugement O'Dwyer s'applique dans le cas qui nous occupe et je rejetterais l'appel interjeté par Sa Majesté de cette conclusion du juge de la Cour de l'impôt.

Conclusion

[48]           Par conséquent :

(a)           je rejetterais l'appel d'AgraCity avec dépens;

(b)          j'accueillerais en partie et sans frais l'appel incident de Sa Majesté et je modifierais l'ordonnance du 14 novembre 2014 de la Cour canadienne de l'impôt en supprimant la mention de l'alinéa 15a) et du paragraphe 17 au paragraphe 1 de l'ordonnance. J'accorderais à Sa Majesté un délai de trente jours pour déposer et signifier une réponse modifiée.

« Wyman W. Webb »

j.c.a.

« Je suis d'accord.

Johanne Gauthier, j.c.a. »

« Je suis d'accord.

D.G. Near, j.c.a. »

 


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


APPEL D'UNE ORDONNANCE RENDUE LE 21 OCTOBRE 2014 DANS LE DOSSIER NO 2014‑1537(IT)G PAR LE JUGE CAMPBELL J. MILLER DE LA COUR CANADIENNE DE L'IMPÔT

DOSSIER :

A-511-14

 

INTITULÉ :

AGRACITY LTD c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

lieu de l'audience :

Toronto (Ontario)

date de l'audience :

le 30 septembre 2015

motifs du jugement :

LE JUGE WEBB

y ont souscrit :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE NEAR

DATE DES MOTIFS :

le 16 DÉCEMBRE 2015

COMPARUTIONS :

Justin Kutyan

Thang Trieu

pour l'appelante

Pascal Tétrault

pour l'intimée

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

KPMG cabinet juridique s.r.l./S.E.N.C.R.L.

Toronto (Ontario)

POUR L'APPELANTE

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

POUR L'INTIMÉE

 

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