Date : 20011018
Dossier : A-834-00
Ottawa (Ontario), le 18 octobre 2001
CORAM : LE JUGE DESJARDINS
LE JUGE DÉCARY
LE JUGE SEXTON
ENTRE :
BRUCE ALLAN BEATTIE, en sa qualité de cessionnaire de
Sicily Candice Aven, en son propre nom et au nom des
personnes désignées à l'annexe « A » ci-jointe
appelants
et
SA MAJESTÉ LA REINE
intimée
JUGEMENT
L'appel est rejeté avec dépens.
« Alice Desjardins »
Juge
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad.a.
Date : 20011018
Dossier : A-834-00
Référence neutre : 2001 CAF 309
CORAM : LE JUGE DESJARDINS
LE JUGE DÉCARY
ENTRE :
BRUCE ALLAN BEATTIE, en sa qualité de cessionnaire de
Sicily Candice Aven, en son propre nom et au nom des
personnes désignées à l'annexe « A » ci-jointe
appelants
et
SA MAJESTÉ LA REINE
intimée
Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le jeudi 27 septembre 2001.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le jeudi 18 octobre 2001.
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE SEXTON
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE DESJARDINS
LE JUGE DÉCARY
Date : 20011018
Dossier : A-834-00
Référence neutre : 2001 CAF 309
CORAM : LE JUGE DESJARDINS
LE JUGE DÉCARY
LE JUGE SEXTON
ENTRE :
BRUCE ALLAN BEATTIE, en sa qualité de cessionnaire de
Sicily Candice Aven, en son propre nom et au nom des
personnes désignées à l'annexe « A » ci-jointe
appelants
et
SA MAJESTÉ LA REINE
intimée
MOTIFS DU JUGEMENT
LE JUGE SEXTON
[1] Il s'agit d'un appel d'une ordonnance par laquelle la Section de première instance a radié la déclaration déposée par les appelants pour le motif que l'action était scandaleuse, frivole et vexatoire étant donné que les appelants voulaient débattre une question qui avait déjà été tranchée par la Cour.
Les faits :
[2] En 1978, une action a été intentée par les chefs qui étaient alors en place de la bande indienne de la rivière Blueberry et de la bande indienne de la rivière Doig contre Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et par le directeur, au sens de la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants : Bande indienne de la rivière Blueberry c. Canada (Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien) [1995] 4 R.C.S. 344 (ci-après l'arrêt Rivière Blueberry 1995). Cette action découlait de la cession et de la vente de la réserve indienne no 172, qui avait été mise de côté pour la bande indienne des Castors de Fort St. John. En 1977, la bande indienne des Castors de Fort St. John avait été divisée en deux pour devenir la bande indienne de la rivière Blueberry et la bande indienne de la rivière Doig, et tous les droits, titres et intérêts dont la bande des Castors de Fort St. John était titulaire à l'égard de la réserve indienne no 172 avaient été acquis par les nouvelles bandes indiennes de la rivière Blueberry et de la rivière Doig.
[3] La demande a été présentée par les chefs « en leur nom et en celui de tous les autres membres de la bande indienne de la rivière Doig, de la bande indienne de la rivière Blueberry ainsi que de tous les descendants encore vivants de la bande indienne des Castors » . Dans l'action, il était allégué que la Couronne était coupable de divers actes et omissions se rapportant à l'obligation fiduciaire qui lui incombait envers les demandeurs à l'égard de la réserve indienne no 172.
[4] L'affaire a été plaidée jusqu'au palier de la Cour suprême du Canada, qui a statué que les demandeurs avaient droit à des dommages-intérêts à l'encontre de la Couronne par suite du manquement à l'obligation fiduciaire qui incombait à cette dernière à l'égard des droits miniers afférents à la réserve indienne no 172. La Cour suprême a renvoyé l'affaire à la Section de première instance de la Cour fédérale pour qu'elle fixe le montant des dommages-intérêts.
[5] La question des dommages-intérêts a été réglée et, conformément à une requête visant l'obtention d'un jugement, la Section de première instance de la Cour fédérale, par un jugement en date du 2 mars 1998, a rendu en faveur des demandeurs un jugement d'un montant de 147 millions de dollars au titre des dommages-intérêts, des intérêts avant jugement et des dépens à tous les niveaux d'instance. La Cour a ordonné à la Couronne fédérale de verser ce montant à la bande indienne de la rivière Blueberry et à la bande indienne de la rivière Doig conjointement ou conformément aux directives données par ces dernières. Il est clair que la Cour traitait de toutes les demandes présentées par tous les demandeurs lorsqu'elle a dit : [TRADUCTION] « La défenderesse est par les présentes libérée à l'égard des demandes que les demandeurs ont faites dans cette action. » La Cour a en outre ordonné ce qui suit au paragraphe 11 :
[TRADUCTION] [L]e présent jugement et le règlement auquel la Cour est parvenue ne créent aucun droit en faveur des personnes décrites dans l'intitulé de la cause comme étant les « descendants encore vivants de la bande indienne des Castors » , ou en faveur de personnes décrites au paragraphe 3 de la déclaration comme étant « tous les descendants, identifiés ou non, de la bande des Castors de Fort St. John et de la bande des Castors de St. John, et leurs représentants juridiques » , notamment un droit au partage du produit du règlement. La question de leurs droits reste à déterminer conformément à l'annexe A aux termes de toute autre ordonnance de la Cour.
Bande indienne de la rivière Blueberry c. Canada (Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1998] A.C.F. no 1952 (QL) (ci-après Rivière Blueberry 1998).
[6] Dans ce jugement, la Section de première instance a également ordonné qu'un montant de 12 millions de dollars à valoir sur le produit du règlement, qui s'élevait à 147 millions de dollars, soit déposé dans un fonds détenu en fiducie en vue de garantir le paiement de toutes les demandes présentées par les [TRADUCTION] « descendants encore vivants de la bande indienne des Castors » qui n'étaient pas membres des bandes de la rivière Blueberry et de la rivière Doig. L'annexe « A » jointe au jugement prévoyait qu'un avis devait être donné aux personnes ci-après désignées au sujet de l'existence possible du droit de présenter une demande à l'encontre du produit du règlement (Rivière Blueberry 1998, précité, annexe A, premier paragraphe) :
[TRADUCTION] Toutes les personnes, autres que les membres des bandes indiennes de la rivière Blueberry et de la rivière Doig, qui étaient membres ou qui sont descendants de membres d'une bande indienne autrefois connue sous le nom de bande des Castors et par la suite connue sous le nom de bande de Fort St. John et de bande des Castors de St. John, et qui peuvent faire valoir leur droit au paiement d'une part du produit du règlement dans cette action, action qui découle d'un manquement à l'obligation fiduciaire incombant à la Couronne à l'égard de l'ancienne réserve indienne connue sous le nom de réserve indienne no 172.
[7] Ni les appelants ni aucune autre partie à l'affaire Rivière Blueberry 1998, précitée, n'ont interjeté appel à l'encontre du jugement du 2 mars 1998.
[8] Conformément à l'ordonnance du 2 mars 1998, un avis a été donné et environ 500 personnes ont soumis des demandes, y compris tous les appelants ici en cause, sauf M. Beattie; parmi ces personnes, il y avait Sicily Candice Aven, par l'entremise de laquelle M. Beattie présente maintenant une demande en se fondant sur une présumée cession. La Section de première instance a entendu les arguments invoqués sur ce point et, par un jugement daté du 7 avril 1999, Monsieur le juge Hugessen a conclu que les appelants et les autres demandeurs n'avaient pas droit à une part du produit du règlement dans l'action Rivière Blueberry. Le juge Hugessen a dit ce qui suit dans la décision Bande indienne de la rivière Blueberry c. Canada (Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien) (1999), 171 F.T.R. 91, à la page 99 (ci-après la décision Rivière Blueberry 1999) :
Les droits que la bande des Castors possédait sur la réserve indienne 172 étaient des droits collectifs dont bénéficiaient les membres de la bande à ce moment-là. Lorsque la bande des Castors a cessé d'exister, ces droits ont été transmis aux membres des deux nouvelles bandes, soit les bandes de la rivière Blueberry et de la rivière Doig. Étant donné qu'il s'agissait de droits collectifs et non de droits individuels, ces droits ne pouvaient être exercés par des particuliers ou transmis à des particuliers. L'obligation fiduciaire qui a été violée a été établie dans ce cas-ci en faveur de la bande des Castors et le droit d'action en résultant a été transmis aux nouvelles bandes. Ce droit était également un droit collectif que possédaient et que possèdent encore les membres actuels de ces bandes collectivement et non individuellement. C'est l'appartenance et non l'ascendance qui détermine le droit aux terres de la réserve et, par conséquent, aux dommages-intérêts découlant de toute violation d'une obligation fiduciaire y afférente. Par conséquent, les descendants qui ne sont pas membres de la bande ne peuvent pas avoir droit à une partie du produit du jugement.
[9] Le jugement prononcé par le juge Hugessen a fait l'objet d'un appel de la part de personnes autres que les appelants ici en cause. La Cour a rejeté cet appel dans l'arrêt Bande indienne de la rivière Blueberry c. Canada (Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), [2001] A.C.F. no 725 (QL) (ci-après l'arrêt Rivière Blueberry 2001). L'autorisation de pourvoi devant la Cour suprême du Canada a été refusée.
[10] Le 23 septembre 1999, sur requête présentée par les demandeurs dans l'action initiale, la Section de première instance a statué que la question du droit des « descendants encore vivants » avait été réglée conformément à l'ordonnance du 2 mars 1998 et que les demandes des personnes qui avaient déposé des avis de demande en vertu de l'ordonnance du 2 mars 1998 devaient être rejetées. Les appelants ici en cause n'ont pas comparu à l'audition de cette requête même s'ils avaient dûment reçu signification.
[11] Le 21 juillet 1999, Sicily Candice Aven, qui alléguait être descendante de la bande indienne des Castors, a censément cédé à l'appelant ici en cause, Bruce Allan Beattie, les avantages, indemnités ou dommages-intérêts de quelque nature qu'ils soient qui n'avaient pas été payés à la suite de la vente ou de l'aliénation, par le gouvernement de Sa Majesté, des droits miniers afférents à la réserve indienne no 172.
[12] Le 29 juillet 1999, l'appelant ici en cause, en son propre nom et au nom de 16 autres personnes, a intenté une action devant la Cour au moyen d'une déclaration dans laquelle il sollicitait des jugements déclaratoires portant sur le droit qu'ils avaient personnellement à l'égard des avantages tirés de l'aliénation des droits miniers afférents à la réserve indienne no 172. De plus, ils sollicitaient des jugements déclaratoires portant qu'ils avaient personnellement droit au paiement d'une part de la juste valeur marchande totale des droits miniers afférents à la réserve indienne no 172, ainsi que des intérêts composés exigibles à l'égard de leur prétendu droit personnel. Dans sa défense, la défenderesse a entre autres plaidé que les demandeurs ne pouvaient pas intenter cette action parce qu'il y avait chose jugée.
[13] L'intimée a présenté une demande en vue d'obtenir une ordonnance radiant la déclaration des appelants ainsi qu'une ordonnance rejetant l'action (Beattie c. Canada, [2000] A.C.F. no 1920 (QL)). Le juge de la Section de première instance a statué qu'il était clair que les appelants voulaient débattre une question qui avait déjà été tranchée par la Cour. Voici ce qu'il a dit au paragraphe 25 :
En l'espèce, ils soulèvent une question identique, soit celle du prétendu manquement de la défenderesse relativement à la réserve indienne numéro 172. La question de l'aliénation des droits miniers afférents à la réserve indienne numéro 172 a déjà été tranchée exhaustivement par les tribunaux. La présente instance ne révèle aucune cause d'action qui n'ait pas déjà fait l'objet d'une décision; par conséquent, la déclaration des demandeurs est radiée et leur action est rejetée.
[14] L'appelant a soutenu que la demande qui est présentée dans l'action ici en cause est une demande différente de celle qui a été présentée dans l'affaire Rivière Blueberry 1995, précitée. Il affirme que le manquement à l'obligation en question découle exclusivement des dispositions expresses de la clause des réserves figurant dans le Traité no 8 et que la Couronne a une obligation conjointement ou en commun envers tous les Indiens visés par le Traité no 8 et envers leurs descendants naturels au profit et à l'usage desquels la réserve indienne no 172 a initialement été mise de côté. L'appelant affirme que sa demande se rapporte uniquement aux droits personnels prévus par le Traité no 8 en ce qui concerne une part per capita des avantages tirés de l'aliénation des droits miniers afférents à la réserve indienne no 172. Il soutient en outre que le juge Hugessen a statué que les droits issus de traités n'étaient pas en cause dans la décision Rivière Blueberry 1999, précitée, et que la Cour a confirmé la chose.
[15] La Couronne signale que le Traité no 8 prévoyait la possibilité que des terres soient mises de côté en faveur de la bande, et aussi en faveur de personnes individuelles et que les Indiens ont alors décidé de faire mettre de côté la réserve indienne no 172 au profit de la bande. L'arrêt Rivière Blueberry 1995, précité, était fondé sur la thèse selon laquelle c'était la bande qui avait obtenu la réserve indienne no 172. Il ressort clairement des motifs prononcés par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Rivière Blueberry 1995, précité, 344, à la page 367, que c'était la bande qui avait reçu le lopin de terre. Madame le juge McLaughlin (tel était alors son titre) a dit ce qui suit :
[...] la bande a reçu un lopin de terre près de Fort St. John (également appelé « R.I. 172 » ), dans le nord-est de la Colombie-Britannique. [...]
En 1940, la bande a cédé à la Couronne, en fiducie, les droits miniers afférents à sa réserve de Fort St. John pour que celle-ci les loue au profit de la bande.
[16] Dans l'appel interjeté devant la Cour à l'encontre du jugement rendu par le juge Hugessen, Monsieur le juge Rothstein a fait des remarques similaires dans l'arrêt Rivière Blueberry 2001, précité, au paragraphe 27 :
Certains descendants encore vivants soutiennent que leurs droits sont des droits issus de traités et que ces droits leur ont été transmis en leur qualité de descendants des signataires du traité no 8. Les droits en litige en l'espèce ne sont pas des droits issus d'un traité. Ils découlent de l'affectation de la réserve indienne 172 à la bande indienne des Castors conformément aux obligations imposées à Sa Majesté en vertu d'un traité. Les droits appartenaient collectivement à l'ensemble des membres de la bande indienne des Castors en raison de leur appartenance à la bande et, pour les motifs qui ont déjà été exposés, ces droits ont été transmis collectivement à l'ensemble des membres des bandes de Blueberry et de Doig.
L'autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada a été refusée.
Analyse
[17] Eu égard à ces faits, il est difficile de voir comment une entité, à part la bande, pouvait présenter une demande à l'égard des droits miniers afférents à la réserve indienne no 172, et il est donc difficile de voir comment une demande peut encore être faite à l'égard de droits issus de traités en ce qui concerne la réserve indienne no 172, comme l'allèguent les appelants ici en cause. Toutefois, à mon avis, il est inutile en l'espèce de trancher cette question.
[18] La Couronne soutient que la doctrine de la chose jugée fait obstacle à l'action ici en cause, et ce, à cause de l'irrecevabilité résultant de l'identité des causes d'action ou de l'irrecevabilité résultant de l'identité des questions en litige.
[19] Les critères applicables à l'irrecevabilité résultant de l'identité des causes d'action sont ci-après énoncés :
a) un tribunal ayant la compétence voulue doit avoir rendu une décision définitive dans l'action antérieure;
b) les parties au litige subséquent doivent avoir été parties à l'action antérieure ou avoir connexité d'intérêt avec les parties à l'action antérieure;
c) la cause d'action dans l'action antérieure ne doit pas être séparée et distincte; et
d) le fondement de la cause d'action dans l'action subséquente a été ou aurait pu être plaidé dans l'action antérieure si les parties avaient fait preuve d'une diligence raisonnable.
[20] À mon avis, ces quatre critères ont été établis en l'espèce. En ce qui concerne le critère énoncé en a), une décision définitive a été rendue à l'égard du manquement à l'obligation fiduciaire qui incombait à la Couronne. Cette décision a été rendue par la Cour suprême du Canada. Il ressort clairement du jugement officiel de la Cour suprême du Canada que les demandes qui ont été présentées par les appelants contre la Couronne à l'égard des droits miniers afférents à la réserve indienne no 172 ont fait l'objet d'une décision définitive, Blueberry River 1995, précitée, à la page 408 :
Je suis d'avis d'accueillir le pourvoi et d'annuler les décisions des juridictions inférieures. Les [appelants] ont droit à des dommages-intérêts de la part de la Couronne par suite du manquement de celle-ci à l'obligation de fiduciaire qui lui incombait relativement aux droits miniers qui ont été cédés par actes de vente après le 9 août 1949.
De même, le jugement que la Section de première instance de la Cour a rendu le 2 mars 1998, Blueberry River 1998, précité, prévoit ce qui suit au paragraphe 12 :
[TRADUCTION] LA COUR ORDONNE EN OUTRE : Les demandes présentées par les demandeurs sont réunies dans le présent jugement et la défenderesse est par les présentes libérée à l'égard des demandes présentées par les demandeurs dans l'action ici en cause;
[21] Quant au critère énoncé en b), les parties au présent litige étaient également parties à l'affaire Rivière Blueberry 1999, précitée, à l'exception de M. Beattie. Toutefois, M. Beattie présente sa demande à la suite d'une cession effectuée par une partie à l'affaire Rivière Blueberry 1995, précitée.
[22] En ce qui concerne le critère énoncé en c), la cause d'action dans les deux cas (l'affaire Rivière Blueberry 1995 et la présente espèce) est fondée sur le tort qu'aurait censément causé la Couronne, soit son manquement à l'obligation fiduciaire qui lui incombait à l'égard de la réserve indienne no 172. Plus précisément, elle se rapportait à l'omission de la Couronne de réserver les droits miniers au profit de la bande.
[23] Quant au critère énoncé en d), si, comme les appelants ici en cause le soutiennent, une autre demande est présentée compte tenu du manquement à l'obligation fiduciaire qui incombait à la Couronne à l'égard de la réserve indienne no 172, cette demande aurait pu et aurait dû être présentée dans l'action Rivière Blueberry 1995. Les appelants ici en cause à l'exception de M. Beattie, dont la demande est uniquement fondée sur une cession, étaient parties à l'affaire Rivière Blueberry 1995 et elles étaient représentées par des avocats. S'ils avaient l'intention de faire valoir d'autres demandes de réparation au nom de certaines personnes, en plus des demandes qui ont été présentées au nom de la bande, ils auraient dû le faire dans cette action; or, aucune explication et aucun motif raisonnables n'ont été fournis en ce qui concerne leur omission. Dans la décision Henderson c. Henderson (1843), 3 Hare 100, 67 E.R. 313, à la page 319, le vice-chancelier Wigam a dit ce qui suit :
[TRADUCTION] Pour trancher cette question, je crois que j'énonce correctement le principe auquel le tribunal est assujetti en disant que, lorsqu'une question déterminée fait l'objet d'un litige qui est du ressort d'un tribunal compétent, le tribunal exige des parties au procès qu'elles invoquent tous les moyens dont elles disposent et il ne permettra pas aux parties (sauf dans des circonstances exceptionnelles) de rouvrir le débat sur des questions qui auraient pu être soulevées en même temps que l'objet du litige a été examiné mais qui ne l'ont pas été uniquement parce qu'on a omis de les soulever par négligence, par inadvertance ou même par accident. Le moyen tiré du principe de l'autorité de la chose jugée s'applique, sauf dans des cas spéciaux, non seulement aux questions au sujet desquelles la Cour était effectivement requise par les parties de former une opinion et de rendre un jugement, mais aussi à toutes les questions qui faisaient à juste titre partie de l'objet du litige et que les parties auraient pu soulever à ce moment-là si elles avaient fait preuve d'une diligence raisonnable. [...] Il est évident que les procès n'auraient pas de fin si cette règle n'existait pas.
[24] Par conséquent, les appelants ne peuvent pas, à mon avis, poursuivre leur nouvelle action compte tenu de la doctrine de la chose jugée, et ce, en raison de l'irrecevabilité résultant de l'identité des causes d'action.
[25] Il convient de noter les remarques que le juge Rothstein a faites à ce sujet dans l'arrêt Rivière Blueberry 2001, précité, au paragraphe 33 :
En ce qui concerne Sa Majesté et l'ensemble des appelants, y compris les descendants encore vivants, il n'y a à mon avis aucun doute que l'irrecevabilité résultant de l'identité des causes d'action s'applique. La Couronne ne peut remettre en litige la question de savoir si elle a manqué aux obligations de fiduciaire auxquelles elle était tenue envers l'un quelconque des appelants en ce qui concerne les droits miniers afférents à la réserve indienne 172.
[26] Je suis également d'avis que les appelants ne peuvent pas poursuivre leur action en raison de la doctrine de la chose jugée, et ce, à cause de l'irrecevabilité résultant de l'identité des questions en litige. Les appelants ont comparu et ont présenté leurs plaidoiries devant le juge Hugessen dans l'affaire Rivière Blueberry 1999, précitée, et ont invoqué devant lui exactement les mêmes arguments que ceux qui sont ici avancés. Les appelants qui ont perdu leur cause devant le juge Hugessen n'ont pas participé à l'appel interjeté contre la décision que celui-ci avait rendue et il y a donc chose jugée. Comme il en a été fait mention, d'autres personnes ont interjeté appel contre la décision du juge Hugessen et l'appel a été rejeté.
[27] Je ne puis constater aucune erreur de la part du juge de première instance et l'appel devrait donc être rejeté avec dépens.
« J. Edgar Sexton »
Juge
« Je souscris à cet avis,
Le juge Alice Desjardins »
« Je souscris à cet avis,
Le juge Robert Décary »
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad.a., LL.L.
ANNEXE « A »
LISTE DES DEMANDEURS REPRÉSENTÉS
Tracy Candice Aven,
Alexander Chipesia,
Daniel Ronald Chipesia,
Darcy Chipesia,
Lorraine Chipesia,
Mary Chipesia,
Peter Chipesia,
Richard Douglas Chipesia,
Doreen Marie Reno,
Gary Ray Reno,
Jacqueline Reno,
William Kenneth Reno,
Earl Kenneth Thomas,
Brian Wolf,
Gabrial Louie Wolf,
James Wolf,
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION D'APPEL
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-834-00
INTITULÉ : BRUCE ALLAN BEATTIE et autres
c.
Sa Majesté la Reine
LIEU DE L'AUDIENCE : Vancouver (C.-B.)
DATE DE L'AUDIENCE : le 27 septembre 2001
MOTIFS DU JUGEMENT PAR : Monsieur le juge Sexton
Y ONT SOUSCRIT : Madame le juge Desjardins
Monsieur le juge Décary
DATE DES MOTIFS : le 18 octobre 2002
COMPARUTIONS :
M. Bruce Beattie POUR SON COMPTE
M. Kenneth Tyler POUR L'INTIMÉE
M. Angus Gunn
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
M. Bruce Beattie POUR SON COMPTE
Vernon (C.-B.)
Borden, Ladner, Gervais LLP POUR L'INTIMÉE
Vancouver (C.-B.)