Date : 20010829
Dossier : A-43-00
Référence neutre : 2001 CAF 253
CORAM : LE JUGE STRAYER
ENTRE :
LE MINISTRE DE L'INDUSTRIE DU CANADA
appelant
et
LE COMMISSAIRE À L'INFORMATION DU CANADA
et PATRICK MCINTYRE
intimés
Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 30 mai 2001.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 29 août 2001.
MOTIFS DU JUGEMENT PAR : LE JUGE EVANS
Y SOUSCRIVENT : LE JUGE STRAYER
LE JUGE DÉCARY
Date : 20010829
Dossier : A-43-00
OTTAWA (ONTARIO), LE 29 AOÛT 2001
CORAM : LE JUGE STRAYER
LE JUGE DÉCARY
LE JUGE EVANS
ENTRE :
LE MINISTRE DE L'INDUSTRIE DU CANADA
appelant
et
LE COMMISSAIRE À L'INFORMATION DU CANADA
et PATRICK MCINTYRE
intimés
JUGEMENT
L'appel est accueilli, avec dépens.
« B.L. Strayer »
Juge
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.
Date : 20010829
Dossier : A-43-00
Référence neutre : 2001 CAF 253
CORAM : LE JUGE STRAYER
LE JUGE DÉCARY
LE JUGE EVANS
ENTRE :
LE MINISTRE DE L'INDUSTRIE DU CANADA
appelant
et
LE COMMISSAIRE À L'INFORMATION DU CANADA
et PATRICK MCINTYRE
intimés
MOTIFS DU JUGEMENT
[1] Le ministre de l'Industrie du Canada fait appel d'une décision de la Section de première instance, maintenant publiée sous l'intitulé Commissaire à l'information (Canada) c. Canada (Ministre de l'Industrie) (2000), 184 F.T.R. 210, dans laquelle le juge des requêtes avait estimé que les pondérations attribuées à divers critères servant à évaluer une demande de licence n'étaient pas soustraites à la communication aux termes de la Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1.
[2] La question principale soulevée dans l'appel est de savoir si les documents établis par les fonctionnaires et renfermant ces pondérations ont cessé d'être exemptés en vertu de l'alinéa 21(1)a), en tant qu' « avis ou recommandations élaborés par ou pour... un ministre de la Couronne » , lorsqu'ils ont été approuvés par le ministre et ont constitué le fondement de sa décision d'attribuer une licence.
[3] L'appel a été entendu immédiatement après les appels regroupés concernant l'affaire Canada (Commissaire à l'information) c. Canada (Ministre de l'Industrie) et l'affaire 3430901 Canada Inc. & Telezone Inc. c. Canada (Ministre de l'Industrie), 2001 CAF 254 (Telezone). Puisque les motifs de la décision rendue dans l'affaire Telezone, précitée, valent pour l'issue du présent appel, il n'est pas nécessaire de les répéter en détail ici.
[4] Dans l'affaire Telezone, précitée, et dans la présente espèce, les renseignements demandés concernaient des décisions du ministre d'attribuer des licences de radiocommunication. En l'espèce, la licence portait sur des créneaux orbitaux destinés à des services directs de satellite de radiodiffusion.
[5] Les processus décisionnels à l'origine des deux affaires paraissent présenter des similitudes. Le processus suivi pour la demande de Telezone est décrit dans les motifs de la décision rendue dans cette affaire, aux paragraphes 9 à 13. Cependant, dans la présente espèce, puisque seule une demande a été jugée conforme aux critères d'admissibilité applicables à la licence, il était inutile pour les fonctionnaires d'effectuer une évaluation comparative. Leur tâche consistait simplement à se demander si le requérant satisfaisait aux critères d'évaluation d'Industrie Canada, et non à faire un classement ou à attribuer des notes.
[6] Après que le groupe de travail eut évalué la demande, il a communiqué ses conclusions et recommandations au jury de sélection, qui à son tour a présenté un rapport au ministre, avec ses recommandations. Le ministre a annoncé l'attribution de la licence au seul requérant admissible.
[7] Les deux parties au présent appel soulèvent les points suivants : la démarche à adopter dans l'interprétation de la Loi, et la norme de contrôle que doit appliquer la Cour lorsqu'elle examine en vertu de l'article 41 ou de l'article 42 le refus du responsable d'une institution fédérale de communiquer un document. L'interprétation de la Loi est examinée aux paragraphes 23 à 27 des motifs de l'arrêt Telezone, précité. Pour les motifs également exposés dans l'arrêt Telezone (aux paragraphes 28 à 41), la Cour doit, comme l'a décidé le juge des requêtes dans la présente affaire (précitée, au paragraphe 17), se demander si le ministre a eu raison de conclure qu'un document en particulier relevait d'une exemption prévue par la loi.
[8] Le juge des requêtes a aussi estimé que les documents établis à l'origine par les fonctionnaires au nom du ministre et contenant les pondérations qu'ils avaient attribuées aux critères constituaient « des avis et recommandations » au sens de l'alinéa 21(1)a), et donc que le ministre avait à juste titre refusé leur communication. Cette conclusion n'a pas été contestée par le Commissaire dans le présent appel, mais la Cour a conclu dans l'arrêt Telezone, précité, aux paragraphes 54 à 64, que les documents semblables étaient exempts en tant qu' « avis et recommandations » . Il n'y a pas eu objection non plus à la conclusion du juge des requêtes selon laquelle le pouvoir discrétionnaire du ministre de refuser la communication de ces documents n'avait pas été illicitement exercé.
[9] Il reste à savoir si les documents contenant les pondérations finales ont cessé d'être exemptés à titre d' « avis et recommandations » après que le ministre eut décidé de les adopter comme fondement de sa décision d'attribuer la licence au requérant. Les parties ont choisi de présenter dans le contexte du présent appel leurs principaux arguments oraux sur ce point, mais la Cour en a disposé dans l'arrêt Telezone, précité, aux paragraphes 65 à 76.
[10] Les documents en litige dans la présente affaire font partie de la version finale d'un jeu d'acétates et d'une note d'information préparés pour l'avis du ministre par des hauts fonctionnaires d'Industrie Canada. Ils indiquent les critères d'évaluation, ainsi que leurs pondérations, devant servir dans l'attribution de licences. Ils ont été examinés avec le ministre et approuvés avant la réception des demandes de licences. Le ministre a communiqué une partie des documents en question.
[11] Les documents encore en litige ne sont pas étiquetés « motifs de décision du ministre » ; il s'agit des documents que les fonctionnaires du ministre ont rédigés. Lorsqu'ils ont été établis, il s'agissait manifestement d' « avis et recommandations » au ministre, au sens de l'alinéa 21(1)a). Pour les motifs exposés dans l'arrêt Telezone, précité, le contenu des documents n'a pas cessé de constituer des avis lorsque le ministre a décidé d'adopter le jeu d'acétates comme fondement de sa décision d'attribuer la licence.
[12] D'ailleurs, l'alinéa 21(2)a) ne soustrait les documents relevant par ailleurs de l'alinéa 21(1)a) que s'ils contiennent un exposé des motifs d'une décision qui est prise dans l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire et qui touche les droits d'une personne. Puisque la décision d'attribuer la licence ne touchait pas les droits de quiconque, l'alinéa 21(2)a) ne s'applique pas. En l'absence d'un document contenant la décision et les motifs du ministre, et distinct de celui contenant les avis, le fait que les avis qu'il contenait ont été acceptés ne modifie pas automatiquement leur nature.
[13] Contrairement au juge des requêtes, je ne puis voir aucune distinction marquée entre les faits de la présente espèce et les faits de l'espèce Telezone, précitée. Par conséquent, je me vois contraint d'exprimer mon désaccord avec sa conclusion selon laquelle, dans la version finalement approuvée, les pondérations sont devenues des décisions du ministre et ont de ce fait cessé d'être des avis.
[14] Ayant conclu que le document contenant les pondérations finales est soustrait à la communication par l'effet de l'alinéa 21(1)a), je dois maintenant me demander si le pouvoir discrétionnaire du ministre de communiquer ou non un document a été exercé d'une manière illicite. Le juge des requêtes ayant conclu que les documents en litige devaient être communiqués, il n'a pas examiné la légalité du refus discrétionnaire du ministre de communiquer des documents que le ministre estimait n'être pas tenu de communiquer. Toutefois, puisque nous avions devant nous les documents pertinents, et puisque les questions ont été consciencieusement plaidées, la Cour peut décider pour elle-même si l'exercice du pouvoir discrétionnaire était licite, sans avoir à renvoyer cet aspect à la Section de première instance. D'ailleurs, pour les motifs exposés dans l'arrêt Telezone, précité, aux paragraphes 82 à 99, les dispositions de l'article 48 de la Loi qui concernent l'inversion de la charge de la preuve ne s'appliquent pas au contrôle de l'exercice du pouvoir discrétionnaire de refuser la communication d'un document exempté.
[15] L'avocat du Commissaire a fait valoir que l'exercice du pouvoir discrétionnaire par M. Trottier, le représentant du ministre, présentait plusieurs vices juridiques. D'abord, il a fondé sa décision sur une directive interne aux fonctionnaires appliquant la Loi sur l'accès à l'information, directive qui adoptait une vue par trop étroite de l'étendue du pouvoir discrétionnaire en prévoyant qu'un document contenant des avis et recommandations devrait être communiqué lorsqu'il est « improbable que sa communication entraîne un dommage ou un préjudice » . (Dossier d'appel, vol. 3, page 632)
[16] Cet argument ne me convainc pas. La phrase invoquée par l'avocat du Commissaire devrait être lue dans son contexte. Elle se présente dans une section de la directive qui traite généralement de l'exemption prévue par l'alinéa 21(1)a). Plus intéressant est le passage subséquent de la directive qui donne un compte rendu plus complet et plus précis des facteurs à prendre en considération avant que le pouvoir discrétionnaire de communiquer un document exempté par cet alinéa ne soit exercé : Dossier d'appel, vol. 3, page 634. À mon avis, lorsqu'elle est lue dans sa totalité, la directive n'impose pas une approche qui procéderait d'une vue erronée du champ du pouvoir discrétionnaire conféré par la loi.
[17] D'ailleurs, M. Trottier a déclaré en contre-interrogatoire (Dossier d'appel, vol. 3, page 552) qu'il avait, « entre autres choses » , tenu compte de la directive, de telle sorte que l'on ne pouvait affirmer qu'il avait restreint l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre en s'appuyant exclusivement sur la directive, sans tenir compte d'autres facteurs.
[18] Deuxièmement, l'avocat a indiqué que la décision de ne pas communiquer les documents contenant les pondérations finales était erronée en droit parce qu'elle était fondée sur un facteur non pertinent. Ainsi, dans une lettre au Commissaire, le sous-ministre adjoint, Droit commercial, affirmait (Dossier d'appel, vol. 3, page 499) que, si les pondérations finales n'avaient pas été communiquées, c'était pour empêcher les requérants futurs de licences de [TRADUCTION] « dénaturer leurs propositions pour qu'elles reflètent ce que, selon eux, le ministère voudrait entendre et non ce qu'ils souhaitent réellement faire » . La lettre mentionnait aussi qu'Industrie Canada souhaitait appliquer de nouveau les mêmes critères et pondérations au moment de solliciter des demandes visant d'autres licences. M. Trottier a confirmé (Dossier d'appel, vol. 3, page 555) que ces considérations avaient effectivement pesé dans sa décision.
[19] Je dois avouer que j'ai du mal à suivre ce raisonnement. D'abord, les requérants futurs ne peuvent avoir aucune garantie qu'Industrie Canada utilisera, pour évaluer leurs demandes, les mêmes critères, avec les mêmes pondérations en pourcentage, que les critères employés antérieurement. Deuxièmement, on serait en droit de penser que, en toute hypothèse, Industrie Canada voudrait que les requérants sachent qu'il attache une importance particulière à un critère donné, afin que les requérants soient en mesure de fournir à propos de ce critère les renseignements les plus complets. Après tout, il est courant que les examinateurs informent les étudiants du coefficient attribué à telle ou telle question, pour leur permettre de répartir leur temps en fonction de l'importance de la question; ne pas fournir ce renseignement pourrait même être considéré comme injuste.
[20] Néanmoins, il n'appartient pas à la Cour de substituer son opinion à celle du représentant du ministre sur la manière dont le pouvoir discrétionnaire prévu par la loi aurait dû être exercé. Et, puisqu'il existe un lien rationnel entre l'importance pour Industrie Canada d'avoir une idée exacte des intentions des requérants et les motifs de l'octroi du pouvoir discrétionnaire, je ne puis conclure que M. Trottier a pris en compte un facteur juridiquement non pertinent lorsqu'il a fondé son refus sur l'idée que lui et ses collègues avaient des conséquences probables de la communication pour la fiabilité des renseignements futurs donnés par les requérants, et sur l'idée qu'il avait de l'effet par conséquent préjudiciable que cela aurait sur la qualité de la décision ultime d'attribuer ou non une licence.
[21] Je ne serais pas non plus disposé à admettre, même si cela avait été plaidé, que le fondement sur lequel le pouvoir discrétionnaire a été exercé a rendu déraisonnable le refus de communication. À mon avis, les motifs de non-communication contenus dans le document permettent au refus de survivre à l' « examen quelque peu inquisiteur » que les tribunaux ont pour mandat d'effectuer lorsqu'ils contrôlent des mesures administratives selon le critère de la décision raisonnable simpliciter : Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, au paragraphe 56.
[22] Ce serait me livrer à des conjectures, peu conformes à la fonction judiciaire, que de contredire l'opinion de fonctionnaires expérimentés lorsqu'ils estiment que la communication de documents risquerait d'amoindrir l'utilité des renseignements que présenteront les requérants futurs de licences. En dernière analyse, l'argument du Commissaire était que, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de ne pas communiquer un document, le ministre avait donné au droit d'accès moins de poids qu'il aurait dû. Cependant, une intervention judiciaire, pour cause de décision déraisonnable, dans l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire de l'administration n'est pas justifiée, à moins que le poids accordé à l'intérêt public dans la non-communication ne soit tout à fait disproportionné avec la nature de la limite qui en résulterait pour le droit d'accès. À mon avis, il n'a pas été prouvé que le pouvoir discrétionnaire du ministre a été exercé d'une manière déraisonnable.
[23] Pour ces motifs, je suis d'avis d'accueil l'appel, avec dépens.
« John M. Evans »
Juge
J'y souscris
B.L. Strayer, juge
J'y souscris
Robert Décary, juge
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
No DU GREFFE : A-43-00
INTITULÉ DE LA CAUSE : LE MINISTRE DE L'INDUSTRIE DU CANADA
appelant
c.
LE COMMISSAIRE À L'INFORMATION DU CANADA et PATRICK MCINTYRE
intimés
LIEU DE L'AUDIENCE : Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : le 30 mai 2001
MOTIFS DU JUGEMENT PAR : le juge Evans
Y ONT SOUSCRIT : le juge Strayer
le juge Décary
DATE DES MOTIFS : le 29 août 2001
ONT COMPARU
Christopher Rupar POUR L'APPELANT
Michael Phelan POUR L'INTIMÉ, LE COMMISSAIRE À
Daniel Brunet L'INFORMATION DU CANADA
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Morris Rosenberg POUR L'APPELANT
Sous-procureur général du Canada
Commissariat à l'information POUR L'INTIMÉ, LE COMMISSAIRE À
Ottawa (Ontario) L'INFORMATION DU CANADA