Date : 20031010
Dossier : A-98-03
Référence : 2003 CAF 376
CORAM : LE JUGE DESJARDINS
ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
appelant
et
CARMEL FORTIN
intimé
Audience tenue à Frédéricton (Nouveau-Brunswick), le 2 octobre 2003.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 10 octobre 2003.
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE DÉCARY
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE DESJARDINS
LE JUGE PELLETIER
Date : 20031010
Dossier : A-98-03
Référence : 2003 CAF 376
CORAM : LE JUGE DESJARDINS
ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
appelant
et
CARMEL FORTIN
intimé
MOTIFS DU JUGEMENT
[1] L'intimé était un fonctionnaire au sein du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Il a été déclaré excédentaire et mis en disponibilité en septembre 1996, après qu'une évaluation par ordre inverse au mérite eût été faite en juillet 1996, en vertu des dispositions du paragraphe 29(1) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.
[2] Le 25 juillet 1996, l'intimé dépose une plainte auprès de la Commission de la fonction publique, dans laquelle il allègue que son évaluation avait été viciée en raison de la présence, sur le comité d'évaluation, d'un ancien superviseur. La plainte est rejetée par la Commission le 2 janvier 1997. Une demande de réouverture d'enquête est également refusée le 25 mai 1999. L'intimé n'a pas recherché en Cour fédérale le contrôle judiciaire de ni l'une ni l'autre de ces décisions.
[3] Le 6 avril 1999, l'intimé dépose un grief en vertu du paragraphe 92(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Il allègue, essentiellement, que le « réaménagement a été une mesure disciplinaire et non budgétaire » et que le processus d'évaluation était vicié en raison de la partialité d'un des membres du comité. Il explique que s'il a « tardé à déposer ce grief, c'est que j'avais confiance au processus engagé auprès de la Commission de la fonction publique » (d.a., p. 27).
[4] L'employeur se dit d'avis que l'arbitre n'a pas compétence. Selon lui, comme le dossier est relié à une démission effectuée dans le cadre d'une réduction des effectifs gérée par la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, le grief ne peut être renvoyé à l'arbitrage, le paragraphe 92(3) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique interdisant « un grief portant sur le licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique » .
[5] Bien que la Loi sur l'emploi dans la fonction publique ne définisse ni n'utilise le mot « licenciement » , il est certain qu'une réduction des effectifs constitue un « licenciement prévu sous » son régime au sens du paragraphe 92(3) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (voir les motifs du juge en chef Jackett dans Wright c. La Commission des relations de travail dans la Fonction publique, [1973] C.F. 765 (C.A.F.) et R. c. Ouimet, [1979] 1 C.F. 55 (C.A.F.) et ceux du juge Pratte dans Canada (Procureur général) c. Penner, [1989] 3 C.F. 429 (C.A.F.)).
[6] Il est acquis, depuis Penner, (supra), que l'arbitre n'a pas compétence pour entendre un grief portant sur un licenciement mais qu'il a compétence, lorsqu'un employé prétend que le licenciement est en réalité le résultat d'une mesure disciplinaire déguisée, pour déterminer s'il s'agit véritablement d'un licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique ou s'il s'agit plutôt d'une mesure disciplinaire déguisée. Dans le premier cas, l'arbitre doit dès lors rejeter le grief pour défaut de compétence. Dans le second cas, il a compétence pour le trancher (voir aussi Canada (Conseil du Trésor) c. Rinaldi (1997), 127 F.T.R. 60; Canada (Attorney General) v. Leonarduzzi, 2001 FCT 529).
[7] L'arbitre, en l'espèce, après un long examen de la preuve, a conclu que « la cessation d'emploi de M. Fortin ne constitue pas un licenciement disciplinaire déguisé et constitue une décision administrative prise de bonne foi et suivant le paragraphe 29(1) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique » (d.a., p. 36).
[8] Le juge de la Cour fédérale saisi de la demande de contrôle judiciaire déposée par l'intimé s'est dit du même avis, sur ce point, que l'arbitre. Cette partie de la décision du juge me paraît inattaquable.
[9] Le juge aurait dû dès lors rejeter la demande de contrôle judiciaire puisque, à l'instar de l'arbitre, il n'avait compétence pour aller plus avant dans l'examen du grief. Mais il a choisi d'aller plus loin, de se pencher sur la question de la validité du processus d'évaluation, de conclure que le processus avait été vicié pour cause d'apparence de partialité et d'accueillir pour ce motif la demande de contrôle judiciaire.
[10] Cet examen et cette conclusion n'étaient pas du ressort du juge. La question avait déjà été tranchée par la Commission de la fonction publique et la décision de cette Commission n'avait fait l'objet d'aucune demande de contrôle judiciaire. Le juge était conscient qu'il s'était engagé sur un territoire qui n'était pas le sien, puisqu'il dira, au paragraphe 67 de ses motifs, que « Lors de l'audience, et bien qu'elle soit hors délai, j'ai fortement suggéré au demandeur de présenter une demande de contrôle judiciaire à l'encontre de la décision de la Commission en date du 2 janvier 1997 rejetant sa plainte » .
[11] Le juge a donc excédé sa compétence en se prononçant sur une question qui n'était pas devant lui.
[12] J'accueillerais l'appel, mais sans frais ainsi que le suggère l'avocate du Procureur général, j'infirmerais la décision du juge de la Cour fédérale et, rendant le jugement qu'il aurait dû rendre, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire et rétablirais ce faisant la décision de l'arbitre.
« Robert Décary »
j.c.a.
« Je suis d'accord.
Alice Desjardins, j.c.a. »
« Je suis d'accord.
J.D. Denis Pelletier, j.c.a. »
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-98-03
INTITULÉ : LE PROCUREUR GÉNÉRALE DU CANADA c. CARMEL FORTIN
LIEU DE L'AUDIENCE : Frédéricton, Nouveau-Brunswick
DATE DE L'AUDIENCE : Le 2 octobre 2003
MOTIFS DU JUGEMENT: Le juge Décary
Y ONT SOUSCRIT: Le juge Desjardins
Le juge Pelletier
DATE DES MOTIFS: Le 10 octobre 2003
COMPARUTIONS :
Me Jennifer Champagne |
POUR L'APPELANT
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M. Carmel Fortin |
POUR L'INTIMÉ |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
Morris Rosenberg Sous-procureur général du Canada Ottawa (Ontario) |
POUR L' APPELANT
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