Dossier : A-539-00
OTTAWA (ONTARIO), LE 11 JANVIER 2001
CORAM : LE JUGE STONE
LE JUGE LÉTOURNEAU
LE JUGE EVANS
ENTRE :
LE COMMISSAIRE DE LA CONCURRENCE,
appelant,
- et -
SUPÉRIEUR PROPANE INC.
et PROPANE ICG INC.,
intimées.
JUGEMENT
L'appel est rejeté avec dépens.
A. J. Stone
J.C.A.
Traduction certifiée conforme
Linda Brisebois, LL.B.
Date: 20010111
Dossier : A-539-00
CORAM : LE JUGE STONE
LE JUGE LÉTOURNEAU
LE JUGE EVANS
ENTRE :
LE COMMISSAIRE DE LA CONCURRENCE,
appelant,
- et -
SUPÉRIEUR PROPANE INC.
et PROPANE ICG INC.,
intimées.
Audience tenue à Ottawa (Ontario), le jeudi 11 janvier 2001.
Jugement rendu à l'audience le jeudi 11 janvier 2001.
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LE JUGE STONE
Date : 20010111
Dossier : A-539-00
CORAM: LE JUGE STONE
ENTRE :
LE COMMISSAIRE DE LA CONCURRENCE,
appelant,
- et -
SUPÉRIEUR PROPANE INC.
et PROPANE ICG INC.,
intimées.
(Prononcés à l'audience à Ottawa (Ontario),
le jeudi 11 janvier 2001)
le juge stone
[1] Il s'agit en l'espèce d'un appel d'une ordonnance du Tribunal de la concurrence, en date du 8 septembre 2000, rendue par le juge Nadon, agissant en cette qualité conformément au paragraphe 11(1) de la Loi sur Tribunal de la concurrence, L.R.C. (1985), ch. C-19 (2e suppl.).
[2] Le Tribunal a accueilli la requête des défenderesses visant à obtenir une ordonnance portant confirmation que l'ordonnance provisoire par consentement du 11 décembre 1998 (l'ordonnance de tenir les éléments d'actif séparés) n'est plus en vigueur depuis le 30 août 2000, date du rejet de la demande de l'appelant sous le régime de l'article 92 de la Loi sur la concurrence, L.R.C. (1985), ch. C-34 (la Loi).
[3] L'ordonnance de tenir les éléments d'actif séparés a été rendue en vertu de l'article 104 de la Loi, lequel dispose :
104. (1) Lorsqu'une demande d'ordonnance a été faite en application de la présente partie, sauf en ce qui concerne les ordonnances provisoires en vertu de l'article 100, le Tribunal peut, à la demande du commissaire, rendre toute ordonnance provisoire qu'il considère justifiée conformément aux principes normalement pris en considération par les cours supérieures en matières interlocutoires et d'injonction. (2) Une ordonnance provisoire rendue aux termes du paragraphe (1) contient les conditions et a effet pour la durée que le Tribunal estime nécessaires et suffisantes pour parer aux circonstances de l'affaire. (3) Lorsqu'une ordonnance provisoire a force d'application aux termes du paragraphe (1), le commissaire doit avec toute la diligence possible, mener à terme les procédures prévues par la présente partie à l'égard des agissements concernant lesquels l'ordonnance a été rendue. |
104. (1) Where an application has been made for an order under this Part, other than an interim order under section 100, the Tribunal, on application by the Commissioner, may issue such interim order as it considers appropriate, having regard to the principles ordinarily considered by superior courts when granting interlocutory or injunctive relief. (2) An interim order issued under subsection (1) shall be on such terms, and shall have effect for such period of time, as the Tribunal considers necessary and sufficient to meet the circumstances of the case. (3) Where an interim order issued under subsection (1) is in effect, the Commissioner shall proceed as expeditiously as possible to complete proceedings under this Part arising out of the conduct in respect of which the order was issued. |
[4] Ainsi qu'il est dit dans l'ordonnance de tenir les éléments d'actif séparés, la demande faite en application de l'article 104 visait à [TRADUCTION] « préserver l'indépendance, la viabilité, les activités et la capacité concurrentielle de ICG Enterprise » pour une « période provisoire » . Selon la définition qu'en donnait l'ordonnance, la « période provisoire » s'entendait de [TRADUCTION] « la période commençant à la date du prononcé de la présente ordonnance provisoire et se terminant à la date convenue entre le directeur et Supérieur Propane Inc. ou fixée par ordonnance du Tribunal » . Aux termes du paragraphe 31, l'ordonnance devait entrer en vigueur le jour de son prononcé [TRADUCTION] « et cesser d'avoir effet à la date fixée par ordonnance du Tribunal » .
[5] Le juge Nadon a donné de brefs motifs à l'appui de sa conclusion que l'ordonnance de tenir les éléments d'actif séparés avait expiré le 30 août 2000. Le coeur de son raisonnement y apparaît aux paragraphes 4 et 5 :
[TRADUCTION]
[4] Comme le prévoit clairement le paragraphe 104(1) de la Loi, une ordonnance provisoire peut être rendue par le Tribunal lorsqu'une demande a été faite en application de la Partie VIII de la Loi. La demande faite par le Commissaire en vue d'obtenir une ordonnance sous le régime de l'article 92 est une demande faite en application de la Partie VIII. Lorsque l'ordonnance de tenir les éléments d'actif séparé a été rendue le 11 décembre 1998, le Tribunal était saisi d'une demande du Commissaire, sous le régime de la Partie VIII, demande que le Tribunal a rejetée par son ordonnance du 30 août 2000.
[5] À mon avis, en raison de l'ordonnance du 30 août 2000, le Tribunal n'a plus compétence pour prononcer une ordonnance provisoire en vertu de l'article 104 de la Loi. Aucune demande sous le régime de la Partie VIII n'est en instance devant le Tribunal. L'appel qu'a interjeté le Commissaire devant la Cour d'appel fédérale découle de l'article 13 de la Loi sur la Tribunal de la concurrence.
Le juge Nadon n'a pas non plus trouvé appui dans les dispositions du paragraphe 31 de l'ordonnance de tenir les éléments d'actif séparés. Il s'est exprimé ainsi au paragraphe 10 de ses motifs :
[TRADUCTION]
[10] Étant donné que le Tribunal n'a pas encore rendu d'ordonnance mettant fin à l'ordonnance de tenir les éléments d'actif séparés, le Commissaire soutient que l'ordonnance provisoire est toujours en vigueur. Je conviens avec les défenderesses que les parties ne pouvaient, par consentement, conférer au Tribunal compétence pour rendre des ordonnances provisoires après le prononcé de la décision du 30 août 2000. Il va sans dire que le Tribunal ne peut étendre lui-même sa compétence en se fondant sur le paragraphe [31] de l'ordonnance de
tenir les éléments d'actifs séparés, pas plus qu'il ne peut le faire en se fondant sur l'ordonnance du 31 mai 2000.
[6] Le juge Nadon a estimé que les motifs rendus par le juge Teitlebaum en date du 22 septembre 1992 dans Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Loi sur la concurrence) c. Southam Inc., [1992] C.C.T.D. No 11 (Q.L.) étayaient son analyse. Il s'est également servi du préambule de l'ordonnance de tenir les éléments d'actifs séparés où il est dit que la demande faite par l'appelant en application de l'article 104 avait pour but de [TRADUCTION] « maintenir la concurrence au sein du marché et la capacité du Tribunal de la concurrence d'ordonner les mesures réparatrices appropriées jusqu'à que sa décision définitive soit rendue [. . .] à l'égard de la demande présentée sous le régime de l'article 92 de la Loi » .
[7] L'appelant allègue que le juge Nadon a commis plusieurs erreurs dans sa décision. En premier lieu, il allègue que le juge a eu tort de conclure qu'il n'avait pas compétence pour maintenir l'ordonnance de tenir les éléments d'actif séparés ou pour en prononcer une nouvelle parce que la décision rendue sous le régime de l'article 92 était « définitive » . En deuxième lieu, il n'a pas pris ou a pris insuffisamment en considération les dispositions du paragraphe 104(2) de la Loi portant que l'ordonnance rendue sous le régime de l'article 104(1) a « effet pour la durée que le Tribunal estime nécessaire et suffisante pour parer aux circonstances de l'affaire » . En troisième lieu, il n'a pas tenu compte de l'économie générale de la Loi. Enfin, il a donné de l'article 104 une interprétation qui laissera un vide juridique grave dans l'administration de la Loi, que ne commande pas le texte législatif.
[8] À titre préliminaire, la Cour doit déterminer la norme à utiliser pour l'examen de la décision et de l'ordonnance du juge Nadon. L'appelant soutient que la norme appropriée est celle du bien-fondé de la décision, puisque l'appel porte exclusivement sur une question de droit. Toutefois, les intimées font valoir que la Cour devrait appliquer la norme de la décision raisonnable. Nous sommes convaincus que la norme de contrôle appropriée est celle du bien-fondé de la décision, pour le motif que la question de savoir si l'ordonnance de tenir les éléments d'actif séparés a expiré le 30 août 2000 ou continué, ou si le Tribunal pourrait permettre qu'elle continue après cette date est tributaire de l'interprétation de l'article 104 : voir les motifs du juge Iacobucci dans l'arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Loi sur la concurrence) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, aux paragraphes 35 et 36. De plus, il est à remarquer que, comme le prévoit l'alinéa 12(1)a) de la Loi sur le Tribunal de la concurrence, dans toute procédure devant le Tribunal « seuls les juges qui siègent ont compétence pour trancher les questions de droit. »
[9] Par ailleurs, le paragraphe 104(1) prévoit que la compétence pour rendre une ordonnance est fonction « d'une demande d'ordonnance faite en application de la présente partie ... » . Une demande faite sous le régime de l'article 92 s'inscrit clairement dans le cadre d'une telle formulation. Il est également à signaler que, selon le paragraphe 104(3) de la Loi, lorsqu'une ordonnance provisoire est rendue par le Tribunal, le commissaire est tenu de « mener à terme, avec toute la diligence possible, les procédures prévues par la présente partie... » [Non souligné dans l'original.] Si le droit d'interjeter appel d'une décision rendue sous le régime de l'article 92 avait été prévu à la Partie VIII, où se trouve également l'article 104, l'argument voulant que l'ordonnance de tenir les éléments d'actif séparés continue d'être en vigueur en attendant que notre Cour se prononce sur l'appel, aurait pu être plus convaincant. En fait, comme l'a souligné le juge Nadon, le droit d'appel est conféré par une autre loi, soit par le paragraphe 13(1) de la Loi sur le Tribunal de la concurrence. Nous ne pensons pas que l'article 104 soit censé permettre la prorogation de l'ordonnance de tenir les éléments d'actif séparés au delà du 30 août 2000, date de l'ordonnance rendue sous le régime de l'article 92. De plus, bien que l'article 104 autorise le Tribunal à rendre toute ordonnance provisoire qu'il considère justifiée « conformément aux principes normalement pris en considération par les cours supérieures en matières interlocutoires et d'injonction » , nous ne sommes pas convaincus que ces termes vont jusqu'à inclure une volonté d'habiliter le Tribunal à maintenir en vigueur l'ordonnance de tenir les éléments d'actif séparés au delà du prononcé de l'ordonnance rendue sous le régime de l'article 92 et jusqu'à ce que notre Cour rende sa décision définitive sur cette ordonnance portée en appel.
[10] Il ne faut pas croire pour autant que l'appelant n'a pas un intérêt légitime à ce qu'une ordonnance similaire à celle de tenir les éléments d'actif séparés soit en vigueur pendant que le processus d'appel suit son cours devant les tribunaux. Comme l'a valablement fait valoir l'appelant, si l'ordonnance de tenir les éléments d'actif séparés ne continue pas de s'appliquer durant le délai nécessaire pour parvenir au règlement final de l'appel, les intimées ont tout le loisir de mettre le fusionnement en oeuvre, de sorte qu'il serait à tout le moins très difficile de remettre les choses dans leur état initial si l'appelant devait avoir gain de cause en appel. Cette inquiétude est certainement mise en évidence par le fait qu'en septembre 2000, l'appelant a demandé à notre Cour une ordonnance en vue de surseoir à l'exécution de l'ordonnance du 30 août 2000 jusqu'au prononcé de l'appel. La compétence de la Cour pour accorder un tel sursis dans les circonstances découle des dispositions de la règle 398[1] des Règles de la Cour fédérale (1998) et de la jurisprudence émanant de notre Cour : Telecommunications Workers' Union c. Conseil de la Radiodiffusion et des télécommunications canadiennes et CNCP Télécommunications (1988), 86 N.R. 324. L'appelant n'a pas réussi à convaincre la Cour de l'opportunité d'accorder un sursis et, en conséquence, le juge Linden a rejeté la requête le 19 septembre 2000.
[11] L'appel est rejeté avec dépens.
« A.J. Stone »
J.C.A.
Traduction certifiée conforme
Linda Brisebois, LL.B.
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-539-00
INTITULÉ DE LA CAUSE: Le commissaire de la concurrence
- et -
Supérieur Propane Inc. et Propane ICG Inc.
LIEU DE L'AUDIENCE : Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : 11 janvier 2001
MOTIFS DE L'ORDONNANCE RENDUE DE VIVE VOIX À L'AUDIENCE
LE 11 JANVIER 2001 PAR : Le juge Stone
DATE DES MOTIFS : 11 janvier 2001
ONT COMPARU :
Jo'Anne Strekaf Pour l'appelant
William J. Miller
John F. Rook, c.r.
Christopher P. Naudie
Donna Blois
Neil Finkelstein Pour les intimées
Melanie Aitken
Brian Radonoff
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Osler, Hoskin & Harcourt Pour l'appelant
Toronto (Ontario)
Davies, Ward & Beck Pour les intimées
Toronto (Ontario)
[1] La règle 398 dispose :
398. (1) Sur requête d'une personne contre laquelle une ordonnance a été rendue: a) dans le cas où l'ordonnance n'a pas été portée en appel, la section de la Cour qui a rendu l'ordonnance peut surseoir à l'ordonnance; b) dans le cas où un avis d'appel a été délivré, seul un juge de la section de la Cour saisie de l'appel peut surseoir à l'ordonnance. (2) Le juge qui sursoit à l'exécution d'une ordonnance aux termes du paragraphe (1) peut exiger que l'appelant: a) fournisse un cautionnement pour les dépens; b) accomplisse tout acte exigé pour garantir, en cas de confirmation de tout ou partie de l'ordonnance, le respect de l'ordonnance. (3) Un juge de la section de la Cour saisie de l'appel d'une ordonnance qui fait l'objet d'un sursis peut annuler le sursis, s'il est convaincu qu'il n'y a pas lieu de le maintenir, notamment en raison de la lenteur à agir de la partie qui a demandé le sursis. |
398. (1) On the motion of a person against whom an order has been made, (a) where the order has not been appealed, the division of the Court that made the order may order that it be stayed; or (b) where a notice of appeal of the order has been issued, a judge of the division of the Court that is to hear the appeal may order that it be stayed. (2) As a condition to granting a stay under subsection (1), a judge may require that the appellant (a) provide security for costs; and (b) do anything required to ensure that the order will be complied with when the stay is lifted. (3) A judge of the division of the Court that is to hear an appeal of an order that has been stayed pending appeal may set aside the stay if the judge is satisfied that the party who sought the stay is not expeditiously proceeding with the appeal or that for any other reason the order should no longer be stayed. |