A-790-95
CORAM : MONSIEUR LE JUGE HUGESSEN
MADAME LE JUGE DESJARDINS
MONSIEUR LE JUGE DÉCARY
Entre :
SA MAJESTÉ LA REINE,
appelante,
- et -
WESBROOK MANAGEMENT LTD.,
intimée.
JUGEMENT
L'appel est rejeté avec dépens.
Signé : James K. Hugessen
________________________________
J.C.A.
Traduction certifiée conforme ________________________________
F. Blais, LL. L.
A-790-95
CORAM : MONSIEUR LE JUGE HUGESSEN
MADAME LE JUGE DESJARDINS
MONSIEUR LE JUGE DÉCARY
Entre :
SA MAJESTÉ LA REINE,
appelante,
- et -
WESBROOK MANAGEMENT LTD.,
intimée.
Audience tenue à Ottawa (Ontario), le mardi 5 novembre 1996
Jugement rendu à l'audience, le 5 novembre 1996
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
PRONONCÉS PAR : LE JUGE HUGESSEN
A-790-95
CORAM : MONSIEUR LE JUGE HUGESSEN
MADAME LE JUGE DESJARDINS
MONSIEUR LE JUGE DÉCARY
Entre :
SA MAJESTÉ LA REINE,
appelante,
- et -
WESBROOK MANAGEMENT LTD.,
intimée.
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
(prononcés à l'audience tenue à Ottawa (Ontario),
le mardi 5 novembre 1996)
Le juge HUGESSEN
Il y a en l'espèce appel formé contre le jugement par lequel le juge suppléant Rowe de la Cour canadienne de l'impôt a fait droit à l'appel de l'intimée et annulé la cotisation établie le 18 février 1992 par le ministre en application des paragraphes 159(2) et (3) de la Loi de l'impôt sur le revenu[1], pour lui réclamer le paiement de la dette fiscale de la compagnie 323466 B.C. Ltd. (désignée ci-après «466») pour l'année d'imposition de cette dernière, clôturée le 7 mai 1988.
Les paragraphes 159(2) et (3) prévoient ce qui suit :
159.(2) Quiconque (à l'exclusion d'un syndic de faillite) est cessionnaire, liquidateur, séquestre, séquestre-gérant, administrateur, exécuteur testamentaire ou une autre personne semblable (appelé «responsable» au présent article), chargé de gérer, liquider ou garder quelque bien, entreprise ou succession d'une autre personne ou de s'en occuper autrement, doit, avant de répartir entre plusieurs personnes ou d'attribuer à une seule des biens sous sa garde en sa qualité de responsable, obtenir du ministre un certificat attestant qu'ont été versés tous les montants
a) dont un contribuable est redevable en vertu de la présente loi pour l'année d'imposition au cours de laquelle il y a répartition ou attribution ou pour une année d'imposition antérieure, et
b) du paiement desquels le responsable est, en cette qualité, redevable ou dont on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'il le devienne,
ou attestant que le ministre a accepté une garantie pour le paiement de ces montants.
(3) Le responsable qui, en cette qualité, répartit entre plusieurs personnes ou attribue à une seule des biens sous sa garde sans le certificat obtenu au paragraphe (2) à l'égard des montants visés à ce paragraphe, est personnellement redevable de ces montants, jusqu'à concurrence de la valeur des biens répartis ou attribués; le ministre peut alors cotiser le responsable de la façon prévue à l'article 152, et cette cotisation a le même effet qu'une cotisation établie en vertu de cet article.
Le juge de la Cour de l'impôt a rendu le jugement susmentionné après avoir répondu par la négative à la question suivante, soumise à sa décision par voie de requête introduite en application de la règle 58(1) des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (Procédure générale)[2] :
«Le ministre du Revenu national (le ministre) est-il investi du pouvoir de cotiser une personne en application du paragraphe 159(3) ou 160(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi) à l'égard de la dette fiscale d'une autre personne, laquelle :
a) n'a jamais fait l'objet d'une cotisation ou nouvelle cotisation; ni
b) ne peut jamais faire l'objet d'une cotisation ou nouvelle cotisation en raison de l'expiration du délai de prescription prévu au paragraphe 152(4)?»
L'appel à la Cour de l'impôt concernait donc la cotisation en date du 18 février 1992, établie par le ministre contre l'intimée en application du paragraphe 159(2) de la Loi, à l'égard de la dette fiscale à laquelle serait tenue 466 pour son année d'imposition clôturée le 7 mai 1988. Les faits de la cause, qui ne sont pas contestés, peuvent se résumer brièvement comme suit.
466 avait été constituée en société sous le régime de la loi dite Company Act de la Colombie-Britannique. En septembre 1988, l'intimée a acquis toutes les actions de 466 et le 28 décembre 1988, elle l'a liquidée et en a réparti les biens. En août 1993, 466 a été rétablie au registre des compagnies en Colombie-Britannique à la demande de l'intimée. Par application du paragraphe 286(2) de la loi Company Act, ce rétablissement fait que 466 est «réputée avoir toujours été en exploitation».
Le 4 novembre 1988, 466, faisant sa déclaration d'impôt pour l'année d'imposition clôturée le 7 mai 1988, a déduit de son revenu de cette année 1 594 828 $ comme étant sa part d'une perte appelée la «perte Grand Bell» tenant à la coentreprise Grand Bell.
Le 9 mars 1989, le ministre, en cotisant 466 pour son année d'imposition clôturée le 7 mai 1988, a confirmé le revenu de la compagnie tel qu'elle l'avait déclaré. Le 28 avril 1989, 466 déposa sa dernière déclaration d'impôt pour la période clôturée le 28 décembre 1988.
Le 4 juillet 1989, le ministre, en cotisant 466 pour son année d'imposition clôturée le 28 décembre 1988, a confirmé le revenu déclaré. À la même occasion, il a établi une nouvelle cotisation pour l'année clôturée le 7 mai 1988 de 466, autorisant le report rétrospectif d'une perte de la dernière année d'imposition, mais sans faire aucun autre changement. Pour résumer, le ministre a autorisé la déduction de la perte Grand Bell à la fois dans la cotisation initiale établie le 9 mars 1989 et dans la nouvelle cotisation établie le 4 juillet 1989. Depuis cette dernière date, il n'a établi contre 466 aucune nouvelle cotisation de façon à rejeter la déduction de la perte Grand Bell, et il ne peut plus le faire maintenant en raison de la prescription légale.
Comme noté supra, le ministre a établi le 18 février 1992 la cotisation en cause, pour réclamer à l'intimée l'impôt et les intérêts auxquels 466 aurait été tenue pour son année d'imposition clôturée le 7 mai 1988 si la déduction de la perte Grand Bell avait été rejetée.
Le principal argument de l'appelante, qui est indubitablement fondé sur le plan juridique, tient que la dette fiscale a sa source dans la Loi de l'impôt sur le revenu elle-même, et non dans une cotisation ou nouvelle cotisation quelconque; v. La Reine c. Simard-Beaudry Inc.[3] :
Quant à son deuxième argument, à savoir que la dette provenant de la nouvelle cotisation du contribuable ne date que du moment où le contribuable est cotisé et que, par conséquent, elle n'existait pas au moment de la convention, la réponse, il me semble, me paraît être que l'économie générale de la Loi de l'impôt sur le revenu veut que ce soit le revenu imposable qui crée la dette du contribuable et non pas la cotisation ou une nouvelle cotisation. La responsabilité d'un contribuable, en effet, provient de la Loi et non de la cotisation. En effet, en principe, la dette existe dès le moment où le revenu est gagné et même si la cotisation survient une ou plusieurs années après que le revenu imposable est gagné, la dette est censée avoir pris naissance à ce moment. Les nouvelles cotisations émises ici, en date du 14 août 1969, pour un revenu gagné dans des années antérieures, me paraissent être, tout au plus, qu'une confirmation ou constatation des montants dus pour ces années antérieures. La cotisation, en effet, à mon sens, ne crée pas la dette mais ne fait, tout au plus, qu'en affirmer son existence.
[motifs prononcés par le juge en chef adjoint Noël]
[page 5515 DTC, 403 C.F.]
[non souligné dans l'original]
Voir aussi le paragraphe 152(3) :
152.(3) Le fait qu'une cotisation est inexacte ou incomplète ou qu'aucune cotisation n'a été faite n'a pas d'effet sur les responsabilités du contribuable à l'égard de l'impôt prévu par la présente Partie.
Il s'ensuit, soutient l'appelante, que l'obligation incombant au «responsable» de l'impôt dû par un autre contribuable sous le régime de la Loi n'est pas subordonnée à l'existence d'une cotisation établie contre ce dernier pour la même somme. Nous serions enclins à en convenir mais étant donné, comme il ressortira des motifs ci-après, que cet argument n'a aucun rapport avec l'appel en instance, nous préférons laisser la question ouverte.
La difficulté qui se présente au ministre en l'espèce et qui exclut l'application du principe ci-dessus tient à ce que 466 a fait l'objet à la fois d'une cotisation et d'une nouvelle cotisation pour son année d'imposition 1988 et, comme il n'y avait ni fraude ni fausse déclaration, aucune autre cotisation n'a pu être établie contre elle après le 9 mars 1992. Une cotisation n'est certes pas la source d'une dette fiscale, mais une fois établie, et si elle n'est pas modifiée par l'autorité compétente, elle a pour effet de fixer cette dette fiscale. C'est ce qui ressort de la décision Terra Nova Properties Ltd. v. Minister of National Revenue[4] :
[TRADUCTION]
Le sophisme qui sous-tend l'argument de l'appelante tient, à mon avis, au défaut de distinguer entre, d'une part, le montant véritable de l'impôt dû par le contribuable pour une année donnée par application des dispositions de fond de la Loi et, d'autre part, la détermination de ce montant par cotisation du ministre, tant qu'elle demeure en vigueur, par jugement de la Commission d'appel de l'impôt, tant qu'il demeure en vigueur, ou par jugement de la Cour, tant qu'il demeure en vigueur, et, en dernier ressort, par jugement de la Cour suprême du Canada. La dette véritable est un montant constant qui ne change pas tant que les faits et les dispositions de fond de la loi ne changent pas. Le montant cotisé, tel qu'il est modifié par décision judiciaire, et qui est le montant que le ministre et tous les autres intéressés doivent tenir pour le montant réel de la dette, peut changer au gré des nouvelles cotisations ou des décisions judiciaires.
[motifs prononcés par le président Jackett]
[page 86]
[non souligné dans l'original]
Tel est également l'effet du paragraphe 152(8) :
152.(8) Sous réserve de modifications qui peuvent y être apportées ou d'annulation qui peut être prononcée lors d'une opposition ou d'un appel fait en vertu de la présente Partie et sous réserve d'une nouvelle cotisation, une cotisation est réputée être valide et exécutoire nonobstant toute erreur, vice de forme ou omission dans cette cotisation ou dans toute procédure s'y rattachant en vertu de la présente loi.
Du moment que la cotisation ne peut plus être modifiée ou annulée sur opposition ou appel et qu'aucune autre cotisation ne peut être établie, elle est réputée être valide et exécutoire vis-à-vis à la fois du contribuable et du ministre. Tel est le cas de la nouvelle cotisation établie le 4 juillet 1989 à l'égard de 466.
Quand bien même il serait possible, comme le soutient l'appelante, pour une personne tenue au paiement de l'impôt dû par une autre de contester la dette de cette dernière bien que celle-ci ne puisse plus le faire elle-même[5], cela ne change en rien au fait qu'une cotisation, tant qu'elle n'est pas validement modifiée, est exécutoire vis-à-vis à la fois du ministre et du contribuable à l'égard duquel elle a été établie.
Il s'ensuit que la dette fiscale de 466 pour l'année d'imposition 1988 ayant été fixée à zéro par la nouvelle cotisation du 4 juillet 1989, la cotisation établie contre l'intimée en application de l'article 159 à l'égard de la dette fiscale de 466 ne pourrait se faire que si le ministre était en mesure de modifier la cotisation de cette dernière par une autre nouvelle cotisation et l'avait effectivement fait. Comme il ne l'a pas fait au sujet de la perte Grand Bell et ne peut le faire maintenant, le juge de la Cour de l'impôt a eu raison de répondre par la négative à la question posée et de faire droit à l'appel de l'intimée.
Il y a lieu de noter que la question soumise au juge de la Cour de l'impôt fait également état de l'article 160. Il appert que cet article n'a aucun rapport avec l'affaire en instance et qu'il ne doit faire partie ni de la question ni de la réponse.
L'appel sera rejeté avec dépens.
Signé : James K. Hugessen
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J.C.A.
Traduction certifiée conforme ________________________________
F. Blais, LL. L.
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
A-790-95
Entre :
SA MAJESTÉ LA REINE,
appelante,
- et -
WESBROOK MANAGEMENT LTD.,
intimée
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
NUMÉRO DU GREFFE : A-790-95
INTITULÉ DE LA CAUSE : La Reine c. Wesbrook Management Ltd.
LIEU DE L'AUDIENCE : Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : 5 novembre 1996
MOTIFS DU JUGEMENT
DE LA COUR(Les juges Hugessen, Desjardins & Décary)
PRONONCÉS À
À L'AUDIENCE PAR : Le juge Hugessen
ONT COMPARU :
M. Max Weder pour l'appelante
M. Warren J.A. Mitchell, c.r. pour l'intimée
Mme Karen R. Sharlow
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
M. George Thomson pour l'appelante
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)
Thorsteinssons pour l'intimée
Vancouver (C.-B.)
[1]S.C. 1970-71-72, ch. 63, modifiée.
[2]DORS/90-688, 1er octobre 1990.
58.(1) Une partie peut demander à la Cour,
a) soit de prononcer, avant l'audience, sur une question de droit soulevée dans une instance si la décision pourrait régler l'instance en totalité ou en partie, abréger substantiellement l'audience ou résulter en une économie substantielle des frais,
…
et la Cour peut rendre jugement en conséquence.
[3]71 DTC 5511, [1971] C.F. 396.
[4][1967] C.T.C. 82.
[5]V. Thorsteinson c. Ministre du Revenu national, 80 DTC 1369.