Date : 20011019
Dossier : A-154-00
Référence neutre : 2001 CAF 318
ENTRE :
GORDON E. SMITH
demandeur
et
SA MAJESTÉ LA REINE
défenderesse
MOTIFS DE LA TAXATION DES DÉPENS
Officier taxateur
[1] Le demandeur, qui agit pour son propre compte, présente son mémoire de frais à la suite d'un jugement accueillant avec dépens la demande de contrôle judiciaire ici en cause. Dans ce mémoire figure un montant de 5 392,80 $ qui est réclamé en vertu de divers articles du tarif B associés aux services d'avocat et un montant de 300 $ au titre des débours. J'ai donné une directive selon laquelle l'affaire devait être examinée à la suite de la signification et du dépôt de documents.
La position du demandeur
[2] Le demandeur a déclaré avoir agi pour son propre compte pendant toute la durée de l'instance devant la Cour canadienne de l'impôt ainsi que devant la Cour d'appel fédérale, avoir préparé et déposé tous les documents et avoir payé toutes les significations. Il a déclaré qu'étant donné que les audiences qui avaient eu lieu devant les deux tribunaux résultaient des mêmes cotisations et qu'un grand nombre de documents avaient été produits en double aux fins de ces audiences, il avait décidé, pour simplifier les choses, d'inscrire les dépens applicables aux deux tribunaux dans un seul mémoire de frais, qu'il a soumis à la présente Cour. Le demandeur a confirmé que la demande qu'il a faite en vertu de l'article 14, en ce qui concerne les huit heures pendant lesquelles il a agi pour son propre compte, se rapportait à l'audience tenue devant la Cour de l'impôt. Il a mentionné une décision interlocutoire dans laquelle la présente Cour lui avait accordé des dépens pour une somme de 200 $, payable immédiatement quelle que soit l'issue de la cause; il s'est opposé à la proposition que la défenderesse avait faite, à savoir inclure les 200 $ dans le présent mémoire de frais à titre de montant qui lui était payable, et a affirmé que la défenderesse ne s'était pas conformée à une ordonnance prévoyant le paiement immédiat.
[3] Le demandeur a concédé que le plaideur qui agit pour son propre compte n'a pas droit aux honoraires d'avocat, mais il a soutenu que le paragraphe 400(1) des Règles confère à la Cour « entière discrétion pour déterminer le montant des dépens, les répartir et désigner les personnes qui doivent les payer » . Le demandeur a affirmé qu'étant donné qu'aucune ligne directrice n'était énoncée dans les Règles, il s'était servi du tarif B pour établir un montant raisonnable à titre d'indemnité pour le temps et les efforts considérables qu'il avait consacrés à l'affaire. Il a affirmé que le montant proposé était modeste comparativement au montant qui aurait peut-être été exigé s'il avait eu les moyens de retenir les services d'un avocat. Il a soutenu que l'arrêt Lavigne c. Canada, (1998) 229 N.R. 205 (C.A.F.), à la page 206, paragraphe [2], montre qu'il est fondé de demander à la Cour d'exercer le pouvoir discrétionnaire qu'elle possède en vertu du paragraphe 400(1) des Règles, en particulier en ce qui concerne plusieurs facteurs prévus au paragraphe 400(3) des Règles, à l'égard de l'indemnité à accorder pour le temps qu'il a consacré à l'affaire.
[4] Selon la preuve qu'il a soumise, le demandeur a préparé les copies de documents à l'intention des deux tribunaux en se servant de la photocopieuse d'un ami intime, de sorte qu'il n'a pas eu à débourser quelque somme que ce soit. Le demandeur a affirmé que les photocopieuses commerciales qu'il utilisait ne remettaient pas de reçus et que les frais de photocopie se rapportaient dans l'ensemble à des documents soumis à la défenderesse et à la [TRADUCTION] « Cour fédérale Cour de l'impôt » [sic]. Le demandeur a affirmé qu'un commerce lui demandait environ 63 $ pour les copies et la reliure du dossier du demandeur qu'il devait déposer devant la Cour. Il a soutenu qu'un montant de 150 $ en tout pour les 1 500 à 2 000 pages qui avaient été photocopiées est un montant modeste.
La position de la défenderesse
[5] La défenderesse s'est fondée sur les arrêts Enterprises A.B. Rimouski Inc. c. R., (2001) 262 N.R. 276 (C.A.F.), et Lavigne, précité, en vue de soutenir que le plaideur qui agit pour son propre compte n'a pas droit à des honoraires d'avocat. La défenderesse a affirmé que les dépens associés à l'instance engagée devant la Cour canadienne de l'impôt ne peuvent pas être taxés dans le mémoire de frais se rapportant à l'instance engagée devant la Cour d'appel fédérale. Elle a fait remarquer qu'un chèque de 200 $ se rapportant à l'adjudication interlocutoire des dépens avait été demandé et qu'il sera transmis au demandeur. Elle a soutenu que l'officier taxateur ne peut pas exercer le pouvoir discrétionnaire réservé à la Cour en vertu de l'article 400 des Règles. La défenderesse a signalé la preuve selon laquelle la plupart des photocopies avaient été effectuées sans qu'il en coûte quoi que ce soit au demandeur. Elle a en outre invoqué les décisions Diversified Products Corp. c. Tye-Sil Corp., (1990) 41 F.T.R. 227 (C.F. 1re inst.) et Windsurfing Int. Inc. c. Bic Sports Inc., (1985) 6 C.P.R. (3d) 526 (C.F. 1re inst.) pour dire qu'aucun montant ne devrait être accordé à l'égard des photocopies parce que le demandeur ne s'était pas acquitté de l'obligation qui lui incombait de fournir une preuve au sujet du nombre de pages, de la pertinence, de la nécessité et du caractère raisonnable, et qu'il n'avait pas produit de reçus et n'avait pas établi que le montant demandé correspondait au coût réel.
Taxation
[6] J'ai lu tous les documents qui ont été versés au dossier, mais je me suis contenté de résumer ceux qui sont pertinents aux fins de la taxation. Le 22 février 2001, dans le dossier A-538-98, Fred Turner c. La Reine, j'ai examiné les arrêts Enterprises et Lavigne, précités, ainsi que d'autres arrêts faisant autorité, et j'ai refusé d'accorder les montants demandés pour le temps qu'un plaideur agissant pour son propre compte avait consacré à l'affaire en vertu des articles du tarif B concernant les honoraires. La défenderesse s'opposait à certains articles, mais pas à tous les articles, liés aux honoraires qui étaient demandés à titre d'indemnité pour le temps consacré à l'affaire par le plaideur ici en cause. L'article 409 des Règles permet à l'officier taxateur de tenir compte des facteurs visés au paragraphe 400(3) des Règles, mais cela ne veut pas dire, eu égard aux articles 405 et 407 des Règles, à la définition de l'officier taxateur figurant à l'article 2 des Règles et à l'article 5 de la Loi sur la Cour fédérale, se rapportant à la composition de la Cour que l'officier taxateur peut exercer le pouvoir conféré à la Cour au paragraphe 400(1) des Règles. L'arrêt Lavigne, précité, a pour effet de confirmer un principe fondamental en matière de dépens; à savoir que les dépens représentent une indemnité à l'égard des sommes qui ont été payées dans la conduite d'un litige et non des sommes qui auraient pu être gagnées si ce n'avait été dudit litige. Dans la décision Feherguard Products Ltd. c. Rocky's of B.C. Leisure Ltd. [1994] A.C.F. no 2012, j'ai conclu, au paragraphe [10], que « la meilleure manière de déterminer le montant des dépens consiste à adopter dans l'application des dispositions un point de vue positif et non étroit et négatif » . Toutefois, je conclus qu'il ne serait pas justifié d'accorder quoi que ce soit pour le temps que le demandeur a consacré à l'affaire, et ce, malgré les concessions de la défenderesse, et je rejette donc le montant de 5 392,80 $ susmentionné.
[7] Le mémoire de frais, dans l'affaire Fred Turner, précitée, comprenait, comme c'est ici le cas, les dépens liés à une instance engagée devant la Cour canadienne de l'impôt. Dans cette décision-là, j'ai conclu, comme ici, que les dépens liés à l'instance engagée devant la Cour canadienne de l'impôt ne peuvent pas être taxés en tant que partie intégrante du mémoire de frais de la Cour d'appel fédérale. Selon le dossier mis à ma disposition, les frais de demande et les frais de témoin payés devant la Cour canadienne de l'impôt (de 50 $ dans chaque cas) ne peuvent donc pas être réclamés. On ne sait pas trop quel montant, sur les 150 $ réclamés pour les photocopies, est attribuable à l'instance engagée devant la Cour de l'impôt. Indépendamment de la question de savoir si ces frais de photocopie étaient de fait liés à l'instance devant la Cour d'appel fédérale ou à l'instance devant la Cour canadienne de l'impôt, étant donné que la [TRADUCTION] « Cour fédérale Cour de l'impôt » en tant qu'entité n'existe pas (il se peut que la conjonction « et » manque), les conclusions que j'ai tirées dans la décision Byers Transport c. Kosanovich [1996] A.C.F. no 760 (1re inst.) au sujet des dépens en tant qu'indemnité empêchent d'accorder quoi que ce soit pour les services que le demandeur a obtenus sans qu'il lui en coûte quoi que ce soit. Conformément au raisonnement que j'ai fait dans les décisions Carlile c. La Reine, 97 D.T.C. 5284 et Local 4004, Division du transport aérien du Syndicat canadien de la fonction publique c. Air Canada, 25 mars 1999, dossier T-323-98, j'accorde un montant de 70 $ pour les photocopies. J'accorde les 50 $ demandés au titre des droits de dépôt pour l'introduction de l'instance devant la présente Cour. Le mémoire de frais du demandeur qui, tel qu'il a été présenté, s'élevait à 5 692,80 $, est taxé, un montant de 120 $ étant accordé.
« Charles E. Stinson »
Officier taxateur
Vancouver (C.-B.)
le 19 octobre 2001
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL. L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION D'APPEL
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-154-00
INTITULÉ : Gordon E. Smith
c.
Sa Majesté la Reine
TAXATION EFFECTUÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES
MOTIFS DE LA TAXATION : MONSIEUR CHARLES E. STINSON
DATE DES MOTIFS : le 19 octobre 2001
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
M. Morris Rosenberg POUR LA DÉFENDERESSE
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)