Date : 20031114
Dossier : A-517-02
Référence : 2003 CAF 426
CORAM : LE JUGE ROTHSTEIN
LE JUGE SEXTON
ENTRE :
KIRK CHARETTE
appelant
et
LE COMMISSAIRE DE LA CONCURRENCE intimé
Audience tenue à Toronto (Ontario), le 21 octobre 2003.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 14 novembre 2003.
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE SEXTON
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE ROTHSTEIN
LE JUGE MALONE
Date : 20031114
Dossier : A-517-02
Référence : 2003 CAF 426
CORAM : LE JUGE ROTHSTEIN
LE JUGE SEXTON
LE JUGE MALONE
ENTRE :
KIRK CHARETTE
appelant
et
LE COMMISSAIRE DE LA CONCURRENCE
intimé
MOTIFS DU JUGEMENT
Introduction
[1] En l'espèce, la question clé est de savoir si le commissaire de la concurrence (le « commissaire » ) est tenu de mener une enquête formelle sur les plaintes présentées par l'appelant en vertu de l'alinéa 10(1)a) de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, ch. C-34 (la « Loi » ) au sujet d'activités anticoncurrentielles alors que le commissaire a déjà mené une enquête approfondie sur ces plaintes et qu'il a conclu qu'elles ne méritaient pas qu'il mène une enquête formelle en vertu de l'alinéa 10(1)b) de la Loi.
[2] Depuis mai 1999, l'appelant a déposé à plusieurs reprises de nombreuses plaintes auprès du commissaire et a demandé que l'on tienne une enquête sur ces plaintes en vertu de l'alinéa 10(1)b) de la Loi. Le commissaire a enquêté sur ces plaintes et a décidé qu'il n'était pas nécessaire de tenir une enquête formelle en vertu de l'alinéa 10(1)b) parce qu'il n'y avait aucun motif de croire que la Loi avait été enfreinte. L'appelant, après avoir reçu cette décision du commissaire, a tenté d'obtenir, sans présenter aucun autre élément de preuve, la tenue d'une enquête en vertu de l'alinéa 10(1)a) sur des plaintes identiques à celles que le commissaire avait déjà jugées injustifiées. La question en litige est de savoir si, dans ces circonstances, le commissaire était tenu de mener une enquête en vertu de l'alinéa 10(1)a).
Le contexte législatif
[3] L'article 10 de la Loi mentionne trois cas dans lesquels le commissaire peut ordonner la tenue d'une enquête. Premièrement, le commissaire peut ordonner la tenue d'une enquête en vertu de l'alinéa 10(1)a) sur demande faite en vertu de l'article 9 par six personnes résidant au Canada, âgées de dix-huit ans au moins qui sont d'avis que la Loi a été enfreinte. Deuxièmement, le commissaire peut ordonner la tenue d'une enquête en vertu de l'alinéa 10(1)b) lorsqu'il a des raisons de croire que la Loi a été enfreinte. Troisièmement, le commissaire peut ordonner la tenue d'une enquête en vertu de l'alinéa 10(1)c) lorsque le ministre de l'Industrie le lui ordonne.
[4] Les dispositions pertinentes de la Loi sont ainsi libellées :
9. (1) Six personnes résidant au Canada et âgées de dix-huit ans au moins peuvent demander au commissaire de procéder à une enquête dans les cas où elles sont d'avis, selon le cas : |
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9. (1) Any six persons resident in Canada who are not less than eighteen years of age and who are of the opinion that |
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a) qu'une personne a contrevenu à une ordonnance rendue en application des articles 32, 33 ou 34, ou des parties VII.1 ou VIII; |
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(a) a person has contravened an order made pursuant to section 32, 33 or 34, or Part VII.1 or VIII, |
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b) qu'il existe des motifs justifiant une ordonnance en vertu des parties VII.1 ou VIII; |
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(b) grounds exist for the making of an order under Part VII.1 or VIII, or c) qu'une infraction visée à la partie VI ou VII a été perpétrée ou est sur le point de l'être. |
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(c) an offence under Part VI or VII has been or is about to be committed,
may apply to the Commissioner for an inquiry into the matter.
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(2) La demande est accompagnée d'un exposé, sous forme de déclaration solennelle, indiquant : |
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(2) An application made under subsection (1) shall be accompanied by a statement in the form of a solemn or statutory declaration showing |
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a) les noms et adresses des requérants et, à leur choix, les nom et adresse de l'un d'entre eux ou d'un procureur, avocat ou conseil qu'ils peuvent, pour recevoir toutes communications prévues par la présente loi, avoir autorisé à les représenter; |
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(a) the names and addresses of the applicants, and at their election the name and address of any one of their number, or of any attorney, solicitor or counsel, whom they may, for the purpose of receiving any communication to be made pursuant to this Act, have authorized to represent them; |
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b) la nature :
(i) soit de la prétendue contravention,
(ii) soit des motifs permettant de rendre une ordonnance,
(iii) soit de la prétendue infraction,
et les noms des personnes qu'on croit y être intéressées et complices; |
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(b) the nature of
(i) the alleged contravention,
(ii) the grounds alleged to exist for the making of an order, or
(iii) the alleged offence
and the names of the persons believed to be concerned therein and privy thereto; and |
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c) un résumé des éléments de preuve à l'appui de leur opinion. |
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(c) a concise statement of the evidence supporting their opinion. |
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10. (1) Le commissaire fait étudier, dans l'un ou l'autre des cas suivants, toutes questions qui, d'après lui, nécessitent une enquête en vue de déterminer les faits : |
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10. (1) The Commissioner shall |
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a) sur demande faite en vertu de l'article 9; |
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(a) on application made under section 9, |
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b) chaque fois qu'il a des raisons de croire : |
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(b) whenever the Commissioner has reason to believe that |
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(i) soit qu'une personne a contrevenu à une ordonnance rendue en application des articles 32, 33 ou 34, ou des parties VII.1 ou VIII, |
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(i) a person has contravened an order made pursuant to section 32, 33 or 34, or Part VII.1 or Part VIII, |
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(ii) soit qu'il existe des motifs justifiant une ordonnance en vertu des parties VII.1 ou VIII, |
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(ii) grounds exist for the making of an order under Part VII.1 or Part VIII, or |
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(iii) soit qu'une infraction visée à la partie VI ou VII a été perpétrée ou est sur le point de l'être; |
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(iii) an offence under Part VI or VII has been or is about to be committed, or c) chaque fois que le ministre lui ordonne de déterminer au moyen d'une enquête si l'un des faits visés aux sous-alinéas b)(i) à (iii) existe. |
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(c) whenever directed by the Minister to inquire whether any of the circumstances described in subparagraphs (b)(i) to (iii) exists,
cause an inquiry to be made into all such matters as the Commissioner considers necessary to inquire into with the view of determining the facts. |
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(2) À la demande écrite d'une personne dont les activités font l'objet d'une enquête en application de la présente loi ou d'une personne qui a demandé une enquête conformément à l'article 9, le commissaire instruit ou fait instruire cette personne de l'état du déroulement de l'enquête. |
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(2) The Commissioner shall, on the written request of any person whose conduct is being inquired into under this Act or any person who applies for an inquiry under section 9, inform that person or cause that person to be informed as to the progress of the inquiry. |
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(3) Les enquêtes visées au présent article sont conduites en privé. |
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(3) All inquiries under this section shall be conducted in private. |
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Les faits
A. Les plaintes présentées par l'appelant en vertu de l'alinéa 10(1)b)
[5] Depuis mai 1999, l'appelant a déposé les plaintes suivantes auprès du commissaire de la concurrence et a demandé qu'une enquête formelle soit menée en vertu de l'alinéa 10(1)b) de la Loi.
Les plaintes présentées en vertu des paragraphes 75(1) et 79(1) de la Loi
[6] En mai 1999, l'appelant, Kirk Charette, a déposé sa première plainte auprès du Bureau de la concurrence. Il s'est plaint que Delta Controls Systems Inc. (Delta), un fabricant de systèmes de chauffage commercial, de ventilation et d'air conditionné et Durell Control Systems Inc. (Durell), le distributeur exclusif des produits Delta à London (Ontario), ont refusé de fournir des produits Delta à son entreprise, en contravention du paragraphe 75(1) de la Loi qui est ainsi libellé :
75. (1) Lorsque, à la demande du commissaire ou d'une personne autorisée en vertu de l'article 103.1, le Tribunal conclut : |
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75. (1) Where, on application by the Commissioner or a person granted leave under section 103.1, the Tribunal finds that a) qu'une personne est sensiblement gênée dans son entreprise ou ne peut exploiter une entreprise du fait qu'elle est incapable de se procurer un produit de façon suffisante, où que ce soit sur un marché, aux conditions de commerce normales; |
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(a) a person is substantially affected in his business or is precluded from carrying on business due to his inability to obtain adequate supplies of a product anywhere in a market on usual trade terms, |
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b) que la personne mentionnée à l'alinéa a) est incapable de se procurer le produit de façon suffisante en raison de l'insuffisance de la concurrence entre les fournisseurs de ce produit sur ce marché; |
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(b) the person referred to in paragraph (a) is unable to obtain adequate supplies of the product because of insufficient competition among suppliers of the product in the market, |
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c) que la personne mentionnée à l'alinéa a) accepte et est en mesure de respecter les conditions de commerce normales imposées par le ou les fournisseurs de ce produit; |
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(c) the person referred to in paragraph (a) is willing and able to meet the usual trade terms of the supplier or suppliers of the product, |
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d) que le produit est disponible en quantité amplement suffisante; |
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(d) the product is in ample supply, and |
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e) que le refus de vendre a ou aura vraisemblablement pour effet de nuire à la concurrence dans un marché,
le Tribunal peut ordonner qu'un ou plusieurs fournisseurs de ce produit sur le marché en question acceptent cette personne comme client dans un délai déterminé aux conditions de commerce normales à moins que, au cours de ce délai, dans le cas d'un article, les droits de douane qui lui sont applicables ne soient supprimés, réduits ou remis de façon à mettre cette personne sur un pied d'égalité avec d'autres personnes qui sont capables de se procurer l'article en quantité suffisante au Canada. |
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(e) the refusal to deal is having or is likely to have an adverse effect on competition in a market,
the Tribunal may order that one or more suppliers of the product in the market accept the person as a customer within a specified time on usual trade terms unless, within the specified time, in the case of an article, any customs duties on the article are removed, reduced or remitted and the effect of the removal, reduction or remission is to place the person on an equal footing with other persons who are able to obtain adequate supplies of the article in Canada. |
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[7] M. Charette venait de créer une entreprise appelée Basis (Building Automation Systems and Integration Services) à London (Ontario). M. Charette a affirmé au Bureau de la concurrence que son entreprise oeuvrait dans la fourniture et l'entretien de systèmes de gestion de l'énergie dans les édifices et les établissements de grande dimension.
[8] En juin 1999, M. Charette a déposé une autre plainte selon laquelle Delta et Durell abusaient de leur position dominante dans le marché de l'énergie, en contravention du paragraphe 79(1) de la Loi. Le paragraphe 79(1) est ainsi libellé :
79. (1) Lorsque, à la suite d'une demande du commissaire, il conclut à l'existence de la situation suivante : |
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79. (1) Where, on application by the Commissioner, the Tribunal finds that |
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a) une ou plusieurs personnes contrôlent sensiblement ou complètement une catégorie ou espèce d'entreprises à la grandeur du Canada ou d'une de ses régions; |
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(a) one or more persons substantially or completely control, throughout Canada or any area thereof, a class or species of business, |
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b) cette personne ou ces personnes se livrent ou se sont livrées à une pratique d'agissements anti-concurrentiels; |
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(b) that person or those persons have engaged in or are engaging in a practice of anti-competitive acts, and |
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c) la pratique a, a eu ou aura vraisemblablement pour effet d'empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence dans un marché,
le Tribunal peut rendre une ordonnance interdisant à ces personnes ou à l'une ou l'autre d'entre elles de se livrer à une telle pratique. |
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(c) the practice has had, is having or is likely to have the effect of preventing or lessening competition substantially in a market,
the Tribunal may make an order prohibiting all or any of those persons from engaging in that practice. |
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[9] Le personnel du Bureau de la concurrence a consacré beaucoup de temps à enquêter sur ses plaintes. Durant l'enquête, les membres du personnel ont communiqué à de nombreuses reprises avec M. Charette par courriels, appels téléphoniques et lettres afin de recueillir son témoignage et de l'aider à comprendre la Loi. Le personnel du Bureau a également communiqué avec Delta et Durell afin de recueillir les renseignements pertinents et a consulté des tiers oeuvrant dans l'industrie.
[10] Le 11 août 1999, après avoir examiné l'ensemble des renseignements qu'il avait recueillis, le Bureau de la concurrence a informé M. Charette dans un courriel détaillé qu'il avait conclu qu'il n'y avait aucune preuve que Delta ou Durell aient contrevenu à l'article 75 ou 79 de la Loi.
[11] Quant à la plainte présentée en vertu de l'article 75 concernant le refus de fournir des produits, le Bureau de la concurrence a affirmé que M. Charette n'avait jamais demandé à Durell de lui vendre des produits, il ne pouvait donc se plaindre que Durell avait refusé de lui founir des produits, en contravention de l'article 75. De plus, Delta n'était pas tenue en vertu de la Loi de vendre ses produits directement à M. Charette. Delta avait le droit de choisir Durell comme distributeur exclusif de ses produits. Le Bureau a affirmé que, pour qu'il poursuive son enquête, M. Charette devait prouver que Durell avait refusé de lui founir des produits Delta.
[12] Quant à la plainte relative à l'abus de la position dominante présentée en vertu de l'article 79 de la Loi, le Bureau a conclu, après avoir mené une enquête approfondie, que le marché de la fabrication et de la vente de systèmes de chauffage commercial, de ventilation et d'air conditionné était concurrentiel et que Delta n'occupait pas une position dominante dans le marché canadien ou ontarien. Par conséquent, l'article 79 n'avait pas été enfreint.
[13] Malgré ce courriel, le personnel du Bureau a continué d'enquêter et de répondre aux demandes de renseignements de M. Charette ainsi qu'à ses demandes d'examen de documents additionnels.
[14] Le 26 octobre 1999, dans un autre courriel détaillé, le Bureau de la concurrence a réitéré sa conclusion à M. Charette qu'il n'y avait aucune preuve que l'article 75 ou 79 avait été enfreint.
[15] Quant à l'article 75, le Bureau a affirmé que M. Charette n'avait encore fourni aucune preuve qu'il avait formellement demandé à Durell de lui vendre des produits Delta et, par conséquent, il ne pouvait y avoir de plainte quant à un refus de fournir des produits. Au contraire, les renseignements fournis par Durell indiquaient qu'elle consentait à vendre des produits Delta à M. Charette mais que celui-ci ne lui avait jamais demandé qu'elle lui vende quelque produit que ce soit. Le Bureau a affirmé ce qui suit : [traduction] « Tant qu'il n'y a pas de refus formel, le Bureau n'a aucun motif de mener une enquête plus approfondie » .
[16] De plus, le Bureau a expliqué à M. Charette que pour qu'il y ait abus de position dominante en contravention de l'article 79 de la Loi, il doit y avoir une diminution sensible de la compétition sur le marché pertinent. Selon la preuve recueillie, ni Delta, ni Durell n'étaient des sociétés occupant une position dominante. Elles n'occupaient que des parts relativement petites dans un marché concurrentiel.
Les plaintes présentées en vertu du paragraphe 45(1) et de l'alinéa 50(1)a) de la Loi
[17] En juin 1999, M. Charette a déposé de nouvelles plaintes auprès de la Direction générale des affaires criminelles du Bureau selon lesquelles Delta et Durell contrevenaient aux dispositions criminelles de la Loi. M. Charette s'est notamment plaint au Bureau que Delta et Durell étaient impliquées dans une conspiration visant à diminuer la concurrence, en contravention du paragraphe 45(1) de la Loi. Le paragraphe 45(1) est ainsi libellé :
45. (1) Commet un acte criminel et encourt un emprisonnement maximal de cinq ans et une amende maximale de dix millions de dollars, ou l'une de ces peines, quiconque complote, se coalise ou conclut un accord ou arrangement avec une autre personne : |
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45. (1) Every one who conspires, combines, agrees or arranges with another person
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a) soit pour limiter, indûment, les facilités de transport, de production, de fabrication, de fourniture, d'emmagasinage ou de négoce d'un produit quelconque; |
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(a) to limit unduly the facilities for transporting, producing, manufacturing, supplying, storing or dealing in any product, |
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b) soit pour empêcher, limiter ou réduire, indûment, la fabrication ou production d'un produit ou pour en élever déraisonnablement le prix; |
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(b) to prevent, limit or lessen, unduly, the manufacture or production of a product or to enhance unreasonably the price thereof, |
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c) soit pour empêcher ou réduire, indûment, la concurrence dans la production, la fabrication, l'achat, le troc, la vente, l'entreposage, la location, le transport ou la fourniture d'un produit, ou dans le prix d'assurances sur les personnes ou les biens; |
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(c) to prevent or lessen, unduly, competition in the production, manufacture, purchase, barter, sale, storage, rental, transportation or supply of a product, or in the price of insurance on persons or property, or |
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d) soit, de toute autre façon, pour restreindre, indûment, la concurrence ou lui causer un préjudice indu.
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(d) to otherwise restrain or injure competition unduly,
is guilty of an indictable offence and liable to imprisonment for a term not exceeding five years or to a fine not exceeding ten million dollars or to both. |
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[18] En octobre 1999, M. Charette s'est plaint que Delta et Durell se livraient à de la discrimination en matière de prix, en contravention de l'alinéa 50(1)a) de la Loi, parce qu'il était incapable de se procurer des produits Delta aux mêmes conditions que Durell. M. Charette a affirmé que Durell et Delta avait conclu un accord de distribution qui permettait à Durell d'acheter des produits Delta en deçà du prix de vente au détail. L'alinéa 50(1)a) de la Loi est ainsi libellé :
50. (1) Commet un acte criminel et encourt un emprisonnement maximal de deux ans toute personne qui, exploitant une entreprise, selon le cas :
a) est partie intéressée ou contribue, ou aide, à une vente qui est, à sa connaissance, directement ou indirectement, discriminatoire à l'endroit de concurrents d'un acheteur d'articles de cette personne en ce qu'un escompte, un rabais, une remise, une concession de prix ou un autre avantage est accordé à l'acheteur au-delà et en sus de tout escompte, rabais, remise, concession de prix ou autre avantage accessible à ces concurrents au moment où les articles sont vendus à cet acheteur, à l'égard d'une vente d'articles de qualité et de quantité similaires; |
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50. (1) Every one engaged in a business who
(a) is a party or privy to, or assists in, any sale that discriminates to his knowledge, directly or indirectly, against competitors of a purchaser of articles from him in that any discount, rebate, allowance, price concession or other advantage is granted to the purchaser over and above any discount, rebate, allowance, price concession or other advantage that, at the time the articles are sold to the purchaser, is available to the competitors in respect of a sale of articles of like quality and quantity...
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[19] Dans une lettre datée du 2 novembre 1999, la sous-commissaire de la concurrence a expliqué que, selon l'alinéa 50(1)a), commet un acte criminel le vendeur qui exerce sciemment de la discrimination à l'endroit de concurrents s'ils achètent des articles de qualité et de quantité similaires. La sous-commissaire a réitéré que la Loi n'exige pas que Delta vende ses produits directement aux clients; Delta a plutôt le droit de conclure un accord de distribution avec Durell en vertu duquel Durell a le droit d'acheter des produits Delta au-deçà du prix de vente au détail à condition qu'elle s'engage à acheter une certaine quantité minimum de produits et à donner un service de qualité. De plus, comme le volume d'achats de Durell était beaucoup plus important que celui de M. Charette, il était tout à fait acceptable que Durell achète des produits Delta à des conditions plus avantageuses.
[20] La sous-commissaire de la concurrence a également traité la plainte de M. Charette présentée en vertu du paragraphe 45(1) de la Loi. La sous-commissaire a estimé qu'il n'existait aucune preuve que le paragraphe 45(1) avait été enfreint. Elle a affirmé que la conclusion d'accords de distribution exclusive était une pratique normale dans le monde des affaires au Canada, et que cette pratique n'est pas, en soi, anticoncurrentielle.
[21] Toujours dans cette même lettre, la sous-commissaire de la concurrence a affirmé qu'après avoir examiné soigneusement les renseignements que M. Charette avait fournis par courriel et par téléphone, ainsi que les renseignements recueillis auprès d'autres participants sur le marché, le Bureau a conclu qu'il n'y avait aucune raison de croire que des dispositions civiles ou criminelles de la Loi avaient été enfreintes, et, par conséquent, il n'y avait aucune raison de mener une enquête formelle en vertu de l'alinéa 10(1)b). Toutefois, la sous-commissaire a de nouveau affirmé que le Bureau était prêt à réexaminer la plainte relative au refus de fournir présentée par M. Charette s'il fournissait la preuve que Durell avait vraiment refusé de lui fournir des produits Delta et qu'il ne pouvait s'approvisionner auprès d'autres distributeurs de produits Delta. La sous-commissaire a affirmé que Durell était prête à approvisionner l'appelant selon les conditions commerciales habituelles et avait même envoyé à M. Charette une demande de crédit.
[22] Après avoir reçu la lettre du 12 novembre 1999 envoyée par la sous-commissaire l'informant que rien ne justifiait la tenue d'une enquête formelle en rapport avec l'une ou l'autre des dispositions civiles ou criminelles de la Loi, l'appelant a continué de déposer des plaintes identiques auprès du Bureau de la concurrence sans présenter aucun nouvel élément de preuve. M. Charette a communiqué à de nombreuses reprises avec le personnel du Bureau par courriels, appels téléphoniques et lettres.
La plainte présentée en vertu du paragraphe 52(1) de la Loi
[23] Dans une lettre datée du 9 décembre 1999, M. Charette a déposé une nouvelle plainte auprès de la Direction des pratiques loyales des affaires du Bureau selon laquelle Delta avait contrevenu au paragraphe 52(1) de la Loi en donnant des indications fausses ou trompeuses à un tiers, l'amenant à croire que son entreprise ne constituait pas un fournisseur de service acceptable des produits Delta. Comme preuve de cette prétention, M. Charette a fait état d'une lettre datée du 8 novembre 1999 écrite par Delta et envoyée à la ville de London. La lettre mentionnait simplement que Basis n'était pas un concessionnaire agréé de Delta et n'avait aucun lien avec Delta ou Durell. M. Charette ne prétend pas être un concessionnaire agréé de Delta. Le paragraphe 52(1) de la Loi est ainsi libellé :
52. (1) Nul ne peut, de quelque manière que ce soit, aux fins de promouvoir directement ou indirectement soit la fourniture ou l'utilisation d'un produit, soit des intérêts commerciaux quelconques, donner au public, sciemment ou sans se soucier des conséquences, des indications fausses ou trompeuses sur un point important. |
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52. (1) No person shall, for the purpose of promoting, directly or indirectly, the supply or use of a product or for the purpose of promoting, directly or indirectly, any business interest, by any means whatever, knowingly or recklessly make a representation to the public that is false or misleading in a material respect. |
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[24] Dans un courriel daté du 26 janvier 2000, un enquêteur à la Direction générale des affaires civiles du Bureau a affirmé qu'il avait discuté de la plainte présentée par M. Charette en vertu de l'article 52 avec des hauts fonctionnaires du Bureau et qu'ils avaient conclu à l'unanimité que la lettre écrite par Delta ne soulevait aucune question en litige au titre des dispositions civiles de la Loi.
[25] Après cela, M. Charette a continué de se plaindre dans de nombreuses lettres et de nombreux courriels que Delta et Durell contrevenaient aux mêmes dispositions civiles et criminelles de la Loi que celles dont il avait déjà été question. Les fonctionnaires du Bureau ont continué d'examiner les plaintes de M. Charette et lui ont demandé d'autres renseignements. Par exemple, dans divers courriels, le personnel du Bureau a demandé à M. Charette s'il avait demandé à Durell de lui vendre des produits et, dans l'affirmative, en quelle quantité. M. Charette n'a pas répondu à ces demandes.
[26] Dans une lettre datée du 9 mars 2000, le sous-commissaire adjoint de la concurrence a expliqué à nouveau à M. Charette que ni Delta, ni Durell, ne contrevenaient à l'alinéa 50(1)a) de la Loi. Il a expliqué dans cette lettre que les sociétés sont libres de choisir leurs propres méthodes de distribution et de choisir leurs propres distributeurs. Par conséquent, l'appelant ne détient pas un droit qui lui permet d'acheter directement ses produits chez Delta. Il doit plutôt acheter ses produits chez Durell. Selon la lettre, il n'y avait pas lieu de mener une enquête formelle sur la question de savoir si l'article 50 avait été enfreint.
[27] Le 20 mars 2000, M. Charette a de nouveau soumis une lettre au Bureau concernant une plainte identique quant à la discrimination par les prix. Dans une lettre datée du 31 mars 2000, à la demande du commissaire, la sous-commissaire a répondu une fois de plus à cette plainte. La sous-commissaire a mentionné qu'elle avait examiné attentivement les renseignements fournis par l'appelant ainsi que l'analyse du personnel du Bureau et qu'elle avait conclu que l'alinéa 50(1)a) ne s'appliquait pas à sa plainte.
[28] Dans une série de courriels et de télécopies envoyés entre le 29 mars 2000 et le 17 avril 2000, l'appelant a fait de nouvelles allégations qui ne sont pas pertinentes aux fins du présent appel et a répété les plaintes qu'il avait présentées antérieurement quant à la discrimination par les prix.
[29] Dans une lettre datée du 19 avril 2000, le sous-commissaire adjoint de la concurrence a déclaré que le Bureau avait déjà décidé qu'il n'y avait pas lieu de mener une enquête formelle sur la discrimination par les prix et qu'il avait fermé le dossier.
[30] Même si le Bureau avait affirmé que le dossier était clos, l'appelant a continué d'envoyer une série de courriels, de lettres et de télécopies au Bureau, toujours en rapport avec la même plainte de discrimination par les prix.
Les plaintes présentées en vertu du paragraphe 64(1) de la Loi
[31] Dans une lettre datée du 11 août 2000, envoyée au commissaire de la concurrence, M. Charette a déposé une nouvelle plainte selon laquelle le sous-commissaire adjoint avait tenté d'entraver à la justice en tentant d'empêcher que l'on mène une enquête sur ses plaintes, en contravention du paragraphe 64(1) de la Loi. Dans cette lettre, M. Charette a formulé l'allégation grave selon laquelle [traduction] « on avait délibérément empêché la tenue d'une enquête » . Le paragraphe 64(1) de la Loi est ainsi libellé :
64. (1) Nul ne peut d'aucune façon entraver ou empêcher ou tenter d'entraver ou d'empêcher une enquête ou un interrogatoire sous le régime de la présente loi. |
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64. (1) No person shall in any manner impede or prevent or attempt to impede or prevent any inquiry or examination under this Act. |
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[32] Dans une lettre datée du 28 août 2000, le commissaire a affirmé à M. Charette qu'il avait enquêté sur sa plainte d'entrave à la justice et que le personnel qui avait examiné ses plaintes et décidé s'il était justifié que l'on mène une enquête, avait agi d'une manière exemplaire, compte tenu du temps et des efforts qu'il y avait consacrés. Le commissaire a affirmé que le personnel avait répondu en détails à M. Charette, au moyen de nombreuses lettres, de nombreux courriels et de nombreux appels téléphoniques, qu'il n'existait aucune preuve que des membres du Bureau aient tenté d'empêcher la tenue d'une enquête sur les plaintes présentées par M. Charette.
[33] Le commissaire de la concurrence a également réitéré la position antérieure du Bureau selon laquelle il n'existait aucune preuve que Delta ou Durell avait contrevenu aux dispositions civiles ou criminelles de la Loi et que rien ne justifiait la tenue d'une enquête en vertu de l'alinéa 10(1)b) de la Loi. Le commissaire a déclaré qu'à moins que M. Charette ne présente de nouveaux éléments de preuve, l'enquête sur ses plaintes serait close.
[34] Le 31 août 2000, M. Charette a écrit à son député une lettre dans laquelle il avait résumé ses plaintes d'entrave à la justice. Une copie de cette lettre a été envoyée au ministre de l'industrie.
[35] Dans une lettre datée du 12 septembre 2000, M. Charette a demandé que le commissaire mène une enquête plus approfondie sur ses plaintes fondées sur l'article 64. Par la suite, M. Charette a déposé des plaintes additionnelles d'entrave à la justice contre pratiquement chacun des membres du Bureau de la concurrence qui avait enquêté sur ses allégations, notamment le commissaire de la concurrence, un commissaire intérimaire de la concurrence, le sous-commissaire adjoint de la concurrence et un enquêteur à la Direction générale des affaires criminelles du Bureau de la concurrence. En déposant ses nombreuses plaintes d'entrave à la justice, M. Charette a prétendu que le personnel du Bureau avait commis des erreurs de droit en interprétant la Loi.
[36] Dans une lettre datée du 26 septembre 2000, le commissaire a affirmé qu'il avait renvoyé les plaintes de M. Charette à François Coté, avocat principal au ministère de la Justice.
[37] M. Coté a enquêté sur ces plaintes; il a même rendu visite à M. Charette à London (Ontario). En février, M. Côté a informé M. Charette qu'il avait conclu qu'il n'y avait pas eu entrave à la justice quant à l'une ou l'autre de ses plaintes.
[38] Après que M. Coté eut informé M. Charette de ses conclusions, le 16 février 2001, M. Charette a déposé une plainte formelle selon laquelle M. Côté lui-même avait entravé à la justice dans le cours de ses enquêtes.
[39] Le sous-ministre adjoint, Droit des affaires et conseiller juridique auprès du ministère de l'Industrie, a enquêté sur ces nouvelles accusations. En mars 2001, il a écrit une lettre à M. Charette dans laquelle il lui a mentionné qu'après avoir enquêté sur l'affaire, il était convaincu que l'on avait pris tous les moyens possibles pour enquêter sur ses plaintes et que rien ne prouvait que des représentants du gouvernement avaient entravé à la justice. Il a de plus affirmé que le Bureau de la concurrence avait pris la décision définitive de ne pas mener d'enquête sur les plaintes d'entrave et qu'il considérait que l'affaire était close.
[40] Dans l'ensemble, le commissaire a consacré plus de 500 heures, pendant 22 mois, à enquêter sur les plaintes de M. Charette. Durant ce processus d'enquête, M. Charette a envoyé à différents membres du personnel du Bureau au moins 177 courriels, télécopies et lettres. En retour, le Bureau a répondu à 79 reprises à M. Charette, que ce soit par courriels, télécopies ou lettres.
B. Les plaintes présentées en vertu de l'article 9 et de l'alinéa 10(1)a)
[41] Dans une lettre datée du 14 février 2001, envoyée au Bureau, M. Charette a affirmé qu'étant donné que ses plaintes ne faisaient pas l'objet d'une enquête en vertu de l'alinéa 10(1)b), il a présumé qu'il lui serait nécessaire de présenter une demande en vertu de l'article 9 de la Loi. Après qu'il eut été informé pour la dernière fois en mars que rien ne justifiait la tenue d'un enquête sur ses plaintes en vertu de l'alinéa 10(1)b) de la Loi, dans une lettre datée du 26 mars 2001, envoyée au commissaire, M. Charette et, comme l'exige l'article 9, cinq autres personnes résidant au Canada, c'est-à-dire, Ginette Charette, Rheal Charette, Claudette Charette, Ghislain Morin et Vianne Morrin, ont demandé la tenue d'une enquête en vertu de l'article 9 et de l'alinéa 10(1)a) de la Loi. Dans un addenda à la demande faite en vertu de l'article 9, les cinqs autres demandeurs ont demandé à ce que M. Charette reçoive en leur nom l'ensemble de la correspondance émanant du Bureau.
[42] La demande faite en vertu de l'article 9 comprenait exactement des plaintes identiques à celles qui avaient été présentées contre Delta et Durell ainsi que celles qui avaient été présentées contre les membres du Bureau de la concurrence, lesquelles avaient été jugées injustifiées. Cette demande ne mentionnait aucun nouvel élément de preuve. La demande faite en vertu de l'article 9 comprenait notamment les trois plaintes qui suivent. Premièrement, le fait que Durell puisse acheter des produits Delta à des prix plus avantageux que ne le peuvent l'appelant et les autres compétiteurs constitue de la discrimination par les prix, en contravention de l'alinéa 50(1)a) de la Loi. Deuxièmement, Delta a donné des indications trompeuses selon lesquelles l'entreprise de l'appelant ne constituait pas un fournisseur de service acceptable, en contravention de l'article 52 de la Loi. Troisièmement, un enquêteur du Bureau a tenté d'entraver une enquête, en contravention de l'article 64 de la Loi.
[43] Le commissaire a décidé de ne pas mener d'enquête sur ces plaintes présentées en vertu de l'alinéa 10(1)a) car il avait déjà enquêté sur celles-ci et avait jugé qu'elles n'étaient pas fondées. Toutefois, le commissaire n'a pas informé M. Charette de sa décision de ne pas mener d'enquête en vertu de l'alinéa 10(1)a) en raison de la correspondance antérieure qu'il avait envoyée à M. Charette l'informant que le commissaire, à défaut de nouveaux éléments de preuve, ne mènerait pas d'enquête sur les mêmes plaintes. Le 17 avril 2001, M. Charette a fait une demande écrite, comme l'exige le paragraphe 10(2), pour obtenir des renseignements sur l'état du déroulement de l'enquête menée en application de l'alinéa 10(1)a), mais le commissaire n'a pas répondu.
[44] Le 26 septembre 2001, M. Charette a déposé une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale car selon lui le commissaire était tenu d'ordonner la tenue d'une enquête en application de l'alinéa 10(1)a) et était tenu, en vertu du paragraphe 10(2), de répondre aux demandes de renseignements écrites de M. Charette sur le déroulement de l'enquête. M. Charette a présenté une demande de mandamus enjoignant au commissaire de s'acquitter de ces obligations légales. Il importe de souligner que c'est M. Charette qui, seul, a présenté la demande de mandamus. Les cinq autres personnes qui ont signé la plainte préésentée en vertu de l'article 9 n'ont pas été jointes comme parties à la demande de contrôle judiciaire, ce qui indique que M. Charette est manifestement l'initiateur de la plainte.
[45] M. Charette a également déposé une déclaration contre le commissaire et Delta, dans laquelle il a soulevé les mêmes questions qui avaient déjà fait l'objet d'une enquête de la part du commissaire. Cette déclaration a été radiée et fait l'objet d'un appel distinct.
[46] Après avoir déposé sa demande de contrôle judiciaire, M. Charette a continué à écrire au Bureau de la concurrence et de présenter d'autres arguments visant à démontrer pourquoi le Bureau devrait mener une enquête sur sa plainte. Il n'a présenté aucun nouvel élément de preuve pendant ce temps. De plus, M. Charette a prétendu que le commissaire était impliqué dans une « fraude criminelle » , qu'il « mentait » et que l'avocat contribuait à la commission d'une infraction criminelle en représentant le commissaire dans la demande de contrôle judiciaire.
La décision du tribunal de première instance
[47] Premièrement, la juge des requêtes a conclu que le commissaire s'était déjà acquitté au complet de son obligation légale envers M. Charette. Le commissaire a mené une enquête sur les plaintes de M. Charette et a jugé qu'il n'était pas nécessaire de mener une enquête en vertu de l'alinéa 10(1)b) de la Loi. Par conséquent, le commissaire n'avait pas l'obligation d'ordonner la tenue d'une enquête formelle en vertu de l'alinéa 10(1)a). L'article 10 doit être interprété de manière à éviter la possibilité que des plaintes identiques soient présentées l'une après l'autre, sans que de nouveaux faits ne soient soulevés. De plus, le commissaire s'est déjà acquitté envers M. Charette de son obligation légale prévue au paragraphe 10(2) de la Loi parce qu'il a pleinement informé M. Charette des résultats de son enquête et de sa conclusion selon laquelle il n'était pas nécessaire de mener une enquête en vertu de l'alinéa 10(1)b).
[48] Deuxièmement, dans le cas où le commissaire avait l'obligation d'ordonner la tenue d'une enquête en vertu de l'alinéa 10(1)a), la juge des requêtes a conclu qu'elle exercerait son pouvoir discrétionnaire de ne pas rendre d'ordonnance de mandamus parce que les actions de M. Charette équivalaient à un abus de procédure. M. Charette devrait être empêché de monopoliser les ressources du Bureau au détriment de l'intérêt public qui commande un fonctionnement efficace de la Loi.
Les questions en litige
1. La juge des requêtes a-t-elle commis une erreur en concluant que le commissaire n'était pas obligé d'ordonner la tenue d'une enquête en vertu de l'alinéa 10(1)a) de la Loi sur des plaintes qui ont déjà fait l'objet d'une enquête approfondie et pour lesquelles il a été jugé qu'il n'était pas nécessaire de mener une enquête formelle en vertu de l'alinéa 10(1)b) de la Loi?
2. La juge des requêtes a-t-elle commis une erreur en concluant que le commissaire avait satisfait à l'exigence prévue au paragraphe 10(2) d'informer M. Charette sur l'état du déroulement de l'enquête?
3. Si le commissaire était obligé d'ordonner la tenue d'une enquête en vertu de l'alinéa 10(1)a) de la Loi ou s'il ne s'est pas acquitté de son obligation prévue au paragraphe 10(2), la juge des requêtes a-t-elle commis une erreur dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de ne pas rendre d'ordonnance de mandamus?
L'analyse
1. Le commissaire de la concurrence n'était pas obligé d'ordonner la tenue d'une enquête formelle en vertu de l'alinéa 10(1)a) de la Loi
[49] Dans les circonstances particulières de l'espèce, je suis d'avis que le commissaire de la concurrence n'était pas obligé d'ordonner la tenue d'une enquête en vertu de l'alinéa 10(1)a) de la Loi. Je souscris aux conclusions de fait tirées par la juge des requêtes. Les plaintes que M. Charette a présentées en vertu de l'article 9 de la Loi pour lesquelles il demande la tenue d'une enquête en vertu de l'alinéa 10(1)a) sont exactement les mêmes plaintes qui ont déjà fait l'objet d'une enquête de plusieurs heures de la part du commissaire et que celui-ci a jugées tout à fait non fondées. Fait important, M. Charette n'a soumis aucun nouvel élément de preuve susceptible d'étayer ces plaintes, il a simplement renvoyé le commissaire à la preuve qu'il avait déjà examinée lorsqu'il avait décidé qu'il n'était pas nécessaire de mener une enquête en vertu du paragraphe 10(1)b) de la Loi.
[50] Une analyse fondée sur l'objet visé par l'article 10 de la Loi révèle que le commissaire n'est pas obligé d'ordonner la tenue d'une enquête formelle en vertu de l'alinéa 10(1)a) sur les plaintes pour lesquelles il a déjà mené une enquête approfondie et pour lesquelles il a conclu qu'il n'était pas nécessaire de mener une enquête en vertu de l'alinéa 10(1)b). L'objet visé par l'article 10 de la Loi est que le commissaire recueille des renseignements afin de décider s'il existe des motifs justifiant, soit l'introduction d'une instance en matière civile devant le Tribunal de la concurrence, soit la présentation d'éléments de preuve au procureur général du Canada qu'une instance en matière criminelle devrait être introduite. Voir la décision Canada (Directeur adjoint des enquêtes et recherches) c. Warner Music Group Inc. (1997), 138 F.T.R. 140. Dans l'ouvrage intitulé The Canadian Competition Law Handbook, Flavell et Kent affirment ce qui suit aux pages 29 et 40 :
[traduction] Le chef de l'application de la Loi sur la concurrence au Canada est le directeur des enquêtes et recherches [maintenant appelé le commissaire] et il est nommé par le gouverneur en conseil (le Cabinet fédéral) en vertu de l'article 7 de la Loi. Le directeur [commissaire] et le personnel du Bureau de la concurrence enquêtent sur des cas dans lesquels on soupçonne qu'il y a eu contravention aux interdictions criminelles prévues dans la Loi ou dans lesquels on soupçonne qu'il y a des motifs justifiant que le Tribunal de la concurrence rende une ordonnance civile en vertu de sa compétence d'entendre et juger les affaires qu'il peut examiner.
[...]
Si des questions de droit de la concurrence sont soulevées [lors d'une enquête], le directeur dispose d'un certain nombre de solutions de rechanges en matière d'application de la loi. Dans le cas des solutions les plus informelles et les moins envahissantes, le directeur peut régler un cas sans faire intervenir le procureur général ou sans déposer une demande formelle devant le Tribunal, par l'acceptation d'un engagement écrit à corriger la situation [...]
Lorsque le directeur estime que les éléments de preuve recueillis indiquent qu'il y a eu infraction criminelle, le directeur peut, aux fins d'examen, remettre au procureur général du Canada les dossiers et les éléments de preuve qu'il a obtenus ou, à la discrétion de ce dernier, aux fins d'introduction d'une instance [...]
Lorsque, à n'importe quel moment pendant ou après une enquête, le directeur est d'avis que les éléments de preuve révèlent la présence de comportements, de conduites ou de phénomène de marché qui peuvent légitimement faire l'objet d'un contrôle de la part du Tribunal dans le cadre de sa compétence en matière civile, le directeur peut faire une demande officielle au Tribunal pour que celui-ci apporte une ou plusieurs mesures de réparation parmi celles dont il dispose, allant de l'ordonnance sur consentement à l'ordonnance de desaississement total.
Dans les circonstances de l'espèce, l'objet visé par l'article 10 a déjà été atteint parce que le commissaire a déjà jugé que, après avoir recueilli les renseignements pertinents et après avoir mené une enquête approfondie sur l'affaire, il n'y avait aucun motif de croire que la Loi avait été enfreinte. L'objet visé par la Loi ne sera pas favorisé par la conclusion que le commissaire doit ordonner la tenue d'une enquête formelle alors qu'il a déjà été jugé que cela n'est pas nécessaire.
[51] Le commissaire a déjà effectué tout le travail auquel il serait tenu en vertu de l'alinéa 10(1)a) si M. Charette avait initialement déposé ses plaintes par le biais d'une demande faite en vertu de l'article 9. Le commissaire, par le biais du personnel du Bureau de la concurrence, a recueilli l'ensemble des renseignements pertinents auprès de M. Charette, Delta, Durell et des tiers oeuvrant dans l'industrie. Après avoir examiné ces renseignements, le commissaire a conclu qu'il n'y avait absolument aucun motif de croire que Delta ou Durell avait enfreint la Loi. Par conséquent, le commissaire a bel et bien effectué l'enquête qui aurait été exigée si M. Charette avait d'abord fait une demande en vertu de l'article 9.
[52] La Loi ne dit pas en quoi consiste l' « enquête » à laquelle renvoie l'article 10. Dans le Concise Oxford English Dictionary, le mot « enquête » est défini comme étant la [traduction] « recherche de renseignements » . En l'espèce, le commissaire a déjà recueilli l'ensemble des renseignements pertinents et il est convaincu qu'il n'y a aucun motif de croire que la Loi a été enfreinte. De plus, comme je l'ai déjà souligné, l'objet visé par l'article 10 a déjà été atteint en l'espèce et il n'y a aucune raison d'exiger que le commissaire ordonne la tenue d'une enquête formelle en vertu de l'alinéa 10(1)a).
[53] Le paragraphe 22(1) de la Loi, dans lequel il est mentionné que le commissaire dispose d'un large pouvoir discrétionnaire pour discontinuer une enquête en tout temps lorsqu'il estime que la poursuite de l'enquête n'est pas justifiée, appuie l'interprétation de l'article 10 selon laquelle le commissaire n'est pas tenu d'ordonner la tenue d'une enquête formelle dans les circonstances de l'espèce. Le paragraphe 22(1) est ainsi libellé :
22. (1) Le commissaire peut, à toute étape d'une enquête visée à l'article 10, discontinuer l'enquête en question lorsqu'il estime que l'affaire sous étude ne justifie pas la poursuite de l'enquête. |
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22. (1) At any stage of an inquiry under section 10, if the Commissioner is of the opinion that the matter being inquired into does not justify further inquiry, the Commissioner may discontinue the inquiry. |
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[54] Enfin, une interprétation selon laquelle l'alinéa 10(1)a) exige la tenue d'une enquête dans les circonstances de l'espèce, conduirait à des résultats absurdes. Une telle interprétation permettrait à des personnes d'abuser de la procédure prévue à l'article 10 de la Loi car elles pourraient déposer des plaintes identiques en vertu des alinéas 10(1)a) et 10(1)b) de la Loi, sans présenter de nouveaux éléments de preuve, alors qu'une enquête approfondie a déjà été menée. Le commissaire serait, par conséquent, obligé de consacrer des ressources du Bureau à la tenue de nouvelles enquêtes sur ces plaintes. Selon le juge Gonthier, qui s'exprimait au nom de la Cour à la majorité dans l'arrêt Ontario c. Canadien Pacifique Ltée, [1995] 2 R.C.S. 1028, il faut éviter toute interprétation menant à une absurdité. Le juge Gonthier a déclaré ce qui suit à la page 1082 :
En deuxième lieu, l'interprétation restrictive de la notion d' « usage » figurant à l'alinéa 13(1)a) trouve confirmation non seulement dans son contexte au sein du régime législatif, mais aussi dans le principe selon lequel une loi doit recevoir une interprétation qui évite des résultats absurdes. Dans son ouvrage Interprétation des lois (2e éd. 1990), Pierre-André Côté souligne aux pages 436 et 437 que l'examen des conséquences d'interprétations contraires aide les tribunaux à déterminer la signification réelle recherchée par le législateur. Comme l'on peut présumer que le législateur ne cherche pas à créer par ses lois des résultats injustes ou inéquitables, il faut adopter les interprétations judiciaires qui permettent d'éviter de tels résultats. L'une des méthodes employées pour éviter l'absurdité consiste à donner une interprétation restrictive, à la page 94 : [traduction] « On a souvent recours au principe de l'absurdité pour justifier l'application restrictive d'une disposition. » Lorsqu'une disposition se prête à plus d'une interprétation, le principe de l'absurdité peut permettre de rejeter les interprétations qui entraînent des conséquences négatives, puisqu'on peut présumer que le législateur ne visait pas de telles conséquences.
[55] Lorsque, à partir de mai 1999, M. Charette a commencé à déposer ses plaintes auprès du commissaire, il a décidé de procéder en vertu de l'alinéa 10(1)b) de la Loi. En l'absence de nouveaux éléments de preuve, il ne devrait pas être autorisé à déposer de nouveau les mêmes plaintes en vertu de l'alinéa 10(1)a). Les plaintes de M. Charette ont déjà fait l'objet d'enquêtes approfondies et il déjà été informé du résultat de ces enquêtes.
[56] Je tiens à souligner que je n'affirme pas que, dès qu'un plaignant convainc le commissaire d'ordonner la tenue d'une enquête en vertu de l'alinéa 10(1)b), il n'a automatiquement plus le droit de déposer des plaintes identiques en vertu de l'alinéa 10(1)a). L'enquête menée par le commissaire doit faire l'objet d'un examen. Ce n'est que lorsque le commissaire a mené une enquête approfondie et complète sur les plaintes, tel qu'il aurait été tenu de le faire s'il avait mené une enquête formelle en vertu de l'alinéa 10(1)a), qu'il n'est pas obligé d'ordonner la tenue d'une enquête formelle et de mener une fois de plus une enquête en vertu de l'alinéa 10(1)a).
2. Le commissaire s'est acquitté de l'obligation que lui impose le paragraphe 10(2) de la Loi
[57] Même si le commissaire n'était pas obligé d'ordonner la tenue d'une enquête formelle en vertu de l'alinéa 10(1)a), le commissaire avait l'obligation en vertu du paragraphe 10(2) de répondre à la demande écrite de renseignements faite par M. Charette sur l'état du déroulement de l'enquête. Le paragraphe 10(2) est ainsi libellé :
10. (2) À la demande écrite d'une personne dont les activités font l'objet d'une enquête en application de la présente loi ou d'une personne qui a demandé une enquête conformément à l'article 9, le commissaire instruit ou fait instruire cette personne de l'état du déroulement de l'enquête. |
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10. (2) The Commissioner shall, on the written request of any person whose conduct is being inquired into under this Act or any person who applies for an inquiry under section 9, inform that person or cause that person to be informed as to the progress of the inquiry. |
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Dans les circonstances de l'espèce, le paragraphe 10(2) signifie que la personne qui a demandé une enquête en vertu de l'article 9 doit être informée du fait que le commissaire croit que rien ne justifie la tenue d'une enquête formelle car des enquêtes ont déjà été menées.
[58] Selon moi, d'après les faits de l'espèce, le commissaire s'est acquitté de son obligation. Premièrement, avant que M. Charette ne fasse une demande en vertu de l'article 9, le commissaire avait déjà donné à M. Charette de nombreuses explications détaillées quant à la raison pour laquelle, en l'absence de nouveaux éléments de preuve, ses plaintes n'étaient pas fondées. Le commissaire a clairement mentionné que son enquête sur les plaintes de M. Charette était close et qu'il ne mènerait pas d'autres enquêtes à moins que M. Charette ne présente de nouveaux éléments de preuve. Comme nous l'avons déjà mentionné, les plaintes mentionnées dans la demande faite en vertu de l'article 9 sont exactement les mêmes que celles qui ont été présentées antérieurement par M. Charette. Comme M. Charette n'a présenté aucun nouvel élément de preuve dans sa demande faite en vertu de l'article 9, il était logique que le commissaire ne réponde pas à la demande de M. Charette, compte tenu de la position qu'il avait déjà prise, à savoir que l'enquête était close en raison de l'absence de nouveaux éléments de preuve.
[59] Enfin, compte tenu que dans les circonstances particulières de l'espèce, le paragraphe 10(2) exigeait tout au plus que le commissaire informe M. Charette que, conformément à la position qu'il avait déjà prise, il n'ordonnerait pas la tenue d'une enquête formelle, le commissaire a exprimé clairement sa position lorsqu'il a répondu à la demande de contrôle judiciaire de M. Charette. Eugene Besruky, l'un des membres du personnel du Bureau qui a enquêté sur les plaintes de M. Charette a déclaré ce qui suit aux paragraphes 12 et 13 d'un affidavit déposé en réponse à la demande de contrôle judiciaire :
[traduction] [...] M. Charette a présenté une demande d'enquête par le commissaire en vertu de l'article 9 de la Loi sur la concurrence. C'est cette demande qui fait l'objet de sa plainte dans la présente demande en justice. Les trois plaintes soulevées dans l'avis de demande de M. Charette font partie de celles qui sont susmentionnées et qui ont fait l'objet d'une enquête complète de la part du Bureau et dont rapport a été donné à M. Charette (voir les annexes J, U, V, W, DD, HH, JJ, ci-jointes.)
Dans ces circonstances, le Bureau n'a pas ouvert d'autre enquête sur des plaintes identiques à celles qui ont déjà fait l'objet d'un examen et d'un rapport et qui ont tout simplement été présentées sous une nouvelle forme aux fins de l'article 9 de la Loi sur la concurrence. En effet, la présente demande ne vise même pas à présenter de nouveaux éléments de preuve, elle souligne plutôt que le Bureau a été saisi des principaux éléments de preuve depuis le début de l'enquête sur ses plaintes. [non souligné dans l'original]
[60] M. Charette a manifestement été informé que le commissaire n'ordonnerait pas la tenue d'une enquête formelle en vertu de l'alinéa 10(1)a). Par conséquent, les obligations auxquelles le commissaire est tenu en vertu du paragraphe 10(2) ont été remplies.
3. Si le commissaire était tenu par la loi d'ordonner la tenue d'une enquête en vertu de l'alinéa 10(1)a) ou s'il ne s'est pas acquitté de l'obligation que lui impose le paragraphe 10(2), la juge Tremblay-Lamer n'a pas commis d'erreur dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de refuser un mandamus.
[61] Le caractère discrétionnaire du pouvoir de rendre une ordonnance de mandamus de la Cour ressort de la jurisprudence et du paragraphe 18.1(3) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7. Dans l'arrêt Re Central Canada Potash Co. Ltd. et al. and Minister of Mineral Resources for Saskatchewan (1973), 32 D.L.R. (3d) 107 (C.A. Sask.) p. 115; autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée (1973), 38 D.L.R. (3d) 317, la Cour a déclaré ce qui suit :
[...] Il est indubitable que le mandamus est avant tout un redressement assujetti à l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire. Même s'il serait difficile d'énumérer avec précision tous les motifs pour lesquels il serait justifié pour un juge de refuser le bref dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, ces motifs sont en fait nombreux et généraux.
De plus, le paragraphe 18.1(3) de la Loi sur la Cour fédérale est ainsi libellé :
3) Sur présentation d'une demande de contrôle judiciaire, la Section de première instance peut :
a) ordonner à l'office fédéral en cause d'accomplir tout acte qu'il a illégalement omis ou refusé d'accomplir ou dont il a retardé l'exécution de manière déraisonnable; [non souligné dans l'original] |
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18.1(3) On an application for judicial review, the Trial Division may
(a) order a federal board, commission or other tribunal to do any act or thing it has unlawfully failed or refused to do or has unreasonably delayed in doing; or... [emphasis added] |
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[62] Dans l'arrêt Apotex Inc. c. Canada, [1994] 1 C. F. 742 (Apotex), la Cour a énuméré les exigences qui doivent être satisfaites avant qu'une ordonnance de mandamus ne puisse être accordée. En l'espèce, la Cour a déclaré au paragraphe 45 que l'une des conditions préalables à la délivrance d'une ordonnance de mandamus est que « compte tenu de la "balance des inconvénients" une ordonnance de mandamus devrait être rendue » . La juge Tremblay-Lamer n'a pas commis d'erreur en concluant que, dans les circonstances particulières de l'espèce, selon la prépondérance des inconvénients, il est préférable de refuser l'ordonnance en mandamus.
[63] Premièrement, il ne serait guère utile qu'une ordonnance de mandamus soit rendue en l'espèce. Dans l'arrêt Apotex, précité, au paragraphe 45, la Cour a mentionné que l'une des conditions préalables à la délivrance d'une ordonnance de mandamus est qu'elle aura une incidence sur le plan pratique. Comme je l'ai déjà souligné, le commissaire a déjà mené une enquête approfondie sur l'ensemble des plaintes soulevées par M. Charette dans la demande qu'il a faite en vertu de l'article 9 et a jugé qu'elles n'étaient pas fondées. Il n'y aurait aucun avantage à exiger que le commissaire ordonne la tenue d'une enquête formelle dans ces circonstances. Même si la Cour ordonnait au commissaire d'ordonner la tenue d'enquête en vertu de l'alinéa 10(1)a), le commissaire a le pouvoir discrétionnaire de discontinuer cette enquête en tout temps s'il estime qu'elle n'est pas nécessaire et, après avoir mené une enquête approfondie, le commissaire est manifestement de cet avis. La décision que la Cour suprême du Canada a rendue dans l'arrêt Maple Lodge Farms Ltd. c. Canada, [1982] 2 R.C.S. 2 donne à penser qu'en prenant cette décision discrétionnaire, le commissaire ne doit tout simplement pas agir de mauvaise foi, se fonder sur des considérations qui sont non pertinentes à l'objet de la Loi ou enfreindre les principes de l'équité procédurale. En l'espèce, le commissaire n'a rien fait de tout cela.
[64] M. Charette a fait valoir que si le commissaire n'a pas reçu l'ordre de mener une enquête formelle en vertu de l'alinéa 10(1)a) de la Loi, alors il n'a plus le droit d'interjeter appel du résultat de l'enquête devant le ministre de l'Industrie, en vertu du paragraphe 22(4) de la Loi. Le paragraphe 22(4) est ainsi libellé :
22. (4) Le ministre peut, de sa propre initiative ou à la demande écrite des requérants visés à l'article 9, réviser la décision du commissaire de discontinuer l'enquête prévue à l'article 10 et, s'il estime que les circonstances le justifient, il peut donner au commissaire l'ordre de poursuivre l'enquête. |
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22. (4) The Minister may, on the written request of Applicants under section 9 or on the Minister's own motion, review any decision of the Commissioner to discontinue an inquiry under section 10, and may, if in the Minister's opinion the circumstances warrant, instruct the Commissioner to make further inquiry. |
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[65] Contrairement aux prétentions de M. Charette, le paragraphe 22(4) de la Loi n'accorde pas aux requérants visés à l'article 9 le droit d'interjeter appel de la décision du commissaire devant le ministre; le paragraphe 22(4) prévoit plutôt que le ministre a le pouvoir discrétionnaire de réviser la décision du commissaire et de donner au commissaire l'ordre de poursuivre l'enquête. Fait important, le ministre, en vertu de l'alinéa 10(1)c) de la Loi, a le pouvoir discrétionnaire de demander au commissaire de mener une enquête sur une affaire même si le commissaire n'a pas discontinué une enquête. Par conséquent, même si la Cour n'ordonne pas au commissaire d'ordonner la tenue d'une enquête en vertu de l'alinéa 10(1)a), le ministre, en vertu de l'alinéa 10(1)c), a toujours le pouvoir discrétionnaire d'ordonner au commissaire de mener une enquête sur l'affaire.
[66] Il ne serait guère utile d'exiger que le commissaire, en application du paragraphe 10(2), informe M. Charette de son opinion selon laquelle il n'est pas nécessaire d'enquêter davantage sur ses plaintes. M. Charette sait déjà parfaitement qu'il s'agit là de la position du commissaire.
[67] Deuxièmement, bien qu'une ordonnance de mandamus n'aurait presque aucune incidence sur le plan pratique pour M. Charette, le refus de rendre l'ordonnance, dans les circonstances particulières de l'espèce, aurait une grande incidence sur le plan pratique pour l'intérêt public. Le commissaire ne dispose pas de ressources illimitées. Si la Cour ordonnait au commissaire de mener une enquête formelle sur des affaires qui ont déjà fait l'objet d'une enquête approfondie de sa part, le commissaire disposerait de moins de ressources pour l'examen des nouvelles plaintes.
[68] De plus, M. Charette, en demandant d'abord la tenue d'une enquête, puis en encourageant par ses actions le commissaire à mener une enquête approfondie sur ses plaintes en vertu de l'alinéa 10(1)b) et, finalement, en déposant des plaintes identiques en vertu de l'alinéa 10(1)a) a abusé des procédures de la Loi. Cet abus de procédure donne également à penser que, en l'espèce, on ne devrait par rendre d'ordonnance de mandamus.
[69] Enfin, bien que déjà, selon la prépondérance des inconvénients, il soit préférable que, en l'espèce, on ne rende pas d'ordonnance de mandamus, je souligne que M. Charette a déposé de graves plaintes d'entrave à la justice contre les membres du personnel du Bureau de la concurrence alors que ces allégations n'étaient pas fondées. Cet agissement constitue un autre facteur dont il faut tenir compte lorsque l'on décide si, en l'espèce, on doit accorder la mesure de redressement discrétionnaire qu'est le mandamus.
Conclusion
[70] Dans les circonstances particulières de l'espèce, l'article 10 de la Loi ne doit pas être interprété comme exigeant que le commissaire ordonne la tenue d'une enquête formelle en vertu de l'alinéa 10(1)a) sur les plaintes présentées par M. Charette en l'absence de nouveaux éléments de preuve alors qu'il a déjà mené une enquête approfondie sur ces plaintes. De plus, le commissaire s'est déjà acquitté envers M. Charette des obligations que lui imposait le paragraphe 10(2) de la Loi. Quoi qu'il en soit, en l'espèce, selon la prépondérance des inconvénients, on ne devrait pas rendre d'ordonnance de mandamus.
[71] L'appel est rejeté avec dépens.
_ J. Edgar Sexton _
Juge
« Je souscris aux présents motifs
Marshall Rothstein, juge »
« Je souscris aux présents motifs
B. Malone J.A. »
Traduction certifiée conforme
Claude Leclerc, LL.B., trad. a.
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-517-02
INTITULÉ : KIRK CHARETTE
et
LE COMMISSAIRE DE LA CONCURRENCE
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ON)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 21 OCTOBRE 2003
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE SEXTON
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE ROTHSTEIN
LE JUGE MALONE
DATE DES MOTIFS : LE 14 NOVEMBRE 2003
COMPARUTIONS :
Kirk Charette L'APPELANT POUR SON
PROPRE COMPTE
Melanie Aitken POUR L'INTIMÉ
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Kirk Charette L'APPELANT POUR SON
London (Ontario) PROPRE COMPTE
Melanie Aitken POUR L'INTIMÉ
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada
Date : 20031114
Dossier : A-517-02
Ottawa (Ontario), le 14 novembre 2003
CORAM : LE JUGE ROTHSTEIN
LE JUGE SEXTON
LE JUGE MALONE
ENTRE :
KIRK CHARETTE
appelant
et
LE COMMISSAIRE DE LA CONCURRENCE
intimé
JUGEMENT
L'appel est rejeté avec dépens.
_ Marshall Rothstein _
Juge
Traduction certifiée conforme
Claude Leclerc, LL.B., trad. a.