Date : 20010214
Dossier : A-320-98
2001 CAF 19
CORAM : LE JUGE DESJARDINS
LE JUGE DÉCARY
LE JUGE LÉTOURNEAU
E n t r e :
E.F. ANTHONY MERCHANT
appelant
et
SA MAJESTÉ LA REINE
intimée
Audience tenue à Saskatoon (Saskatchewan) le mercredi 14 février 2001
Jugement prononcé à l'audience à Saskatoon (Saskatchewan)
le mercredi 14 février 2001
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LE JUGE LÉTOURNEAU
Date : 20010214
Dossier : A-320-98
2001 CAF 19
CORAM : LE JUGE DESJARDINS
LE JUGE DÉCARY
LE JUGE LÉTOURNEAU
E n t r e :
E.F. ANTHONY MERCHANT
appelant
et
SA MAJESTÉ LA REINE
intimée
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
(prononcés à l'audience à Saskatoon (Saskatchewan)
le mercredi 14 février 2001)
LE JUGE LÉTOURNEAU
[1] Le présent appel est mal fondé et il sera rejeté avec dépens.
[2] Dans le présent appel, l'appelant tire dans toutes les directions et il n'est pas nécessaire de passer en revue les 19 moyens d'appel qu'il invoque dans son mémoire des faits et du droit. Par ailleurs, certaines remarques s'imposent.
[3] Le présent appel est interjeté d'un jugement par lequel le juge Bowman, de la Cour canadienne de l'impôt, a accueilli en grande partie l'appel que l'appelant avait interjeté de la nouvelle cotisation que le ministre du Revenu national (le ministre) avait établi relativement au revenu imposable de l'appelant en accordant certaines des déductions réclamées. Malgré le fait que l'appelant a obtenu en partie gain de cause devant la Cour de l'impôt, le juge l'a condamné aux dépens sur la base procureur-client.
[4] Nous sommes d'accord avec cette adjudication des dépens. Le contribuable a eu une conduite inacceptable qui a empêché une véritable vérification de ses réclamations, de sorte qu'une requête en communication préalable est devenue nécessaire. Qui plus est, l'appelant a refusé de se conformer à l'ordonnance de divulgation en ne communiquant pas sur-le-champ les documents demandés ou en violant l'ordonnance qui exigeait qu'il soit précis et qu'il donne des éclaircissements. Il a en effet communiqué une foule de documents dans un tel désordre qu'il était impossible de les comprendre ou de s'en servir. Par exemple, l'appelant a produit une liste énumérant plus de 16 000 points sans fournir de description qui aurait pu aider l'intimée à en comprendre la nature ou la pertinence. En conséquence, la communication préalable, tout comme la procédure de vérification, ont été mises en échec.
[5] L'appelant qui est un avocat et un officier de justice, a soutenu, dans son mémoire des faits et du droit, qu'il n'était pas légalement tenu de collaborer avec Revenu Canada à l'étape de la vérification ou à celle de l'opposition. À l'audience, son nouvel avocat a reconnu qu'il existait une obligation, qui, à son avis, était limitée, de collaborer à l'étape de la vérification, aux termes de l'article 231.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il a également prétendu que le juge de la Cour de l'impôt avait imposé au contribuable une obligation légale de collaborer qui avait eu pour effet de faire peser sur le contribuable un fardeau de preuve plus lourd. Cet argument est mal fondé et l'appelant n'a pas été en mesure de citer un exemple dans lequel une telle situation se serait produite, en supposant évidemment que le juge ait effectivement créé la présumée obligation en question.
[6] Indépendamment de ce que l'obligation de collaborer pouvait être à l'étape de la vérification ou de la question de savoir si une telle obligation existe à l'étape de l'opposition, l'appelant était tenu, en tant que justiciable cherchant à obtenir une réparation devant la Cour de l'impôt, de se conformer aux Règles et de communiquer sa preuve d'une façon convenable. Comme notre Cour l'a déclaré dans l'arrêt Yacyshyn c. Canada, 99 DTC 5133, au paragraphe 13 :
[...] l'époque où une partie pouvait tendre un guet-apens à son adversaire ou le prendre par surprise est heureusement révolue, et une partie à une instance doit dévoiler les éléments de preuve qu'elle entend faire valoir et, en retour, elle a droit à ce que l'autre partie en fasse autant. Cette règle de pratique tout à fait saine a pour but d'assurer l'équité et la célérité des procédures. Aucun tribunal ne peut accepter qu'une partie ne se soumette pas à l'interrogatoire préalable, sans se justifier, ce qui pourrait causer un préjudice à l'autre partie ou retarder indûment les procédures et compromettre un règlement juste. La justice différée est souvent un déni de justice, surtout quand elle est différée sans justification.
Ce principe est encore plus vrai lorsque la partie fautive est celle qui implore le tribunal en vue d'obtenir une réparation.
[7] En l'espèce, il y a des éléments de preuve accablants suivant lesquels l'appelant a littéralement empêché Revenu Canada d'exercer ses fonctions et a rendu impossible le déroulement efficace et ordonné de l'enquête préalable. Revenu Canada a été lésé au point d'être incapable de vérifier de façon régulière et efficace le bien-fondé des prétentions de l'appelant. Par ailleurs, le défaut de l'appelant de collaborer et d'obéir à l'ordonnance de la Cour canadienne de l'impôt a fait en sorte que le juge de la Cour de l'impôt s'est retrouvé dans la position inconfortable et inacceptable de devoir se prononcer sur pratiquement tous les faits alors qu'une première décision aurait légitimement dû être prise à l'étape de la vérification, comme c'est habituellement le cas. Le juge a qualifié la situation de « fouillis » . La Cour a en conséquence perdu une grande partie de son précieux temps à l'examen et à la preuve de dépenses minimes, alors que cette question aurait pu et aurait dû être résolue à une étape antérieure de la procédure. L'appelant a finalement prolongé indûment et inutilement l'audience. Son comportement était inacceptable et justifiait bel et bien une condamnation aux dépens sur la base procureur-client.
[8] L'appelant conteste plusieurs des conclusions de fait que le juge a tirées -- notamment en ce qui concerne la crédibilité -- au sujet des dépenses réclamées. Il voudrait que notre Cour révise les conclusions de fait défavorables tirées par la Cour de l'impôt. Tel n'est pas le rôle de notre Cour sauf, évidemment, si une conclusion de fait contestée est déraisonnable ou a été tirée de façon abusive ou arbitraire. Il n'existe à notre avis aucune conclusion de fait qui justifie notre intervention. Le juge a habilement manoeuvré dans une situation très insatisfaisante et semée d'embûches que l'appelant lui-même a créée et nous n'avons pas l'intention de reconsidérer sa décision.
[9] Nous tenons à dire une dernière chose. Même devant notre Cour, l'appelant a fait preuve d'un manque de respect en faisant fi d'une ordonnance de la Cour et en passant outre à l'article 65 et au paragraphe 70(4) des Règles de la Cour fédérale (1998), qui réglementent la longueur, le format et la disposition des mémoires de fait et du droit.
[10] Le 3 novembre 1998, l'appelant s'est vu refuser la permission de déposer un mémoire des faits et du droit excédant les 30 pages permises par les Règles. Il a ensuite essayé de déposer un mémoire de plus de 30 pages. Aux termes de l'ordonnance prononcée par notre Cour le 21 décembre 1998 en réponse à une requête présentée par l'intimée, le mémoire a été enlevé du dossier de la Cour. L'appelant a été condamné à payer sans délai à l'intimé des dépens de 300 $.
[11] L'appelant a fini par déposer un mémoire de 30 pages. Toutefois, bien que le mémoire compte 30 pages, la taille des caractères est tellement petite et les pages sont tellement pleines, en violation de l'article 65 des Règles, que le mémoire aurait probablement compté au moins 45 pages si les Règles avaient été respectées. Le mémoire contient systématiquement plus que les 30 lignes par page autorisées par les Règles.
[12] De plus, l'appelant a déposé son cahier de jurisprudence et de doctrine à l'ouverture de l'audience. À notre grande consternation, au cours de l'audience, l'appelant a tenté de déposer devant nous, sous couvert de ce qu'il a appelé une « carte routière » à l'usage de la Cour, ce qui correspondait en réalité au mémoire précis que la Cour avait déjà refusé dans les termes les plus nets le 21 décembre 1998. Ce comportement est inacceptable de la part d'un officier de justice.
[13] L'appel sera rejeté avec dépens. Eu égard aux circonstances, les dépens devraient être taxés conformément à la colonne V du tableau du tarif B.
« Gilles Létourneau »
J.C.A.
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad. a.
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
No DU GREFFE : A-320-98
INTITULÉ DE LA CAUSE : E.F. ANTHONY MERCHANT c. SA MAJESTÉ LA REINE
DATE DE L'AUDIENCE : Saskatoon (Saskatchewan)
LIEU DE L'AUDIENCE : Le 15 février 2001
MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS À L'AUDIENCE par le juge Létourneau,
avec l'appui du juge Desjardins et du juge Décary
ONT COMPARU :
Me Curtis R. Stewart pour l'appelant
Mes Tracy Harwood-Jones pour l'intimée
et Robert Gosman
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
Bennett Jones pour l'appelant
Calgary (Alberta)
Me Morris Rosenberg pour l'intimée
Sous-procureur général du Canada