A-801-95
CORAM :LE JUGE HUGESSEN
LE JUGE STRAYER
LE JUGE DESJARDINS
Entre :
SA MAJESTÉ LA REINE,
appelante,
- et -
CCLC TECHNOLOGIES INC.,
intimée.
AUDIENCE TENUE à Vancouver (C.-B.) le jeudi, 19 septembre 1996.
JUGEMENT RENDU à l'audience le jeudi 19 septembre 1996.
MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR LE JUGE STRAYER.
A-801-95
CORAM :LE JUGE HUGESSEN
LE JUGE STRAYER
LE JUGE DESJARDINS
Entre :
SA MAJESTÉ LA REINE,
appelante,
- et -
CCLC TECHNOLOGIES INC.,
intimée.
MOTIFS DU JUGEMENT
(prononcés à l'audience à Vancouver (C.-B.)
le jeudi 19 septembre 1996)
LE JUGE STRAYER
Le présent appel soulève deux questions.
(1)Les sommes payées par le gouvernement de l'Alberta à l'intimée constituent‑elles une forme «d'aide» versée sous forme de
prime, subvention, prêt à remboursement conditionnel, déduction de l'impôt, allocation de placement ou sous toute autre forme [...]
au sens du sous-alinéa 12(1)x)(iv) de la Loi de l'impôt sur le revenu, dans lequel est défini le revenu, et au sens des paragraphes 127(11.1) et 127(9) dans lesquels sont définis les crédits d'impôt à l'investissement?
(2)Si la réponse à la première question est positive, ces sommes ne devraient‑elles pas néanmoins être exclues du revenu aux termes du sous‑alinéa 12(1)x)(viii) parce qu'elles sont
un paiement fait au titre de l'acquisition par le débiteur [...] d'un droit sur le contribuable, dans son entreprise ou dans son bien [...]?
Pour ce qui a trait à la première question, nous sommes d'avis que les sommes versées à l'intimée constituent une forme d'aide gouvernementale. Dans l'arrêt La Reine c. Consumers Gas Company Ltd.[1], la Cour a mis en contraste «l'aide gouvernementale» et les paiements faits par des organismes publics
exactement de la même manière et pour exactement les mêmes raisons que les paiements faits par les entreprises privées, c'est-à-dire afin de promouvoir les intérêts du payeur.
Dans ce contexte, il est clair que la Cour traitait de paiements effectués afin de promouvoir les intérêts commerciaux du payeur.
En l'espèce, le juge de première instance a cité et appliqué ce passage en le considérant comme la règle établissant que le libellé de la loi concernant «l'aide gouvernementale» n'a pas d'application aux «conventions commerciales ordinaires». Il a conclu que le projet en l'espèce concernait de telles conventions commerciales. Avec respect, nous sommes d'avis qu'en agissant ainsi il a mal interprété l'entente concernant la recherche sur le charbon en vertu de laquelle les paiements ont été faits par le gouvernement de l'Alberta à l'intimée et a commis une erreur en y appliquant les dispositions pertinentes de la Loi de l'impôt sur le revenu. Ce sont là des questions qui justifient à bon droit l'intervention de la Cour.
L'entente, à notre avis, ne constitue pas une convention commerciale ordinaire entre les parties. Le gouvernement de l'Alberta s'est engagé à fournir la technologie et à verser des fonds à l'intimée. Bien que le gouvernement ait obtenu à court terme une participation, il aurait été obligé, si le projet s'était révélé commercialement viable, de vendre sa participation à l'intimée pour une contrepartie équivalant simplement au montant de sa contribution financière, majorée des frais d'intérêt connexes. Si le projet s'avérait n'avoir aucune valeur commerciale, comme ce fut le cas pendant la période en question, le gouvernement n'avait droit à rien, sauf à une participation dans une technologie n'ayant aucune valeur commerciale actuelle. Nous estimons qu'il est impossible de qualifier cette entente de convention commerciale ordinaire. Quelle que soit la valeur de l'entente, du point de vue de la politique publique de l'Alberta, elle ne constitue pas une convention qu'une entreprise accepterait de conclure pour promouvoir ses intérêts commerciaux. Une entreprise qui investirait des fonds dans des projets en acceptant de n'en retirer aucun bénéfice net si ce projet a du succès et de n'en retirer une participation que si l'entreprise n'a pas de valeur commerciale ne survivrait pas longtemps.
Selon le libellé de la Loi de l'impôt sur le revenu, le sous-alinéa 12(1)x)(iv), et la définition de l'expression «aide gouvernementale» donnée au paragraphe 127(9), les paiements gouvernementaux effectués en vertu de l'entente concernant la recherche sur le charbon sont devenus, du fait de la non-commercialisation de cette technologie, une prime, une subvention, un prêt à remboursement conditionnel, ou toute autre forme d'aide semblable.
Nous ne sommes pas non plus convaincus que les différentes formes de surveillance ou de participation relatives à la gestion du projet par les représentants du gouvernement, et prévues dans l'entente, démontrent que le gouvernement a joué un rôle commercial quelconque. À notre avis, ces activités de surveillance et de participation étaient à tout le moins tout autant compatibles avec le rôle d'un mécène prudent qui s'assure lui‑même que sa contribution sera utilisée comme prévu.
La deuxième question à laquelle il faut répondre consiste à déterminer si, pour les fins du sous-alinéa 12(1)x)(viii), ces paiements devraient être considérés comme ayant été faits pour acquérir un droit dans un bien. Il convient de noter que ce sous-alinéa inclut dans le revenu tout paiement qui «ne peut être raisonnablement considéré comme un paiement fait au titre de l'acquisition» du bien du contribuable. Nous sommes incapables de considérer raisonnablement les clauses de l'entente concernant la recherche sur le charbon comme ayant été conçues aux fins de l'acquisition par le gouvernement de l'Alberta d'un droit ou d'une participation dans le bien de l'intimée. Comme il a été noté ci‑dessus, si le projet avait eu du succès, le gouvernement de l'Alberta n'aurait acquis aucun droit de propriété permanent dans une entreprise active : dans cette situation, il aurait plutôt été obligé de vendre sa participation en contrepartie uniquement du remboursement de sa contribution financière majorée des intérêts. Si le projet ne se révélait pas commercialement viable, ce qui s'est produit pendant la période en question, le gouvernement ne conservait qu'une demi-part dans une technologie n'ayant aucune valeur commerciale démontrée. Dans les circonstances, sa contribution a été versée sous forme de prime, subvention, prêt à remboursement conditionnel et ne peut être raisonnablement considérée comme un paiement aux fins de l'acquisition d'un bien.
L'appel est donc accueilli avec dépens, le jugement de la Section de première instance est infirmé, et l'action est rejetée avec dépens.
Original signé par
B.L. Strayer
Juge
Traduction certifiée conforme
François Blais, LL.L.
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
N° du greffe A-801-95
Entre :
SA MAJESTÉ LA REINE,
appelante,
- et -
CCLC TECHNOLOGIES INC.,
intimée.
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
N° DU GREFFE :A-801-95
APPEL FORMÉ CONTRE UN JUGEMENT DE LA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE EN DATE DU 10 NOVEMBRE 1995. N° DE DOSSIER T-3457-90.
INTITULÉ DE LA CAUSE :Sa Majesté la Reine c. CCLC Technologies Inc.
LIEU DE L'AUDIENCE :Vancouver (C.-B.)
DATE DE L'AUDIENCE :le 19 septembre 1996
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : (les juges Hugessen, Strayer et Desjardins)
PRONONCÉS À L'AUDIENCE PAR :le juge Strayer
ONT COMPARU :
M. L.P. Chamber, c.r. pour l'appelante
M. Lorne Greene
M. S.M. Cookpour l'intimée
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
M. George Thomson
Sous-procureur général du Canadapour l'appelante
Thorsteinssons
Vancouver (C.-B)pour l'intimée