Date : 20030311
Dossier : A-76-02
Toronto (Ontario), le mardi 11 mars 2003
CORAM : LE JUGE LÉTOURNEAU
LE JUGE ROTHSTEIN
LE JUGE SHARLOW
ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
appelant
et
MARK LAUGHLAND
intimé
JUGEMENT
La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la décision du juge-arbitre est annulée. La question est renvoyée au juge-arbitre en chef, ou à la personne qu'il désignera, pour nouvelle décision fondée sur le fait que l'appel de la Commission devant le juge-arbitre doit être accueilli.
« Gilles Létourneau »
Juge
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
Date : 20030311
Dossier : A-76-02
Référence : 2003 CAF 129
CORAM : LE JUGE LÉTOURNEAU
LE JUGE ROTHSTEIN
LE JUGE SHARLOW
ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
appelant
et
MARK LAUGHLAND
intimé
Audience entendue à Toronto (Ontario), le mardi 11 mars 2003
Jugement rendu à l'audience à Toronto (Ontario), le mardi 11 mars 2003
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR PAR : LE JUGE LÉTOURNEAU
Date : 20030311
Dossier : A-76-02
Référence : 2003 CAF 129
CORAM : LE JUGE LÉTOURNEAU
LE JUGE ROTHSTEIN
LE JUGE SHARLOW
ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
appelant
et
MARK LAUGHLAND
intimé
MOTIFS DE JUGEMENT DE LA COUR
(Prononcés à l'audience à Toronto (Ontario),
le mardi 11 mars 2003.)
LE JUGE LÉTOURNEAU
[1] La présente demande de contrôle judiciaire porte sur la décision d'un juge-arbitre, rendue le 20 décembre 2001. Dans cette décision, le juge-arbitre rejetait l'appel du demandeur d'une décision du Conseil arbitral (le Conseil). L'essentiel de la décision du Conseil, qui a été confirmée par le juge-arbitre, se trouve au passage suivant qui est cité à la page 104 du dossier du demandeur :
... les lettres de Michael Brown et Hugh Chapman indiquent clairement que l'employeur indiquait nettement qu'il avait l'intention de mettre à pied M. Laughland et, en fait, il avait discuté ouvertement de la fermeture complète de son entreprise. Même s'il n'y a pas eu une mise à pied, il est clair qu'elle était imminente. En discutant ouvertement de ses intentions, il a exercé une pression indue sur ses employés pour qu'ils quittent leur emploi et, en fait, plusieurs l'ont quitté.
Le conseil conclut qu'une personne prudente, devant cette situation, consulterait un conseiller en emploi de Développement des ressources humaines Canada, ce qu'il a fait. Si un cours de formation se présente qui offre une assurance raisonnable d'un emploi à plein temps après le cours, bien rémunéré, il est raisonnable de le suivre.
[non souligné dans l'original]
[2] Les faits à l'origine de ce litige peuvent être résumés de la façon suivante.
[3] L'intimé a travaillé comme manoeuvre du 1er octobre 1999 au 20 novembre 2000. Dans une lettre datée du 18 octobre 2000, NAV Canada l'informait qu'il était accepté au sein du Programme de formation pour les spécialistes de l'information de vol. Ce programme comprenait une période de formation de cinq mois, allant du 4 décembre 2000 au 4 mai 2001.
[4] Le 1er décembre 2000, l'intimé a demandé qu'on lui verse les prestations d'assurance-emploi, au motif qu'il avait quitté son emploi étant donné qu'il avait [traduction] « l'occasion de trouver un bien meilleur emploi » , à condition qu'il « participe à une période de formation » . La Commission canadienne de l'assurance-emploi (la Commission) a rejeté la demande de prestations en s'appuyant essentiellement sur deux motifs. Premièrement, il avait quitté son emploi sans motif valable au sens de l'alinéa 29c) de la Loi sur l'assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la Loi), alors qu'il y avait une autre solution raisonnable dans son cas. Deuxièmement, il n'avait pas prouvé sa disponibilité pour travailler au 4 décembre 2000, parce qu'il suivait un cours de formation.
[5] Comme on peut le voir au passage précité de la décision du Conseil, celui-ci a conclu que l'intimé avait un motif valable de quitter son emploi, son employeur ayant exercé une pression indue sur lui pour qu'il quitte son emploi. Le Conseil s'est fondé sur le sous-alinéa 29c)(xiii) de la Loi.
[6] À la page 3 de sa décision, le juge-arbitre a confirmé la décision du Conseil comme suit :
Le conseil a examiné la preuve concernant la possibilité et la probabilité que le prestataire soit renvoyé de son emploi. Il a conclu que le prestataire avait de bonnes raisons de croire que son emploi prendrait fin. D'après la preuve qu'il a résumée, le conseil a également conclu que l'admission au programme de formation de NAV Canada ne pouvait que conduire à un emploi bien rémunéré, que le prestataire a donc démontré un motif valable de quitter son emploi et qu'il n'avait pas à démontrer sa disponibilité pour un autre emploi pendant qu'il suivait le programme de formation de NAV Canada car c'était d'une importance capitale pour obtenir un emploi.
[non souligné dans l'original]
[7] En toute déférence, nous sommes d'avis que le Conseil et le juge-arbitre ont tous deux mal interprété le critère applicable aux fins de la présente affaire.
[8] S'agissant de savoir si l'intimé avait un motif valable pour quitter son emploi, l'alinéa 29c) exige que le Conseil détermine si « compte tenu de toutes les circonstances... son départ... constitue la seule solution raisonnable » . En l'instance, le seul élément pertinent était la pression indue de la part de l'employeur. Par conséquent, cette pression devait être telle que le départ de l'intimé était la seule solution raisonnable.
[9] Il est évident que le Conseil ne s'est pas posé la bonne question. La question ne consiste pas à savoir si la pression indue de l'employeur a rendu les actions de l'intimé raisonnables, mais bien celle de savoir si la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances, était qu'il quitte son emploi. Notre Cour a clairement jugé que bon motif et motif valable sont des concepts différents. Dans l'arrêt Tanguay c. Commission d'assurance-chômage et autres, (1986) 68 N.R. 154, au paragraphe 10, le juge Pratte, J.C.A., déclare ceci :
... il semble clair que le Conseil a décidé comme il l'a fait parce qu'il était d'opinion que les requérants avaient agi raisonnablement en quittant leur emploi. Cela manifeste une incompréhension totale du mot « justification » dans le paragraphe 41(1). En effet, le mot, dans le contexte où il est employé, n'est pas synonyme de « raison » ou « motif » .
[10] Au paragraphe 11, il continue en citant lord Denning dans l'arrêt Crewe and others v. Social Security Commission, [1982] 2 All E.R. 745:
[traduction]
... il ne suffit pas qu'il démontre avoir agi de façon raisonnable en quittant son emploi. Faire ce qui est raisonnable peut constituer un bon motif, mais il ne s'agit pas là nécessairement d'un motif valable.
[11] Quant au juge-arbitre, il n'a pas du tout examiné la conclusion du Conseil voulant que la « pression indue » constitue un motif valable. Il a mélangé les concepts de bon motif et de motif valable. Il ne s'est pas non plus interrogé sur l'absence de discussion quant à une autre solution raisonnable que celle de quitter l'emploi en cause, comme l'exige l'alinéa 29c). Il s'est plutôt arrêté à un élément que l'on trouve au sous-alinéa 29c)(vi), savoir le fait que l'intimé avait une assurance raisonnable d'un autre emploi dans un avenir immédiat. Cet élément n'est pas pertinent lorsque la possibilité d'obtenir un emploi est liée à la réussite d'un cours de formation, puisqu'il ne s'agit pas alors d'une « assurance raisonnable d'un autre emploi dans un avenir immédiat » . Dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Lessard, 2002 CAF 469, notre collègue le juge Décary, J.C.A., déclarait ceci, au paragraphe 19 :
Il est dès lors évident qu'un emploi qui ne se concrétisera qu'à l'expiration d'un stage non encore commencé, d'une durée de treize semaines, n'est pas un emploi « dans un avenir immédiat » .
[12] Nous sommes convaincus que le Conseil et le juge-arbitre n'auraient pu conclure que l'intimé avait un motif valable de quitter son emploi s'ils avaient utilisé le critère approprié. Rien dans la preuve ne démontre que l'intimé n'aurait pu conserver son emploi jusqu'à ce qu'on y mette fin tout en en cherchant un autre. En fait, lorsqu'il a quitté son emploi une autre personne a été engagée pour le remplacer : voir le dossier de l'appelant, page 103. De plus, le fait de quitter volontairement son emploi pour suivre un cours de formation qui n'est pas autorisé par la Commission ne constitue pas un « motif valable » au sens de l'article 29 : Procureur général du Canada c. Martel, A-1691-92, 28 septembre 1994 (C.A.F.); Canada (Procureur général) c. Shaw 2002 CAF 325. Le régime d'assurance-emploi a pour objectif de protéger les personnes pour qui le fait de quitter est la seule solution raisonnable. Cet objectif ne consiste pas à fournir à des personnes qui ont un emploi instable qu'ils quittent sans motif valable des prestations lorsqu'elles recherchent un travail plus intéressant et mieux payé.
[13] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie et la décision du juge-arbitre sera annulée. La question sera renvoyée au juge-arbitre en chef, ou à la personne qu'il désignera, pour une nouvelle décision fondée sur le fait que l'appel de la Commission devant le juge-arbitre devrait être accueilli.
« Gilles Létourneau »
Juge
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION D'APPEL
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-76-02
INTITULÉ : PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
appelant
et
MARK LAUGHLAND
intimé
DATE DE L'AUDIENCE : LE MARDI 11 MARS 2003
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DU JUGEMENT
DE LA COUR PAR : M. LE JUGE LÉTOURNEAU
DATE DES MOTIFS : LE MARDI 11 MARS 2003
JUGEMENT PRONONCÉ À L'AUDIENCE LE MARDI 11 MARS 2003
COMPARUTIONS :
Mme Sharon McGovern pour l'appelant
AUCUNE COMPARUTION pour l'intimé, en son propre nom
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Morris Rosenberg pour l'appelant
Sous-procureur général du Canada
Mark Laughland pour l'intimé, en son propre nom
Timmins (Ontario)