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Date : 20030325

Dossier : A-438-01

Référence : 2003 CAF 154

CORAM :      LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE EVANS

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                 PIEDMONT AIRLINES, INC.

                                                                                                                                 demanderesse

                                                                            et

                                     MÉTALLURGISTES UNIS D'AMÉRIQUE,

LOCAL AMALGAMÉ DES TRANSPORTS COMMUNICATIONS 1976

                                                                                                                                         défendeur

                                                                            et

                                                          U.S. AIRWAYS INC.

                                                                                                                                  défenderesse

                                Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 21 janvier 2003.

                                  Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 25 mars 2003.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                             LE JUGE EVANS

Y ONT SOUSCRIT :                                                                               LE JUGE ROTHSTEIN

                                                                                                                         LE JUGE MALONE


Date : 20030325

Dossier : A-438-01

Référence : 2003 CAF 154

CORAM :       LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE EVANS

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                 PIEDMONT AIRLINES, INC.

                                                                                                                                 demanderesse

                                                                            et

                                     MÉTALLURGISTES UNIS D'AMÉRIQUE,

LOCAL AMALGAMÉ DES TRANSPORTS COMMUNICATIONS 1976

                                                                                                                                         défendeur

                                                                            et

                                                          U.S. AIRWAYS INC.

                                                                                                                                  défenderesse

                                                    MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE EVANS

A.       INTRODUCTION


[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire par laquelle Piedmont Airlines Inc. demande à la Cour, en vertu du paragraphe 28(1) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, d'infirmer une décision du Conseil canadien des relations industrielles. Dans cette décision, le Conseil a déclaré qu'U.S. Airways Inc. avait vendu une partie de son entreprise à Piedmont, que Piedmont était l'employeur successeur pour l'application du paragraphe 44(2) du Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2, et que les Métallurgistes unis d'Amérique, local amalgamé des transports communications 1976 (le syndicat) continuait à être l'agent négociateur représentant l'unité de négociation composée des employés travaillant maintenant pour Piedmont à l'Aéroport international d'Ottawa.

[2]                 L'avocate de Piedmont a soutenu que le Conseil avait commis une erreur en déclarant que Piedmont était l'employeur successeur pour l'application de l'article 44. Le Conseil a défini l' « entreprise » qui avait été vendue sans tenir compte du fait que la convention collective excluait le travail exécuté, à la demande d'U.S. Airways, par les membres de l'unité de négociation pour Piedmont et pour certains autres transporteurs exploitant leur entreprise à partir d'Ottawa. Le Conseil a donc commis une erreur en concluant à une vente d'entreprise parce qu'aucun droit de négociation ne se rattachait à la partie de l'entreprise qui avait été vendue à Piedmont. Par conséquent, l'ordonnance du Conseil faisait obstacle à une entente librement négociée par les parties en créant des droits de négociation alors qu'il n'en existait aucun en vertu de la convention et elle violait donc un principe fondamental en matière de relations de travail, à savoir le droit des parties à la liberté contractuelle.


[3]                 En réponse, l'avocat du syndicat a maintenu que le pouvoir d'origine législative du Conseil d'accorder une déclaration en vertu du paragraphe 44(2) est fort étendu. L'avocat a soutenu que le Conseil n'a donc pas commis d'erreur en statuant que la clause de la convention collective portant sur le champ d'application de la convention n'était pas déterminante lorsqu'il s'agissait de savoir s'il y avait eu vente d'entreprise pour l'application de l'article 44. Le document pertinent était l'ordonnance initiale d'accréditation qui n'excluait pas le travail effectué pour Piedmont et pour les autres transporteurs mentionnés : les droits de négociation se rattachaient donc à la partie de l'entreprise d'U.S. Airways qui avait été vendue à Piedmont.

[4]                 L'avocat a soutenu que les parties à une convention collective ne peuvent pas limiter l'exercice par le Conseil des pouvoirs prévus à l'article 44 du Code. Selon l'avocat, ces pouvoirs sont conférés par le législateur afin de promouvoir l'intérêt public lorsqu'il s'agit d'assurer des relations de travail harmonieuses et équitables et de protéger les employés contre la perte de leurs droits par suite du changement de propriétaire de l'entreprise.


[5]                 Cette demande de contrôle judiciaire soulève la question suivante : lorsque le Conseil détermine si une entreprise a été vendue pour l'application de l'article 44, la convention collective est-elle pertinente lorsqu'il s'agit de déterminer s'il a été satisfait à un critère élaboré par le Conseil dans les décisions qu'il a rendues en vertu de l'article 44? Le critère en question est de savoir si « des droits de négociation syndicaux [étaient] liés d'une quelconque façon à cette entreprise ou partie d'entreprise du vendeur qui aurait été vendue » : Halifax Grain Elevator Ltd. and I.L.A., Local 1843, 15 C.L.R.B.R. (2d) 191 à la page 195 (C.C.R.T.).

[6]                 Les ordonnances du Conseil sont protégées par une clause privative rigoureuse : Code canadien du travail, paragraphes 22(1) et (2). Cette clause ne permet la révision que pour les motifs mentionnés aux alinéas 18.1(4)a), b) ou e) de la Loi sur la Cour fédérale. Or, en l'espèce, seul l'alinéa a) est pertinent. Cette disposition prévoit que la Cour prend des mesures si l'office fédéral « a [...] outrepassé [sa compétence] » . La demanderesse peut donc uniquement avoir gain de cause si elle établit que, par suite de l'interprétation donnée par le Conseil aux dispositions du Code relatives à l'employeur successeur, le Conseil a « outrepassé » sa compétence.

[7]                 Le seul motif d'examen prévu par la loi à l'égard de la présente demande exige donc que la Cour libelle sa réponse en se demandant si le Conseil a excédé sa compétence. Toutefois, la question préalable se rapporte à la norme de contrôle qui s'applique à la décision du Conseil. Cette question est tranchée au moyen de l'application de l'analyse pragmatique et fonctionnelle.


[8]                 À mon avis, la norme de contrôle pertinente en l'espèce est celle de la décision manifestement déraisonnable. Cette norme est fort difficile à satisfaire pour celui qui demande le contrôle judiciaire et Piedmont n'y a pas satisfait. Pour les motifs qui sont ci-après énoncés, je rejetterais donc la demande.

B.         HISTORIQUE

[9]                 Les faits pertinents ne sont pas contestés. Le syndicat représentait les employés d'U.S. Airways dans des aéroports, à Toronto, à Montréal et à Ottawa, ces derniers assurant des services à la clientèle à l'égard des vols principaux effectués vers ou depuis ces aéroports par U.S. Airways, qui est la principale division d'exploitation et une filiale d'U.S. Airways Group Inc. Le travail des employés comprenait l'enregistrement des passagers et de leurs bagages et la prestation de services aux portes d'embarquement.

[10]            À la demande d'U.S. Airways, les employés assuraient également ces services à l'égard de vols effectués entre autres par des compagnies régionales qui comprennent U.S. Airways Express, un réseau de transporteurs régionaux distincts utilisant de petits aéronefs pour assurer le service aérien local. Ces transporteurs régionaux coordonnent leurs horaires avec celui d'U.S. Airways afin de fournir aux passagers les services de ligne principale de cette dernière. Piedmont exploite son entreprise à titre de transporteur régional d'U.S. Airways Express depuis qu'elle a été acquise par U.S. Airways Group en 1987.


[11]            Le 16 avril 1999, le Conseil a accrédité le syndicat à titre d'agent négociateur représentant les employés d'U.S. Airways au Canada. Le certificat d'accréditation définissait l'unité de négociation comme suit :

tous les employés de la U.S. Airways Inc., à l'exclusion du personnel de la commercialisation et des ventes, des agents de bord, des pilotes, des directeurs d'aérogare, des superviseurs et de ceux de rang supérieur aux superviseurs et des employés déjà régis par un certificat d'accréditation.

[12]            Une première convention collective a été signée le 16 février 2000. La seule disposition de la convention qui est pertinente, dans cette demande de contrôle judiciaire est l'article 3, qui est intitulé « Reconnaissance syndicale et champ d'application » et dont le paragraphe C est ainsi libellé :

Les fonctions liées au service à la clientèle, exécutées dans le cadre d'ententes conclues avec U.S. Airways Express concernant les avions de transport régional à réaction, les avions nolisés et les services d'escale, sont exclues du champ d'application de la présente convention collective. Elles peuvent cependant être exécutées par des employés régis par la présente convention collective à la demande de la société.

Comme nous l'expliquerons plus loin dans ces motifs, les parties ne s'entendent pas sur le sens de l'article 3, paragraphe C, qui n'a jamais fait l'objet d'un arbitrage.


[13]            Au mois d'août 2000, U.S. Airways a informé ses employés qu'elle avait l'intention de mettre fin à ses services de ligne principale en direction de l'Aéroport international d'Ottawa et depuis l'Aéroport international d'Ottawa et que Piedmont avait convenu d'assurer les services d'escale et les services d'accueil des passagers pour les vols régionaux effectués par U.S. Airways Express pour lesquels on continuait à utiliser l'aéroport d'Ottawa. Au mois de novembre 2000, U.S. Airways a mis fin à ses vols principaux en direction d'Ottawa et depuis Ottawa. Depuis lors, Piedmont a assuré les services d'escale et les services d'accueil des passagers pour les transporteurs d'U.S. Airways Express effectuant des vols en direction d'Ottawa et depuis Ottawa.

[14]            Afin de permettre à Piedmont d'acquérir l'entreprise d'U.S. Airways, à Ottawa, U.S. Airways a transféré à Piedmont le matériel qu'elle utilisait à Ottawa. Piedmont a assumé le contrat d'U.S. Airways aux fins de l'achat de services de dégivrage et de services de pistes, et elle a embauché 13 des 17 employés qui avaient été membres de l'unité de négociation d'U.S. Airways. Le genre de travail exécuté par les employés de Piedmont, à l'Aéroport international d'Ottawa, était identique à celui qu'effectuaient antérieurement les membres de l'unité de négociation pour U.S. Airways.


[15]            Néanmoins, Piedmont a refusé d'appliquer la convention collective du syndicat pour le motif que tout le travail accompli par les employés de Piedmont était exclu par l'article 3, paragraphe C. Au mois de janvier 2001, le syndicat a donc engagé des procédures devant le Conseil en vue d'obtenir une déclaration fondée sur l'article 35 du Code. Dans sa demande, le syndicat alléguait qu'étant donné qu'elles appartenaient toutes deux à U.S. Airways Group Inc., U.S. Airways et Piedmont étaient des employeurs communs à l'égard de l'entreprise exploitée à l'Aéroport international d'Ottawa. Subsidiairement, le syndicat a demandé une réparation fondée sur l'article 44, pour le motif qu'U.S. Airways avait vendu à Piedmont la partie de son entreprise qui était exploitée à Ottawa. Si l'un ou l'autre des motifs invoqués était retenu, le syndicat deviendrait l'agent négociateur des employés de Piedmont et Piedmont serait liée par la convention collective dans la mesure où elle s'applique, le cas échéant, au travail exécuté à Ottawa.

C.         DÉCISION DU CONSEIL

[16]            Dans une décision unanime rendue le 29 juin 2001, le Conseil a rejeté la demande que le syndicat avait présentée en vertu de l'article 35, mais il a accordé la déclaration prévue à l'article 44. Il a modifié l'ordonnance initiale d'accréditation en substituant Piedmont Airlines à U.S. Airways à titre d'employeur. Le 1er février 2002, le Conseil a apporté une modification additionnelle à l'ordonnance en la restreignant aux employés travaillant à Ottawa. L'ordonnance d'accréditation a donc été modifiée comme suit :

tous les employés de Piedmont Airlines Inc., travaillant à partir de l'aéroport d'Ottawa, à l'exclusion du personnel de la commercialisation et des ventes, des agents de bord, des pilotes, des chefs d'escale, des superviseurs et de ceux de rang supérieur aux superviseurs et des employés déjà régis par un certificat d'accréditation.

[17]            Le Conseil a fait connaître les motifs de sa décision le 31 décembre 2001. En réponse à l'objection de Piedmont selon laquelle le travail exécuté par ses employés était exclu par l'article 3, paragraphe C, de la convention collective, le Conseil a noté que le certificat initial qui avait été délivré au syndicat faisait mention, à certaines exceptions près, de tous les employés d'U.S. Airways et n'exemptait pas le travail accompli par les employés pour Piedmond ou pour un autre transporteur d'U.S. Airways Express.


[18]            Après avoir examiné les faits ci-dessus décrits qui se rapportent à la cessation des activités d'U.S. Airways à Ottawa et à leur prise en charge par Piedmont, le Conseil a conclu qu'U.S. Airways avait transféré à Piedmont son entreprise de prestation de services relatifs aux vols en direction d'Ottawa et depuis Ottawa et qu'une vente partielle d'entreprise avait donc été conclue au sens de l'article 44.

[19]            Le Conseil a statué qu'en exerçant ses pouvoirs en vertu de l'article 44, il n 'était pas lié par une entente que les parties avaient peut-être conclue. Les dispositions de l'ordonnance initiale d'accréditation ne pouvaient pas être modifiées par une disposition de la convention collective, y compris l'article 3, paragraphe C. Le Conseil a donc rejeté l'argument de Piedmont voulant que la convention collective exclue le reste du travail accompli à Ottawa et que, par conséquent, déclarer que Piedmont était un employeur successeur serait conférer au syndicat des droits qu'il n'avait jamais négociés.

D.         CONTEXTE LÉGISLATIF

[20]            Les dispositions suivantes du Code canadien du travail sont pertinentes aux fins du règlement de la présente demande :

3(1) « unité de négociation » Unité :

a) soit déclarée par le Conseil habile à négocier collectivement;

b) soit régie par une convention collective.

3(1) "bargaining unit" means a unit

(a) determined by the Board to be appropriate for collective bargaining, or

(b) to which a collective agreement applies;


18.1 (1) Sur demande de l'employeur ou d'un agent négociateur, le Conseil peut réviser la structure des unités de négociation s'il est convaincu que les unités ne sont plus habiles à négocier collectivement.

18.1 (1) On application by the employer or a bargaining agent, the Board may review the structure of the bargaining units if it is satisfied that the bargaining units are no longer appropriate for collective bargaining.

(2) Dans le cas où, en vertu du paragraphe (1) ou des articles 35 ou 45, le Conseil révise la structure des unités de négociation :

(2) If the Board reviews, pursuant to subsection (1) or section 35 or 45, the structure of the bargaining units, the Board

a) il donne aux parties la possibilité de s'entendre, dans le délai qu'il juge raisonnable, sur la détermination des unités de négociation et le règlement des questions liées à la révision;

(a) must allow the parties to come to an agreement, within a period that the Board considers reasonable, with respect to the determination of bargaining units and any questions arising from the review; and

b) il peut rendre les ordonnances qu'il juge indiquées pour mettre en oeuvre l'entente.

(b) may make any orders it considers appropriate to implement any agreement.

(3) Si le Conseil est d'avis que l'entente conclue par les parties ne permet pas d'établir des unités habiles à négocier collectivement ou si certaines questions ne sont pas réglées avant l'expiration du délai qu'il juge raisonnable, il lui appartient de trancher toute question en suspens et de rendre les ordonnances qu'il estime indiquées dans les circonstances.

                       [...]

(3) If the Board is of the opinion that the agreement reached by the parties would not lead to the creation of units appropriate for collective bargaining or if the parties do not agree on certain issues within the period that the Board considers reasonable, the Board determines any question that arises and makes any orders it considers appropriate in the circumstances.

                         ...

(4)b) modifier l'ordonnance d'accréditation ou la description d'une unité de négociation dans une convention collective;

(4)(b) amend any certification order or description of a bargaining unit contained in any collective agreement;

22 (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, les ordonnances ou les décisions du Conseil sont définitives et ne sont susceptibles de contestation ou de révision par voie judiciaire que pour les motifs visés aux alinéas 18.1(4)a), b) ou e) de la Loi sur la Cour fédérale et dans le cadre de cette loi.

                       [...]

22 (1) Subject to this Part, every order or decision of the Board is final and shall not be questioned or reviewed in any court, except in accordance with the Federal Court Act on the grounds referred to in paragraph 18.1(4)(a), (b) or (e) of that Act.

                         ...



(2) Sauf exception prévue au paragraphe (1), l'action - décision, ordonnance ou procédure - du Conseil, dans la mesure où elle est censée s'exercer dans le cadre de la présente partie, ne peut, pour quelque motif, y compris celui de l'excès de pouvoir ou de l'incompétence à une étape quelconque de la procédure_:a) être contestée, révisée, empêchée ou limitée;

b) faire l'objet d'un recours judiciaire, notamment par voie d'injonction, de certiorari, de prohibition ou de quo warranto.

(2) Except as permitted by subsection (1), no order, decision or proceeding of the Board made or carried on under or purporting to be made or carried on under this Part shall

(a) be questioned, reviewed, prohibited or restrained, or

(b) be made the subject of any proceedings in or any process of any court, whether by way of injunction, certiorari, prohibition, quo warranto or otherwise,

on any ground, including the ground that the order, decision or proceeding is beyond the jurisdiction of the Board to make or carry on or that, in the course of any proceeding, the Board for any reason exceeded or lost its jurisdiction.

44. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article et aux articles 45 à 47.1.

44. (1) In this section and sections 45 to 47.1,

« entreprise » Entreprise fédérale, y compris toute partie de celle-ci.

[...]

"business" means any federal work, undertaking or business and any part thereof;

...

« vente » S'entend notamment, relativement à une entreprise, du transfert et de toute autre forme de disposition de celle-ci, la location étant, pour l'application de la présente définition, assimilée à une vente.

"sell", in relation to a business, includes the transfer or other disposition of the business and, for the purposes of this definition, leasing a business is deemed to be selling it.

(2) Les dispositions suivantes s'appliquent dans les cas où l'employeur vend son entreprise :

(2) Where an employer sells a business,

a) l'agent négociateur des employés travaillant dans l'entreprise reste le même;

(a) a trade union that is the bargaining agent for the employees employed in the business continues to be their bargaining agent;

b) le syndicat qui, avant la date de la vente, avait présenté une demande d'accréditation pour des employés travaillant dans l'entreprise peut, sous réserve des autres dispositions de la présente partie, être accrédité par le Conseil à titre d'agent négociateur de ceux-ci;

(b) a trade union that made application for certification in respect of any employees employed in the business before the date on which the business is sold may, subject to this Part, be certified by the Board as their bargaining agent;

c) toute convention collective applicable, à la date de la vente, aux employés travaillant dans l'entreprise lie l'acquéreur;

(c) the person to whom the business is sold is bound by any collective agreement that is, on the date on which the business is sold, applicable to the employees employed in the business; and

d) l'acquéreur devient partie à toute procédure engagée dans le cadre de la présente partie et en cours à la date de la vente, et touchant les employés travaillant dans l'entreprise ou leur agent négociateur.

(d) the person to whom the business is sold becomes a party to any proceeding taken under this Part that is pending on the date on which the business was sold and that affects the employees employed in the business or their bargaining agent.

45. Dans les cas de vente ou de changements opérationnels visés à l'article 44, le Conseil peut, sur demande de l'employeur ou de tout syndicat touché décider si les employés en cause constituent une ou plusieurs unités habiles à négocier collectivement.

45. In the case of a sale or change of activity referred to in section 44, the Board may, on application by the employer or any trade union affected, determine whether the employees affected constitute one or more units appropriate for collective bargaining.

46. Il appartient au Conseil de trancher, pour l'application de l'article 44, toute question qui se pose, notamment quant à la survenance d'une vente d'entreprise, à l'existence des changements opérationnels et à l'identité de l'acquéreur.

46. The Board shall determine any question that arises under section 44, including a question as to whether or not a business has been sold or there has been a change of activity of a business, or as to the identity of the purchaser of a business.

E.        POINTS LITIGIEUX ET ANALYSE

[21]            Dans le cadre de l'argumentation orale, l'avocate de Piedmont a concédé que si ce n'était de l'article 3, paragraphe C, elle n'aurait pas pu contester avec succès la conclusion du Conseil selon laquelle une vente d'entreprise avait eu lieu pour l'application de l'article 44. Par conséquent, les arguments de l'avocate étaient exclusivement axés sur la question de savoir si le Conseil avait commis une erreur susceptible de révision lorsqu'il avait conclu à la vente d'une entreprise sans tenir compte de l'article 3, paragraphe C.

Première question : la norme de contrôle


[22]            L'avocate de Piedmont a convenu que l'interprétation donnée à l'article 44 par le Conseil ne peut normalement être rejetée que si elle est manifestement déraisonnable : Banque Nationale du Canada c. Union internationale des employés de commerce, [1984] 1 R.C.S. 269, à la page 276. Toutefois, elle a soutenu que la question de savoir si le Conseil pouvait rendre, en vertu de l'article 44, une décision qui était incompatible avec la convention collective était une question « de compétence » qui était donc susceptible de révision lorsqu'il s'agissait de déterminer si elle était correcte.

[23]            Compte tenu de l'approche pragmatique et fonctionnelle que les tribunaux canadiens ont depuis un certain temps adoptée afin de déterminer la norme de contrôle applicable, cet argument met la charrue devant les boeufs, c'est-à-dire qu'une conclusion est tirée avant que l'analyse soit effectuée. Une question n'est pas susceptible de révision selon la norme de la décision correcte parce que, dans l'abstrait, il s'agit d'une question de compétence. Tel qu'elle est employée en droit administratif, la notion de compétence a peu de valeur, et n'a peut-être aucune valeur, en tant qu'outil d'analyse permettant de déterminer l'intention du législateur en ce qui concerne les dispositions de la loi habilitante, que l'organisme doit interpréter correctement pour que sa décision résiste à l'examen judiciaire. Voir Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, au paragraphe 28; SOCAN c. Association canadienne des fournisseurs Internet, [2002] 4 C.F. 3, aux paragraphes 46 et 47 (C.A.).


[24]            La question de savoir si une disposition législative contestée se rapporte à la « compétence » , en ce sens que l'organisme doit l'interpréter correctement, est généralement tranchée au moyen de l'analyse pragmatique et fonctionnelle qu'il faut effectuer pour décider de la norme de contrôle à appliquer. Si cette analyse permet de conclure que le tribunal chargé de l'examen est du moins aussi bien placé que l'organisme pour interpréter la disposition législative en cause, l'interprétation de l'organisme ne méritant donc pas que l'on fasse preuve de retenue, la disposition peut être considérée comme se rapportant à la « compétence » .

[25]            Néanmoins, le fait qu'une « question de compétence » est en cause semble encore avoir une certaine pertinence aux fins de la détermination de la norme de contrôle. Ainsi, dans l'arrêt Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 208 D.L.R. (4th) 107, au paragraphe 24, 2002 CSC 3, la Cour a dit que le sens des mots d'une disposition conférant un pouvoir discrétionnaire dans la loi habilitante est une question de compétence et que c'est l'une des considérations à prendre en compte sous le facteur « caractère de la question » dans le cadre de l'analyse pragmatique et fonctionnelle. Toutefois, étant donné que la détermination de la question de savoir si une vente d'entreprise a eu lieu pour l'application de l'article 44 n'est pas une question de ce genre, l'arrêt Chieu n'est pas pertinent aux fins qui nous occupent.


[26]            La clause limitative de recours rigoureuse figurant à l'article 22 du Code est une directive stricte du législateur aux tribunaux chargés de l'examen, ceux-ci devant faire preuve de retenue à l'égard des décisions du Conseil. La Cour suprême du Canada a régulièrement mis en garde les tribunaux judiciaires contre une intervention qui empêche les commissions de relations de travail de s'acquitter du mandat qui leur est conféré par la loi du fait qu'ils qualifient un point de « question de compétence, et ainsi [...] l'assujetti[ssent] à un examen judiciaire plus étendu, lorsqu'il existe un doute à cet égard » : Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau-Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 227, à la page 233. Dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire, la Cour ne peut pas substituer son avis à celui du Conseil à l'égard d'une question d'interprétation législative faisant appel aux connaissances et à l'expérience du Conseil.

[27]            La question litigieuse en l'espèce est de savoir si la convention collective est pertinente lorsqu'il s'agit de déterminer si l'application de l'article 44 est déclenchée par une opération donnée. En particulier, la convention collective, plutôt que l'ordonnance d'accréditation, définit-elle la partie de l'entreprise à laquelle les droits de négociation sont rattachés et qui a été vendue? Cette question met en cause l'interprétation de l'article 44 du Code, une question que l'article 46 confie expressément au Conseil. Cela se rapporte aux questions dont le Conseil peut tenir compte en définissant l'entreprise censément vendue et, en particulier, en déterminant si des droits de négociation collective étaient rattachés à la partie de l'entreprise qui a été vendue. Étant donné les connaissances spécialisées du Conseil, sa composition tripartite et sa responsabilité réglementaire étendue dans le domaine des relations de travail, il s'agit d'une question que le Conseil est bien mieux placé que la Cour, sur le plan institutionnel, pour trancher.


[28]            L'avocate de Piedmont s'est fondée sur l'arrêt Alliance de la fonction publique du Canada c. Bombardier Inc., [2001] 2 C.F. 429 (C.A.) à l'appui de l'argument selon lequel la question de savoir si le Conseil doit tenir compte des dispositions de la convention collective, lorsqu'il exerce son pouvoir en vertu de l'article 44, est une question de compétence qui est donc assujettie à un examen visant à permettre de déterminer si elle est correcte. Dans l'affaire Bombardier, le litige se rapportait à l'interprétation des articles 47 et 47.1 du Code, qui font partie des dispositions relatives à l'employeur successeur.

[29]            Toutefois, à mon avis, l'arrêt Bombardier n'étaye pas l'argument de Piedmont selon lequel l'interprétation donnée à l'article 44 par le Conseil est susceptible de révision selon la norme de la décision correcte parce qu'il s'agit d'une question « de compétence » . En premier lieu, dans l'arrêt Bombardier, la Cour n'a pas jugé nécessaire de trancher la question de la norme de contrôle. Elle a statué (au paragraphe 34) que la décision du Conseil devait être annulée, et ce, indépendamment de la question de savoir si l'interprétation donnée par le Conseil « [est] ou non considérée dans les limites de sa compétence ou de son expertise fondamentale » . En second lieu, l'arrêt Bombardier se rapportait aux articles 47 et 47.1 du Code plutôt qu'à l'article 44; or, dans l'arrêt Banque Nationale, la Cour suprême du Canada a statué que l'interprétation des mots « vente d'entreprise » , dans la disposition qui figure maintenant à l'article 44, est uniquement susceptible de révision selon la norme de la décision manifestement déraisonnable.


[30]            À mon avis, la norme de contrôle qui s'applique ici est donc celle de la décision manifestement déraisonnable.

Deuxième question : la décision du Conseil était-elle manifestement déraisonnable?

[31]            L'avocate de Piedmont a avancé quatre arguments à l'appui de la prétention selon laquelle la décision du Conseil était manifestement déraisonnable. Je les examinerai l'un à la suite de l'autre, même si les trois premiers sont des variantes portant sur deux thèmes : le sens de l'article 3, paragraphe C, adopté par Piedmont, et la priorité de la convention collective sur l'ordonnance d'accréditation.

(i) La décision du Conseil prive la convention collective de toute application

[32]            L'avocate de Piedmont a soutenu que le résultat de la décision du Conseil était absurde parce, par suite du départ d'U.S. Airways d'Ottawa, l'article 3, paragraphe C, de la convention collective exempte tout le travail lié au service à la clientèle accompli à Ottawa par les employés de Piedmont. Par conséquent, étant donné que l'ordonnance du Conseil a pour effet de priver la convention collective de toute application, cette ordonnance est manifestement déraisonnable.


[33]            Cet argument laisse supposer que l'article 3, paragraphe C, a le sens qui lui est attribué par Piedmont, à savoir qu'il exclut le travail accompli pour Piedmont par les employés à Ottawa, et ce, dans tous les cas. Toutefois, le syndicat affirme que l'article 3, paragraphe C, interprété correctement, exempte du champ d'application de la convention uniquement les nouvelles activités exercées par Piedmont et par les autres transporteurs auxquels la convention s'applique et non le travail accompli à l'égard des activités existantes. Subsidiairement, soutient l'avocate, l'article 3, paragraphe C, ne s'applique pas à Piedmont en sa qualité d'acquéreur de l'entreprise d'U.S. Airways.

[34]            Le Conseil n'a pas tenté d'interpréter l'article 3, paragraphe C. Nous ne devrions pas non plus tenter de le faire. Par conséquent, étant donné qu'il n'a pas été décidé que l'article 3, paragraphe C, exempte de l'application de la convention collective le travail exécuté par les employés de Piedmont en sa qualité d'acquéreur de l'entreprise, la décision du Conseil ne peut pas être qualifiée de manifestement déraisonnable pour le motif qu'elle prive effectivement la convention de tout objet.


[35]            Si les parties ne peuvent pas s'entendre au sujet du sens de l'article 3, paragraphe C, il convient de soumettre la question à l'arbitrage. Je tiens à dire clairement qu'il n'y a rien dans les présents motifs qui doit être considéré comme un avis exprimé au sujet du sens de l'article 3, paragraphe C. Je tiens uniquement à ajouter que, quel que soit le sens finalement attribué à l'article 3, paragraphe C, à la suite d'une décision ou d'une entente, la décision du Conseil selon laquelle Piedmont est un employeur successeur en vertu de l'article 44 aura un effet pratique. Par conséquent, si l'avis exprimé par Piedmont au sujet du sens à attribuer à la disposition en question l'emporte, le syndicat continuera à être l'agent négociateur des employés de Piedmont affectés au service à la clientèle à Ottawa et la convention collective s'appliquera à ces employés dans la mesure où elle s'applique le cas échéant au travail que ceux-ci accomplissent.

(ii) Les droits de négociation ne se rattachaient pas à la partie de l'entreprise d'U.S. Airways qui avait été vendue

[36]            L'avocate a soutenu que la décision du Conseil était manifestement déraisonnable parce que le Conseil ne s'était pas rendu compte que l'entreprise qui avait été vendue à Piedmont n'était pas la même entreprise que celle d'U.S. Airways. Pour que l'article 44 s'applique, les droits de négociation du syndicat devaient se rattacher à la partie de l'entreprise d'U.S. Airways qui était vendue à Piedmont. Selon l'avocate, aux fins du droit du travail, l'entreprise d'U.S. Airways était composée de deux éléments : le travail lié au service à la clientèle qui était accompli pour ses propres vols et pour les vols effectués par les transporteurs désignés à l'article 3, paragraphe C. L'entreprise acquise par Piedmont se rapportait à ce dernier élément étant donné que U.S. Airways n'effectuait plus de vols à destination d'Ottawa ou depuis Ottawa et qu'elle n'avait donc pas besoin du travail lié au service à la clientèle pour ses propres vols. Par suite de l'article 3, paragraphe C, aucun droit de négociation ne se rattachait à la partie de l'entreprise vendue à Piedmont et il ne pouvait donc pas y avoir vente d'entreprise au sens de l'article 44.


[37]            Le Conseil a considéré l' « entreprise » pour l'application de l'article 44 comme étant celle qui était désignée dans l'ordonnance d'accréditation, qui ne renferme aucune restriction telle que celle qui figure à l'article 3, paragraphe C. Le Conseil a refusé de permettre que la portée de la définition figurant dans l'ordonnance d'accréditation de l'entreprise à laquelle les droits de négociation se rattachaient soit limitée par les dispositions d'une convention collective subséquente.

[38]            La position de Piedmont est fondée sur ce que, si la convention collective avait expressément prévu qu'elle s'appliquait uniquement au travail exécuté pour U.S. Airways et excluait expressément le travail accompli pour un autre employeur, il ne pouvait jamais y avoir de vente d'entreprise pour l'application de l'article 44. Les parties seraient donc effectivement libres de renoncer complètement à l'application de l'article 44 du Code. Compte tenu du but lié à l'ordre public visé par cette disposition, le refus du Conseil de définir l'entreprise transférée par rapport à la convention collective n'est pas manifestement déraisonnable.


[39]            La Cour a déjà rejeté une contestation de l'avis exprimé par le Conseil selon lequel le principe de la liberté contractuelle ne l'empêche pas d'exercer le pouvoir étendu, maintenant prévu à l'article 18.1 du Code, de modifier le certificat définissant l'unité de négociation habile à négocier collectivement d'une façon contraire à ce dont les parties avaient convenu : Teleglobe Canada c. Syndicat canadien des télécommunications transmarines, [1980] J.C.F. no 903 (C.A.). Toutefois, c'est ici la première fois qu'on demande à la Cour de déterminer si l'ordonnance d'accréditation est également déterminante dans le contexte de l'article 44. Pour que sa demande soit accueillie, Piedmont doit établir qu'il était manifestement déraisonnable pour le Conseil d'adopter la même approche dans le contexte du paragraphe 44(2) et, par conséquent, d'empêcher les parties de renoncer en fait à l'application de l'article 44.

[40]            Le demandeur doit s'acquitter d'une lourde charge afin de convaincre le tribunal qui exerce le contrôle qu'une décision rendue par un organisme administratif spécialisé indépendant tel que le Conseil est de toute évidence si peu rationnelle qu'elle est manifestement déraisonnable. Compte tenu du fondement de la politique du Conseil de considérer que c'est l'ordonnance d'accréditation plutôt que la convention qui est le document crucial, je ne suis pas convaincu qu'en appliquant cette politique pour définir l'entreprise à laquelle se rattachaient les droits de négociation pour l'application de l'article 44, la décision du Conseil puisse être considérée comme étant clairement dénuée de fondement rationnel.

[41]            Je tiens à préciser que, même s'il n'était pas manifestement déraisonnable pour le Conseil de ne pas tenir compte des dispositions de la convention collective en déterminant s'il y avait eu vente d'entreprise pour l'application de l'article 44, les parties étaient libres de limiter la portée de la convention collective afin de définir leurs droits respectifs. Par conséquent, rien dans les présents motifs n'empêche l'arbitre de conclure que, selon l'interprétation qu'il convient de lui donner, l'article 3, paragraphe C, exclut de la convention tout le travail exécuté par les membres de l'unité de négociation pour Piedmont et pour les autres transporteurs régis par cette disposition.


(iii) La décision du Conseil s'applique aux droits de négociation du syndicat

[42]            L'avocate de Piedmont a soutenu que la décision du Conseil était incompatible avec la politique sous-tendant l'article 44, à savoir le maintien des droits existants que les employés avaient négociés par l'entremise de leur syndicat. Monsieur le juge Linden, qui parlait au nom de la Cour dans l'arrêt Bombardier Inc., a dit ce qui suit (au paragraphe 3) au sujet des dispositions du Code relatives à l'employeur successeur :

Ce cadre est conçu pour faire en sorte que les droits de négociation collective existants des travailleurs, qu'ils découlent d'une accréditation ou d'une convention collective en vigueur, ne soient pas affectés ou supprimés à la survenance de certains événements potentiellement déstabilisateurs.

[43]            Selon l'argument invoqué par l'avocate, l'article 3, paragraphe C, de la convention collective négocié pour le compte des employés d'U.S. Airways exemptait expressément le travail accompli pour Piedmont. Le Conseil a donc créé de nouveaux droits de négociation pour le syndicat lorsqu'il a conclu que Piedmont était l'employeur successeur d'U.S. Airways et qu'elle était liée par la convention collective, et lorsqu'il a rendu l'ordonnance d'accréditation modifiée.


[44]            Cet argument soulève les problèmes dont j'ai déjà fait mention. Il est fondé sur une interprétation de l'article 3, paragraphe C, qui est contestée et qui n'a jamais fait l'objet d'un arbitrage. Si, comme le syndicat l'affirme, l'article 3, paragraphe C, s'applique uniquement aux nouvelles activités de Piedmont plutôt qu'aux activités déjà exercées, une conclusion selon laquelle Piedmont est l'employeur successeur n'a pas pour effet d'accroître l'étendue des droits de négociation. Toutefois, comme je l'ai déjà fait remarquer, il n'appartient pas à la Cour d'interpréter l'article 3, paragraphe C, et je n'exprime aucun avis sur le sens à attribuer à cette disposition.

[45]            De plus, et d'une façon plus fondamentale, l'argument de Piedmont laisse supposer que, pour l'application de l'article 44, la portée des droits de négociation du syndicat est définie par la convention collective plutôt que par l'ordonnance d'accréditation. Toutefois, étant donné, comme je l'ai dit, qu'il n'est pas manifestement déraisonnable pour le Conseil de ne pas tenir compte d'une disposition de la convention collective lorsqu'il détermine si une vente d'entreprise a été conclue, le Conseil n'a pas commis d'erreur susceptible de révision en déterminant si des droits de négociation se rattachaient à l'entreprise qui était présumée avoir été vendue par rapport uniquement à l'ordonnance d'accréditation. L'ordonnance d'accréditation n'excluait pas le travail accompli par les employés de Piedmont. Je tiens encore une fois à faire remarquer que cette conclusion n'influe pas sur l'interprétation qu'il convient de donner à la convention collective telle qu'elle a été établie par un arbitre.

[46]            L'avocate s'est fondée sur l'arrêt Beverage Dispensers & Culinary Workers Union, Local 835 c. Terra Nova Motor Inn Ltd., [1975] 2 R.C.S. 749, aux pages 752 et 753, à l'appui de l'argument selon lequel le Conseil a commis une erreur en ne tenant pas compte des dispositions de la convention collective. Dans un jugement rendu en dissidence dans cette affaire-là, Monsieur le juge en chef Laskin a dit que l'ordonnance d'accréditation perdait son objet une fois signée la première convention collective.


[47]            Toutefois, à mon avis, cette remarque n'est pas suffisante pour établir que la décision rendue par le Conseil en l'espèce était manifestement déraisonnable. Le Conseil est assujetti à un cadre législatif différent du régime provincial dont il était question dans l'arrêt Beverage Dispensers, et les contextes factuel et juridique dans lesquels le juge en chef Laskin a fait la remarque en question étaient fort différents de ceux qui sont ici en cause. Contrairement aux commissions de relations de travail provinciales, le Conseil ne considère pas que l'ordonnance d'accréditation perd son objet une fois conclue la première convention collective et que les parties définissent de nouveau l'unité de négociation : Oceanex (1997) Inc. et I.U.O.E., Local 904 (2000), 70 C.L.R.B.R. (2d) 62, à la page 67 (C.C.R.I.). Pour les motifs que j'ai déjà énoncés, il n'était pas manifestement déraisonnable pour le Conseil d'appliquer cette approche aux demandes fondées sur l'article 44.

(iv) La décision du Conseil modifie l'unité de négociation sans qu'une partie ou l'autre en fasse la demande


[48]            En l'absence d'une autorisation législative précise, l'avocate a soutenu qu'il était manifestement déraisonnable pour le Conseil de modifier l'ordonnance d'accréditation en modifiant l'unité de négociation pour le motif qu'elle avait conclu qu'il y avait eu vente partielle d'entreprise. L'ordonnance d'accréditation qui a été rendue pour donner effet à la déclaration que le Conseil a faite en vertu de l'article 44 était différente de l'ordonnance initiale, et ce, pour deux raisons : Piedmont remplaçait U.S. Airways à titre d'employeur et l'ordonnance modifiée s'appliquait uniquement au travail lié au service à la clientèle qui était accompli à Ottawa.

[49]            L'avocate de Piedmont a soutenu que, même si l'article 45 autorise le Conseil à décider si les employés touchés par la vente d'une entreprise constituent une unité ou plusieurs unités habiles à négocier collectivement, cette disposition ne s'applique pas aux faits de la présente espèce parce que ni le syndicat ni l'employeur n'ont demandé au Conseil de déterminer l'habileté à négocier collectivement de l'unité de négociation. L'existence de ce pouvoir exprès conféré à l'article 45 indique que l'article 44 ne devrait pas être interprété comme conférant implicitement le pouvoir de modifier l'unité de négociation lorsque ni l'une ni l'autre partie n'en a fait la demande.

[50]            L'avocate a reconnu que l'article 18.1 du Code confère un large pouvoir au Conseil lorsqu'il s'agit de modifier une ordonnance d'accréditation ou la description d'une unité de négociation figurant dans la convention collective si, de l'avis du Conseil, l'habileté à négocier collectivement de l'unité de négociation l'exige. Toutefois, comme le pouvoir prévu à l'article 45, ce pouvoir peut uniquement être exercé « sur demande de l'employeur ou d'un agent négociateur » et non par le Conseil lui-même.


[51]            L'ordonnance d'accréditation modifiée ici en cause avait pour effet de modifier l'unité de négociation parce qu'elle s'appliquait uniquement au travail antérieurement accompli pour U.S. Airways à Ottawa. Ce qui avait été une seule unité de négociation, composée d'employés à Ottawa, à Montréal, et à Toronto, est devenu deux unités après que le Conseil eut modifié le certificat : l'une pour les employés de Piedmont à Ottawa et l'autre pour les employés d'U.S. Airways, à Montréal et à Toronto.

[52]            Le Conseil a dit qu'une partie peut demander, en vertu de l'article 18.1, une modification de l'unité de négociation avec une déclaration fondée sur l'article 44 : Re Sécur Inc., [2001] D.C.R.I. no 6, au paragraphe 59. Toutefois, en l'espèce, le syndicat n'a pas présenté avec la demande visant l'obtention d'une déclaration fondée sur l'article 44 une demande distincte dans laquelle il invoquait le pouvoir exprès conféré au Conseil en vertu de l'article 18.1 ou de l'article 45 lorsqu'il s'agissait d'examiner l'habileté à négocier collectivement des unités de négociation si la demande que le syndicat avait présentée en vertu de l'article 44 était accueillie. Néanmoins, la demande que le syndicat a présentée en vertu de l'article 44 en vue d'obtenir une déclaration portant que la vente d'une entreprise avait été conclue peut être considérée comme une demande implicite qui était faite au Conseil pour qu'il modifie l'unité de négociation de la façon nécessaire si le Conseil faisait, à la demande du syndicat, la déclaration fondée sur l'article 44.


[53]            À mon avis, il serait indûment formaliste dans un cas comme celui-ci d'obliger un syndicat qui présente une demande fondée sur l'article 44 de soumettre une demande expresse distincte en vue de faire modifier une unité de négociation lorsque la modification résulte simplement de l'octroi par le Conseil de la déclaration qui a été demandée. Étant donné qu'en l'espèce, la modification faisait partie intégrante de la réparation demandée par le syndicat et qu'elle en résultait, elle n'a pas été faite unilatéralement par le Conseil. Comme le Conseil l'a fait remarquer dans la décision Radiomédia Inc. et Les Entreprises de radiodiffusion de la Capitale Inc., division CHRC-CHOI-FM, [1997] D.C.R.T. no 3, au paragraphe 29 :

Dans la mesure où le Conseil conclut qu'il y a bien eu vente d'entreprise en l'espèce, le Conseil n'a d'autre choix que de modifier l'ordonnance d'accréditation concernée pour qu'elle reflète ces changements. Il ne s'agit que de régulariser une situation.

[54]            Par conséquent, je ne puis souscrire à l'avis selon lequel la décision du Conseil était manifestement déraisonnable parce qu'elle modifiait l'unité de négociation sans que l'une ou l'autre des parties en ait fait la demande expresse.

F.         CONCLUSIONS

[55]            Pour les motifs susmentionnés, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire avec dépens.

« John M. Evans »

Juge

« Je souscris aux présents motifs

Marshall Rothstein, juge »

« Je souscris aux présents motifs

B. Malone, juge »

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad.a., LL.L.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                      A-438-01

INTITULÉ :                                                                     Piedmont Airlines Inc.

c.

Métallurgistes unis d'Amérique et autre

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           le 21 janvier 2003

MOTIFS DU JUGEMENT :                                      le juge Evans

Y ONT SOUSCRIT :                                                    le juge Rothstein

le juge Malone

DATE DES MOTIFS :                                                  le 25 mars 2003

COMPARUTIONS :

Mme Patricia Wilson                                                         POUR LA DEMANDERESSE

M. Mark Rowlinson et

M. Robert Champagne                                                     POUR LE DÉFENDEUR

(MUA, local ATC 1976)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Osler, Hoskin et Harcourt

Ottawa (Ontario)                                                               POUR LA DEMANDERESSE

Métallurgistes unis d'Amérique,

local amalgamé des transports                                        POUR LE DÉFENDEUR

communications 1976                                                        (MUA, local ATC 1976)

Toronto (Ontario)


Date : 20030325

Dossier : A-438-01

Ottawa (Ontario), le 25 mars 2003

CORAM :             LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE EVANS

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                 PIEDMONT AIRLINES, INC.

                                                                                                                                 demanderesse

                                                                            et

                                     MÉTALLURGISTES UNIS D'AMÉRIQUE,

LOCAL AMALGAMÉ DES TRANSPORTS COMMUNICATIONS 1976

                                                                                                                                         défendeur

                                                                            et

                                                          U.S. AIRWAYS INC.

                                                                                                                                  défenderesse

                                                                 JUGEMENT

La demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

« Marshall Rothstein »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad.a., LL.L.


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